Pdv Lisa.

Pendant que nous nous abandonnons tranquillement à notre boisson, Claude et moi, nous ne pouvons nous empêcher de nous jeter des regards lourds. Je suis parfaitement au courant, les prochaines minutes, voir les prochaines heures, vont être éprouvantes. Ce "teatime", c'est un peu pour se préparer mentalement à ce qui va suivre.

Maintenant que j'y pense, le thé, c'est la vie ! Vous trouvez pas ?

Sérieux, quand j'en prends, accompagné de gâteaux et de muffins, j'ai l'impression de m'envoler dans un autre monde.

"T'es toujours dans un autre monde que la réalité".

Oui, mais là, ce que je veux dire, c'est que pour une fois, et c'est peut-être dû à l'absence d'un petit muffin, ce thé n'arrive pas à me transporter ailleurs. Je reste assise sur ce canapé, les mains moites, le coeur battant et la gorge sèche. J'appréhende et je ne cesse de me disputer avec ma conscience qui me dit tantôt que j'aurai mieux fait de rester auprès de Maxime, tantôt que je n'ai pas intérêt à me dégonfler et tantôt que je suis stupide.

Enfin bref, je prends une dernière gorgée du liquide chaud. Désormais j'ai fini mon thé, Claude a finit son sang. Cette fois, ça y est. Ce moment va être décisif, si on peut dire ça comme ça. J'ai décidé d'y aller cash, sans tourner autour du pot et j'espère que lui aussi.

Il prend une profonde inspiration et s'enfonce plus loin dans son siège en croisant les bras. En language normal, je crois que ça veut dire quelque chose du genre "vas-y, parle, je suis prêt".

Je ne sais pas trop par quoi commencer et je sais pertinemment qu'il ne va pas me faciliter la tâche en parlant spontanément. Donc, quelle solution me reste-t-il ?

Exactement ! Je vais y aller petit à petit vers le crescendo en espérant limiter les dégâts.

-Claude, commençai-je avec le plus de diplomatie possible, sans vouloir être indiscrète, quel âge avez-vous ?

Il arque un sourcil, comme si il était étonné par cette question.

-Le même âge que vos deux compagnons, articule-t-il froidement.

-En parlant d'eux, vous êtes cousins, je me trompe ?

Claude écarquille encore plus les yeux et je comprends que en effet, je me suis trompée.

-Est-ce que seulement ils vous ont parlé de l'histoire des vampires !? s'étonne-t-il.

-Et bien... Ils m'en ont touché un tout petit mot, répondis-je en tripotant nerveusement mes cheveux.

-Je vois, soupire-t-il, vous savez qu'il y a eu cette fameuse guerre ?

Je hoche la tête.

-Et bien après ça, et après la mort de Malvina, Tristan a juré d'obtenir réparation.

-Vous voulez dire que vous connaissez son projet !?

-Tout le monde connait son projet, affirme-t-il.

-À part moi, visiblement.

Claude rigole avant de planter ses yeux rouges sangs d'un air très sérieux dans les miens, comme si ça lui paraissait inconcevable que je ne connaisse pas les intentions du grand Tristan-le-magnifique. Oui, dit comme ça, ça sonne un peu magicien, je suis au courant.

-Et bien, dit-il après avoir compris que j'étais sérieuse, il souhaite que les vampires règnent et pour cela, il lui faut éradiquer la race humaine.

Éradiquer !!? C'est un peu radical, non ?

-Mais... Les vampires se nourrissent de sang... Ça voudrait dire que...

-Oui, me coupe-t-il, vous seriez réduits au statut de bétail.

-Je vois....

Claude me sourit d'un air qui se veut rassurant.

-Enfin bref, il a donc mordu un bon nombre d'humains pour les métamorphoser et avoir des partisans. Mes parents en font partie.

-Et vous, demandai-je, vous n'êtes pas issu de ses partisans ?

-Non, je fais partie de ceux qui veulent juste avoir une vie paisible. Au début, Tristan régnait sur notre monde mais
William et Arthur, ses fils, ainsi que la sorcière l'ont anéanti. Après, les vampires ont créés une sorte de société. À vrai dire, nous pensions que Tristan était mort mais il est revenu il y a peu avec la ferme intention de s'approprier les pouvoirs de la sorcière pour éliminer d'un coup les hommes.

Je suis réellement captivée par ce qu'il me dit. Maxime et Vincent auraient pu me dire ça depuis le début, tout aurait été beaucoup plus simple ! Bon... Bien sûr, c'est légèrement flippant. Légèrement. Non mais c'est vrai, après tout, savoir que le destin de la race humaine repose sur tes épaules, y'a pire.

"Bon... T'as fini ta crise d'égocentrisme !?"

Ouais... Ça n'empêche que la peur qui ne m'a toujours pas quittée depuis quelques mois ne cesse de s'accroître.

"Et pour nous alors !? Savoir qu'on doit compter sur toi... Autant prendre une fusée et partir vivre sur mars, ce sera plus prudent !'

C'est vrai... Heureusement que je suis plutôt bien protégée. Enfin, il me semble que je suis bien protégée. Je le serai peut-être mieux si j'étais restée là-bas.

"Tu serais surtout moins au courant de ce qui se trame !"

C'est vrai...

-Ça va ?

Je sursaute. À force de parler toute seule, j'en avais oublié sa présence. Il me regarde avec une espèce d'inquiétude.

-Vous semblez perturbée, m'avoue-t-il, souhaitez-vous que nous continuions demain ?

-Non, répondis-je directement en me forçant à sourire, je veux en savoir plus ! Par exemple... Comment connaissez vous les deux vampires si vous n'êtes pas cousins ?

-Vous savez, tout le monde les connait de nom puisqu'ils sont en quelques sortes les racines de notre espèce. Et puis, nous, les vampires, nous nous rencontrons essentiellement lors de fêtes.

À l'évocation de ce dernier mot, je me rappelle brusquement de la fête ici. Et quelque chose me revient alors en mémoire : la conversation entre Claude et Maxime ! Elle n'avait rien de spécial, c'était juste un échange de politesses et de banalités pourtant, l'atmosphère était tendue.

-Vous ne le connaissez pas que des fêtes, l'accusai-je, j'en suis sûre !

Le visage de Claude s'assombrit.

-Effectivement, finit-il par avouer, nous avons le même âge et par le passé, il y a 4 siècles de ça, nous jouions ensemble lorsque nous étions enfants.

Je le regarde avec plus d'attention que je n'en ai jamais eu pour qu'il développe.

-Et bien, soupire-t-il, lorsque Rosalya est morte, lors de leur naissance, Arthur, son mari, ne l'a pas supporté et seulement 3 ans après , il est mort en laissant la garde de ses enfants à son frère, William.

Il fait une pause, le temps que j'assimile les informations, mais un détail me chiffonne.

-Arthur était un vampire, non ?

Claude hoche la tête.

-Comment se fait-il qu'il soit mort ?

-Rosalya avait trouvé un moyen de le rendre humain.

Il dit ça comme si c'était tout à fait normal mais dans ma tête, c'est la révélation du siècle ! Pourquoi les autres ne me l'ont pas dit !!? Si je trouve ce moyen, tout serait plus simple !

-Ne vous réjouissez pas trop vite, me calme le vampire comme si il avait lu dans mes pensées, ce moyen ne permet de rendre humain que un seul vampire et je ne veux pas vous imposer ce choix, personne ne veut vous l'imposer.

Mon espoir vient soudainement de s'envoler. Il est parti rejoindre le respect, loin, très loin d'ici, dans une autre galaxie.

-Mais ce n'est pas là où je voulais en venir, reprend Claude, ce que je voulais dire, c'est que William ne supportais pas de devoir s'occuper des gosses de son frère et il les envoyait ici aussi souvent que possible. Nous avons donc grandis ensemble.

Vers la fin de sa phrase, Claude a eu du mal à parler. Je vois bien à sa gestuelle et à son expression qu'il n'a pas trop envie d'en parler et pourtant, je décide égoïstement d'insister.

-Et vous étiez amis ?

-Oui, murmure-t-il, je jouais souvent avec Vincent et Maxime et nous nous amusions bien.

-Et ensuite ? insistai-je encore.

- Ensuite, hésite-t-il, nous avons grandis et... Et puis Lydia est arrivée...

-Lydia ? Lydia... Lydia... Ce nom me dit quelque chose...

-La sorcière précédente, complète-t-il, mes parents l'avaient découverte, nous la gardions sous notre toit. Moi, Vincent et elle, nous formions un trio inséparable.

-Et pas Maxime ?

-Non, il travaillait.

Je ne peux m'empêcher de lâcher un petit rire, ça ne m'étonne pas de lui.

-Enfin bref, nous étions toujours fourrés ensembles, c'était sans doute la plus belle époque de ma vie. Lydia était pétillante, belle et pleine de générosité.

Ses yeux sont remplis d'étoiles et en même temps, ils débordent de mélancolie. Je suppose que c'est "elle". Celle dont il me parlait il y a quelques heures, celle qui l'a mit dans cet état.

-Et que s'est-il passé ensuite ?

-Ensuite ? Vincent a révélé sa véritable nature, dit-il sombrement, jusque là, il se montrait aimable, empathique et chargé de bonnes intentions pour elle. Et même envers moi, il se montrait agréable. Mais j'ai compris bien trop tard qu'il le faisait uniquement pour séduire Lydia...

-C'est vrai qu'il a toujours l'air faux, confirmai-je.

-Il n'a pas toujours été comme ça, je ne sais pas à quel moment il est devenu cet être dépourvu de sentiments. Il n'a jamais montré sa "transformation". Au final, il a réussi à avoir Lydia. Elle était amoureuse de lui.

-Et lui, je suppose qu'il lui est impossible d'aimer quelqu'un.

-Je pense qu'il l'aimait à sa façon, le défend Claude, disons qu'il avait de l'estime pour elle...

-Je vois...

Un silence pointe le bout de son nez et pour une fois, je trouve ça reposant et non gênant. Claude adopte de nouveau un regard vide, il est perdu dans ses pensées et moi, j'en profite pour essayer d'intégrer les nouvelles informations dans un coin de mon cerveau.

-Claude ?

-Oui ?

-Il s'est passé quoi après avec Lydia pour qu'elle... Enfin...

-Pour qu'elle se suicide ? Il suffit de demander à Vincent...

Je dois avouer que j'ai du mal à le suivre. Un coup, il défend Vincent et l'autre, il le critique. On dirait un vieux couple... Mais je doute qu'il partage mon avis sur cette comparaison. Quoi qu'il en soit, il ne donne pas suffisamment de précision alors naturellement, je l'interroge du regard.

-Et bien, poursuis Claude à contre-coeur, un jour, il m'a montré son vrai visage. Il m'a montré à quel point il pouvait être répugnant. Il est parti avec Lydia et il m'a bien fait comprendre que je ne devais plus les approcher. Moi, tant que Lydia était heureuse, ma souffrance était supportable. Bien sûr, c'est ce même jour que ma rancœur est née mais s'est accentuée par la suite, lorsqu'il a compris que Lydia n'arriverait pas à le rendre humain. Il l'a rejetée et c'est pour ça qu'elle a décidé d'en finir.

Je reste interdite face à cette révélation. Même venant de Vincent, ça me choque. Je comprends mieux pourquoi il le hait...

-Et ouais, soupire Claude en reprenant son air dépité, plutôt fort, n'est-ce pas ? Moi aussi je l'aimais, j'avais autant à lui offrir que lui, si ce n'est plus et pourtant, elle l'a choisi... Tout ça pour au final avoir le coeur brisé. Je ne sais pas ce que Vincent lui avait dit, mais elle ne voulais plus me parler. J'aurai dû insister... Si j'avais pu être là pour elle, elle n'aurait peut-être pas connu une fin pareille...

Claude commence à trembler, je sens qu'il a besoin de digérer ce qu'il vient de me dire.

-Claude, chuchotai-je d'un ton apaisant, merci beaucoup. Je vais aller dormir maintenant, reprenons cela plus tard....

Il ne me répond pas, trop occupé à retenir ses larmes. Je me lève alors et sors de la pièce. Avant, je lui jette un dernier regard plein de compassion même si je sais qu'il ne le verra pas. En refermant la porte, je suis presque sûre de l'entendre étouffer un sanglot.

Maintenant, je me sens coupable de lui avoir un peu forcé la main. Je lui en suis d'autant plus reconnaissante. J'en sais plus sur Vincent et sur Tristan aussi. J'aurais aimé en apprendre plus sur Maxime, mais bon, il n'a pas vraiment grand chose à dire sur lui. D'un côté, c'est mieux comme ça...

Et puis, ce n'est pas tout, il a sûrement d'autres choses à me dire sur ce monde fascinant.

**********

Heeeeeey ! Comme promis, je vous ai fait un long chapitre pour me rattraper :)

Bon... Je suis hyper perturbée d'avoir appelé ce personnage Lydia, mais c'était avant de rencontrer Greeny et du coup voilà...

Ah oui, vous en saurez bientôt (d'ici 4-5 chapitres) plus sur Greg ! Et j'ai remarqué que beaucoup de théories planent à son sujet, laquelle sera la bonne ?

Il y en a qui pensent que Greg et Tristan ne font qu'un, est-ce vrai ?

"Moi je sais !"

Toi, chuuuuuut.

Bon, bisous, je vous aime fort

Muffin