Chapitre 19, Une simple phrase

Nous étions tous les deux et marchions ensemble, sans dire un mot. Je regardai aux alentours, je ne m'étais jamais baladée dans la ville d'Edfou, et je trouvai ce paysage magnifique, même la nuit.

Nous pûmes voir la pleine lune au ciel. Un vent glacial soufflait légèrement ce qui me fit frissoner. Ajil le remarqua et enleva sa veste qu'il me tendit. Je le regardais étonnée puis prit la veste en le remerciant.

- Ça fait quoi d'être fiancé ? Lui demandai-je alors, au tac-au-tac.
- Je ne le suis pas encore, me répondit-il.
- Oui mais, tu vas le devenir...

Il aplatit ses lèvres et baissa les yeux. J'avais l'impression qu'il n'était pas trop heureux de le devenir...

- Tu sais, ça m'enchante pas trop...

Mes impressions sont toujours bonnes à moi !

- Vraiment ?
J'avais posé cette question avec un peu d'enthousiasme je trouve. Je raclai donc ma gorge en faisant croire que cela me gênait plus qu'autre chose.

- Cette Brendish là, je ne la connais pas, et puis j'en ai pas envie de ses fiançailles...
- Mais pourtant tout à l'heure tu m'as dit qu'elle était jolie !
- Oui mais Danielle, le physique et le mental n'a aucun rapport.

Je baissai la tête et réfléchit un moment. Attendez une minute là... il venait de dire qu'il ne connaissait pas sa future épouse...?

- C'est vrai qu'elle est belle, mais je ne sais rien d'elle. Mais ce qui m'énerve le plus, c'est que encore une fois mes parents ont décidés à ma place...!

Là je compris. Ses parents vont enfaite le fiancer de force. Mais pourquoi font-ils ça ? Ils savent très bien qu'Ajil n'aime pas cette fille ! Et moi non plus d'ailleurs... et je ne dis pas cela parce que je suis jalouse bien sûr !

- Pourquoi ils t'obligent à épouser cette fille ?

Il s'arrêta suite à ma question, le regard intrigué.

- Bah, c'est évident Danielle.
- Non ça l'ai pas, dis-je. Ils n'ont pas le droit de te marier de force, si tu n'aimes pas cette fille, ils ne vont pas t'obliger à l'aimer. D'ailleurs, tu sais d'où est-ce qu'elle sort, cette fille ? Où l'ont-t-ils trouvés ?
- Brendish est une servante, comme toi. Enfin, c'était.

Je fronçai les sourcils, anxieuse.
- Ils... ils ont droit de faire ça ?
- De quoi ?
- De te marier à une esclave ?

Il me fixa de ses yeux noisettes. Il semblait abasourdi. Puis, il fit apparaître un sourire en coin juste après.

- T'es pas au courant en faite ?
- Au courant de quoi ?
- Du but de cette exploitation.

Je le fixai un moment avant de répondre :
- Je saisis pas là...
- Écoute, mon grand-père, aussi premier ministre depuis 40 ans déjà, a aidé la Grenade d'une crise économique et financière. Depuis, les Espagnols ont une dette envers nous, les Égyptiens. Et depuis plus de 40 ans, nous avons pris en charge votre ville. Ouais c'est bizarre expliqué comme ça, mais je n'ai retenu que les détails importants. Ensuite venons-en à mes parents. Ils ont mis il y a quelques années une organisation qui consiste à prendre toutes les jeunes filles de ton âge, 18 ans donc, et à les amener en Edfou, la ville natale de ma famille pour les servir d'esclaves. Cependant, tu ne t'ai jamais demandé pourquoi "Seulement les jeunes filles?"
- Non...
- De générations en générations, tous les fils appartenant à la famille Lamur devaient se marier. Alors mes arrières grands-parents ont procédé comme cela : Ils exploitent des servantes ici, jusqu'à trouver celle qui convient à leur fils. Voilà pourquoi en gros tu es ici, et pourquoi je dois me marier avec Brendish.

Cette histoire m'avait tellement choquée que durant son récit mon corps tout entier avait cessé de bouger. J'étais figée sur place, complètement abasourdie.

- Et pourquoi ils ne nous ont pas renvoyés chez nous ? Je veux dire, Seilah par exemple... Elle travaille chez toi depuis ses 18 ans quand même !
- Parce qu'à la base des bases Danielle, t'as été envoyée ici en tant que servante. Et les servants une fois transférées dans une famille peuvent retourner tranquillement chez eux comme si de rien n'était ? Réfléchit deux secondes Danielle.

Sur ce coup-là, il n'avait pas tord. Mais je trouvais cela quand même injuste ! Tout ça pour que leur fils se marie. Du haut de ses 18 ans, désolée mais on n'est pas obligé de se marier ! Mais apparemment chez eux, si.

- Tout... tout ça je ne le savais pas.
- J'trouve que c'est dégueulasse de faire ça.
- D'exploiter des servantes ?
- Non, de me marier de force !

Je levai les yeux au ciel. Ajil l'égoïste le retour !

- Parce que ce n'est pas Brendish que j'aime. Rajouta-t-il.

Mon sang ne fit qu'un tour quand j'entendis cela. Il a bien dit que ce n'est pas Brendish, qu'il AIMAIT, n'est-ce-pas ?

- Tu aimes une autre fille ?
- J'ai... j'ai pas dit ça.
- Tu as dit "Ce n'est pas Brendish que j'aime." Alors c'est qui ?

Il baissa les yeux.
- Tu la connais.
- Vraiment ?

Qu'est-ce qui me cachait ?

- Et d'ailleurs, pourquoi tu veux savoir ça ?
- Ça m'intrigue, c'est tout.

Blanc.

- Si c'est pas Brendish, alors c'est qui ? Répétai-je.
- C'est une fille, me répondit-il un grand sourire aux lèvres.
- Aha très drôle.
- Bah tu l'as eu ta réponse.

Il se mit à rire, ce qui commençait vraiment à m'agacer.

- Arrête de tourner autour du pot et dis-moi qui c'est.
- Je viens de te le dire : C'est une fille.
- OK, pas de problème.

J'avançai d'un pas rapide en retournant à la maison. J'entendis au loin ses pas derrière moi. Je luttais pour ne pas me retourner.
Il m'appela. Une fois. Deux fois. Trois fois. Je lui avais foutu 3 beaux vents. Cette fois, alors que je continuais de marcher, mes pas ralentirent et il eut le temps de m'empoigner le bras pour m'arrêter face à lui.

- Tu pourrais ralentir, quand même ! On est pas pressés.
- J'ai froid, donc si.
- Juste ça ?

Je soufflai fortement. Bien sûr que non ce n'était pas pour ça.

- Oui évidemment.
- Pourtant je t'ai passé ma veste.

Un autre soupir. Bon ok, je m'avoue vaincue.

- Le truc c'est que, si tu te marie avec elle...

Ma voix se coupa. Je sentis son regard se poser sur moi.

- Tu vas partir...
- Je sais.
- Donc toi et moi on va plus se revoir.

Je posai mon regard vers lui, et nos yeux restèrent bloqués sur l'autre.
- Si bien sûr, mais moins qu'avant.

Nous continuâmes de marcher en silence, jusqu'à que je dise alors cette phrase qui nous arrêtames instantanément :
- J'en ai pas envie.

Il me fixa brusquement et avec attention.
- Quoi ?

Je ne le regardais pas, trop embarrassée. Punaise, mais pourquoi lui ai-je dit ça ? Il y a des fois où je réagis trop rapidement sans réfléchir, ce qui parfois peut être une erreur...

Vu que j'avais la tête baissé, il pencha la sienne doucement et essaya de croiser son regard au mien.

- Danielle ?
- Quoi ?
- Comment ça "T'en a pas envie ?"
- Bah, je veux pas que tu partes moi...!

Il fit un sourire en coin.
- Et pourquoi ?
- Parce ce que.

Il haussa les sourcils et sourit malicieusement, au point de me faire craquer.
- Parce que je vais m'ennuyer, sans toi !
- Mais encore ?

Il ne fallait pas que je craque. Je ne devais pas lui dire. Et pourtant, vu la manière dont il me regardait me donnait envie de tout lui révéler. Il me regarda avec tendresse, comme si il savait mais qu'il attendait que je lui dise de moi-même. Je pense que c'était le cas. Mais jamais je ne lui dirai ce que je ressens. De un parce que c'est trop tard, monsieur va se marier, et de deux, je ne vois pas pourquoi lui dire si il ne ressent pas la même chose.

《 Parce que je t'aime bordel, voilà. Je t'aime et je refuse catégoriquement que tu épouses cette fille que tu connais à peine, au risque de ne plus jamais te revoir. Tu ne ressens peut-être pas la même chose, mais moi voilà ce que je ressens pour toi. Traîte-moi de tout ce que tu veux, comme une folle par exemple, mais ouais je suis folle. Folle amoureuse de toi Ajil. 》

J'pouvais pas lui dire ça. Pas la veille de ses fiançailles. Jamais.

- Tu te fiances demain, alors ma réponse n'aura plus aucune importance.
- Danielle...

Eh Merde. Voilà que maintenant, conne comme je suis, je lui ai donné un énorme indice.

Je pensais qu'il allait se moquer ou alors s'énerver, mais non. Il me fit un sourire des plus séduisants et me prit tendrement la main. J'aimais ce contact sur ma paume, je ne voulais plus le lâcher, même si il le fallait. La nuit était tombé et nous devions rentrer, ses parents ainsi que tous les autres devaient sûrement s'inquiéter.

Je lui souris timidement et le prit dans mes bras, ma tête posé sur son épaule. Je lui carressai son dos tandis qu'il m'embrassa dans le cou. On resta un long moment dans cette position, dans les bras l'un de l'autre. Je l'aimais tellement putain.

On décida de se lâcher finalement, mais ce n'est pas pour autant qu'on se quitta aussi du regard. Des larmes avaient couler sur mes joues, il les essuya et me dit la phrase que j'attendais depuis des décennies :

- Ce n'est pas Brendish que j'aime, c'est toi.

Il se retourna et partit devant, me laissant figée sur place comme de la glace. Je repris directement mes esprits après et accouru vers lui, le tenant par derrière. Je posai mon visage sur son dos, ce qui l'arrêta dans sa démarche et le fit sourire.

- Je t'aime aussi Ajil.

Voilà. C'était tout simplement comme ça que ça devait se passer. Ce jour que j'attendais tant fut enfin arrivé.

C'est alors que le pire des cauchemars arriva.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top