Chapitre 86.
Après une seconde course effrénée, Greg me dépose à l’arrière de la demeure et reprend, une nouvelle fois, forme humaine.
-Rentre par là, ça m’a l’air trop dangereux devant.
-Mais… Et Maxime ? Et Vincent ? Je dois absolument les aider !
-Lisa, concentre-toi sur Lydia. Il est impératif qu’elle ne parvienne pas à lancer le sort. Je m’occupe des vampires, ne t’en fais pas.
J’approuve d’un hochement de tête, à contrecœur. Greg se transforme une nouvelle fois en loup et je le vois courir en direction des bruits de bagarre qui semblent s’amplifier.
À mon tour, je me précipite, mais à l’intérieur du manoir. Je traverse la cuisine, où est rassemblé tout le personnel, complètement paniqué. Après avoir joué des coudes pour parvenir à tout traverser, j’accours vers les grands escaliers.
Je fonce directement au troisième étage, je sais d’avance qu’il ne sert à rien d’aller voir dans ma chambre si le journal n’y est pas encore, à tout hasard. Je sais que Lydia s’en est déjà emparée, et je ferai mieux de l’intercepter avant qu’elle n’ouvre la porte du fameux jardin d’ébène.
Lorsque j’arrive dans le couloir, Lydia est déjà là, avec le journal et le collier. JE m’attendais à la trouver en plein rituel, mais non. Elle est debout, souriant dans ma direction, comme si elle m’attendait.
-Te voilà enfin.
Je me précipite vers elle, sans plus attendre. Je me jette sur elle, avant qu’elle n’ait le temps de me lancer un maléfice. Nous tombons toutes les deux aux sols.
-Attends ! s’écrie-t-elle alors que je levais la main, prête à la lui coller directement dans le nez. Ce n’est pas ce que tu crois !!
-De quoi tu parles !?
-Je suis de ton côté !
Curieuse, je baisse ma main, mais je ne relâche pas la pression que j’exerce sur elle pour autant ?
-Je… Je t’attendais pour ouvrir la porte… Je crois qu’on doit le faire à deux.
-Ce n’est sûrement pas ce que désire Tristan, rétorquai-je.
-Au diable Tristan ! Il est fou. J’ai toujours voulu la même chose que toi, Lisa. Accomplir la volonté de Malvina. Nous partageons la même âme , il est normal que nous pensions de la même manière, non ?
Je la regarde, toujours pleine de méfiance à son égard.
-Pourquoi es-tu restée si longtemps aux côtés de Tristan alors, hein ?
-Il fallait bien que je le surveille ! Il avait confiance en moi, j’étais la mieux placée pour l’espionner.
-Tu as tué Iris, criai-je les larmes aux yeux.
-Je devais conserver sa confiance, se justifie-t-elle. Je suis sincèrement navrée…
Je ne sais pas vraiment si je dois oui ou non la croire. Elle semble être une actrice hors pair, il est difficile de déterminer de quel côté elle se trouve.
-Je… continue-t-elle, c’est moi qui t’ai aidé à t’enfuir… C’est moi qui ai envoyé un mot à ton ami loup-garou, signé William. Je savais qu’il était dans le coin, car c’est aussi moi qui l’ai envoyé voir la tribu des loups ancestraux, pour me faire pardonner d’avoir tué son amie… Lisa, je te jure que je n’ai jamais voulu de mal à personne.
-Sauf à Maxime et Vincent !
-C’est vrai, avoue-t-elle en baissant la tête. Mais… Je leur ai pardonné, au bout de 200 ans, j’ai fini par devenir plus sage que je ne l’étais à l’époque.
Ses yeux sont plongés dans les miens. Ils semblent déborder de remords et de sincérité. Pour le moment, je décide de l’écouter. Mais je reste sur les gardes.
Je me relève, et hésite à tendre la main pour l’aider à se relever elle-aussi. Elle se relève toute seule, et avance vers la porte. Elle sort de sa poche le flacon contenant quelques gouttes de mon sang, et elle les laisse tomber sur le sol.
Alors, le poème laissé par Malvina apparait.
Le collier, qui gisait sagement au sol jusqu’ici, semble léviter tout seul. Il se met à briller, lui aussi. La pierre du pendentif se sépare en deux et les deux morceaux viennent se coller respectivement au centre des deux portes portes, où doivent normalement se trouver des poignées. Il change de forme, et devient alors la poignée de porte manquante.
-Lisa, donne-moi la main, et lisons la formule, ordonne la sorcière à côté de moi.
-Quelle formule ?
-Celle-ci, dit-elle en montrant d’un geste du menton, le journal qui vient lui aussi se placer à notre hauteur et s’ouvre tout seul sur une page ou un texte qui n’était pas là avant apparaît.
Nous le lisons, sans le dire à voix haute. Une fois arrivées au bout, nous nous faisons un signe de tête et récitons ensemble les paroles inscrites.
« Que les étoiles illuminent les cieux,
Que la lune éclaire les lieux,
Ô toi, grand maître des enfers,
Je t’invoque, moi, authentique sorcière.
Les secrets de mon aïeul il me faut voir,
Donne-moi accès à tous ces savoirs.
Afin d’accomplir la volonté dans anciens,
Que s’ouvrent les portes de ce jardin. »
Dans un rayon de lumière aveuglante, il me semble que les portes s’ouvrent lentement. Je lâche la main de Lydia, qui était toujours cramponnée à la mienne. Le Jardin d’ébène se dévoile, je ne tiens plus en place.
La main posée sur ma poitrine pour vérifier les battements de mon cœur, je découvre ce qui se cache derrière ces deux grandes portes.
Rien. Il n’y a littéralement rien. Une pièce vide, rien de plus.
Intriguée, je regarde Lydia, pour voir si sa réaction s’apparente à la mienne. Tout porte à croire qu’elle semble perplexe, elle aussi.
-La salle doit prendre une forme différente selon la personne qui y rentre, déclare-t-elle. C’est sans doute une mesure supplémentaire pour ne réserver ces secrets qu’aux véritables descendantes.
Je ne l’écoute qu’à moitié, et fais déjà quelques pas, à l’intérieur de la petite pièce. Aussitôt, la pièce change. Elle prend la forme d’une forêt, noire et dense. Elle est bien plus grande qu’elle n’en avait l’air, vue de l’extérieur.
Je fais quelques pas, émerveillée par l’endroit. Lydia finit par me rejoindre, tout aussi impressionnée.
La phase « découverte » une fois passée, je me rends compte qu’il n’y a rien concernant les secrets magiques de la sorcière. Le jardin est magnifique, mais je m’attendais plutôt à tomber sur une grande bibliothèque, ou quelque chose du genre, tout aussi cliché.
-Et maintenant ? demandai-je à Lydia qui marche derrière moi. Nous sommes sensées chercher un tronc d’arbre creux qui abriterait des parchemins ?
Ne recevant aucune réponse de sa part, je me tourne vers elle. Elle est livide, tremblante, et fixe un point devant elle, dans le vide.
-Qu’est-ce qui se passe ?
-Là, chuchote-t-elle en montrant du doigt une silhouette poussiéreuse qui avance vers nous.
Au fur et à mesure que l’ombre se rapproche, je devine les traits de Malvina. Je devrais en être rassurée et me dire qu’elle vient nous aider à trouver son caveau où sont rangés ses secrets, pourtant, je devine à son visage qu’elle ne vient pas en paix. Elle zigzague dangereusement entre les arbres, un air menaçant à notre égard.
Lydia tente de lui lancer un sort, mais il passe au travers de son corps, et s’écrase sur un arbre. Ce geste n’a fait qu’énerver d’avantage l’esprit, qui fonce désormais sur nous.
Je sens le fantôme passer au travers de mon corps, et un long frisson désagréable traverse mon corps tout entier. Il se dissipe heureusement pour moi bien vite.
L’ombre passe également au travers de Lydia, avant de disparaitre subitement.
Je me demande si d’autres choses comme ça nous attendre… Si c’est le cas, je crois que je préfèrerai prendre mes jambes à mon cou.
« trouillarde ! »
C’est vrai… Et puis, Lydia est avec moi. Tant que je ne suis pas seule, il ne peut rien m’arriver. N’est-ce pas ?
-Ne trainons pas ici, m’indique Lydia en attrapant mon poignet.
Elle me traine rapidement plus loin dans la forêt qui ne semble pas avoir de fin. Comment allons-nous sortir de cette pièce, bon sang !
Je m’arrête au bout d’un moment, et regarde Lydia dans les yeux.
-Lydia, demandai-je. Laquelle d’entre nous va lancer le sort ?
-Je vais le faire, dit-elle avec détermination. Après tout, je suis la seule qui ait pu développer tout mon potentiel magique.
-Mais… la malédiction disait que la sorcière perdrait la vie…
-Je crois, commence-t-elle d’un air bienveillant, enfin… ce n’est qu’une interprétation, mais il me semble que par « perdre la vie », Malvina veut dire perdre le morceau d’âme qui lui appartient. Il existe une croyance ancienne selon laquelle les sorcières ne doivent leurs pouvoirs qu’à une seconde âme. Il en va de même pour presque tous les peuples. Par contre, les humains, eux, n’en ont qu’une seule.
Je comprends où elle veut en venir.
-Je suppose que le sort de Malvina veille donc à anéantir cette seconde âme.
Elle approuve d’un geste de la tête.
-Je vais lancer ce sort, me répète-t-elle. Mais je ne sais pas si j’aurais assez d’énergie… J’aurais besoin que tu restes à côté de moi pour me prêter une partie de ton potentiel magique.
-Bien sûr, je…
L’atmosphère commence à changer, et me fait taire aussitôt. Il fait soudainement froid, très froid. Et beaucoup plus sombre. Lydia se rapproche de moi, tremblante.
Des ombres surgissent de plusieurs coins. Leurs voix sifflent dans les bois.
-Mensonges, chuchotent-elles toutes en cœur. Les menteuses n’ont pas leur place ici.
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