Akutagawa.

Ce mot résonne dans ma tête. Il m'a été attribué comme maître depuis l'âge de mes sept ans. depuis le début, je l'ai aimé. Toujours. Sans relâche. 

Connaissant mon amour, celui-ci joue avec. Il me manipule en me donnant de faux espoirs, en se faisant proche avec moi puis si distant...

Des larmes de rage emplissent mes yeux et j'accélère le pas. La bruits de mes bottes noires conformes au règlement de l'agence résonne dans le couloir. L'eau jaillit de mes yeux et laisse une traînée scintillante derrière moi. Je cours, cours.

A bout d'haleine, j'atteint une porte en fer et l'ouvre avec brutalité. je me rue sur mon lit et m'effondre sur le matelas dur.

La rage remplit mon corps et je résiste à l'envie d'hurler. 

Il se joue de moi ! Toujours et encore.

Je me rend compte ne plus avoir de force après le rêve sans fin.

Rêve sans fin...

Ce phénomène existe-t-il vraiment ?

Je ne vais pas continuer à me laisser perturber ! Répondre à ses provocations ! Je dois feindre l'indifférence et me concentrer sur ma mission.

Mais Akutagawa me connait... Il peut deviner mes pensées et mes actes avant même que je les fasses... c'est mon maître depuis mon enfance. Il sait me décrypter. Il le saura toujours. Il sait même mieux que moi qui je suis. La vérité est que je n'ai moi-même aucune idée de la réponse à cette question.

Contrairement à lui...

Je me redresse et balaye mes larmes d'un revers de manche. Je noue mes cheveux en chignon, enfile un long manteau et une nouvelle paire de bottes hautes et ouvre la porte. Une bourrasque s'engouffre dans ma chambre et me secoue de froid. Les courants d'air me fouettent à nouveau le visage tandis que le claque la porte avec violence. 

Je dirige mes pas vers l'étage inférieur, pour prévenir mon chef que je pars en mission. Une horloge au-dessus de ma tête m'indique qu'il n'est que sept heure. Pas sûr qu'il soit réveillé...

J'aurais aimé qu'il soit mort. 

Ces mots résonnent sans que j'en aie confiance dans ma tête.

Si seulement j'avais pu le tuer ! Je suis une des personnes les plus puissantes de notre communauté. Mais Agent 13 ne veut pas le reconnaître. Jamais. Il me considère comme un moucheron égaré et me pousse à bout.

Il est bien plus fort que moi. Pas de puissance, mais d'expérience. Face à lui, je suis vraiment impuissante et il me le fait comprendre. Je ravale ma salive avec dégout. 

J'atteint la salle commune de notre planque. Enfin, planque est un grand mot. Plutôt base. Nous n'avons absolument pas peur de l'Etat, c'est plutôt l'inverse. Nous sommes bien trop terribles pour eux.

Avec une stupeur que je m'efforce de ne pas laisser paraître, je vois Akutagawa, assis sur une des chaises du "salon".

Il n'a pas pris la peine de changer ses vêtements parsemés de sang, comme s'il se moquait de mon attaque. Pire, il a retiré son manteau noir pour laisser transparaître des chemises ocres, anciennement blanches. 

La fureur me brouille la vue mais le fais mine de ne pas lui prêter attention et m'assieds sur un fauteuil brodé. J'attrape le journal et me sers du café. 

- Tiens, Dalya, tu ne m'en proposes pas ? Ca ne te ressemble pas !

Je me contente de lui sourire : 

- Disons que je n'ai pas l'habitude d'avoir l'honneur de te servir du café, répliqué-je le sourire aux lèvres.

- Comme tu es mignonne quand tu te forces à sourire pour moi !

- Ne laissant pas la colère la dominer, Dalya se leva et s'empara de son pistolet. Elle rit en son fort intérieur d'Akutagawa qui croyait qu'elle s'était entichée de lui et voulait jouer d'elle. Il ne se méfiait pas que tout l'inverse se produisait ! Elle rangea l'arme dans sa poche, bien décidée à réussir sa mission, récité-je un rire narquois étirant mon visage. Agent 13, enfin Akutagawa la regarda d'un air ébahi. Comment pouvait-elle être au courant de son véritable nom ? Et comment pouvait-elle ainsi lire dans ses pensées ? N'étais-ce pas lui qui dominait le jeu jusque là ?!

Agent 13 se leva de son siège en plissant les yeux.

- Ne crois pas que j'ignore ton petit jeu, Dalya, tu es dépendante de moi, je le sais. 

J'ai réussi à le mettre hors de ses gonds.

Je lui envoie un baiser imaginaire avec la main, puis saute de la fenêtre.