Chapitre 6
Le moment fatidique arriva trop vite. Une légère bosse déformait ma tunique, mais c'était vraiment discret.
L'appréhension montait en moi en même temps que l'excitation. Je lançai un rapide coup d'oeil à ma montre: 18 h 50. Dans dix minutes, j'allais entrer en action. Des alliés étaient présents dans cette salle. Ils joueront la surprise quand je me déciderai à aller au-devant de Pedro. Raphaël était à côté de moi, sa main serra la mienne dans un signe de réconfort. Encore ou une deux inspirations et ça sera à mon tour. Mes jambes bougèrent sans mon consentement, ma main frappa à la porte, la voix de Pedro me répondit. Je l'entrouvrais et me faufilais à l'intérieur. J'avais à peine mis un pied dedans que Pedro s'avançait déjà dangereusement vers moi.
- Tu vas me dire ce que tu fous là. J'espère que tu as une bonne excuse car...
Il n'eut pas le temps d'approcher sa main de mon visage, que j'avais dégainé mon arme.
- Maintenant, tu vas surtout fermer ta gueule et te calmer.
Ce geste fut le signal. Raphaël s'était rapproché des bandits de la bande rivale, il les tenait en joue par pure précaution. Raphaël leur indiqua qu'ils ne risquaient rien, que ce n'était pas eux leur cible. Dans le même temps, les hommes de main de Pedro qui nous soutenaient s'étaient rebellés et m'avaient rejoint pour m'entourer.
Enfin je me sentais à ma place.
- Tu peux m'expliquer ce que tu fabriques ? Tu crois vraiment que tu peux prendre ma place Esme ? Tu n'es qu'une femme.
Mon cousin se mit à discourir d'une voix pleine d'arrogance que je ne pus retenir mon poing. Cette fois-ci, c'était ma main qui rencontra son visage.
- Alors ça fait quoi de se faire taper dessus par une femme stronzo ?
Mon cousin allait parler, mais je l'en empêchai avant même qu'il n'ose ouvrir ma bouche.
- Tutututut, je serais toi je la fermerais.
Je fis signe ensuite à l'un des gardes à côté de moi. Je sortis de ma poche une corde et lui indiqua d'un mouvement de tête Pedro.
Étonnamment, Pedro ne se débattit pas. Il n'arrivait pas à me voir comme une menace sérieuse. Une fois, qu'il eut les mains liées, j'ôtai mon bandana de mes cheveux pour lui mettre dans la bouche. Une fois qu'il fut neutralisé, je me tournai enfin vers les occupants étrangers de cette pièce.
- Excusez-moi pour cette entrée un peu cavalière. Je me présente, je suis Esme Giusto. Oui, la fille d'Eduardo Giusto.
Je me permis d'ajouter cette précision quand les hommes en face de moi ont réagi à la mention du nom de mon père.
- Voyez-vous, ce tas d'immondices a tué mon père quand j'étais jeune.
En parlant, je désignai Pedro d'un mouvement ample de la main.
- Son père et lui n'ont jamais avoué avoir tué mon père. Moi, je l'ai toujours su. Figurez-vous que Pedro m'a porté la confirmation quand il m'a fait ce joli coquard. Ils ont fait semblant de me recueillir, pour brouiller les pistes. Personne n'était dupe, la preuve.
Mon mouvement de menton envers les hommes à mes côtés attira les regards des malfrats sur eux. Plus particulièrement sur leurs pochettes, où reposait un petit pétale de lavande fixée à même le tissu. Ce petit rajout était passé inaperçu aux yeux de Pedro, mais moi je prenais pleinement conscience du sens de ce geste. Mon père adorait cette plante, il en mettait tout le temps dans ma chambre et tous ses plus proches hommes le savaient très bien. Il disait que cette fleur signifiait la tendresse, mais surtout la loyauté. À chaque fois qu'une opération se déroulait à merveille, il sortait pendant quelques jours avec de la lavande dans la poche de son costume. Le fait que ces hommes se souviennent de cette habitude et choisissent de me montrer leur soutien de cette manière me touchait profondément.
Je fus rappelé à l'ordre par Pedro qui gesticulait beaucoup trop. Je m'approchai lui, et lui retirai le bout de tissu.
- Tu comptes vraiment te débarrasser de moi ? Pauvre petite idiote, comment crois-tu que les autres membres du clan vont réagir ? Ils n'accepteront jamais de se faire diriger par une femme.
Je laissai échapper un rire cynique.
- Que penseraient-ils de se conduire par la véritable mère de Leonardo ? Je ne serais plus seulement une femme, mais la mère de l'héritier.
- C'est quoi cette connerie ?
La voix furieuse de mon cousin résonna dans la pièce. Même les hommes à proximité avaient lâché une exclamation de surprise.
- Leonardo n'est pas ton fils, Pedro. C'est le mien et celui de ton fidèle bras droit. N'est-ce pas Raphaël ?
Ce dernier ne répondit pas, trop occupé à surveiller le petit groupe d'hommes. Ils étaient d'ailleurs détendus et semblaient apprécier la scène qui se déroulait sous leurs yeux.
- Tu as toujours été trop stupide, Leonardo. Tout le monde savait à part toi que j'entretenais une relation avec Raphaël. Tu ne t'es pas posé de questions quand je suis partie en vacances pendant quelques mois avec ta femme. Surtout, tu t'occupais tellement mal de Leonardo que tu n'as jamais remarqué sa tache de naissance.
- Tu n'es qu'une sale salope ! Tu veux que j'avoue que j'ai tué ton père ? Il n'était rien. Il était trop laxiste. Eduardo n'aurait jamais dû être le chef, cette place revenait à mon père. Ton père n'avait pas la carrure ! Je suis heureux de t'avoir rendue malheureuse pendant toutes ces années. Tu n'es qu'une chienne-
Il ne put jamais finir sa phrase. J'avais appuyé sur la détente sans réfléchir. Je ne ressentis aucun regret, seulement une totale satisfaction. La justice était enfin restituée. Par bonheur, la bêtise n'était pas dans mes gènes, j'avais prévu de mettre un silencieux sur mon pistolet. Les autres hommes de la pièce ne sursautèrent pas à la détonation. On faisait partie de la mafia, pas d'une organisation de bisounours.
- Raphaël, baisse ton arme. Je ne crois pas que ces messieurs feront le moindre geste déplacé. N'est-ce pas ?
Je parlais d'un air décontracté, avec un sourire heureux sur les lèvres. Leur chef s'avança et éclata d'un rire franc et communicatif. Ses hommes positionnés derrière lui se détendirent.
- Eh bien, signorina vous avez une sacrée paire de couilles ! Je serais ravi de faire affaire avec une personne de votre lignée et qui possède un caractère tel que le vôtre.
J'acquiesçai à ses propos, et c'est d'un pas nonchalant que j'enjambai le corps encore chaud de mon cousin pour serrer la main de l'homme en face de moi. Une nouvelle ère commença, et je ne laisserai plus jamais personne décider à ma place.
***
C'était une nouvelle que je devais rendre dans le cadre de mes études. J'espère que même si elle est de petite taille, cette histoire vous aura divertis.
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