Chapitre 4
Chloé s'approcha rapidement d'eux, leur ôtant les masques à gaz qu'ils portaient sur eux afin de le mettre directement et de prendre une grande inspiration, soulagée. Elle m'en lança un que je ratais de peu. C'est à cet instant que je compris son geste. L'air était tellement fourni en dioxyde de carbone qu'il nous affaiblissait à petit feu, réduisant nos capacités motrices et entraînant une sensation d'épuisement et de difficulté à respirer. J'enfilai le masque et pris une inspiration libérante.
-Tu penses que c'est juste la zone alimentée par le Nexus qui est comme ça ? Vu qu'il est mourant ça serait le plus cohérent…
-Si l'air avait été respirable, je t'aurais dit oui sans hésitation, répondit la militaire. En revanche, dans notre cas, soit l'air est pollué par quelque chose qui relâche une grande quantité de CO2 dans les alentours, soit c'est le monde entier qui est dans cet état. Pour être honnête, j'espère que c'est la première hypothèse sinon, s'en est fini de nous… Cependant, maintenant qu'on est dehors, c'est quoi ton plan petit génie ?
-Justement, j'allais y venir ! Il semblerait que tu connaisses bien la localisation de la base de l'Organisation donc pourrais-tu nous conduire à la ville la plus proche afin qu'on puisse trouver du matériel ?
-Oui bien-sûr ! Avec plaisir, s'exclama-t-elle d'un air faussement joyeux. Auras-tu grillé tous tes neurones ? A moins que ton génie n'était qu'une connexion rarissime de ceux-ci ? Les Nexus sont indépendants de l'espace, on peut être en France, en Russie ou bien même en Australie ! Je ne peux pas savoir ce qu'il y a hors des limites de la forêt. Enfin l'ancienne forêt…
Il était difficile de s'imaginer une forêt florissante à cet instant en regardant le paysage, ni même le lieu où on était. La seule chose qu'on pouvait sentir était la chaleur du soleil tapant sur notre peau comme dans un four ayant tout juste finit étape préchauffage. La mine attristée de Chloé lorsqu'un arbre s'effrita à son touché trahissait son inquiétude et son empathie à l'égard du Nexus.
-Ne t'inquiète pas, faut juste qu'on ne traîne pas et tout va bien se passer. Combien de temps ça nous prendra pour sortir de la forêt ?
-Sans véhicule ? Entre une heure et demie et deux heures… Tout dépendra de notre vitesse de marche.
Je hochai la tête et la militaire commença à avancer dans une direction en silence. Elle avait d'un pas rythmé par automatisme, la rendant rapide. Il n'y avait plus aucun obstacle sur le chemin qui aurait pu ralentir notre traversée puisque ceux-ci avaient tous fini par être transformés en cendre ou en poussière. En revanche, cette transformation rendait chaque pas un peu plus épuisant puisqu'elle forçait nos muscles à donner encore plus. Je n'étais pas un grand sportif par nature, et cette épreuve que ma camarade semblait relever avec facilité était pour moi une torture infâme. Au fil du temps, chaque pas était plus douloureux que le précédent puisque mes muscles se tétanisaient au moindre effort. Mon mollet se déchirait à chaque mouvement, m'arrachant des grimaces de douleur. Mais on ne pouvait pas s'arrêter, pas tant que nous n'avions pas un moyen d'avancer plus vite. On ne s'arrêta qu'à la fin des jolis arbres façonnés de cendre. A partir de cette limite, le reste du monde était inconnu mais également méconnaissable. On était face à une étendue de cendre et de poussière décorée de squelettes de toutes tailles et de toutes espèces. Mes yeux s'équarquillèrent, marquant ma surprise, quand je vis une ombre d'un blanc lumineux au loin. Je ne parvint pas réellement à expliquer ce que je voyais mis à part ces deux point bleu que je supposait être des yeux jusqu'à qu'elle ouvre légèrement la gueule pour que sa voix sonne en écho dans mon esprit : "Si l'Homme n'a aucun instinct d'orientation, ce n'est pas le cas des animaux." Son apparence se nettifiait alors que la Renarde Originelle nous tourna le dos pour avancer d'un pas assuré en direction de l'horizon.
-Attends nous, hurlai-je en m'empressant de courir à sa suite ayant retrouvé toute mon énergie et ma condition physique.
Chloé se dépêcha de me rattraper, ne s'expliquant pas mon regain d'énergie ni même à qui je m'adressais. Elle en songeait que la folie avait eu raison de moi et qu'il ne restait plus rien à faire à part attendre que je cesse mes hallucinations. Le détail qui pencha en ma faveur était la forme citadine qui se sculptait derrière le nuage de poussière. La Renarde galopait jusqu'à ce qu'elle se retrouve dans les rues poussiéreuses et désertées d'une ville que je connaissais bien. Elle était familièrement petite, tout le monde s'y connaissait. Le garage, le boucher, le boulanger, le médecin, la doyenne du village… Et enfin, au fond de la ruelle, Sasha, papa et maman. La ville entière était méconnaissable, usée par le temps et sûrement bien d'autre chose que je ne parvenais pas à m'expliquer au vue de ruines qui annonçait la présence des anciens bâtiments. La Renarde s'était immobilisée devant ce qui était anciennement ma maison, m'attendant pour avancer patiemment à mes côtés. C'est enfin que je compris la difficulté qu'avait Chloé à voir le Nexus mourant à petit feu. Même dans mes souvenirs les plus lointains, cette ville débordait d'énergie et de vie. Le silence qui y régnait était pesant et détruisait ma joie d'avoir revu la dernière personne qui me reliait à mon monde d'origine. J'appelais faiblement ma sœur, espérant entendre sa voix s'élever quelque part alors que j'avançais lentement, traversant l'ancienne palissade blanche qui n'était plus. Je voulais entendre son rire joyeux me faire rêver encore une fois. Mes yeux se perdirent sur le trout béant dans le toit et les murs qui s'affaissaient vers l'intérieur. Je pris le risque d'ouvrir la porte pour franchir le hall complètement abandonné, cherchant à rejoindre le salon. Il était dans un chaos comparable à l'état des bureaux de l'Organisation. Je sentis mon coeur ralentir peu à peu, alors que je regardais autour de moi ce lieu comme si il n'avait plus rien de celui d'autrefois. Je regains la cuisine en priant pour sentir l'odeur qui s'élevait dans la maison lorsqu'elle cuisinait ses pâtisseries avec l'aide de maman. Mais ce n'était qu'une salle couverte de moisissures et de fissures. Le monde devenait flou autour de moi jusqu'à ce qu'il me semblait être plus lumineux à travers mes yeux embrumés de désespoir.
-TIMMY ! À TABLE !
La réalité me rappela à une vitesse fulgurante. Elle était face à moi, un plat de gâteau au chocolat prêt à être enfourné dans les mains. Je me frottais les orbites pour chasser ce mirage au plus vite mais Sasha était bien là, devant moi. Elle avait ce jolis tablier blanc avec des fraises roses dessus. Ses cheveux bruns clairs étaient attachés en chignon et son teint bronzé semblait plus vrai que nature. Elle fixait les escaliers menant au grenier, là où j'avais décidé de loger pour des raisons évidentes de place et d'inspiration. Un poid apparut sur mon épaule, me poussant à détacher le regard de Sasha. "Je sais ce que cela peut faire de perdre un proche, fit la renarde posée sur mon épaule. Ce cadeau est éphémère alors profite en avant qu'il ne s'éteigne." Ma main se porta toute seule vers la tête de la renarde pour la lui caresser. Son poids disparu ainsi que son apparence entière, me laissant seule avec ma petite sœur. Je m'installai à ma place en souriant doucement alors que Chloé entra dans la maison, bouche bée de voir autant de vie.
-Ah bah enfin ! Les lasagnes ont manqué d'être froide, enchaîna-t-elle en apportant le plat maladroitement sur la table afin de nous servir.
-Roh, ça va.. J'étais en train de réfléchir à un truc !
-Et qu'était-ce pour être si important que tu ne vois même pas le temps passer et ta sœur chérie t'appeler ?
-Ah. Ah. Et ah. J'aimerais bien décorer ma chambre avec des plantes, ça apporterait un peu de vie… seulement, expliquai-je en jouant avec la nourriture dans mon assiette, je n'ai pas la moindre idée de où en trouver ni comment les entretenir…
- Pourquoi tu ne demandes pas à madame Fontinelle ? Elle a plein de plantes en tout genre et je paris qu'elle t'en donnerait volontiers ! Et pour l'entretien, de l'eau, de l'engrais, de la terre, de la lumière et de l'amour ! Tu sais ce truc que tu cernes pas très bien ?
J'échappai un sourire à sa taquinerie puisqu'elle était loin d'être fausse. Je la remerciai d'un grand câlin en la faisant décoller du sol, ce que je savais allait la faire crier. On était prêt à repartir lorsque j'attrapai le poignet de ma sœur et posa nos fronts l'un contre l'autre.
-Ne t'inquiète pas soeurette, tu vas en arriver à bout de ta putain de maladie. Et lorsque tout sera fini, on ira fêter ça ! On ira voir les étoiles filantes, les feux d'artifices, les cascades et les plages à l'eau tropicale.
Plus j'avançais dans mes paroles, plus elle disparaissait à petits feux, ne laissant plus que la solitude et les larmes. J'avais du bien passer une bonne heure à pleurer à genoux sur le sol. Qu'avait fait-je ? En acceptant leur putain d'emploi, j'avais perdu tous mes repères… Chloé fut d'un réconfort plaisant mais la raison qui me poussa à continuer cette expédition était l'envie de revoir Sasha saine et sauve. Je sortis de la maison d'un pas décidé, Chloé roulant des yeux derrière moi. Comme je l'ai déjà dit précédemment, tout le monde connaissait tout le monde et bien que j'étais une véritable ermite dans le village. Je n'échappais pas à cette exception. Je connaissais chaque maison, chaque rue, chaque affiche de cette ville par cœur. Je savais très bien où habitait madame Fontinelle, mais plus important encore, là où elle pouvait cacher son matériel de jardinage. Sa maison était la troisième sur la droite sur la calle Del Capitán Fernández. Enfin… La troisième ruine aurait été un meilleur terme à cet instant précis. Cette fois-ci, le muret était encore bien intact, ce qui ne nous arrangeait pas vraiment. Il fallait l'escalader et ce rempart était extrêmement haut ce qui le rendait infranchissa… Visiblement ce n'était pas l'avis de ma coéquipière qui se retrouva de l'autre côté en deux ou trois mouvements. Au bout de cinq ou dix minutes, elle me hurla de m'éloigner du mur puis l'explosa avec un pied de biche. Je la dévisageais de haut en bas, ne la croyant vraiment pas capable de faire ça. Nous nous avançâmes dans le jardin mort et vide au fond duquel j'étais heureux de trouver la petite bâtisse qui semblait avoir survécu malgré la fatigue. C'est en forçant la porte du cabanon sans grande difficulté que je me dis alors que ma première mission était bien moins stylée que celle de mes deux amies. Celle d'Aiden avait consisté à trouver un livre d'enchantement perdu depuis des siècles et de le déchiffrer pour lutter contre un démon provenant tout droit de l'imaginaire d'un enfant surnaturel dépressif et celle d'Ambre était de mettre la main sur son artéfact qui lui avait été volé depuis des siècles afin d'empêcher un humain psychopathe de contrôler toute l'humanité. Si on résumait bien, ma quête était de faire de la jardinerie pour pouvoir rentrer chez moi après avoir fait une fausse manipulation. La porte s'ouvrit sur un amas de poussière qui nous fit faire un saut en arrière. L'intérieur était en bien meilleur état que tout ce que j'ai vu jusqu'à présent. Les plantes étaient certe morte mais elles ne s'envolaient pas en poussière lorsqu'on effleurait leurs feuilles. On avait tout le matériel nécessaire pour du jardinage et c'est en scrutant la pièce que je tombais sur un sac de terreaux hermétiquement fermé. Chloé et moi échangions un regard lourd de sens suite à cette découverte et ce fut elle qui, à l'aide d'un outil pointue traînant, effectua une petite entaille dans le sac de manière à vérifier l'état du contenue. Elle plongea sa main dans le sac, sourit doucement puis la sortit afin de constater par elle-même la terre riche. J’échappai un cri de joie et d’espoir que Chloé s’empressa d’interrompre :
-Ne te réjouis pas si vite, on a pas encore tout ce dont on a besoin pour la culture. De plus, sans moyen de transport, on mettra minimum deux ou trois jours, en étant optimiste sur tes capacités, pour ne serait-ce que revenir au Nexus.
-Alors je sais que je ne suis pas très musclé mais tu exagères ! m'offusquai-je en m'approchant des sacs. Je peux très bien en porter quelques-uns.
J'attrapai un sac fermer en m'accroupissant puis me retrouva bien ridiculisé lorsque je fus incapable de le faire décoller du sol.
-Tu as raison, répondit-elle avec un rictus amusé, j'ai exagéré… on est plus vers une centaine de jours ! Le temps que tu prennes suffisamment de muscles pour en porter un déjà.
Je lui lança un regard lourd qu'elle croisa en ricanant sadiquement. Notre échange se terminant, nous reprenions notre exploration du cabanon. Rien de plus ne pouvait nous intéresser mise à part une petite brouette rouillée dont la vieille peinture verte s'écaillait. Elle poussait un cri strident à chaque fois que sa roue crevée avançait, nous déchirant les tympans. Le poids des sacs de terreaux se rajoutant, elle en devint encore plus bruyante, la rendant insoutenable à déplacer. C'est en regardant fixement la brouette, comme si elle allait miraculeusement se dérouiller toute seule, que mon idée vint s'éclater contre mon visage… Ou bien était-ce ma main à l'évidence dont cette révélation faisait preuve. Je sortis de la structure et retournai errer dans les rues. Je forçais ma mémoire à travailler jusqu’à me souvenir à la perfection de l’emplacement du garage. Le parking devant la structure était fissuré et les bandes indiquant les places étaient presque imperceptibles. C’était un grand bâtiment en béton qui était surplombé de tuiles en métal rouillées. Il n’y avait qu’une seule fenêtre située à l’étage à l’arrière du bâtiment, complètement inaccessible. La porte coulissante était légèrement entrebâillée, me permettant de jeter un coup d'œil à l'intérieur dont l’obscurité me permettait seulement de discerner des ombres dont une me questionnant sur la présence d’une potentielle voiture. Cette trouvaille pourrait bien nous être très utile surtout si elle pouvait fonctionner. J’essayai de passer par l’ouverture mais le passage était trop petit pour moi et encore plus pour Chloé. Je saisis la porte et utilise tout mon poids pour la faire coulisser et agrandir le passage. Elle ne bougea pas d’un pouce. L’idée de faire fondre la porte avec les pouvoirs de ma colocataire me traversa brièvement l’esprit mais on aurait été bien embêté pour sortir la voiture sans l'abîmer si elle pouvait fonctionner. Une autre solution me vint en tête, me faisant encore une fois faire un détour pour avoir, cette fois, de l’huile pour débloquer la porte. Je courais comme un débile en direction du magasin le plus proche. La transparence de la grande baie vitrée était brouillée par la poussière intérieure. La porte était verrouillée, mais le volet de sécurité était toujours en remonté. Je chercha rapidement par terre un objet à balancer pour éclater la vitre et attrapa le plus gros caillou que je pouvais et m'éloignais de la vitre pour éviter de recevoir soit le retour du projectile, soit les débris de verre. Je la lançai de toutes mes forces et, comme je m’en doutais, l’impact fissura la vitre mais ne la brisa pas. En revanche, la pierre s’était émiettée après le choc. J’en attrapa une autre et la lança avec la même force que la précédente. Elle s'écrasa contre la vitre à quelques millimètres du premier impact, laissant une grande fissure fendre le verre. Elle avait suffisamment été fragilisée pour que je la détruise au poing. Mais c’était surtout parce que je n’avais plus de cailloux à disposition. Je cherchais autour de moi un tissu suffisamment épais pour éviter que je me retrouve avec du verre dans la main mais rien. Mes yeux descendirent tout seul vers mon sweat adoré qui m’avait accompagné tout ce temps, dans toute mes aventures. Il était hors de question qu’il me serve de vulgaire bout de tissu ! Je l’ota le coinça entre mes genoux le temps que je retire mon tee-shirt et me rhabilla de mon sweat préféré pour que mon tee-shirt me serve de gant pour briser la vitre. Je l’enroulai grossièrement autour de ma main, recula pour prendre de l’élan et frappa la vitre qui céda instantanément. Ce fut en enjambant le verre brisé qu’une douleur discrète m’indiqua que je m’étais entaillé le mollet. Je soupira d’agacement et circula rapidement dans les rayons pour trouver de l’huile et désormais aussi du bandage. La bonne nouvelle était que j'avais trouvé du bandage, la mauvaise qu'il n'y avait pas d'huile… Je soupirai, cherchant désespérément tout ce qui pouvait contenir de la graisse de près ou de loin puis me résiliai a retourner devant le bâtiment, ne trouvant rien de concluant. J'étais face à une impasse et la seule solution qui m'apparut était que, comme lorsque cela c'était produit à l'école, je puisse être capable de reprendre la forme de la renarde afin de me faufiler. Cependant, l'inconvénient principale était que je n'avais pas le masque qui m'avais permis cette transformation… "Le masque ne t'a transformé uniquement le temps de la fusion de nos esprits, résonna sa voix au fond de mon être. En revanche, tu es tout à fait capable de te prendre une forme de renard à ta guise. Ça tient de la même provenance que tes flammes."
-Et tu n'aurais pas pu me dire ça plus tôt, ralai-je, avant que je ne l'entaille la jambe par exemple ou que je cours chercher des affaires au magasin ?
"J'avais besoin de me reposer, je suis encore très brider, encore plus quand le masque est loin de moi. La douleur circulante m'a réveillé…"
-Le masque contient toujours une partie de tes pouvoirs, j'ai juste ? Plus on s'en éloigne, plus tu vas être épuisée…
"Tu as tout compris" fit la voix de plus en plus lointaine de la renarde.
-Repose-toi. Je vais me débrouiller, ne t'inquiètes pas.
La renarde replongea dans son sommeil, me laissant seul avec la solution sans connaissance de comment l'appliquer. Enfin… ce n'était pas tout à fait vrai… Je savais maladroitement utiliser mon mana, mais je ne savais pas comment me transformer. Je supposai donc que ce n'était pas bien différent de la création du feu, c'est-à-dire, que chacun a sa propre méthode. Je fermai donc les yeux, me concentrant sur chaque os, nerfs et muscles. Je les observais mentalement se déformer, rétrécir et même s'agrandir pour devenir les mêmes qu'un renard. Un picotement parcourut ma chair, me poussant à ouvrir les yeux pour constater que la taille du monde m'entourant avait amplement augmenté. Mon regard se porta sur mes membres désormais pourvu d'une fourrure sombre interrompue par trois bandes de différentes teintes de sable à flammes. Une immense queue en dégradé feu balayait le sol de ses poils touffus. J'eus l'instinct humain d'avancer mes deux pattes arrières pour me déplacer mais, je me rendis vite compte de la complexité même de se déplacer. Ce n'était pas un mouvement inné mais bien un geste mécanique que je devais appliquer consciemment jusqu'à ce qu'il s'infiltre dans mon inconscience et reste gravé dans ma mémoire. C'est donc d'un pas chancelant que je franchis la porte du hangar. Etonnament, ma vue ne semblait pas s'habituer à l’obscurité, cette vue était même pire que lorsque j’étais dans ma forme naturelle. J’avais beau plisser des yeux le plus fort possible et attendre tout le temps du monde, c’était comme si j’avais un tissu épais couvrant mes yeux. Un grognement d’agacement sortit tout seul de ma petite gueule alors que je tentais maladroitement d’avancer à taton suivit d’un crépitement derrière moi qui me fit faire volte face en un bond immense. J’essayais désespérément de voir d’où pouvait venir ce bruit d’étincelles malgré le contre-jour de l’ouverture. Il n’y avait rien… J’émis un léger grognement pour paraître menaçant et un nouveau bruit retentit seulement, cette fois, je fus capable de me retourner à temps pour voir les quelques étincelles crépiter tout près de moi. Il ne me fallut pas un tour de plus pour comprendre que ce phénomène provenait de moi, ou plus précisément de ma queue. Je recommençais à grogner, cette fois-ci en fixant ma queue pour revoir les étincelles se produire encore une fois. Mais rien. Je retroussai légèrement les babines, réflexe que j’avais de faire la grimace à chaque fois que je ne comprends pas quelque chose. Je m’assis et la rabattu sur mes pattes, lorsque les étincelles revinrent. J’arrêtai tout mouvement, l’éloignai pour la rapprocher afin d’être sûr de ma théorie. Lors du frottement avec le sol, la queue de renard crépitait légèrement comme une allumette qu’on frottait contre sa boite. C’est avec curiosité que je constatai que cet essai ne me procurait aucune douleur bien que ce soit une partie de mon corps qui prenait feu. D'un mouvement plus vif, cette extrémité s'enflamma, se transformant en véritable torche indolore. Elle créa une véritable source de lumière, baignant la pièce de sa teinte chaude. Je pouvais enfin voir l'intérieur du garage. Une camionnette blanche, élevée sur un ponton amovible, trônait au milieu du garage. Des outils étaient posés en vrac sur l'atelier abandonné à côté du véhicule. Tout ce dont j'avais besoin afin de pouvoir la faire fonctionner à nouveau était à ma disposition. Juste derrière la camionnette se trouvait une étagère sur laquelle se reposait un bocale en verre contenant un liquide jaune translucide dissimulé légèrement par la poussière. Avant même de me pencher sur les réparations et encore avant sur ma reprise de ma forme normale. Je balayais la salle du regard, cherchant de l’huile afin de débloquer la porte et pouvoir sortir avec la camionnette. Sur une étagère en piteux état se trouvait une petite fiole en verre translucide qui laissait distinguer un liquide jaunâtre en son sein. Pour bien me faciliter l’accès à celle-ci, elle se trouvait à l’étage le plus en hauteur de telle sorte que même avec mon corps d'origine, je ne pouvais pas l’avoir… Mes yeux circulaient le long du mur, traversant une plateforme murale qui était accessible par le toit de la camionnette. Celle-ci elle-même atteignable via l'établi La question qui se posait donc désormais était comment accéder à l'établi. Bien que le concept paraît simple et accessible, sauter sur la table physiquement n'est pas possible. Je n'avais clairement pas la puissance dans les muscles, ni les compétences pour. Reprendre ma forme humaine semblait être une bonne idée également mais j'étais complètement incapable de redevenir un homme. Il fallait donc que je trouve comment y accéder avec l'handicap de ma forme. Un tas de pneus neuf occupant un coin de la salle huila l'engrenage complexe qui me servait de tête. Bien qu'on puisse croire qu'il serait simple de les déplacer tels quel, les pneus sont beaucoup plus lourd qu'il n'y paraît et avec ma carrure actuel j'étais complètement incapable de les pousser jusqu'à l'établi. En les redressant ? J'avais déjà plus de chance de réussir mais ils risquaient de tomber régulièrement ce qui entraînerait une grande perte de temps. De plus, la direction dans laquelle allaient s'orienter les pneus était tout sauf évidente. Il fallait quelque chose pour les guider. Je farfouillai la salle du regard à la recherche d’un outil me permettant cela quand je tombai nez à nez avec une barre en métal. Elle était suffisamment légère pour la glisser à l’intérieur mais suffisamment robuste pour résister à une morsure. Je redressai donc deux pneus pour passer la barre à l'intérieur. Cette opération servait à bloquer les pneus de chaque côté afin qu’ils ne puissent pas s’échapper pendant le déplacement en repliant la barre en angle droit. Cette expérience m'apprit que le vieux métal avait un goût très amer et que la mâchoire d'un renard était bien plus puissant que ce que l'on pouvait penser. Une fois les deux côtés replié, j'attrapai la barre pour faire basculer le tout. Je me plaçai ensuite entre les deux pneus et saisi la barre avec ma gueule pour faire les rouler jusqu'à la table. Puis, je relevai une extrémité de la barre pour entraîner les pneus. Je pouvais alors enfin monter sur ces derniers pour accèdé à ma table. J'attendis d'être redescendu avec l'huile pour me concentrer sur mes muscles, ma morphologie et enfin mon apparence d'origine. J'avais enfin retrouvé mon corps ! Cependant… quelques chose n'allait pas… le sol semblait ondulé et le monde autour de moi semblait tourner… si vite… si fort… cela me faisait une migraine si puissante que mes yeux se fermèrent sans que je ne puisse lutter…
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