Chapitre 1.1
Et Dieu sépara la lumière des ténèbres et bâtit sa maison dans la première.
Comme chaque jour dédié aux prières, ma grand-mère et moi assistons à la messe. Nous ne sommes pas en avance et, comme toujours, mamina me sermonne en pressant le pas. Je ne peux que suivre son rythme saccadé.
— Aelah, cesse de rêvasser, nous n'aurons plus aucune place digne de ce nom si tu continues de lambiner.
Jamais nous ne ratons l'office de notre paroisse, célébrée le samedi, le dimanche et les jours fériés. De toute façon, toute absence doit se justifier au risque de recevoir un blâme public et je ne m'y risquerai pas. Fervente croyante, tout comme ma grand-mère, active au sein de notre petite communauté religieuse, je n'ai pourtant pas le droit à la moindre erreur. Dieu seul sait pour quelle raison, je suis ce que l'on appelle une aberration, un être impur. Alors, pour me montrer digne de ma foi, je me dois d'être parfaite.
Mais, je ne suis pas inquiète, nous ne sommes pas en retard et croisons beaucoup de fidèles sur le chemin. D'ailleurs, avec ma chance habituelle, je ne m'étonne pas de tomber sur la famille d'Anne Aimée Vanhoffle. Elle suit sa mère, qui vient à notre rencontre, un air hautain vissé sur le visage.
— À Dieu, Marise Yéléna. Comment allez-vous ? Il fait une chaleur étouffante, ne trouvez-vous pas ?
— Je vous recommande à lui aussi, Anne Solange. Profitons de ces bons jours que notre Seigneur nous offre.
— Aimée, ma chérie, ne saluez-vous pas Yéléna ?
— À Dieu, répondit-elle en me méprisant du regard.
C'est toujours ainsi, l'aberration n'a pas le droit aux politesses d'usages. Je n'y prête plus attention. Voilà longtemps que je me suis faite à cette exclusion. Pourtant, contre toute attente, Anne Solange pose un regard sur moi et soupire, comme si elle éprouvait de la compassion à mon égard. Par habitude et pour éviter de subir une énième déception, je demeure impassible.
— Vous êtes si bonne de vous occuper de cette enfant. J'ignore si j'aurais eu votre force face à la honte qu'a subie la Maison des Marises.
— Vous vous dévalorisez, Solange. Tous le monde sait que votre Maison peut faire preuve d'ingéniosité lorsqu'il s'agit d'affronter un scandale.
L'espace d'une seconde, je jubile, avant de me reprocher cet écart de conduite. Mamina est bonne avec les gens, mais possède aussi cette faculté incroyable de les remettre à leur place sans jamais dépasser les limites. Je l'admire pour ça.
Solange garde le sourire avant d'incliner la tête en signe de respect.
— Que Dieu vous garde, Yéléna.
Elles ne laissent pas le temps à ma grand-mère de répondre qu'elles sont déjà parties.
Mamina s'autorise un soupir de lassitude.
— Je suis désolée...
Devant mes excuses, elle regagne rapidement sa vivacité.
— Ne traînons pas, veux-tu.
Nous pressons à nouveau le pas.
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