Chapitre 1
La jeune femme se concentra et vit dans la boule en verre en face d'elle. Elle tâcha de moduler sa voix, afin de paraître la plus réaliste possible.
- N'acceptez pas cette promotion, elle ne vous apportera que du malheur.
L'autre femme la regarda droit dans les yeux, certainement en train d'essayer de se persuader qu'elle disait la vérité. Finalement, elle a dû trouver ce qu'elle analysait aux fonds de ses pupilles, car elle partit quelques minutes plus tard.
La voyante souffla et positionna devant elle un rail de coke. Elle ne connaissait pas les prochains clients, sûrement des adolescents à la recherche de sensations fortes. Elle allait ouvrir sa tente à d'autres pigeons quand son appareil téléphonique sonna. Esme s'approcha de la sonnerie et lorsqu'elle put distinguer à travers son esprit drogué le nom de l'interlocuteur, elle pesta et décrocha.
- Oui, mi pulcino, que puis-je faire pour toi ?
- Arrête tes consultations tout de suite et viens à la maison. Ta famille a besoin de toi.
Elle n'eut pas le temps de répondre que déjà elle entendait le téléphone être raccroché. Avait-elle envie d'aller voir son cousin, maintenant ? Non, absolument pas car elle ne prenait jamais plaisir à passer du temps avec ce genre d'individu. Cet être qui ne partageait qu'une partie de son sang lui était complètement antipathique. Il était sexiste, colérique, imbu de lui-même et elle ne pouvait continuer la liste à cause de son esprit embrouillé, mais elle savait qu'elle était longue. Très longue. Esme ramassa finalement toutes ses affaires et sortit de la petite caravane et claqua la porte avec force et vigueur. Tellement son geste était énervé, le mince écriteau sur lequel était inscrit : « Mancie : la voyante qui ne vous veut que du bien » vacilla.
Malgré la circulation due à la débauche des voitures, la femme arriva dix minutes plus tard au Cinéma El Mafioso. Elle pensa que son cousin aurait pu sélectionner un nom plus original et moins « gangster », mais elle n'était pas une professionnelle dans la philosophie masculine et leurs lubies.
Le cinéma était le quartier général de son cousin, le plus grand mafieux de l'Amérique de l'Ouest, enfin, c'est ce qu'il disait, mais elle n'était pas certaine que ça soit la vérité.
Ce bâtiment avait été choisi par Pedro, son cousin non parce que c'était un endroit stratégique ou original. La seule raison pour laquelle, ce cinéma était leur quartier général était que Pedro était cinéphile et que faute d'avoir du talent pour en réaliser il pouvait toujours les regarder.
Esme avait l'impression d'avoir affaire à enfant de dix ans qui faisait des caprices. Elle avait du mal à gérer les humeurs de son cousin. Surtout que son tempérament faisait de lui, une personne capricieuse, imprévisible et donc redoutable. On ne peut pas manier un homme imprévisible, enfin, c'est le cas pour le commun des mortels. La seule chose qu'Esme souhaitait était le respect. Esme était déterminée à l'obtenir, quitte à prendre le risque de manipuler un individu aussi dangereux que le patron de la mafia.
Tellement perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas qu'elle était arrivée aux portes du cinéma. Les gardes qui gardaient l'entrée, la reconnurent et la laissèrent passer.
Encore heureux qu'elle ne soit pas traitée au même degré qu'une vulgaire mortelle. Son père régentait sur l'entièreté de la mafia américaine et pas seulement un petit bout de territoire désuet comme Pedro. Son père, Eduardo admiré par tous avait réussi à créer le parfait équilibre entre les gens du peuple et le gouvernement. Personne n'avait réussi à croire qu'une mafia juste, mais dure pouvait voir le jour ici- bas. Pourtant, son géniteur avait réussi, il n'était pas un barbare, mais on savait qu'il était impératif de respecter ses engagements si on voulait travailler avec lui. Il ne pardonnait pas l'erreur, et dans ces cas-là, oui on pouvait le considérer comme inhumain et un oeil extérieur pourrait en outre employer le mot « cruel ». Si on le traitait avec la même estime qu'il avait à notre égard, la paix s'installait. Eduardo Giusto ne touchait qu'à la drogue et aux putes. Il ne voulait pas faire de la vente d'armes et choisissait soigneusement les « prestataires » de ses services de nuit. Même si cela semblait difficile à croire, il n'était pas un bourreau et respectait la vie humaine. Il était hors de question de profiter et de séquestrer des jeunes filles et de les forcer à avoir des relations sexuelles pour son empire. Cela lui semblait encore plus invraisemblable, en tant que parent d'une jeune fille. Il se mettait à la place des parents et voulait éviter un monde où si j'étais née dans une famille plus pauvre que je me retrouve dans cette situation. C'est pour ça qu'il recrutait ses putes dans les maisons closes et leur proposait un contrat qu'elles avaient le choix de refuser ou non. Une fois que le contrat était signé, le retour en arrière était impensable.
Malheureusement, la paix ne dura pas... le roi a été porté disparu et a été déclaré décédé. Je sais très bien qu'il n'a pas péri de manière mystérieuse, mais que son autre frère, Luisio a orchestré sa mort afin de s'emparer de son pouvoir. Dans la mafia, l'importance est donnée aux liens du sang. C'est ce qui prime sur tout le reste. À l'époque, j'avais seize ans. Je n'étais pas trop jeune pour récupérer les reines de la mafia, mais j'étais une fille. Dans l'histoire aucune femme n'a dirigé une mafia de la taille de mon père. Alors mon oncle a fait jouer tous ses arguments sexistes et je n'ai pas pu ne serait-ce qu'entrevoir la couronne. Ce qui jouait en ma défaveur étant ma nature de fille unique et que je n'avais jamais connu ma mère. J'étais devenue seule du jour au lendemain. Je n'ai rien pu faire face à mon oncle et son fils. Ils voulaient le pouvoir et l'ont obtenu même si cela a couté la vie de mon père. Le prix de ce pouvoir était la paix, les autres chefs de clan ne furent pas dupes, et ceux qui avaient déniché un équilibre sous l'égide de mon père se sont sentis trahis par sa disparition. Tout le monde savait qui condamné pour son absence. De plus à l'intérieur d'une organisation criminelle, il faut des preuves.
Faute d'en trouver, mon salaud d'oncle a pu s'emparer du contrôle de la mafia. Au début, il dominait l'entièreté du territoire, mais les dirigeants n'ayant pas accepté se sont rebellés et ont décidé de prendre leur indépendance.
Ce qui fait que de nombreuses guerres ont éclaté, et ce déferlement de violence ingérable à coûter la vie de mon oncle. Finalement, le karma existait bien. Avant que Luisio ne rejoigne sa place attitrée en enfers, il avait réussi à sauvegarder une partie du domaine du côté gauche de l'Amérique. Quand il a disparu, il a légué la direction à son fils Pedro. Mon cousin a donc abouti à un fabuleux exploit. Il a réussi à rétrécir encore plus le secteur de son père, laissé en héritage.
Qui dit plus petit territoire, dit moins d'argent. Surtout que les tensions avec les autres groupes n'étaient pas apaisées. Il s'est mis à faire n'importe quoi pour avoir un peu de fric pour pouvoir aspirer des rails de cocaïnes avec un billet de cinq cents dollars. Billet qu'il ira bien soigneusement ranger après, tellement son compte en banque n'était pas bien garni. Ces dernières années, il a commencé la traite des jeunes filles, mineures ou non sa conscience étant inexistante. Cette nouvelle lubie ne fut pas partagée par le reste des sous-chefs, qui pour certains regrettaient mon père et sa manière de gouverner.
Tout ce cheminement, pour finalement dire que personne ne faisait attention à moi. Mon oncle m'a gardé avec lui, juste pour les apparences et avoir un argument si l'on accusait du meurtre de son frère. Je n'étais qu'un pion, mais bon comme j'étais une fille, j'étais trop bête pour m'en rendre compte.
Je ne suis plus une princesse j'ai l'âge d'être une reine et il est temps pour moi de reprendre ma couronne.
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