Le Mercenaire

Une nouvelle tasse de thé pas vraiment très chaude atterrit devant moi et avec une élégance pachydermique, Anatole s'installe une nouvelle fois sur le canapé en face.

Il s'étale sur le dossier de tout son long, comme une vieille carpette décolorée.

Je n'aime pas les tapis.

-So, vous voulez bien parler avec moi maintenant, articule-t-il satisfait.

-Disons que vous avez su piquer mon intérêt, répondis-je amèrement.

-Oh, good. Donc, comment se porte ce bon vieux Claude ?

-Vous êtes vraiment son ami ?

-Je l'étais, en tout cas.

-Allez lui demander de ses nouvelles directement, dans ce cas. 

-Well... Je ne suis pas sûr qu'il m'accueille avec beaucoup d'enthusiasm.

-Et je peux savoir pourquoi ?

-Ce n'est pas vraiment interesting, soupire-t-il ennuyé.

-C'est à moi d'en juger, non ? répondis-je assez sèchement.

Il hausse les épaules, lentement, et ses yeux suivent le mouvement, toujours aussi lourdement, tendant vers le ciel d'un air excédé.

-Well, il se trouve que nous avons eu une... aventure, lui et moi.

-Une aventure, répétais-je. C'est à dire ?

-Oh, pas vraiment une grande love story. Actually, c'était plutôt une petite altercation, you know. Vous connaissez un peu Claude, non ? Il a juré fidélité à son ancienne amie la sorcière et depuis, il considère toutes les ladies comme étant des créatures indécentes. Poor boy... Il n'approche plus que les hommes, maintenant. Of course, il a quand même parfois quelques affaire avec des "femelles", mais c'est généralement à titre exceptionnel, par pur intérêt.

-Je l'ignorais, répondis-je simplement.

Oui. Je n'étais pas du tout au courant mais c'est vrai qu'en y repensant, je n'ai vu que du personnel masculin chez lui. Je ne savais Claude avait été aussi blessé par le départ de Lydia. Je me demande si il sait qu'elle est morte...

Je ne voyais pas Claude comme un homme aussi sensible. C'est perturbant. Je me demande si...

-Vous n'avez pas l'air tellement convaincue, constate Anatole d'un air faussement attristé, en s'étirant comme un vieux chat fatigué.

-C'est vrai.

Sa tête se penche sur le côté, et il affiche un petit sourire assez intriguant avant de répondre.

-Sachez que... I do not tell lies.

-Pardon ?

-Je ne mens jamais, traduit-il.

-Jamais ? m'assurai-je

-Never.

Traitez moi de crédule et stupide, mais je vais dire que je le trouve assez convaincant. Je ne vois pas quel intérêt il aurait à me mentir sur son histoire avec Claude...

-Et donc ? repris-je. Vous avez batifolé et puis c'est tout ?

-Of course not ! Vous pensez bien qu'il m'accueillerait à bras ouverts si c'était le cas.

-Tout le monde n'apprécie pas de revoir ses ex-amants, rétorquai-je d'un ton qui me fait penser à Père Castor.

Sur son visage éteint, s'allume un sourire mesquin qui ne manque pas de m'inquiéter sérieusement.

Amusé, il articule lentement sa phrase et en savoure chaque syllabe.

-Il est vrai qu'à la place de votre ami loup-garou, hum... Raphaël, je  déménagerais pour être sûr de ne pas me retrouver devant vous.

Je manque une nouvelle m'étouffer sur place.

-Comment diable se fait-il que vous connaissiez toute ma vie !?

-Easy ! Avez-vous la moindre idée de ce que je suis ?

-J'avais supposé que vous étiez un vampire, avouai-je, désinvolte.

-Not at all ! Je fais partie de ceux qui n'ont plus d'appartenance à aucune famille, ni aucun peuple. Je suis un Mercenaire.

Un silence s'installe durant lequel il me regarde réfléchir intensément.

Mercenaire...

Je ne savais pas que c'était comme une sorte de communauté...

Ça explique pourquoi il est si informé, je suppose.

Et aussi...

-Vous deviez tuer Claude... pensai-je à voix haute.

-Indeed.

Je suppose que ça veut dire oui.

-Et vous n'étiez pas du tout amoureux de lui ? demande mon esprit romantique.

-Well.... Pas tout à fait. Disons... kind of... Affection ? Oui. Sans doute de l'affection. Le fait est que c'est le seul travail que je n'ai pas pu faire jusqu'au bout.

-Sans doute parce qu'il s'en est rendu compte avant que vous ne l'empoisonniez !

-Entre-autres.

Un autre silence s'installe.

J'en profite pour finir mon thé d'une traite avant de demander ce que j'ai envie de demander.

-Vous venez pour finir votre travail, je suppose ?

-Absoluuuuutely not, articule-t-il tant bien que mal dans un puissant bâillement.

Voilà une réponse qui n'est absoluuuuuument pas rassurante à mon goût, pensai-je en bâillant à mon tour.

"Dis... tu ne crois quand même pas que..."

Non....

Je ne peux m'empêcher de fixer ma tasse de thé, désormais vide.

Seigneur...

Je devrais apprendre à ma méfier des boissons que m'offrent les individus louches !

-Vous avez empoisonné mon thé ?

-How weird ! Allons allons, miss. Si ma mission était de vous tuer, je ne serais pas venu vous parler !

-Alors, soufflai-je soulagée. Alors, elle est pour qui votre dose de poison ?

-Bloody hell ! Qu'avez-vous donc avec le poison ? s'indigne-t-il dans des gestes las. Ce n'est pas une noble façon de tuer quelqu'un. Je suis un Mercenaire qui se respecte !

-Je me disais juste que... Il ne doit pas y avoir mille façons de tuer un vampire !

-Détrompez-vous, miss. Mille, certainly not. Mais... bien une grande centaine. Coupez la tête de votre cher et tendre vampire, on verra s'il bouge encore after that.

-Ce n'est pas logique, m'énervai-je. S'il suffit de si peu pour tuer un vampire, quel est le sens du rôle de la sorcière ?

-Ne vous inquiétez pas, vous êtes indispensable. Voyez-vous, il existe différents lieux qu'on appelle "au-delà". Et you know, les vampires ne sont pas des créatures naturelles. Elles n'étaient pas là à l'origine. Autrement dit, s'ils meurent en étant vampire, ils n'iront pas dans un au-delà des plus... awesome. Bien au contraire. C'est un sort terrible qui attend les immortels à l'heure de leur dernier soupir. 

-Je vois, répondis-je pensive.

Plusieurs au-delàs ? Est-ce qu'il y en a un pour les monstres et un pour les humains ? Et du coup...  la sorcière, elle va où après ?

Est-ce que je vais aller sur un autre vélo volant que celui de Mathieu, Ruby, Papa et Maman ?

"Sans doute"

Je veux pas... je veux aller dans le même château de la mort que tout le monde, moi.

C'est pas juste.

-Miss ? Everything all right ?

-Ah... Euh... oui. C'est juste...oui. C'est beaucoup d'informations d'un coup, c'est tout.

-Vous voulez encore du thé ?

-Je dois avouer que je ne vous comprend pas bien, dis-je pour toute réponse.

-Je vous demandais seulement si vous vouliez un nouveau thé.

-Vous ne devez ni me tuer, ni tuer Claude. Je peux savoir pourquoi vous venez me parler ?

-Oh, very well. Hum... Initialement, je voulais parler au Loup-garou. C'est le mieux placé pour une trahison.  Mais il est parti avec les autres et il ne restait plus que vous. Donc je me suis dit que c'était mieux que votre frère ou l'autre vampire.

Un frisson me parcourt, et mon cœur, qui jouait déjà du tambour plutôt fort, accélère la cadence fort déraisonnablement.

-Depuis quand est-il question de trahison ? demandai-je faiblement.

Je vois ses épaules se hisser péniblement vers le haut, tandis que lentement, un sourire innocent apparaît sur sa figure.

Puis, il bâille. Encore.

-Je vous préviens, dis-je après avoir étouffé un bâillement de réponse. Il est hors de question que je verse du poison dans le thé de qui que ce soit ! Là, vous rêvez mon pauvre Anatole.

-Well, well. Avec toutes les informations dont je dispose, je pourrais vous obtenir une exécution publique pour demain, you know. Unfortunately, vous n'êtes pas très populaire, ici.

-Vous savez que je peux m'avoir une exécution toute seule. Je ne vois pas ce que ça change, c'est non. Je suis une grande fille, j'improviserai. Et puis, Vincent et Greg n'ont pas écarté cette possibilité et je sais qu'ils seront capables de réagir, surtout si nous sommes prévenus à l'avance.

-Fine ! Mais je ne parlais pas de votre exécution. Voyez-vous, je sais très bien qu'ils se plieraient en quatre pour éviter de voir votre beau visage meurtri. However, je doute fortement que votre frère y survive, lui.

Mon cœur hurle dans tout mon corps.

Je ne réponds rien, trop occupée à mesurer la vitesse de mes battements.

À vrai dire, je ne saurais pas quoi répondre à part "C'est lâche" ou "Je savais que je n'aurais pas dû l'emmener".

Je savais que je n'aurais pas dû l'emmener. Mais il était si suppliant... Et il fait tellement d'efforts...

Ah ! Faible enfant qu'est Lisa !

-Attendez avant de répondre, miss. Attendez au moins de savoir en quoi consisterait votre job. Je n'en demande pas beaucoup. Simplement d'oublier ma présence ici, et de me tenir informé de tout ce que vous faites et ce que vous trouvez de nouveau. C'est assez enfantin. Piece of cake, don't you think ?

Cet homme n'a pas fini de me mettre mal à l'aise. Je crois que le pire dans cette histoire, c'est de devoir me confronter à ça toute seule. Jene peux en parler à personne, et demander  l'avis de personne.

Je ne sais pas quoi faire.

Pendant que je cogite intérieurement, je sens Anatole s'agiter très faiblement, dans des gestes courts, et exténués. Ses bras pendants prennent parfois la peine de s'étirer et son visage inexpressif est constamment tiraillé par de nombreux bâillements prolongés. Sa tête, qui pend et ne semble tenir à son cou que par miracle, roule parfois de gauche à droite et de droite à gauche.

Derrière ses deux énormes cernes, je peux percevoir deux pupilles mortes se promener dans toute la salle, nonchalamment.

Il a l'air tellement inoffensif. Je me demande si ce type qui semble si mou est vraiment un Mercenaire.

Ça semble tellement impossible...

Peut-être que je devrais simplement faire mine d'accepter et en parler avec Greg dans son dos...

Enfin...

Je ne sais pas.

Après tout, si ce n'est que donner des informations...

"Des informations qui mèneront prochainement à la mort de quelqu'un"

Probablement...

Je n'ai pas vraiment envie d'être impliquée dans un assassinat.

J'ai suffisamment regardé Dexter et Les Experts pour savoir que ce n'est pas une bonne chose.

-Je vous assure, reprend-t-il comme s'il lisait dans mes pensées, que aucune personne de votre entourage ne succombera de mes cruelles mains de Mercenaire, si ça peut vous rassurer. Ni des vôtres. Elles sont trop kind et... et gentle.

-Et des mains d'autrui ? demandai-je méfiante.

-Je peux faire en sorte que ça n'arrive pas, si vous travaillez avec moi. So ?

- Juste donner des infos ? m'assurai-je au bout d'un long silence.

-Yes.

-Personne n'en mourra ?

-I promise, dit-il en m'attrapant les mains dans un élan d'énergie qui m'étonne.

Il ponctue le tout d'un bâillement. J'y résiste et garde le silence.

Je ne sais pas trop quoi penser de tout ça.

Mon cœur me fait mal. J'ai peur.

En tout cas, je décide que finalement, il est hors de question que je laisse mon frère se balader tout seul demain.

Anatole griffonne son numéro sur un bout de papier et le fais lentement glisser sur la table.

Pour votre sécurité, je ne retranscrirai pas le numéro. Je peux juste vous dire qu'il a signé par "Le Mercenaire".
Avec un cœur raté sur le I.

Il écrit mal.

-Well, s'exclame-t-il en se levant progressivement, je suis ravi de cette collaboration. À la revoyure, Miss.

-C'est ça, Farewell mon cher ! l'agressai-je.

Il attrape ma main, et y dépose un baiser qui lui-même, semble épuisé.

Je me retire vivement, dégoutée.

"Berk. Des lèvres de Mercenaire".

Après un dernier bâillement (le plus sonore de tous), il me tourne enfin le dos et s'en va.

Trainant les pieds dans une démarche épuisée, il sort du café et s'en va errer ailleurs.

"S'il pouvait se faire écraser par une voiture..."

Well....

Que penser de tout ça...

"Tes conclusions, chère Lisa ?"

Ce n'était pas une heureuse et romantique rencontre.

Les papillons ont carrément été chassés par l'angoisse, qui sévit toujours dans mon ventre.

C'était... Je ne sais pas. Je n'ai plus envie de réfléchir.

J'ai l'impression de voir la scène depuis votre place à vous, et de ne rien ressentir par rapport à ça.

Je suppose que je m'en rendrai vraiment compte demain.

Oui. Demain, j'aurai réalisé l'ampleur et la taille du merdier dans lequel je suis (encore) tombée. Et là, là je pourrai paniquer joyeusement.

Là, je me sens juste fatiguée. Comme si la larve qui sommeille en Anatole m'avait contaminée.

Je n'arrive pas à mettre au point des idées cohérentes.

Je dois en parler ?
Je ne dois pas en parler ?

Je ne sais pas.

Tout ce que je peux dire pour l'heure, c'est que c'est la première fois que je récupère le numéro d'un inconnu dans un bar et que dans la mesure actuelle des choses, ce n'est pas une expérience que je voudrais retenter.

**********

Après trois longues semaines de repos, enfin !

J'ai jamais eu autant de mal a écrire un chapitre.
Bon. C'est sans doute parce que j'ai rajouté Anatole sur un coup de tête sans vraiment savoir ce qu'il allait faire dans mon histoire ^^'
Finalement, j'ai un flash il y a trois jours en me brossant les dents et pouf ! Un chapitre est .

Voilà. C'était l'instant muffin raconte sa vie et s'excuse (indirectement) pour l'abandon ^^'

Prochain chapitre, bientôt j'espère !

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