Le furet maudit

La soirée n'est pas des plus agréables. Les autres étant montés se coucher directement, je suis restée dans le hall de l'hôtel avec Mathieu.

Je voulais aussi regagner ma chambre le plus rapidement possible, par peur de croiser Anatole, mais Mathieu et moi devons absolument faire des recherches sur la mythologie grecque. Histoire que notre alibi déjà si peu crédible ne prenne pas encore un coup supplémentaire, vous comprenez.

Donc, nous essayons de retenir un maximum de choses sur l'Antiquité.

Et c'est alors que je suis tranquillement en train de lire une page wikipédia sur la tragédie grecque, que je ne peux m'empêcher de remarquer avec effroi que mes craintes étaient fondées. Monsieur Anatole vient en effet d'entrer dans l'hôtel.

-Mathieu ! Je remonte. Je suis fatiguée, dis-je en essayant de garder mon calme.

-Quoi ? Mais ça fait à peine 5 minutes que nous sommes ici.

-Qu'importe ! Je ne retiens rien, de toute manière. J'étudierai ça dans l'avion.

-Ah... Moi je vais encore rester un peu.

-Non, m'affolai-je aussitôt. Tu montes aussi. Le wifi est moins bon dans ta chambre, mais ce sera suffisant !

Mathieu comprend que je serai tracassée s'il reste seul ici et bien qu'il ne sache absolument pas pourquoi, il me suit sans poser de questions. Il n'y a pas à dire, c'est un bon frère, lui.

Je me sens de plus en plus indigne en tant que sœur, mais comme à mon habitude quand je baisse moi-même dans mon estime, je passe outre et enfouis rapidement ces sentiments négatifs au fond de mon ventre pour ne plus y penser.

Efficace, mais pas sur le long terme. Tant pis. J'aurai le temps de devenir une personne bien entre-temps, pas vrai ?

Quel silence accablant...

Enfin bon.

Mathieu et moi retournons dans la chambre d'hôtel, que je ferme à clé sans attendre avant de m'adresser à mon frère.

-Va prendre ta douche, sinon je sais que tu vas encore "oublier".

-Bien m'dame ! répond-il du tac au tac en attrapant au vol la serviette que je lui lance.

Aussitôt la porte de la salle de bain fermée, je m'écroule au sol, une main sur le cœur.

Il martèle ma poitrine de coups furieux.

J'ai vraiment peur. Dans ma tête, c'est comme si je venais de frôler la mort. Je sais que c'est exagéré, mais mes mains tremblent encore du stress que la vision que le mercenaire m'a infligée.

Il peut encore toquer à cette porte à tout moment, et m'égorger moi et mon frère. Ma vie est un désastre.

Non. Stop. Je dois me calmer.

Respirer.

Ne plus y penser.

Je ne vous dis pas le bond que je fais, quand mon téléphone sonne, et que je vois le nom d'Anatole s'afficher sur l'écran.

Pendant un temps qui me semble durer une journée, je reste devant l'appareil, à me demander " Je prends ? Je prends pas ?".

C'est finalement sans réfléchir, presque par réflexe que je décroche d'un geste maladroit.

-Allô ? dis-je d'une voix fébrile.

-Miss Lisa ! Oh. Nous nous sommes manqué de si peu... Dire que j'étais venu exprès for you. Anyway... Heureusement que ces machines existent, dit-il en parlant sûrement de son téléphone.

Je ne réponds rien, mortifiée.

-Oh. Toujours pas loquace, à ce que je vois. Vous ne seriez tout de même pas mal à l'aise ou effrayée, are you ?

Il part alors dans un éclat de rire faussement convivial.

-Bon, m'énervai-je prudemment. Et si tu me disais ce que tu me veux ?

-Oh, pas la peine de vous emporter de la sorte. Je voulais juste vous parler. Nous sommes amis, after all.

À ça non plus, je ne réponds rien.

-Donc, vous savez ce que vous devez chercher now ?

-Oui... Merci... Mais comment vous saviez ça ?

-Cela faisait partie d'une de mes missions d'antan, et je me devais de vous aider. On ne dirait pas, mais je suis un gentlemen, se vante-t-il.

-Arrêtez de vous jouer de moi ! Vous êtes... bizarre et louche. Je ne parviens pas à déterminer votre but. Et... et je n'aime pas ça !

-Vous êtes frustrée, je comprends. Oh, poor dear, soupire-t-il. Ne vous en faite pas, vous le saurez bientôt. De toute façon, vous finirez par tuer Maxime, sinon ce sera lui qui le fera. Anyway... Good night !

Avant que je n'aie le temps de demander ce qu'il veut dire quand il me certifie que je finirai par tuer Maxime, il raccroche.

-Quel était l'intérêt de cette conversation !? criai-je en jetant mon innocent téléphone sur la moquette de la chambre.

Mon Dieu... Il est de plus en plus effrayant.

Toujours dans un état de nerf absolu, je me lève doucement et commence à ranger tout autour de moi, pour me calmer.

Il n'avait rien à voir avec celui que j'ai rencontré la première fois.... Il parlait beaucoup. Il s'exprimait vite, et avec entrain. Il plaisantait, riait et semblait s'amuser. Le cadavre ambulant à qui j'ai parlé n'était plus là.

Je n'ai même pas décelé aucune trace de bâillement dans notre conversation.

-Il est décidément très louche, articulai-je alors dans un bâillement.

Je devrais parler de lui aux autres ...?

Mon cœur s'est remis à battre, et je fais un deuxième sursaut du diable quand mon frère sort de la salle de bain.

-Mathieu ! On toque quand on sort de la salle de bain !

-J'vois pas l'intérêt, soupire l'intéressé en s'étalant sur son lit.

(Moi non plus, à vrai dire).

Sans rien ajouter de plus, je vais à mon tour prendre une douche, avant d'aller dormir.

**********

Il n'y a rien autour de moi. Ni murs, ni toit, ni lampes, rien. Le néant.

Une silhouette arrive de loin, et je reconnais Maxime, de part sa démarche.

Arrivé à mon niveau, il s'arrête et ne bouge plus.

-C'est toi qui m'a fait venir, dit-il.

-Oui, répondis-je.

Un silence. Un long silence, pendant lequel nous nous fixons dans une ambiance électrique.

-Alors, reprend Maxime. Qu'attends-tu ? Vas-y, tu n'as plus qu'à me tuer et puis ce sera fini.

Je ne fais rien.

-Dépêches toi, avant que je ne te tue moi-même. Ce serait fâcheux, Mathieu serait triste.

Je ne fais toujours rien.

-Ou alors, tu as encore trop d'affection pour ma personne ?

Je ne réagis pas tout de suite. Puis, quelque chose monte en moi. Une bête féroce.

Je fonds sur lui. Rapide, pleine de rage, je ne me reconnais pas. Avec une puissance étonnante, je le renverse au sol, et l'y maintient avec aise.

Ma force ne devrait pas pouvoir rivaliser avec celle d'un vampire, que m'arrive-t-il ?

Toujours dans cette espèce de transe, la seule pensée qui me traverse désormais l'esprit est de lui arracher le cœur. Dans une lenteur macabre, j'approche ma main près de sa poitrine. Je prends plaisir à sentir son cœur battre sous mes doigts, car je sais que dans quelques instants, il sera inerte, entre mes mains, comme un simple morceau de viande.

Délectant ma puissance, je regarde son visage. Il sourit. Un sourire indéchiffrable, un sourire qui fait mal. De la tristesse ? De la peur ? De la satisfaction ? Je ne sais pas.

Ça me frustre. Je n'y arrive plus. Je ne parviens plus à le haïr comme quelque secondes auparavant. Je ne parviens pas à revenir à cet état second, où seul sa mort m'importais.

-Je ne peux pas, pleurai-je en relâchant la pression que j'exerçais sur lui. Je ne peux pas...

Puis, le visage de Mathieu apparaît. Il bave sur tout son oreiller, et semble satisfait de son sommeil.

Il est 7h47. Je suis dans un lit d'hôtel qui sent le propre, et Mathieu rêve encore à côté de moi.

Je me lève.

Inutile, sans doute, de préciser que j'ai mal dormi. Je n'ai fais que rêver que j'assassinais Maxime. Une fois je lui coupais la tête, l'autre fois je le poussais du haut d'une falaise et voilà que je lui arrache le cœur...

Je suis malade, complètement malade...

**********

-Excusez-moi Madame, demande Vincent. Auriez-vous l'amabilité de répondre à une ou deux questions ?

-Je n'ai pas le temps, répond la vieille femme avant de repartir d'un pas pressé.

-Vincent, arrête de demander à tous les employés s'ils chauffent leur bâtiment au feu de cheminée... Ça va éveiller les soupçons sur nous.

-Vous avez raison. Je crois que je suis trop pressé d'en finir. Ah, soupire-t-il en sortant de la tour. Nous devrions changer de méthode...

Au dessus du site d'Olympie, nous errons alors sans but, tous les deux entre les différents bâtiments.

Nous nous sommes séparés en deux équipes, afin de ratisser plus rapidement la totalité de cette fichue plateforme volante.

Nous n'avons toujours pas trouvé ce feu. Forcément... "Ce site n'a probablement été créé que dans le but de dissimuler cette flamme. La retrouver ne sera pas une tâche aisée", a gentiment élucidé Vincent hier.

Encore une fois, on a décidé de tout mettre sur mes pauvres épaules. "Tu es une sorcière, cette flamme devrait t'appeler", " Suis ton instinct", et j'en passe ! Et combien de fois vais-je devoir leur expliquer que toutes mes trouvailles sont soit des impostures, soit des formidables coups de chances.

Oui. C'est ça, ma vie ne repose que sur le bon vouloir du destin, qui se décide à me donner des petits coups de pouce quand il voit que je patauge.

Et je patauge souvent, pour une raison très simple.

Je ne prends pas mon côté sorcière au sérieux, comme d'habitude. Si j'avais travaillé mes sorts, on en serait probablement déjà sorti. Je me dis ça souvent, mais pourtant, je ne me donne jamais du temps pour le mettre en pratique....

Un peu comme si je ne décidais pas moi-même de ma vie. Vous voyez ce fameux truc, où on se dit qu'en fait nous ne sommes rien, et que peut-être que au dessus de nous, il y a des gens plus puissants qui n'ont rien d'autre à faire que nous observer ? Ou même qui contrôlent nos vies ?

Bah voilà, c'est ça ! Comme si quelqu'un écrivait mon histoire, et que je n'étais qu'un bête personnage qui fait ce que l'auteur veut qu'il fasse. C'est bizarre, hein ?

Peut-être que c'est ça, le destin dont je parlais tout à l'heure. Ce n'est qu'un être bête et méchant qui s'amuse à me mettre dans des situations stupides où je m'en sors de façon absurde.

Non, mais qu'est-ce que je raconte encore ?

Je suis bien ridicule, comme si je ne pouvais être qu'un personnage de fiction... C'est impossible, pas vrai ...?

Lorsque j'émerge de mes pensées, je remarque aussitôt que je ne suis plus en compagnie de Vincent. Je ne sais pas qui de lui ou de moi s'est perdu, mais une chose est sûre, c'est encore un coup de l'auteur cruel qui écrit mon histoire (en admettant que cette théorie s'avère exacte).

-Nom d'un babibel en cavale ! Pourquoi faut-il que je me fourre dans des situations aussi contraignantes !

Alors que je passe ma colère sur un pauvre et innocent caillou qui passait par là et que j'envoie au loin, une main se pose sur mon épaule.

-Miss Lisa ! Quel heureux non-hasard !

C'est pas vrai, encore lui ?

Je retire aussitôt sa main de mon épaule, et prend trois pas de distance.

-Je vous préviens, nous sommes dans un espace public, et je n'hésiterai pas à hurler à l'agression !

-Pas besoin de vous mettre ainsi sur vos gardes, je ne fais que passer. Venez, faisons quelques pas, please, propose Anatole en me tendant sa main.

Je ne la saisis pas, mais daigne tout de même marcher à ses côtés, méfiante.

-Que me voulez-vous encore !?

Il hausse les épaules, nonchalamment.

Le silence s'installe, je suis terrorisée. Cet homme a une présence qui a le don de tendre toute l'atmosphère et me fait perdre tous mes moyens. Il ne semble pas me vouloir de mal directement et pourtant, je sais que je ne peux résolument pas lui faire confiance.

J'ignore complètement la stratégie à adopter, au secours ! Improviser ne me semble pas la meilleure des solutions face à un tel psychopathe. Pitié, éventuel force supérieure qui me contrôle, ne me fais pas faire de conneries.

Peut-être que je devrais simplement parler.

Nous sommes dans un espace public, beaucoup de passants interviendront s'il me violente, non ...?

Le cœur battant, et cachant au mieux les tremblements incessants dans mes mains, je me résigne à ouvrir la bouche.

-Mais qu'est-ce que c'est que ce harcèlement... Vous ne savez pas vous montrer honnête, et m'expliquer clairement ce que vous voulez ?

-Rien qui ne vous nuise directement, don't worry. Je veux juste vérifier quelques petites choses, sourit-il d'un air peu rassurant.

-Excusez-moi, avançai-je prudemment mais vous me surveiller d'un peu trop près et ça me met très mal à l'aise. De plus, vous vous êtes montré très informé sur ce que nous recherchons, et très mystérieux sur les raisons de tout ce cinéma.

-C'est fort vrai, et je vous avoue que je m'en délecte, me dit Anatole d'un air lugubrement malicieux. However, toutes les bonnes choses ont une fin, et je jure que vous trouverez le dénouement final à votre goût. Il sera... Incredible. Oh, si vous saviez depuis le temps que j'attends cette occasion...

-Mais l'occasion de quoi !? m'énervai-je. Vous savez, si vous ne me faisiez pas autant de menaces et de mystères, je serai probablement plus encline à vous aider en bonne et due forme !

-C'est vrai que c'est une façon de voir les choses... But... Comment dire... Well, c'est beaucoup moins amusant.

Il me sourit, ses yeux pétillent d'une lueur que je ne peux pas vraiment qualifier de rassurante. Ses yeux se font en fait avides, j'ai l'impression d'être une pièce de monnaie en face du capitaine Krabs.

-Mon but est simple, finit-il par avouer d'un air moins détaché que d'habitude. Je veux juste récupérer ce que votre ancêtre m'a pris, trois fois rien.

Je ne réponds rien, et continue de marcher en regardant mes pieds.

J'essaye d'assembler dans ma tête tous les morceaux du puzzle, mais beaucoup de choses ne coïncident pas. Il est trop vague, et je ne le sens pas disposé à m'en dire plus.

Peut-être que j'avais tord à son propos, et qu'il a des desseins tout à fait honorable, finalement...

Non. Je ne dois pas m'y fier. Son aura est lugubre et malsaine, il ne changera rien à ça. Il est louche, un point c'est tout.

-Miss, je vous abandonne ici.

Sans que je ne m'en rende compte, il attrape ma main et y dépose un baiser sec avant de s'éloigner, à mon grand soulagement.

Je regarde autour de moi, je reconnais vaguement. Je suis à l'ombre d'une petite tour, probablement une des plus petites des lieux. Le musée.

-Mais....

Le musée ! Les mots du chat que j'ai croisé la veille reviennent frapper ma mémoire de coups soudains.

-Il n'y a jamais personne, et il y fait toujours chaud... C'est peut-être là !

Mon instinct est sûr de son coup et sans attendre, je me précipite à l'intérieur de la bâtisse, tandis qu'une question me picote l'esprit.

Est-ce que Anatole savait, et a fait exprès de m'emmener ici ?

**********

Je suis en vacances ! Enfin !! Du temps, du temps pour écrire ! Regardez ça, j'en ai plein !

WOIHOU !

Demain, je compte écrire un chapitre.

Mardi, je compte écrire un chapitre.

Je compte essayer d'en faire un tous les jours.

Et je dis bien je compte, hein !

Mais ça va peut-être être un échec... On verra. Mais juré, j'essaye ! Et je suis même prête à soudoyer le destin pour qu'il me donne de l'inspiration !

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