Chapitre 4

Une fois à l'intérieur, je grimaçai de douleur. Je pouvais enfin abandonner tomber mon masque d'indifférence afin de me laisser aller à ma peine. Je regardai ma demeure modeste, mais qui au moins avait le mérite d'être loin de mon cousin. J'avais essayé d'avoir une décoration chaleureuse et qui me ressemblait. J'avais une photo de mon père et moi qui trônais au-dessus de la télévision. On souriait tous les deux dessus, on était heureux. À cette période-là, je pouvais avoir ce que je voulais même si je n'étais pas une enfant pourrie gâtée. Je connaissais la valeur de l'argent, mais si j'avais besoin de quelque chose, ça faisait toujours plaisir à mon père de me l'offrir. Je n'étais pas obligée de mentir aux gens sur des prédictions pour gagner ma vie.

Si mon plan fonctionne correctement, je pourrais enfin prendre la place qui m'est due. Digne de mon sang.

Des glaçons entourés d'un torchon étaient posés sur mon visage quand on frappa à ma porte. Je me levai avec peu d'entrain personne n'était suffisamment important pour venir contrecarrer mes plans de casanière. Je souhaitais juste être tranquille, c'est pourquoi je voulais juste ouvrir légèrement la porte et dire à la personne présente de dégager sur un ton poli. À peine, j'entrouvrais la porte qu'un homme vicieux qui me connaissait apparemment bien s'engouffra dans la brèche et rentra dans ma roulotte.

— Non, mais on peut savoir ce qu'il t'a pris Esme ! C'était quoi ce numéro tout à l'heure ? Tu sais très bien que tu ne seras pas éternelle à ses côtés ! Pourquoi tu veux mourir aussi jeune ?

La lassitude envahissait mon pauvre petit corps fragilisé. Je m'allongeai alors sur le dos sur mon canapé, un bras sur mes yeux et la poche de glaçons sur mon œil.

— Je sais Raphaël, mais je ne pouvais pas m'en empêcher...

Ma voix était basse et fatiguée, chose rare, car je ne laissais jamais mes faiblesses apparentes même avec lui. Il remarqua justement que c'était inhabituel. Il se calma et vient s'asseoir à mes pieds.

J'étais désabusée, car j'avais l'impression que mon plan ne verrait jamais le jour. Cela faisait des années que je préparais mon coup sans être certaine que cela fonctionnerait. Si jamais, j'avais fait tous ces sacrifices pour rien ? Est-ce que mon père serait quand même fier de moi ?

J'enlevai mon bras pour regarder l'homme en face de moi. J'avais seulement envie de me réfugier dans ses bras. Je pensais que ce n'était pas possible car quand il connaîtrait jusqu'où je suis allée pour parvenir à mon but, il me rejettera. Cette épreuve serait plus facile à surmonter si je garde mes distances avec lui. Rien ne comptera jamais plus que ma vengeance. Je ne savais pas juste quand précisément elle prendrait place, mais le plus tôt sera le mieux.

- Écoute, je ne sais pas ce que tu fabriques, mais je sais que tu exécutes à un jeu dangereux. Je te connais et même si tu arrives particulièrement bien à cacher tes émotions, je pense aussi que ces dernières semaines tu sembles à cran. Parle-moi, je pourrais peut-être t'aider ?

Comme si j'avais envie de t'apprendre que je voulais renverser ton fidèle ami et devenir la première femme à diriger une mafia composée majoritairement d'hommes. Je n'avais pas besoin que tu me ries à la figure et que tu m'ôtes le peu de courage que j'avais réussi à conserver au fil des années.

Son ancien amant était au fait qu'elle ne dirait rien. Cette fille était un véritable mur de secrets, tout le monde savait ça dans l'organisation. D'ailleurs, certains sentaient que des changements surviendraient bientôt. C'était dans l'air annonçaient-ils. Certains prenaient plaisir à croire qu'Esme aura sa part de responsabilités. Sa petite démonstration avait épaté des hommes au pouvoir, une partie avait l'impression de revoir son père et repêchait leur jeunesse antique. Oui, dans l'organisation des clans se formaient en sous-marin, et la jeune fille avec son caractère terrible et son allure intrépide bénéficiait de nombreux admirateurs.

Sa position achevait de nourrir les débats : elle était jeune, mais c'était une femme. Pourtant, le sang de son père coulait dans ses veines et elle souhaitait retrouver la gouvernance d'antan. Des sous-fifres ne toléraient pas la dégringolade du clan et des nouvelles aspirations du chef. Ça restait un homme qui était jeune, vif et vigoureux et il avait également le temps d'apprendre. Il y avait des divisions à l'intérieur du clan.

Il était hors de question que Raphaël fasse part de ces changements à la jeune fille épuisée devant lui. Il savait que si elle prenait connaissance de ce fait, elle serait en outre plus déterminée et défierait encore plus Pedro. Raphaël souhaitait la protéger donc il ne dirait rien. Il n'était pas encore temps.

- Tu es comme ton père hein ? À tout garder pour toi et ne laisser personne entrer dans ta forteresse.

Il parla d'une voix désabusée et blasée. Seul un sourire amusé et fier lui répondit.

- Dépêche-toi. Malgré ta démonstration de force de tout à l'heure, Pedro veut quand même te voir et le petit aussi. Il n'arrête pas de te réclamer, il ne comprend pas pourquoi tu ne viens plus le voir ces derniers temps.

Leonardo, le fils de Pedro qui était donc son neveu avait une place importante dans son cœur. C'était trop difficile d'aller le voir sachant ce qu'elle allait faire à son père. Leonardo avait bientôt deux ans et demi, il accomplissait de grandes choses pour son jeune âge. Il était un menu garçon blond aux yeux bleus, il était très futé pour son âge et commençait déjà à formuler de petites phrases.

On possèdait une relation très fusionnelle, car on ne peut pas dire que Pedro s'en occupait réellement. J'allais souvent le garder, mais ces derniers temps, de nombreux démons remplissaient ma tête. C'est pourquoi j'y suis moins allé. Aujourd'hui, j'étais décidée à aller le voir. Alors je pris une grande respiration et je suivis Raphaël.

J'avais l'impression d'être une girouette, je partais du cinéma, je revenais à ma roulotte et ainsi de suite. C'est mon quotidien depuis des années, je n'ai pas voyagé à part une fois. Je n'ai pas découvert ma ville, mes seuls centres d'intérêt se résumant à ces deux lieux. C'est à cet instant que je saisis que ma vengeance avait vraiment gangrené ma vie. Je ne pouvais pas faire autrement.

Quand je revis la petite bouille de Leonardo, je ne pus retenir mon sourire. 

— Tata ! Tata, tu rev'nu !

Il n'arrivait pas encore à former des phrases complètes, mais ça n'empêcha pas qu'on le comprenait.

Je n'entendis pas la personne derrière moi, mais sa voix avait le mérite de hérisser mes poils.

— Je ne vais pas mentionner ta stupidité de tout à l'heure, car j'ai besoin de toi. Il faut que tes pouvoirs me servent. Peu importe que tu ne sois qu'une trainée. Ne t'inquiète pas après ce coup-là, je serais tellement riche que tu ne me serviras plus à rien.

Je savais que mon temps était compté ses côtés, mais je possédais une dernière carte à jouer avant de disparaître.

— Dis-moi tout, je t'écoute pourquoi tu as besoin de mes services.

Je ne voulais pas perdre de temps dans des simagrées inutiles, je voulais aller au cœur du problème.

- J'ai besoin que tu me fasses un rituel, car dimanche je dois conclure une affaire assez importante. Je veux maximiser mes chances auprès des esprits, et surtout je veux que tu essaies d'attirer l'esprit de mon père pour qu'il soit avec moi. J'ai besoin de sentir sa présence autour de moi.

Je levai les yeux au ciel, intérieurement. Bien sûr, comme si je possédais déjà ces pouvoirs et comme si j'avais envie de pactiser avec ce diable.

— Je ferais de mon mieux, mais pour ça que je dois assister à cette réunion. Je dois en savoir le maximum sur cette affaire. Il faut que j'imprègne le plus possible de cette journée.

Mon cousin me contempla comme si des yeux me sortaient de mon crâne, mais un regard derrière lui m'indiqua qu'un vieux conseiller venait de hocher la tête en un signe d'assentiment. Surement que la petite démonstration de force de mon cousin contre moi n'avait pas dû plaire aux anciens. Décidément, ces derniers temps, j'étais bénie des dieux. C'est de cette manière que j'assistais à la mise en place d'un des plus grands coups de cette décennie. Je devais l'avouer, même moi j'étais impressionnée par l'ampleur de l'échange. Déjà qu'en temps normal, j'aurais pensé que c'était complètement irréalisable. Là avec mon cousin à sa tête, c'était totalement impossible.

Ce projet était la seule chance que j'eusse pour arriver à mes fins. J'analysais leur plan d'action. En fait, mon cousin conclura un marché à l'intérieur du cinéma. C'était audacieux, mais ingénieux. Personne ne se doutera qu'à côté des familles qui regardaient un gentil dessin animé, se passerait l'un des plus gros échanges d'argent. 5 millions d'euros en billets. Mon cousin avait récupéré des armes, je ne sais comment. Elles valaient cher, très chers. La transaction se déroulerait au sous-sol. Cette pièce était accessible par un tunnel sous terrain, qui relia un bâtiment à proximité. Heureusement que ce dernier nous appartenait. Enfin, il était à la famille.

L'autre organisation devait venir aux alentours de vingt heures, quand la pénombre sera tombée sur la ville. Cela évitera d'être trop voyant. Mon cousin avait fait en sorte de penser à chaque éventualité. Je savais d'office que rien ne se déroulerait comme prévu.

Mon plan avait pris forme dans ma tête comme une évidence. Un petit sourire satisfait apparut sur mon visage sans que je ne puisse le réfréner. Oui, dimanche sera un jour sanglant. Mon pouls ralentit, car j'allais enfin pouvoir assouvir ma vengeance. La réunion se termina, mais on ne pouvait pas monter une machination en solitaire, en tout cas si on souhaitait qu'elle réussisse. C'est pourquoi j'ai décidé d'intercéder Raphaël. Alors que mon cousin était devant nous, je l'attrapais par la main et le tire légèrement vers moi.

— Je te rejoins à ton appartement ce soir, il faut que je te parle.

Mon souffle n'était qu'un murmure, mais il l'entendit parfaitement et serra ma main en signe d'assentiment.

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