Chapitre Cinq
Mayra
Je suis coupée dans mon élan. Un des locataires de mes grands-parents attend en compagnie d'Adaline en fumant une cigarette. Ils semblent plongés dans une conversation tendue. Comme à son habitude, mon amie est habillée d'une splendide robe courte parfaitement accordée à sa chevelure et son grain de peau de porcelaine parfait. Amaury est, lui aussi, très bien habillé avec son chino et son polo lisses et taillés pour sa carrure imposante.
Amaury porte son regard sombre sur moi, il est visiblement surpris. Puis son visage assombri par une barbe de quelques jours se ferme. Il est plutôt bel homme, même si je les préfère dans le genre plus souriant et moins menaçant, j'ai assez donné.
- Mayra ! s'exclame Adaline. Tu m'as manquée !
Elle ne prend pas gare à mon épaule et me sert fort dans ses bras. Je grimace en tentant de ravaler les larmes et la nausée provoquée par la douleur.
- Oh pardon ! Je suis vraiment désolée... Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?
- Tu connais ma maladresse légendaire... Je me suis pris les pieds et j'ai mal atterri dans ma chute.
Ada rit franchement :
- Tu m'impressionneras toujours, tu parcours le monde sans une seule blessure ou maladie et le peu que tu es en France, tu te blesses.
Je suis mal à l'aise... Cette fois ce n'est pas pareil, ce n'est pas mon ex-compagnon qui est responsable des blessures... Je tente de garder le sourire :
- Ça va aller, la rassuré-je, c'est une histoire de quelques semaines.
Mon amie est triste pour moi, je n'aime pas particulièrement ça. Alors pour qu'elle arrête de se concentrer sur moi, je dévie la conversation sur la route que nous devons faire en heure de pointe.
- Bien dit ! s'exclame Amaury en grimpant à l'arrière du véhicule.
- Il ne monte pas devant ?
- Tu es blessée chérie, tu seras plus confortable à côté de moi. Et cette andouille qui ne daigne même pas te saluer est mon frère, Amaury.
- La vie est étrange puisque le locataire de mes grands-parents et ton frère sont la même et unique personne, raillé-je. On s'est vu toute à l'heure en fait.
- Ah oui ? ça ne m'étonne pas qu'il loue leur mas, c'est exactement ce qu'il aime.
Amaury baisse la vitre de la voiture :
- Je croyais qu'on était pressés, marmonne-t-il les yeux rivés sur son téléphone.
- Monsieur commence à avoir faim, s'amuse Ada.
Je monte alors dans le véhicule luxueux de mon amie. Tout une vie nous sépare, rien ne nous destinait à nous rencontrer toutes les deux. Elle est née avec une cuillère dorée dans la bouche, moi je suis née littéralement avec de la merde collée aux baskets... Elle fréquentait dès son plus jeune âge les hôtels plus luxueux les uns que les autres, moi j'ai fréquenté les bidonvilles aux pieds de ces mêmes palaces.
Pourtant nous nous entendons à merveille, nous nous accordons sur beaucoup de chose. Je ne peux pas lui en vouloir d'être née dans une famille favorisée comme je n'en veux pas à la vie pour avoir vu le jour sous un pont rempli de merde.
Adaline me raconte ses déboires d'essayage de robe et les tensions qui en résultent entre sa mère, sa grand-mère et sa marraine. Les sessions se terminent le plus souvent dans les larmes.
- J'aimerais que tu sois présente la semaine prochaine, elles ne se comporteront pas de cette manière et tu ne te laisseras pas marcher sur les pieds.
- Ada, je n'ai pas envie de me retrouver coincée entre les trois matriarches de ta famille...
J'espérais m'être éloignée assez longtemps pour échapper à tout ça... Son regard est suppliant aussi je ne peux pas résister, après tout je suis demoiselle d'honneur et je me dois de la soutenir face à cette terrible épreuve qu'est la préparation du mariage.
- Bon d'accord... Tu me rappelleras l'heure.
- Je viendrais te chercher, tu ne peux pas conduire.
- Tu sais, d'ici trois jours je suis derrière le volant.
Ce n'est pas une épaule luxée qui va m'empêcher de bouger. J'ai besoin d'air, je ne tiens pas en place chez moi. En réalité j'ai du mal à tenir au même endroit plus de deux heures. Je ne sais même pas comment j'ai pu obtenir mes diplômes...
- Tu as trouvé tes chaussures pour la soirée des fiançailles ?
- Oui ! Elles sont magnifiques !
- Si je me souviens bien, ta robe est dorée ?
- Chut ! Amaury t'entend.
Je me retourne sur son frère ainé, il est si concentré que je ne suis pas sûre qu'il capte réellement notre conversation. Elle veut faire tout autant la surprise pour ses fiançailles que pour son mariage.
- Elles sont en velours bleu roi, les talons et les semelles sont dorés et l'arrière de la chaussure porte un bijou de perle et de dorure.
Elle est en plein extase. Personnellement cela ne me fait pas rêver, mais je partage son bonheur avec grand plaisir. C'est le rôle d'une amie.
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