chapitre 14
J'oubliai le monde. Même la plus ardente des flammes ne saurait égaler celle qui, à cet instant, enflammait mon cœur. Rien en cette terre qui se consumait ne pouvait me détourner de ses mots, de sa volonté. Rien en ce monde me pouvait ne détourner d'elle.
Elle m'aimait. Elle voulait savoir qui j'étais. Elle voulait voir ce que personne en ce monde n'avait vu et avait survécu. Jamais personne n'avait voulu savoir qui j'étais. Jamais l'envie ne m'avait prise de montrer mon visage à quiconque. Ce qui n'était qu'un masque est devenu une partie de moi. Une barrière qui me protégeait du regard des autres autant qu'elle les préservait de ma vue.
Pourtant elle, elle voulait voir. Elles avaient déjà et ce depuis le premier jour ouvert les portes de mon cœur. Mais celles de ma raison refusaient de s'ouvrir. J'étais déchiré en deux. Mon cœur et mon esprit menaient la plus féroce des luttes. Chacun tentait de me convaincre de suivre sa voie.
En proie au plus profond des doutes, je me remémorai une phrase que j'avais entendu longtemps auparavant. Si son sens m'avait échappé à cette époque-là, elle semblait parfaitement adaptée à cet instant, comme un signe du destin. Le cœur a ses raisons que la raison ignore. Cette phrase résonnait dans mon cœur et dans mon esprit. Tout s'effaçait devant elle.
D'elles même, mes mains s'animèrent. Telles deux étoiles jumelles s'élevant vers le firmament, elles entamèrent leur ascension vers ce voile noir qui laissait depuis toujours laissait planer le mystère sur ma vie.
Si mes mains furent responsables de ce mouvement, ma volonté prit rapidement le relais. Je savais exactement ce que je voulais. Je ne voulais plus être une ombre. Je ne voulais plus être dominé par cette ombre qui s'était emparée de moi, et m'attirait chaque jour un peu plus dans les ténèbres.
Son regard suppliant eut raison de mes dernières réticences. Je ne pouvais rien refuser à ce regard. La capuche glissa lentement. Elle s'accrochait de toutes ses forces. Elle sentait son emprise faiblir, et elle n'allait pas le permettre. Cet acte de révolte me causait une douleur permanente. Cette douleur était celle d'un homme qui doit renoncer à un membre pour pouvoir vivre.
Son mouvement s'accéléra. Je reprenais le dessus. Elle finit par me libérer. Lorsqu'elle chuta, elle redevint un simple morceau de tissu. J'étais de nouveau moi. Mais, je ne savais pas ce que cela voulait dire.
Tout ce que je savais de moi, je venais de le montrer à la seule personne qui m'ait et que j'ai jmais aimé. J'étais un homme. Un homme aux cheveux dorés. Un homme aux yeux rouges. Le temps et la vie avaient su y apposer leurs marques. Deux blessures dont la trace n'avait jamais disparu zébraient mon visage.
"Qui t'a fait subir ça ?" me demanda-t-elle.
" Un d'entre Eux." répondis-je.
-"Pourquoi ?"
-"J'étais sur son chemin. Il voulait s'amuser."
-"Tu n'as rien fait ?"
-"J'ai attendu qu'il finisse. Il s'est laissé distraire par son œuvre. Je pris son arme. Je l'ai tué."
Lorsque je croisai son regard, je vis qu'elle savait ce que c'est que d'être brisé. Je ne saurai dire comment, mais j'étais persuadé qu'elle comprenait. Je savais qu'elle comprenait, mais qu'elle aurait préféré ne pas comprendre. Elle reprit, plus faible que jamais. La mort s'insinuait dans chaque syllabe :
"Un jour, j'étais dans une ville. J'y tenais un commerce. L'un d'Eux y est entré. Il voulait faire de moi l'une de ses concubines. J'ai dit non. Alors, ses gardes sont venus. Ils m'ont emmenée dans une cour blanche. Identique à celle qui allait accueillir ta mort. Il est revenu et il m'a fouettée encore et encore et encore. A chaque coup, je sentais qu'il y prenait du plaisir. Il m'a mise à la porte ensanglantée. Depuis ce jour, je me suis juré de leur faire payer à tous."
A ces mots, mon sang se mit à bouillir. Comment ces monstres pouvaient-ils se comporter comme ça ? Il fallait les stopper. Il fallait leur rappeler la réalité du monde. Elle dut percevoir ce changement en moi, car elle me dit :
"Arrête de te torturer. Je n'en ai plus pour très longtemps. Rapproche-toi."
Je m'exécutai. Elle me demanda une dernière chose.
"J'aimerais faire une dernière chose avant de quitter ce monde. Pour faire ça, j'ai besoin de toi."
-" Je t'écoute. Tout ce que tu désires je peux te le donner."
-" Tu n'as toujours pas compris ?"
-"Non"
-"Embrasses-moi, crétin."
J'aurais dû le faire. Mais quelque chose en moi m'en empêchait. Une question brûlait mes lèvres :
"Comment peux-tu aimer quelqu'un qui n'a pas de nom. Comment peux-tu aimer un inconnu ?"
-" Je n'ai pas besoin de connaître ton nom pour t'aimer. Mais si c'est important pour toi je peux t'en donner un. Approches que je te le dise au creux de l'oreille."
J'approchai.
" Ton nom est..."
Nous nous embrassâmes avec passion. Nous nous embrassâmes sans retenue, car nous savions que ce baiser serait unique. Le premier et le dernier. Il accompagnait la dernière de sa vie. Cette vie qu'elle me transmit à travers le plus tendre des serments. Cette vie qu'elle acheva entre mes bras.
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