Chapitre 84.
-Bien, commence-t-elle. Alors, aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours vécu chez Claude. Je ne sais rien, et n'ai jamais rien su à propos de mes parents. Bien sûr, j'étais heureuse chez Claude. Je me rappelle que les deux frères venaient jouer avec nous assez souvent. Je m'amusais bien avec eux. Et puis, alors que je devais avoir 17 ans, Claude m'a très soudainement annoncé qu'il ne pourrait plus « m'héberger », pour reprendre ses mots. Et Vincent m'est venu en aide. « Par un heureux hasard, m'avait-t-il dit, nous avons de la place dans notre château ». C'est à peu près comme ça que j'ai malheureusement atterris chez ces deux... gentlemans.
Elle marque une courte pause, son visage déformé par la haine et le dégoût. De mon côté, je n'ose pas lui dire que j'avais déjà eu vent de cette histoire. Elle me fait extrêmement peur en ce moment même. J'ai l'impression qu'au moindre mouvement ou son de ma part, elle me tuerait sur le champ.
-C'est Tristan qui m'a raconté plus tard ce qui s'était réellement passé. Ils m'ont arrachée à Claude, à mon confort, mais à l'époque, je ne m'en étais pas rendue compte. Il se trouve que j'éprouvais à l'égard de Vincent, une attirance... indescriptible. Fichue malédiction... Tu as dû la ressentir aussi, cette attirance, non ? On a beau lui trouver tous les défauts du monde, on voudrait le haïr, et pourtant rien n'y fait, c'est lui qui hante nos pensées. J'ai quand même eu un grand moment de désillusion, après avoir... après avoir euh... craqué. C'est alors que Tristan m'est venu en aide. Il m'a expliqué tout ce qu'on m'avait toujours caché, et m'a aidé à sortir de ce château sans qu'on ne cherche jamais à me retrouver.
-En simulant un suicide, murmurai-je pour moi-même.
-C'est exact, dit-elle. C'est incroyable tout ce qu'il est possible de faire quand on s'éloigne des sentiers tout tracés. Tristan m'a fait découvrir la vraie magie. La plus puissante, celle qu'on appelle « magie noire » pour dissuader la plupart des magiciens. Pourtant, elle permet d'innombrables choses. Ralentir le processus de vieillissement, par exemple. Tout ça, c'est à lui que je le dois. Il a passé longtemps à m'apprendre, à me pousser au-delà de mes limites. Maintenant, si je reste à ces côtés, c'est pour accomplir ma vengeance envers ces deux frères qui ont gâché ma vie ! Et puis, reprend-elle d'un ton plus calme. Maintenant c'est à mon tour de lui apporter mon aide. Je lui dois bien ça.
-Lydia, intervient Tristan. Je te remercie de cette marque de dévotion, mais je crois qu'il est bientôt tant d'y aller.
Elle lui fait un signe de tête et quitte la pièce. Tristan, lui, reste. Il s'approche doucement de moi, je reste pétrifiée.
-Vous ne cherchez même pas à vous enfuir ? demande-t-il en sortant de sa poche un couteau relativement grand.
La vision de l'objet me fait totalement paniquer. Je ne sais pas si je devrais essayer de fuir, ou de lui lancer un sort, ou de lui donner des coups de pied.
-Allons calmez-vous. Ce n'est pas pour vous tuer, dit-il en se rapprochant de moi. Cessez de gigoter, voyons. Ça ne rend les choses que plus pénible.
Une petite douleur survient dans mon bras. Aussitôt, Tristan s'éloigne. Je regarde la petite entaille dans mon bras. Puis, je regarde le vampire faire couler mon sang dans une petite fiole qu'il glisse dans sa poche par la suite.
-Lydia en aura besoin pour accomplir la prophétie. Il semblerait que seul le sang de la sorcière la plus récente soit une clé pour ouvrir la porte. Ma tendre épouse avait sans doute prévu la possibilité qu'une sorcière triche avec le temps.
-Je croyais que vous en aviez après les humains ? La prophétie visait à faire disparaitre les vampires !
-C'est que vous l'avez mal interprétée. Que disaient les derniers vers, déjà ? Ah oui ! Que la « race maudite » succombera, ou quelque chose comme ça, je crois. Race maudite, c'est plutôt vaste, non ?
-Je vois où vous voulez en venir. Ce sort permet d'exterminer n'importe quel peuple, je suppose ?
-C'est exact. Je m'obstine à penser que les humains sont la source de tous les maux. Ils sont les plus faibles, alors pourquoi sommes-nous tous, aussi bien sorcières et vampires que loups garous, obligés de vivre cachés ? Je referai une société, sans les humains. N'est-ce pas merveilleux ?
Tristan, qui jusque-là avait fait preuve d'un calme olympien a complètement changé son ton de voix. Il a l'air de s'être évadé de l'asile. J'ai vraiment l'impression de me trouver face à une version mâle de Bellatrix Lestrange. C'est effrayant.
-Ne faites pas cette tête-là. Vous aussi, vous aurez une place dans cette société. Le but, de ne plus jamais faire couler le sang d'innocents à cause de la peur des humains. J'ai entrepris de faire le tour du monde, et de sauver ceux qui le méritaient. Ceux qui acceptaient qu'on fasse partie intégrante de ce monde sans qu'on ait besoin de se cacher ont été transformés en vampire. Bientôt, tout sera terminé. Nous vivrons tous heureux !
-Maxime et Vincent ne vous laisseront pas faire !
-Je n'hésiterai pas à me débarrasser des gêneurs, annonce-t-il d'un ton impérieux.
-Les vampires sont immortels, vous n'arriverez pas à les tuer. J'ai lu que mêmes démembrés, la vie ne les quitte pas !
-N'avez-vous jamais entendu parler de cette croyance populaire chez les humains comme quoi les vampires craignent la lumière du soleil ?
-Si, mais c'est juste une légende ! N'allez pas me faire croire qu'il suffit d'ouvrir les rideaux pour qu'ils tombent en poussière.
-Apprenez qu'il y a du vrai derrière chaque légende. Il existait un mage, autrefois, Apollon. Il avait la réputation de savoir maitriser le soleil. Bien sûr, c'est tout à fait faux. Cependant, ses connaissances en médecine étaient incomparables. Ses remèdes contribuaient grandement à sa renommée et jamais il n'a échoué dans la guérison de qui que ce soit. Mais il excellait également dans la création de poisons mortels. Bien qu'il en garda la recette secrète, il avait réussi à mettre au point l'Élixir de Jade, destiné à tuer les immortels.
Tristan s'arrête là et scrute ma réaction.
-Je ne me vante pas d'avoir réussi à retrouver la recette, loin de là. En revanche, il se trouve que ce mage fut assassiné, un jour, par un autre sorcier qui lui vola l'élixir. On raconte que ce sorcier aurait lui même été abattu par un chevalier qui aurait imbibé son épée de ce poison. Et pour une fois, ce qu'on raconte est vrai.
Tristan me désigne un objet accroché sur le mur, qu'on prendrait volontiers pour une décoration. Une vieille épée en fer rouillé dont l'apparence parait sans valeur se tient là.
-Cette épée, reprend le vampire, n'est pas la plus impressionnante, mais le poison est toujours présent sur la lame. Je m'en servirai, sans la moindre hésitation envers mes descendants s'ils font opposition. Après tout, c'est pour notre avenir à tous que je suis prêt à les sacrifier
-Ce n'est pas ce que Malvina voulait en posant cette malédiction, tentait-je désespérément pour le dissuader. Vous êtes complètement à côté de la plaque !
(Et totalement fou...)
-Et qu'en savez-vous !? Vous n'étiez pas là, quand elle a rendu son dernier souffle ! Elle était emplie de rancœur envers ses bourreaux, je peux vous l'assurer.
-Je n'y crois pas !
Tristan souffle péniblement.
-Vous verrez, vous me remercierez avant demain. Nous opérons dans quelques heures, quand la lune sera à son apogée. Tout sera mieux. Vous serez délivrée de la malédiction qui vous enchaine à Maxime.
Mon cœur accélère soudainement lorsqu'il prédit sa mort.
-Non...
-Vous ne l'aimez pas vraiment, Lisa. Ce n'est qu'une illusion, dont vous serez bientôt libérée.
-Vous n'avez pas le droit de décider qui peut mourir ou vivre dans votre « nouvelle société » à la noix !
-Je m'attribue tous les droits que je souhaite, en tant que futur roi.
-Vous êtes fou !
-Non, rétorque-t-il avec une lueur menaçante dans les yeux. C'est vous qui refusez de voir l'évidence : les humains sont un poids pour la société.
Je ne sais plus quoi répondre. Je le fixe, bouche bée. Il est hors de question que je le laisse faire ça, mais je ne sais absolument pas comment l'empêcher de mener à bien ses plans.
Un plan, il me faut un plan.
Je regarde partout autour de moi, à la recherche de l'inspiration.
Je peux essayer de le pousser dans le feu et m'enfuir à toutes jambes ?
Inutile... Lydia me rattraperait aussitôt.
-Bien. Je vais devoir faire le point avec Lydia. La première phase de notre plan consistait à vous écarter du château. Après tout, vous constituiez la seule menace qui aurait pu compromettre nos ambitions. Seulement, vous comprendrez que si vous retournez là-bas, tout ça n'aura servi à rien. J'espère que vous me pardonnerez de vous enfermer un petit moment.
-Quoi !? Non ! Je...
Mes sens sont de nouveau en alerte. Dans un geste désespéré, je le pousse en direction de la cheminée. Il recule d'un pas, visiblement étonné.
Il revient bien vite dans ma direction et empoigne mon bras.
-Hey ! Lâchez-moi, criai-je.
-Vous avez de la chance, grogne-t-il d'un ton anti-rassurant en me tirant dans le couloir. Je vous ai réservé une place importante dans mon plan. Sans ça, vous seriez déjà passée de l'autre côté !
Il ouvre grand une porte, et nous descendons des escaliers. Nous arrivons dans un couloir froid.
-Une place importante ? Que voulez-vous dire, demandai-je tout en essayant de résister.
-Une fois qu'elle aura lancé le sort, Lydia perdra tous ses pouvoirs. J'aurai besoin de vous, et de vos pouvoirs. Nous trouverons un sort qui fera renaitre le peuple des sorciers. Malvina avait déjà fait des recherches à ce sujet, j'en suis certain. Je sais qu'elle voulait faire renaître les sorciers et les vampires.
Je reste, une fois de plus, muette. Je n'arrive pas à trouver les mots pour essayer de le résonner. De toute façon, je crois qu'il n'est rien qu'on puisse faire face à ce degré de folie.
Il ouvre une porte au fond du couloir et me pousse à l'intérieur de la pièce.
-C'est pour le bien-être du monde, dit-il avant de refermer la porte.
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