L'Étranger
-Mathieu !? Dépêche tes fesses de phoque disproportionné !
-J'arrive, hurlai-je à l'intention de ma charmante sœur. Laisse moi le temps de mettre un pantalon !
Depuis qu'elle m'a tout déballé (plusieurs fois pour être sûr que je comprenne bien), depuis deux semaines, j'attends ce moment avec grande impatience. C'est la première fois que je rencontre les associés de ma sœur dans sa quête de mortalisation (mot qui figurera bientôt dans votre Larousse, je vous le garantis) d'un vampire.
Je me sens un peu étranger à tout ça, alors, je veux essayer de donner la meilleure impression possible.
Pour ce faire, je vérifie une dernière fois tout mon attirail.
Mon collier de gousse d'ails, OK !
Ma croix pour me protéger, OK !
Mon boomerang issu du déguisement de Sokka que j'ai reçu plus jeune, OK !
Ma salière dans la poche, OK !
Pourquoi du sel, vous demanderez vous.
Et bien, ça marche contre les limaces, non ?
Alors pourquoi pas contre les vampires ?
Je le garde en dernier ressort. Mon arme secrète, si vous voulez
Enfin bon. Mon attirail vérifié et embarqué, je rejoins ma soeur en cuisine.
En descendant les marches, je peux entendre qu'elle discute avec quelqu'un. Étrange, je n'ai pas entendu la porte d'entrée s'ouvrir, pourtant.
Par réflexe, je me cache, pour écouter les voix qui s'élèvent de la cuisine.
-Greg, soupire Lisa. Pourquoi es-tu passé par la fenêtre ? Nous avons des portes ici aussi, tu sais.
-Justement, répond le prénommé Greg. Je me méfie des portes. Elles cherchent toujours à m'écraser les orteils.
-Celles-ci ne sont pas aussi capricieuses que celles que tu connais. D'ailleurs, elles sont dénuées de volonté, et c'est pour un mieux, crois-moi. Et puis, les portes ne sont comparées aux tapis, quand il s'agit de les apprivoiser.
-Tu devrais en faire un guide pour les idiots comme moi.
-Je crois pas que "Comment dompter son mobilier capricieux" ne trouverait d'éditeur. Ni de lecteurs, d'ailleurs.
-Ah bon.
Du charabia, que du fichu charabia.
Quand je vous disais, que j'étais un étranger ! J'ai l'impression d'assister à une super dégustation de thé animée par le chapelier fou en personne.
Perturbé, je colle mon oreille a la porte d'avantage, comme si ça allait m'aider à traduire ce qu'ils disent en une chose à laquelle je puisse me raccrocher.
-Pourquoi tu ne portes plus ton masque ? demande ma soeur.
-Je le porte encore, il est juste là.
-Je voulais dire sur ton visage.
-Ah ça ! Je suis devenu myope. Et je dois dire que même sur Amazon, je n'ai pas trouvé de lunettes adaptées au format "masque", explique l'homme d'un ton savant. De plus, du temps où je me promenais avec ce masque sur le visage, tu n'imagine même pas le nombre de fois où je me suis fait interpeller par la police car j'étais "louche". Là, avec mon masque autour du coup, j'hérite du statut "semi-louche".
-C'est une amélioration en soi. Je dois dire que... que je m'attendais à autre chose de... de plus... surprenant ? Une laideur sans précédent, ou un orteil à la place du nez, je sais pas moi, mais pas ça !
-Mais c'est encore pire que tout ça ! Ce qui se cachait derrière ce masque n'est autre qu'une banalité sans nom !
-Et alors ?
-Alors, là, tu vois Greg, l'ami sympa. Quand je mets ce masque, tu vois Greg, l'ami sympa ET mystérieux. Tu piges ?
-Admettons.
Je finis par comprendre que leur conversation est absolument absurde et décide de faire mon entrée, sans les épier d'avantage, c'est inutile.
Pour faire dans la discrétion, je remonte la moitié des marches.
Si je débarque d'un coup sans avoir fait le moindre bruit, ce serait louche.
Alors, j'en fais juste ce qu'il faut pour annoncer ma présence imminente
-Enfant du soleil, chantonnai-je pour faire naturel. Tu parcours la terre le ciel, cherche ton chemin, c'est ta vie c'est ton destin. Et le jour la nuit...
Je m'arrête de fredonner, en ouvrant la porte de la cuisine.
Un homme aux lunettes affreusement sales, fonce aussitôt sur moi.
Avec ses vêtements noirs amples et son masque porté autour du cou comme un simple collier, il me fait un peu penser à un moine gothique.
-Mmh, fait-il en m'observant une main sur le menton. Absence de pantalon, fredonne des chansons bizarres, même prédisposition à la folie dans le regard. Je mettrais ma main aux ronces que vous êtes de la famille de Lisa, celle qui murmurait à l'oreille des meubles.
Pour toute réponse, je regarde mes pieds.
Mince. J'ai effectivement encore oublié de mettre mon pantalon. Pourtant, j'étais sûr d'avoir vérifié.
Je remonte rapidement pour en enfiler un.
Ça nous arrive souvent dans la famille d'oublier ce genre chose, c'est vrai. Les voisins n'arrêtent pas de se plaindre de nous voir aller prendre notre courier en tenue indécente.
C'est une des nombreuses raisons pour lesquelles ils forment secrètement une ligue contre nous.
-Donc, reprend l'homme en surjouant les détectives une fois que je suis redescendu. Vous semblez trop jeune pour être son père, vous n'avez pas tout à fait le profil de sa mère, j'imagine que son chat est plus poilu... Seriez-vous son frère ?
-Greg... Arrête d'embêter Mathieu, le réprimande gentiment Lisa.
-Je te soupçonne de trouver ça drôle, répond-il. Enfin bon. Enchanté !
Il me serre la main, énergiquement, pas dérangé du tout par mon silence.
-De même, maugréai-je. Euh... Greg, c'est ça ?
-Grégory Lamainverte, expert en sarcasmes, se présente le type. Loup-garou à mi-temps, enquiquineur de première à plein temps, et aussi, jardinier à ses heures perdues.
-Greg... soupire Lisa. Excuse-le Mathieu. C'est plus fort que lui. Je te sers à boire ?
-Volontiers, maugreai-je en essayant au mieux de cacher mon incompréhension de la situation.
Je dois être en train de rêver...
Lisa attrape la théière et sert trois tasses, en s'appliquant pour ne pas renverser.
Je m'assied à table, en face du type. Un loup-garou, si j'ai bien compris.
-Vous comptiez faire de la soupe ? demande-t-il en désignant l'ail et le sel que je dépose sur la table pour m'en débarrasser. Un équivalent de la ciguë version vampire ? Parce que sans vouloir vous vexer, je doute de son efficacité.
-Grégory, se fâche Lisa. Ça suffit. Il y a un temps pour tout. Encore un mot et tu ira au coin, recopier 50 fois "Je ne dois pas agir en enfant mal élevé et embêter les autres à tout bout de champs".
-Redoutable quand tu t'énerves, petite, rigole-t-il. Je comprends pourquoi les portes t'obéissent. Dites donc, les amis, je plaints ce pauvre futur bébé Maxime, moi !
Je manque soudain de m'étouffer avec ma salive.
-Plaints le autant que tu veux, soupire ma soeur en nous servant le thé. De toute façon, bébé Maxime ne sortira pas d'entre mes jambes.
-Tu prévois donc de le cracher par la nombril ?
-Je ne prévois rien en ce qui concerne Maxime, un point c'est tout.
Lisa souffle, soulagée de voir que l'homme se tait et me lance un regard désolé avant de venir s'asseoir à côté de moi.
-Tu dois pas piger grand chose, toi. Désolée. Tu veux un cookie ?
Elle se lève, va chercher la boîte de gâteaux et me la présente.
J'en prends un, réconforté par ce petit gâteau à la fois moelleux et croquant.
-Toi, dit-elle à l'intention de Greg, tu n'en n'auras pas. Les cookies, c'est pas pour les vilains garçons !
Il fait mine de bouder et moi, je suis d'autant plus désemparé.
C'est normal qu'elle lui parle comme à un enfant ?
Oh et puis, je croyais que les loup-garou étaient beaucoup plus... menaçants ? Effrayants ?
Enfin bon... Je suppose que je vais finir par m'habituer....
-Euh... osai-je d'une voix mal à l'aise. Il devait pas y avoir un vampire, aussi ? Celui avec un chouette chapeau et une canne.
-Ah, Vincent ? C'est plus un vampire, me dit ma soeur. C'est Maxime, le vampire. Mais lui, tu ne le rencontreras pas. Le vampires, c'est pas pour toi.
-Grand bien t'en fasse ! intervient Grégory. Enfin... Vincent devrait arriver bientôt. Il avait des choses à vérifier, avant.
-Il a trouvé une solution ? demande Lisa.
-Pas encore. Il cherche. Je lui ai proposé le pieux dans le cœur, mais il ne semble toujours pas décidé à le rayer complètement de la surface de la terre. Ton frère pourrait lui proposer sa super soupe à l'ail ? Il serait ravi et peut-être même que...
-Greg ! s'énerve Lisa.
-Bon, bon. Je n'ai rien dit.
Lisa soupire, en mordant dans un cookie.
Décidément, à chaque fois qu'ils causent, eux, je suis totalement largué.
Est-ce que ça va être comme ça tout le temps ? Moi qui regarde en silence sans jamais rien piger ?
Un fichu étranger qui s'incruste dans un aventure qu'il ne comprend pas.
Lisa n'a peut-être pas besoin de moi comme elle le prétend...
"Ah non ! Tu ne recommence pas"
Je me donne deux gifles virtuelles pour me reprendre.
BAM. BAM. Aïe.
Je ne dois pas penser comme ça.
Lisa m'a demandé mon aide, alors je vais la lui donner. Point, pas d'objections.
Même si ça implique que pour le moment, j'ai l'impression d'assister à une conférence sur les hommes en kilt, le tout en néerlandais.
C'est chiant, et en plus, je ne comprends rien.
Soudain, un TOC TOC me sort de mes pensées.
Lisa se lève et va ouvrir tandis que sur la visage de son compagnon se peint un air de désespoir assez prononcé.
Elle revient un instant après, suivie de ce satané type en haut de forme.
Il s'assied, non pas après avoir vérifié la netteté des chaises.
-Donc ? tente Lisa.
-Donc ? ajoute Grégory.
-Donc ? dis-je à mon tour, ne comprenant pas grand chose à la situation.
-Cette cuisine est sale, répond simplement le comte.
Lisa soupire, le loup-garou aussi. Alors, je suis une nouvelle fois le mouvement, pour donner l'impression que je comprends ce qui se passe.
-Vraiment, s'exaspère Lisa. Vincent... Rien d'autre à dire ?
-Et bien, votre salon aussi, il mériterait un coup de balais.
-C'est que nous n'avons pas de personnel pour le faire, nous, répond sèchement ma soeur. Plus sérieusement, je parlais d'un éventuel début de solution. Je n'ai aucunement envie de vous assister jusqu'à mes 80 ans !
-Oh, vous parliez donc de ça... Et bien, non. Je n'en ai aucun. J'ai lu et relu tous les livres que j'ai pu trouver mais rien ne m'a semblé cohérent.
-Je vois...
-Et que sommes nous supposé faire, alors ? intervient l'homme au masque.
-Trouver une bibliothèque plus grande, c'est évident.
-Logique, oui, tentai-je. Et on trouve ça où ?
L'homme me dévisage, comme si il venait à peine de remarquer ma présence.
Je lève la main, et incline la tête en souriant jovialement, en signe de bonjour.
Il ignore complètement ce geste et reprend.
-Tous les livres auxquels on peut accéder sont trop récent, ou trop accessible à tous. Ils faut voir plus loin.
-Où ? demande Lisa. On ne va quand même pas aller pêcher des livres au Vatican !
-Non. Ce serait une perte de temps incommensurable. Vous savez, mademoiselle, en partant vous n'avez jamais eu l'occasion de refermer la porte du Jardin d'Ébène. Il est resté ouvert à la vue de tous. On peut y accéder, si nos intentions sont suffisamment correctes. Je me suis permis d'y fouler le sol, dans le cadre de notre mission.
-Et ? s'impatiente ma soeur.
-Je croyais y trouver des livres, mais il n'y a rien. Aucun autre sort laissé par Malvina, aucun manuscrit. En revanche, j'ai pu décrypter ce qui m'a tout l'air d'être une indication. "Toutes les légendes naissent à Athènes".
Lisa le regarde, sceptique.
J'essaye de suivre le mouvement tant bien que mal sous le regard amusé de son ami au masque qui a décroché de la conversation depuis un moment déjà pour observer mes talents d'imitateur.
-Tu n'es pas en train de nous dire que nous devons nous rendre à Athènes, si ?
-Bien sûr que non. C'est à Olympie que nous allons.
Alors que Lisa semble se perdre de plus en plus dans ces paroles, le loup-garou, lui, comprend de quoi il advient.
Je vois son visage se décomposer, peu à peu, juste avant qu'il s'étouffe avec son fond de thé.
-On ne va pas aller à L'Administraire, rassure-moi !? panique-t-il.
-Si. À la Grande Bibliothèque, plus précisément.
Pour une fois, je me sens moins seul. Lisa ne semble pas en toucher une non plus.
Nous nous contentons de fixer ceux qui savent, en deux bons imbéciles.
C'est elle qui se permet de prendre la parole.
-Pardon mais c'est quoi, l'Administration ?
-L'Administraire, rectifie Grégory.
-C'est le siège des vampires, complète le comte. C'est là que s'organise tout la société vampirique. Les vampires sont venus de Grèce, mademoiselle Lisa. On ne sait pas comment ils sont nés, mais c'est de là qu'ils sont arrivés.
-Vous voulez retracer les origines des vampires ? demandai-je sans être sûr de comprendre.
Une nouvelle fois, on me regarde en intrus. "Reste en dehors de ça et fais toi oublier dans les jupes de ta soeur", si je comprend bien la traduction de ces deux regards qui pèsent sur moi.
-C'est cela, oui, finit toutefois par répondre l'homme. Je ne m'étais jamais intéressé aux origines de vampires de mon vivant... enfin... de mon temps de vampire. Maintenant cependant, ça me semble évident. Si il y a bien un endroit où l'on peut trouver des récits à ce propos, c'est bien là.
-Mais tu sais bien que c'est la folie là-bas, s'exclame le loup. Et... tu comptes l'emmener, elle ?
-Naturellement.
-Mais... Tu...
-Mais quoi ? intervient Lisa. Pourquoi je ne devrais pas aller là-bas ?
Les deux hommes se regardent, comme pour délibérer si oui ou non ils doivent nous parler plus amplement de cet Administraire.
Celui au masque finit par se lancer.
-Selon les statistiques générales, les vampires étaient plutôt satisfaits de leur condition. Leur communauté était parfaitement organisée et je t'avoue que tu as un peu foutu un bordel monstre là-dedans, en les humanisant sans leur demander leur avis. Je peux pas tout t'expliquer comme ça, mais c'est pas joli joli et tes nouveaux amis récemment humains ne sont pas des plus heureux, concernant leur nouveau statut. Bien sûr, on ne peut pas te blâmer. Tu étais pleinement emplie de bonne intentions naïves. Mais par "ta faute", selon l'opinion populaire, rien ne va plus.
-Et alors ? demandai-je car ma soeur, trop occupée à réfléchir ne le fait pas.
-Alors si notre charmante sorcière assise ici-même présente son joli minois tout gentillet sur place, je peux vous assurer qu'ils seront quelques dizaines à faire la queue pour l'égorger sur place.
-Et aucune sorte d'autorités ne cherchera à empêcher cela ?
-Je vous la refais ? Ils seront quelques dizaines à faire la queue pour l'égorger sur place, ministres et milices en premier. D'ailleurs, petite, si tu as de la chance, tu auras droit à une exécution publique. Hourra !
Il met son pouce en l'air, en souriant comme dans une publicité en regardant ma soeur, qui ne rigole pas du tout.
-Bonté divine, soupirai-je en me renfonçant tout au fond de ma chaise pour m'y faire oublier.
Lisa ne semble pas aussi troublée que moi.
Sur son expression, on pourrait presque lire "Mouais... Encore du danger ? Oh vous savez... je ne suis plus à ça près"
Je me doute qu'elle exagère ses gestes, mais je suis sûre qu'au fond, elle doit réellement se dire qu'elle a vu pire.
Bien sûr, je sens qu'elle stresse plus que raisonnablement.
-Qu'importe, finit-elle par dire. Je viendrai. Je suppose que ma tête n'est pas placardé esur tous les murs au dessus d'un gros WANTED écrit en caractères gras. Je passerai inaperçu avec ma teinture.
Grégory hausse les épaules et son acolyte prend la parole.
-Avec une teinture d'accord. Mais pas avec un cortège trop gros. Nous devons partir en comité très réduit.
Le comte me fixe, pour être sûr que je comprenne bien que moi, je ne suis pas bienvenu.
-Mathieu vient avec, intervient néanmoins ma soeur. C'est non négociable.
-Très bien, dit-il sans réfléchir longtemps. J'estime inutile de tenter de vous convaincre de faire sans. Bien. Je prendrai tous les frais en charge. Nous partons dans un mois. Passez une bonne journée.
Il se lève alors, et s'en va, suivi de Lisa qui lui ouvre poliment la porte.
Moi, je reste abasourdi sur ma chaise. C'était trop d'information en un coup, j'ai l'impression que ces trois-là ce sont ligué pour provoquer un court circuit dans mon cerveau.
Je ne me sens pas plus intégré dans ce petit groupe, au final.
"Ça viendra. N'en fais pas un prétexte pour lâcher ta soeur."
-Bon, dis soudain Grégory. Je suppose que moi aussi, je vais devoir m'en aller avant que Lisa ne vienne me chasser à coup de savates au derrière. Sur ce.
Le loup lève un chapeau imaginaire dans un signe de tête, avant d'ouvrir la fenêtre de la cuisine pour s'y engouffrer et disparaître dans le jardin comme un voleur.
-Bon... On va en Grèce dans un mois. Chouette chouette, ironise Lisa en revenant les mains dans les poches.
-Ouais.
-Quelle histoire, mon ami, soupire-t-elle en s'affalant sur sa chaise.
-Ouais.
Un silence s'installe. Seul le bruit du lave-vaisselle en marche trouble le calme olympien qui règne dans la cuisine.
-Lisa ?
-Mathieu.
-Une idée de la façon dont nous sommes supposé expliquer ça aux parents ?
-Aucune.
**********
Presque 3000 mots, je vous jure que je n'ai jamais fait un aussi long chapitre, de toute ma carrière de wattpadienne !
Bref....
Je mets la suite fin de semaine. Samedi, probablement. 😊🙋
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