Saori - 1
Je ne sus jamais ce qui me réveilla en premier. L'odeur d'antiseptique ? Les ronflements sonores d'un homme ? L'absence du bruit habituel de mes codétenues ?
Un courant d'air m'arracha un frisson, et j'ouvris les yeux. La lumière du néon au plafond agressa ma rétine, je jurai. Mon père en aurait rougi, s'il avait pu m'entendre. Enfin, s'il ne m'avait pas d'abord tuée. Je me redressai en clignant des paupières pour chasser la persistance de la tache dans mon champ de vision. Mon corps hurla son mécontentement, alors que je m'asseyais sur le sol en béton. Un grognement me racla la gorge. J'avais soif.
— Saori ?
La voix qui émergea de ma droite me serra le cœur. Comment ?
Je me levai d'un bond et fis face à la seule personne au monde que j'aimais et qui m'avait tant manqué. À l'autre bout de la pièce se tenait Yuutô, mon petit frère. Des larmes noyaient ses yeux marron. Un sourire étira néanmoins ses lèvres pleines, alors qu'il ouvrait ses bras minces.
Je laissai libre cours à la joie violente qui m'étreignit. Après tout, ça faisait deux ans qu'on ne s'était pas vus. Depuis notre condamnation au tribunal. Ils nous avaient séparés, ces salauds. Je lui sautai dessus et l'écrasai contre moi.
J'entendis son souffle se bloquer avant qu'il éclate de rire. Ce son joyeux emballa mon rythme cardiaque. Ce n'était pas un rêve, je sentais sa chaleur contre moi et l'odeur nostalgique de sa peau me chatouilla les narines.
— Doucement, Onee-chan, tu vas me casser en deux.
— Pfff, tu n'es pas aussi fragile que ça, quand même, Mame-chan !
Je reculai pour contempler ses joues se colorer. Il fronça ses sourcils délicats.
— Onee-chan, je ne suis plus un petit haricot, j'ai grandi, tu vois.
Il est vrai qu'il me dépassait d'une tête, à présent. Bon, vu mon mètre soixante-cinq, il n'était pas un géant non plus. J'eus un reniflement de dédain en haussant un sourcil.
— Ouais, on va dire ça, Yuu-kun.
Il me serra de nouveau contre lui et frotta son nez contre mes cheveux.
— Tu m'as manqué.
Contrairement à notre crétin de paternel, notre mère américaine nous avait appris le contact humain, et nous nous touchions de manière libre. Notre géniteur japonais ne supportait pas de nous voir nous câliner et nous tenir la main. Sa froideur m'avait fait le détester chaque jour davantage.
Le ronflement sonore qui avait percé ma somnolence retentit de nouveau. Je m'écartai d'un bond de Yuutô. Je me remis sur mes gardes, observant notre environnement direct.
Nous étions enfermés dans une pièce dont l'un des murs n'était qu'une longue grille. Je soupirai, nous avions échangé une prison pour une autre.
— Je ne sais pas comment nous sommes arrivés ici, chuchota Yuutô, mais ce que je vois, c'est que nous ne sommes pas les seuls.
Il désigna la cellule face à la nôtre, et j'y découvris deux hommes jeunes, étendus sur le sol. L'un d'eux, massif à la peau brune, ronflait ostensiblement. L'autre remua et se redressa. Ses cheveux roux scintillèrent sous la lumière blafarde. Il s'assit, comme s'il émergeait d'un lendemain de cuite. Je le comprenais fort bien, ma bouche pâteuse me dégoûtait.
Il jeta un coup d'œil autour de lui, j'y vis la même chose que dans notre cellule : un w.-c. dans un coin, deux lits superposés dans l'autre. Aucun indice, pas de fenêtre. Le silence qui régnait entre les ronflements m'angoissa soudain. Où étions-nous ? Je mâchonnai ma lèvre inférieure en fouillant dans mes souvenirs.
Je me rappelai avoir papoté avec Anya, ma codétenue, puis m'être endormie, comme d'habitude.
— Dites, mes petits choux, on est où exactement ?
La voix enjouée du roux m'arracha à mes réflexions. Mes petits choux ? Je haussai un sourcil.
— On n'en sait rien, lui répondis-je.
Yuutô s'était mis en retrait, derrière moi. Il détestait les inconnus, et nos deux ans de prison ne l'avaient apparemment pas rendu plus sociable. Je l'entendais ronger ses ongles dans mon dos, alors qu'il réfléchissait. Le roux soupira.
— Je vais réveiller l'autre, peut-être qu'il saura.
— Fais donc.
Notre voisin d'en face se leva. Il me parut maigrichon, son uniforme de prisonnier orange flottait autour de son corps. Il s'approcha de l'homme à la peau mate et le secoua. Le ronflement s'interrompit, avant d'être remplacé par un grognement sourd.
Un frisson remonta le long de ma colonne vertébrale. L'homme à terre détendit soudain le bras, et son poing cueillit le roux dans l'épaule. Ce dernier atterrit sur ses fesses un peu plus loin.
— Dormir.
La voix rocailleuse de l'homme résonna en moi. Je ne pus me contrôler et raillai :
— Eh bien, on a le réveil difficile, on dirait.
Mes mots semblèrent trouver un écho et, alors que le roux se levait en se frottant l'épaule, l'homme se mit debout d'un bond surpris.
Bon Dieu, c'était un géant d'un bon mètre quatre-vingt-dix de muscles ! Sa peau brune luisait, et ses yeux noirs me transpercèrent. Quand il rabattit sa longue chevelure d'ébène dans son dos, mes doigts me démangèrent.
— Pourquoi y a une meuf dans la cellule d'en face ? Et où est-ce qu'on est, là ?
Hum, c'était loupé ! Le quatrième n'était guère plus informé que nous.
— Dis, King-Kong, tu pourrais t'excuser, non ?
Le roux interpellait l'homme à la peau mate avec un faux sourire aux lèvres. Un grondement lui répondit.
Le rouquin soupira.
— Bon, puisqu'on ne sait rien, on n'a plus qu'à attendre que quelqu'un se pointe, non ? Au vu de ma faim, on ne va pas tarder à nous amener à manger.
Yuutô se plaça soudain à mon côté. Il croisa les bras et jaugea les deux jeunes hommes face à nous. Il inspira un grand coup.
— Puisqu'on est tous les quatre dans la même galère, autant se présenter, non ?
— Bonne idée, approuva le roux. Je suis Ian Sweeney, j'ai vingt et un ans et j'étais détenu à la prison de New York.
— Yuutô Hyoneko, vingt ans, je viens de celle de Woodland, dans le Michigan.
Je lançai un regard à l'homme à la peau brune qui me scrutait. Je n'avais pas envie de me présenter. Lui, je ne le sentais pas. Je haussai un sourcil dans sa direction.
— Mato Reynolds, vingt-deux ans, Dakota.
Pas bavard, avec ça.
— Saori Hyoneko, vingt-trois ans, Huron Valley, dans le Michigan aussi.
— Vous êtes de la même famille ? demanda Ian, visiblement intrigué.
— Oui. Frère et sœur.
J'avais répondu, car Yuutô était trop occupé à se ronger de nouveau les ongles. Mon estomac vrombit, perçant le silence. Ian éclata de rire, je fis mine de rien.
— Je ne suis pas le seul affamé. Je te comprends, ma belle.
J'eus l'impression que j'allais passer par un nombre incroyable de petits surnoms cucul. Je voulus lui rétorquer quelque chose, mais le grincement d'une porte m'interrompit. Soudain, des hommes armés en uniforme de camouflage déboulèrent dans le couloir. Très disciplinés, ils se postèrent le long de nos grilles. Deux autres personnes entrèrent à leur suite, leurs blouses blanches m'éblouirent un instant. L'un d'eux, un vieux monsieur chauve, me désigna du doigt. Un militaire se tourna dans ma direction, braqua un pistolet vers mes jambes et, avant que je puisse émettre le moindre son, une fléchette se planta dans ma cuisse droite.
La douleur irradia jusque dans ma hanche, je hurlai et m'effondrai au sol. Les cris de Yuutô emplirent mes oreilles, ma vision se troubla, comme si j'avais bu quinze tequilas frappées d'un coup, et je sombrai dans l'inconscience.
Mis à jour le 09/05/2022 - campagne ulule : https://fr.ulule.com/escape-game-round-1/
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