Autobiographie de lecteur

Alors, mes yeux rencontrèrent un blanc inexorable et, il me sembla que jamais, même par milliers, les mots ne combleraient le vide infini qui s'installait. Mes doigts cherchèrent nerveusement le bas de la page, en quête d'une porte salvatrice, par laquelle l'aventure continuerait. Je coinçai le bord blanc entre mon pouce et mon majeur et tournai la page avec une expertise précipitée. Rien. Je répétai le mouvement en sens inverse. Blanc. Paniquée, je me mis simultanément à cligner des yeux et à tourmenter l'ultime page. Recto. Verso. Blanc. Rien. Rien, blanc, blanc, rien. La page se troubla sous l'effet concomitant de mes clignements intensifs et du mouvement du papier. Blanc et vide se succédaient si vite que mon champ de vision se résuma rapidement à un écran de gris flou. Jusqu'à ce que vaincue, je lâche le livre qui tomba comme au ralenti sur mon ventre. Le gris nébuleux qui avait succédé à l'incommensurable blanc lacté laissa place au noir du néant. Les paupières closes, plongée dans l'obscurité, je fixai cette absence de couleur. Je me sentais vide et ça m'accablait. A cet instant, si j'avais du me lever, je ne l'aurais pu, étant donné que tout mon corps s'enfonçait peu à peu dans la substance moelleuse qui me servait de matelas. Des plumes liquides s'engouffraient dans ma bouche, mon nez, mes oreilles et s'infiltraient dans mes poumons, démangeant ma trachée. J'allais étouffer.Je rouvris les yeux, haletante. Des êtres de lumières dansèrent quelques instants dans mon regard et s'en furent dans une joyeuse paresse, comme se quitte une farandole. Je portai mon attention sur le livre. Il s'élevait et s'abaissait au rythme de ma respiration, doucement, paisiblement. Ce n'était plus qu'un être d'encre et de papier.

Voilà, on devait raconter un souvenir de lecture. J'ai choisi la fin d'un livre... Que dire... J'espère que ça vous à plu... Bonne journée !