6. 29 Décembre 3453

 Veronica sortit du vieil établi où elle travaillait, saluant Peter de la main, le remerciant une dernière fois. Le vieil homme, suite à sa demande, l'avait autorisée à quitter le travail plus tôt, pour rejoindre aider sa mère à leur appartement. Ensembles, elles prépareraient le repas pour la fête en l'honneur de l'anniversaire de Jack, ayant lieu le soir même. L'homme fêtant ses quarante et un an, souhaitait célébrer l'événement, seulement en compagnie des deux femmes, la famille préférant les petits aux grands comités.

La jeune femme marchait dans une rue bondée d'Inventeurs en tenue de travail, ainsi que de quelques Guérisseurs et Guerriers vêtus de leur tenue neutre respective. Ils se promenaient en ville, en cette belle journée d'été. Un petit vent frais rendait la chaleur imposée par le Soleil de plombs, brillant haut au-dessus des toits.

Durant la saison chaude, il n'était pas rare que les habitants de Surial suffoquèrent à cause de l'étoile imperturbable. Depuis la nuit des temps, le Soleil a toujours régné en maître sur la Terre et les planètes voisines, permettant à la vie d'exister, aux arbres de pousser, aux animaux de ne mourir congelés. Mais il apporterait, dans un jour lointain, aussi la mort et la destruction des humains et du système solaire, lorsqu'il exploserait.

« Veronica ! héla une voix familière, qu'elle reconnut presque immédiatement, alors qu'elle prenait le chemin menant à chez elle. Veronica ! »

Un sourire en coin, la jeune femme se retourna vers le jeune homme qui s'approchait d'un pas vif, s'excusant à peine face aux personnes qu'il bousculait.

« Shawn, répondit-elle en guise de salut. Comment vas-tu depuis la dernière fois ?

- Impec' ! Et toi, tout va bien ?

- De même, de même. Qu'est-ce que tu fais ici, sur mon territoire ? Demanda-t-elle, simulant un soudain air de rivalité.

- Je suis actuellement en mission de repérage, pour pouvoir informer mon clan sur la prochaine attaque à venir. Attention, vas te réfugier loin d'ici, nous allons raser tout votre territoire dès ce soir ! »

Ils se regardèrent, sourcils froncés, tentant tant bien que mal de conserver leurs sérieux, mais, échouant, ils finirent par exploser de rire, amusés par leurs comportements dignes de jeunes enfants.

« Non, sérieux, qu'est-ce que tu fais ici en tenue de travail ? questionna Veronica, son sérieux retrouvé au bout d'un certain moment.

- Je travaille. Enfin je surveilles les quartiers défavorisés, où se trouvent souvent les délinquants, et veille sur les jeunes brutes mal élevées, la charria Shawn, un sourire éclatant étirant ses lèvres, dévoilant ses dents blanches. Et toi, tu as déjà fini de bosser ? A cette heure-ci ? La vie est belle pour les Inventeurs dis moi.

- Imbécile, souffla-t-elle, retenant un nouveau fou rire et lui donnant un coup de poings affectueux sur l'épaule. »

Dans les grandes lignes, elle lui expliqua la raison pour laquelle elle avait quitté l'établi plus tôt qu'à l'habitude. Il était quinze heures et des poussières. Elle devait être chez elle pour vingt. Les deux amis n'avaient pas bougé de l'endroit où ils s'étaient arrêtés, au début de leur discussion enfantine.

« Bon, c'est pas que je m'ennuie, mais je ferais mieux de rentrer chez moi, avant que ma mère ne me décapite.

- Je vais te raccompagner, je n'ai pas envie que tu te fasses gronder par ta maman, affirma le jeune homme, une moue ridicule transformant son visage, lui donnant un air plus jeune.

- Quel preux chevalier es-tu, Shawn le brave, minauda Veronica, se remettant à marcher.

- Toujours, lorsqu'il s'agit de belles et nobles jeunes femmes, comme vous, susurra le blond, lui faisant un clin d'œil appuyé, plein de sous-entendus.

- Voyons vous me gênez ! »

Un gloussement ridicule sortant de sa bouche, elle jouait à la perfection la jeune femme idiote et superficielle vivant dans les années 2000. Tandis que, dans le rôle du beau dragueur populaire, Shawn excellait, comme si il avait de l'expérience. Comme si il faisait cela depuis toujours. Lui allant à merveille, sa tenue rouge de gardes lui moulait ses fins muscles. Certains Guerriers avaient beau être forts et musclés, il n'avait rien à leur envier. Un pincement d'origine inconnue, s'empara du cœur de Veronica, lorsqu'elle songea que le jeune homme blond devait avoir une foule de femmes à ses pieds.

« Et sinon, demanda-t-elle, désireuse de sortir ses pensées de sa tête, comment vont tes frères et sœurs ?

- Ils vont bien, enfin ça va quoi, répondit-il. »

Ses yeux noisettes s'obscurcirent soudainement, faisant disparaître la joie habituelle qui illuminait son visage. Il passa sa main dans ses beaux cheveux blonds, presque blancs. Veronica l'avait déjà vu faire ce geste maintes fois ; elle comprit qu'il éprouvait une certaine nervosité. Le sujet est donc à éviter, pensa la brunette.

« Tant mieux, s'exclama quand même la jeune femme, fermant volontairement les yeux sur la mauvaise humeur soudaine de son ami. Mais ils ne vont pas trop te manquer ?

- Si, bien évidemment ! Jamais je ne les oublierais... »

Shawn retroussa les manches de sa veste, dévoilant deux lettres sur chacun des deux avant-bras musclés. Un S et un R, initiales de Salim et Rusty, ses deux petits frères, ornaient celui de gauche ; deux S, signifiant Saphira et Sophia, prénoms de ses deux sœurs de onze ans étant jumelles. Toutes ces lettres étaient écrites d'une belle calligraphie appliquée, appartenant à un tatoueur de renom, en majuscule.

« C'est beau, murmura Veronica, ses yeux noirs brillants d'émotion devant l'amour qui unissait cette fratrie. Ça doit être magique d'avoir un tel lien avec ses frères et sœurs, qu'ils soient grands ou petits.

- Ça l'est, enfin quand ils ne sont pas casse-roubignolles, dit-il, sa bonne humeur quelque peu retrouvée, et, d'un ton doux, demanda : et toi, ça ne te rend pas triste que Carl ne vienne pas avec nous ?

- Si, un peu. De base, tout ce que j'ai fait, c'était pour sauver notre couple. Mais puisqu'il semble m'avoir totalement oublier, et bien je suis passée à autre chose. Puis, c'est pas comme si on était le plus beau, et vieux, couple du monde. On se connaissait depuis un mois à peine. »

La brunette se rendit compte, qu'elle ne songeait presque plus au beau blond,trop occupée par son travail et par les préparatifs du voyage. Lorsqu'elle pensait à lui, elle ne ressentait plus la boule qui pesait, jadis, peu après que Sarah n'eut mis fin à leur relation, mais un simple pincement au cœur, dont l'origine lui restait encore flou. Était-ce de la peur que ce fut lui qui s'était fait prendre dans les bras de la mauvaise femme ? De la trahison, car cela voudrait dire qu'il l'avait trompé, mettant définitivement fin à leur amour ? De l'inquiétude de ne plus avoir aucune nouvelle ?

Dans tous les cas, Veronica ne possédait pas assez de temps pour réfléchir sagement à la question. Elle sortait presque toutes les nuits pour rejoindre les réunions ayant lieu en petit comité, dans un immeuble abandonné de la ville. Il était compliqué, pour elle, de sortir le soir, sans se faire remarquer par ses parents ayant un sommeil plutôt léger, et de rentrer tout en demeurant aussi silencieuse.

« Mais tu n'as vraiment aucune nouvelle ? Tu ne l'as plus du tout revu ?

- Non, mentit-elle, alors que ses pensées dérivèrent d'elles-mêmes vers la fois où elle l'avait croisée alors qu'ils se rendait à son travail. »

Suivant cette discussion, un long silence, ni gênant, ni pesant, s'installa entre eux. Bifurquant une énième, et dernière fois, ils pénétrèrent enfin dans le quartier où logeait Veronica. Ils se stoppèrent devant un grand immeuble peint de blanc cassé, rénové récemment, du quel sortait une minuscule vieille femme vêtue d'une longue robe grise, cachant quelque peu sa maigreur.

« Bon, et bien merci de m'avoir ramené, preux chevalier !

- Il n'y a pas de quoi, noble dame, dit-il, en faisant une petite révérence. N'oubliez pas notre rendez-vous nocturne du 4 Janvier, très chère.

- Ne vous inquiétez pas pour cela mon ami. Mais veuillez ne pas oublier que Yona et Tony, seront eux aussi présents. »

Déposant sa veste gris clair, dans l'entrée, sur le porte-manteau, la jeune femme rejoignit, dans la cuisine, sa mère qui l'attendait, une cuillère en bois à la main. Sarah la salua distraitement, concentrée à la tâche.

« Salut ! sourit Veronica. Que nous prépares-tu de bon ?

- Là, je fais le dessert. Un gâteau au lait, comme les adore ton père.

- Hum, ça a l'air bon ! En tout cas, ça sent bon ! affirma-t-elle après avoir humé l'odeur alléchante du gâteau pas encore cuit. Sinon, il reste quoi d'autre à faire ?

- Normalement le reste est déjà fini, il suffit de faire cuire le plat. Et le gâteau aussi, mais ça je le ferai après.

- Du coup je fais quoi moi ? questionna la brunette, tout en se lavant les mains, prête à mettre la main à la pâte. »

Sarah donne comme consigne à sa fille, de remuer avec douceur la pâte blanche liquide à sa place, pendant que la cuisinière finaliserait le reste. Sous le regard de Veronica, elle enfourna, de ses mains expertes, un plat contenant du poisson frais, et des légumes de saison. Une fois la porte du four fermée, elle se dirigea vers le radiateur, d'où elle sortit l'entrée, qu'elle assaisonna généreusement, tout en conservant une partie nature pour sa fille.

Alors que la jeune femme faisait, avec délicatesse et soin, couler la pâte liquide dans un large moule, une alarme retentit dans la pièce ; elle provenait de la seule horloge, servant aussi de minuteur, que l'appartement possédait. Sa mère, tellement à l'aise dans ce qu'elle faisait, sortit le poisson du four, tout en attrapant la salière se trouvant sur l'étagère à épices. Elle posa le plat sur le plan de travail, et sala le Merloc, un poisson ayant génétiquement muté à cause des radiations, mais qui demeurait mangeable et délicieux.

Une fois le dessert enfourné, la brunette partit chercher le cadeau pour son père, et le déposa sur la table de la salle à manger, qui faisait aussi office de salon. L'un des seules traditions de la famille, était d'offrir en premier le présent, puis en second, de déguster le bon repas, fait par les mains expertes de Sarah. Les choses offertes, n'étaient jamais fantastiques, ne sortaient pas trop de l'ordinaire, mais, pour eux, seule comptait l'intention.

Lorsque, vers dix-neuf heures et demi, la porte d'entrée claqua, signalant l'arrivée de quelqu'un, mère et fille avaient toutes deux fini leurs tâches respectives, depuis belle lurette. Veronica sortit du salon, pour rejoindre son père, qui se déchaussait dans l'étroit couloir de l'appartement, tout en sifflotant un air enjoué et entraînant, sorti tout droit de son imagination. Une fois qu'il se fut redressé, elle se jeta à son cou, lui souhaitant, en criant, un joyeux anniversaire. La remerciant gentiment, il observa sa compagne les regarder, adossée à la chambranle de la porte d'où s'échappait un merveilleux fumet de gâteau. Ses yeux bleus pâles brillaient d'amour pour Veronica et Jack, les personnes les plus importantes de sa vie.

Se détachant l'un de l'autre, père et fille la rejoignirent, prenant la femme ronde aux cheveux châtains clairs, dans leurs bras, pour une étreinte familiale. Pour Veronica, le câlin ne fut pas aussi sincère que le premier, étant en froid avec sa mère. Avant que tous trois ne se rendirent dans la salle à manger, où les attendait le cadeau destiné à Jack, l'embrassade dura un long moment.

Lorsqu'il vit son futur bien posé sur la table, ses yeux noirs s'éclairèrent, illuminés par son amusement, et, de ses lèvres étirées en un sourire, s'échappa un rire grave et communicatif. De ses grandes mains rugueuses et pleines de cales, il attrapa la montre grise, posée sur la table, sur laquelle était accroché un petit bout de papier plié.

« Pour tes retards quotidiens, lut-il à haute voix, amusé. Merci beaucoup les filles ! »

Après avoir baisé avec tendresse les deux joues des femmes de sa vie, il attacha, une fois qu'elle fut réglée à l'heure, la montre à son large poignet cramé par le soleil.

Le dîner débuta, lorsqu'ils s'attablèrent, et que l'entrée fut servie.

Entourée par la nuit et son silence, elle pleurait sans bruit, dents et poings serrés. Encore. Encore une fois, une dispute avait éclaté entre ses parents et elle, la convainquant d'avantage de partir. Elle n'en pouvait plus, de ses disputes incessantes qui l'opposaient à sa mère. Elle en avait plus que marre des louanges incessantes envers la société de son père, qui ne semblait pas se rendre compte qu'il avait tord.

Tout d'abord, le dîner s'était déroulé à la perfection ; le repas était merveilleusement savoureux. Une fois le plat principal terminé, après que chacun se fut resservie plus d'une fois, Veronica était allée chercher le dessert qui attendait depuis de longues heures dans la cuisine. Lorsqu'elle revint, ses parents étaient en train de discuter des divers projets que les chefs des clans avaient pour Surial, et ses habitants.

Chaque clan, pour parler en leur nom et exposer leurs idées, possédaient un ou une chef, qui n'était pas forcément la personne rêvée par chacun. Chez les Inventeurs, c'était Salma, qui parlait beaucoup, pour ne rien dire, et qui avait tendance à trop en dire. Lou, était la chef des Guerriers ; malgré son jeune âge, elle était une femme forte et intelligente, capable de décisions plus sage que celles de ses aînés. Kevin, grand médecin, et père de Carl, dirigeait les Guérisseurs, depuis des années, bien avant la naissance de ses fils.

Avant de s'asseoir, la brunette servit une part de gâteau au lait à chacun, sous le regard brûlant d'envie de son père, qui continuait à parler, tout en surveillant son pêché mignon du regard.

« Tout à l'heure, alors que je parlais avec Salma et son compagnon, avait dit Jack, en engloutissant sa première bouchée, la conversation dériva sur ce qui avait été dit durant la réunion de la veille. Les chefs et leurs conseillers, ont longuement discuté et, ce n'est pour l'instant qu'une simple idée, mais ils ont pensé à un « projet » concernant la totalité de la population. Ça peut être, à mon avis, une bonne idée, mais bien sur il y a des inconvénients, comme dans tout projet.

- Et quelle est cette chose qui semble te plaire ? s'était enquise Sarah, intéressée.

- Et bien, répondit-il lorsqu'il n'eut plus la bouche pleine, ils pensent qu'il serait souhaitable que les trois clans soient séparés.

- Quoi ?! s'était insurgée Veronica, hors d'elle.

- D'après ce que j'ai compris, ils pensent que pour que les lois soient plus respectées, il suffit que les clans n'aient pas à se côtoyer tous les jours, avait répondu Jack, d'un ton calme, et, anticipant la question future de sa fille, avait poursuivi ; ils veulent que deux autres villes soient rénovées, pour que deux des clans y déménagent.

- Mais ils sont cons ou quoi ? Ils n'ont qu'à tout simplement supprimer ses lois stupides et ces putains de clans bordel ! Avait explosé la jeune femme. »

Jamais, tout du moins devant ses parents, elle n'avait été aussi vulgaire, ce qui fit que tous deux, la pensant parfaitement élevée, la fixaient d'un air moins énervés que surpris. Sarah fut celle qui se reprit le plus vite, et, devant la soudaine rébellion vulgaire de sa fille, elle s'était levée de sa chaise, hurlant tout haut, ce qu'elle cachait à Jack depuis quelques semaines déjà ; elle lui avait appris la liaison de Carl et leur fille.

A son tour, son père s'était mis debout, réclamant une explication à ce qu'il venait d'entendre, n'en croyant pas ses oreilles. Sa compagne lui avait alors exposé tout ce qu'elle savait, et lui avait rapporté que Veronica possédait des amis d'autres clans, qui, d'après elle, étaient de mauvaises fréquentations. S'approchant de sa fille, un air menaçant sur le visage, l'unique homme de la famille l'avait giflée avec violence, levant la main sur elle pour la première fois de sa vie, et la dernière, l'espérait-elle.

Les larmes aux yeux, la jeune femme, immédiatement, avait quitté l'appartement, claquant la porte d'entrée, plus fort qu'elle ne l'avait jamais fait.

Veronica, secouée, s'était alors rendue sur le toit de l'immeuble qui avait accueilli de joyeux, comme de tristes souvenirs, de son enfance, et où s'était déroulé, quelques nuits plus tôt, le cauchemar où Pearl était réapparue pour la première fois depuis longtemps dans son esprit. Cet endroit était l'un des seuls à pouvoir la calmer en n'importe quelle circonstance, à n'importe quel instant.

Alors qu'elle avait pensé à sa meilleure amie décédée des années plus tôt, les larmes avaient commencé à dévaler sur ses joues. Elle s'était rappelée le jour où Pearl lui avait donné rendez-vous, cinq années plus tôt, alors qu'elles avaient toutes deux quatorze ans, pour lui annoncer que la grippe qu'elle avait attrapé, avait dégénérée jusqu'aux poumons, la condamnant à une mort précoce. Elle s'était souvenue des litres de larmes qui avait coulé de ses yeux.

Son décès avait anéanti Veronica, qui ne s'en était remise que récemment, la privant de quelconque vie sociale. Tout au long de sa dépression, seule Yona avait toujours été là, la réconfortant de son mieux, fermant les yeux sur sa maussaderie quotidienne.

Allongée sur le sol poussiéreux du toit, les bras croisés derrière la tête, elle s'endormit, de vieux souvenirs, et un même visage peuplant ses rêves.

***

Ce chapitre est le plus long que j'ai jamais écrit, presque 3000 mots 😥
Vous préférez les chapitres longs ou courts ?
Voilà j'espère que vous avez aimé, dites moi ce que vous en pensez en commentaire !

Sinon, le début de cette histoire doit être tellement chiant, mais le départ se rapproche 😏👼

Allez byye

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