Un mélange de saveurs explosa dans sa bouche ; le goût de la viande cuite à point, mélangé à des légumes accompagnés d'une sauce légèrement acidulée, était un délice. Veronica avait oublié à quel point sa mère cuisinait bien, trop rares étaient les fois où elle avait l'opportunité de manger un plat fait de sa main maîtresse.
Généralement, Sarah ne rentrait que tard le soir, restant après la fermeture de son bar, mais, cette fois, elle n'avait voulu que sa fille attende jusqu'à vingt-deux heures en s'ennuyant, elle était donc rentrée avec elle, ne lui faisant plus confiance. Jack, qui rentrait seulement au coucher du soleil, s'occuper alors des repas. Veronica ne s'en plaignait point, cependant, cuisiner ne faisait partie des talents de son père.
Bouchée après bouchée, la jeune brune écoutait ses parents discuter des plantations, d'après eux trop peu nombreuses, à l'est de la ville. Surial, jadis appelée La Paz, se situait en Amérique du Sud, dans ce qu'on appelait la Bolivie. Jugeant le sujet inintéressant, elle s'amusa à noter les différences physiques de ses parents ; une peau halée pour son père, pâle pour sa mère, dont elle avait hérité à son plus grand désarroi ; l'un possédait de brillants yeux noirs, et l'autre de beaux yeux bleus. Jack était grand et fort, alors que Sarah était petite et ronde, comme sa fille. Seuls leurs cheveux châtains étaient semblables.
Alors qu'elle allait engouffrer dans sa bouche le dernier morceau de son assiette, son père se lança sur un nouveau sujet.
« Saviez-vous que l'un des fils de Kevin a été aperçu en train d'embrasser une fille venant d'un clan différent du sien ? »
Sarah s'étouffa, en avalant de travers, tandis que Veronica lâcha sa fourchette. Toutes deux écarquillèrent les yeux, en un mélange de surprise et d'affolement. Jack ne se doutant de la raison de telles réactions, qu'il pensait dû au fait qu'il était mal d'enfreindre les lois, fixait sa compagne, attendant qu'elle pose une question. Il fut alors étonné lorsque ce fut sa fille qui prit la parole.
« Lequel ? Lequel des fils de Kevin ? questionna-t-elle, se demandant qui était celui des cinq fils à avoir été pris sur le fait.
- Ça, je n'en sais rien, répondit-il, ne remarquant l'émoi de sa fille. Les gars qui en ont parlé au boulot n'en savait pas plus, et Kevin fait tout pour que l'histoire ne s'ébruite pas.
- Mais que va-t-il leur arriver ? Demanda Sarah qui était parvenue à retrouver une attitude neutre, contrairement à sa fille.
- Lui, est en attente de jugement, et la fille n'a pas été reconnue par le témoin, et il ne l'a pour l'instant pas dénoncé. Normalement, si Kevin laisse la loi faire son travail, ils prendront, l'un et l'autre, dix ans d'emprisonnement. »
Un silence pesant se fit dans la pièce à vivre, et seuls les bruits de raclement de fourchette et de mastication venaient le troubler. Veronica fixait son assiette vide, attendant que le calvaire que lui imposait cette discussion se finisse.
« De toute manière, les jeunes n'ont jamais respecté les lois, mais, heureusement, que tu es une exception Veronica, affirma Jack, dissimulant mal la fierté qu'il éprouvait.
- Oui, mentit-elle en évitant son regard, le rouge lui montant aux joues.
- Alors comme ça Salma attend un enfant ? Changea de sujet Sarah, pour éviter d'avantage d'embarras à la petite brune qu'elle avait mis au monde »
•
Elle arriva dans une large rue silencieuse, dont les bâtiments n'avaient pas encore été rénovés. Les écriteaux des panneaux et pancartes s'étaient totalement effacés au fil des ans, à cause des intempéries. Des anciennes boutiques se situaient de parts et d'autre de la route détruite ; la jeune femme brune s'arrêta devant une vieille porte délavée, la poussa pour pénétrer à l'intérieur, après avoir vérifié que la rue était déserte.
Une immense pièce s'ouvrit devant elle, seulement meublée d'un ancien comptoir fissuré, recouvert d'une épaisse couche de poussière, preuve que personne n'a mis les pieds là-bas depuis un bon bout de temps, qui se trouvait au fond de la salle. Une dizaine de personnes, se situant au centre de l'entrée de l'ancienne banque, discutaient à voix basse ; Veronica n'y reconnut que Yona. Lorsque celle-ci la vit, elle vint à sa rencontre, de sa démarche sure.
« Es-tu vraiment certaine que ce soit une bonne idée ? demanda la petite brune, après avoir salué son amie.
- Te décourages-tu Vero ? s'alarma la grande femme aux cheveux noirs comme la nuit.
- Non ! C'est juste que des innocents risquent leur liberté ce soir, à cause de moi. Et peut-être que certains d'entre eux nous ont dénoncés, ou alors le feront.
- Ne t'inquiète pas Vero, on ne risque absolument rien. Aucune patrouille ne passera ici avant deux heures du matin, heure à laquelle nous aurons déjà fini depuis belle lurette. Et, pour la prochaine réunion, nous ne donnerons l'heure et le lieu, seulement aux personnes qui veulent partir avec nous. Tu n'as donc rien à craindre. »
Veronica, quelque peu rassurée, se contenta de hocher positivement la tête, trop émue par tout ce que faisait son amie pour elle, pour dire quoi que ce soit. La boule présente dans son ventre depuis la veille, s'allégea un peu, et elle eut soudain confiance en son idée.
Yona se dirigea vers le groupe, suivie de près par la petite brune, où elle fit les présentations. Les sept personnes le composant étaient enthousiastes et impatients d'entendre ce que Veronica avait à dire, comme le démontraient les lueurs brillants dans leurs yeux. Les présentations finies, la discussion reprit là où elle avait été interrompue.
La brunette entreprit d'enregistrer noms et visages. Jeanne, qui semblait être la plus jeune, était la sœur de Tony ; tous deux possédaient de beaux cheveux roux et yeux verts. Leurs tenues blanches, semblables à celle de Violette, une jolie femme à l'étrange regard violet, prouvaient leur appartenance au Clan des guérisseurs.
Leanne, qui leur avait fournies les horaires de patrouille, Léo, un fort jeune homme, et Kiara, une belle fille aux cheveux rouges, faisaient partie du Clan des guerriers. Seb et Jordan, que Veronica n'avait jamais vu, venaient du même Clan que Yona et elle.
Au fil des minutes, de plus en plus de personnes arrivèrent, dispersant les membres du groupe, qui partirent accueillirent les nouveaux venus. Le stress s'empara à nouveau de Veronica ; il apparut alors qu'une cinquantaine de personnes chuchotaient entre elles, le plus silencieusement possible, pour éviter d'attirer qui que ce soit qui n'était pas dans l'ancienne banque. Lorsqu'il fut vingt-trois heures et demi, après être montée sur le vieux comptoir, Yona réclama le silence et salua l'audience, avant de descendre se mêler à la foule, laissant place à son amie aux cheveux noirs.
« Bonjour à tous ! Dit-elle doucement. Je m'appelle Veronica, et je suis aujourd'hui ici pour vous parler d'un plan né dans ma tête. Il a été approfondi par Yona, que je remercie d'ailleurs grandement, et, je l'espère, va se réaliser grâce à vous ! »
De discrets applaudissements retentirent dans la pièce, brisant le silence nocturne, soucieux de ne se faire entendre de personne. Le silence revint rapidement, et Veronica put reprendre son discours, l'audience pendue à ses lèvres.
« Si vous êtes présents ce soir, c'est car vous n'adhérez pas à notre société, ou plutôt celle que nous quitterons bientôt et qui ne sera plus notre, affirma-t-elle, confiante. C'est aussi car vous ne comprenez pas pourquoi nous n'aurions pas le droit de trouver l'amour avec quelqu'un d'un autre clan. Pourquoi devrions-nous être séparés en trois clans, au lieu d'en former un seul et unique ? Pourquoi seriez-vous un guérisseur, et non un guerrier ou un inventeur ? Pourquoi votre avenir devrait-il être déjà tout tracé avant même votre naissance ? Trop de pourquoi, pour aucun parce que valable. »
Les yeux noirs de la jeune femme cherchaient désespérément ses boucles blondes comme le blé, depuis qu'elle avait pris la parole, mais ne trouvèrent que la tignasse platine de Shawn. Elle poursuivit, luttant contre l'angoisse qui s'emparait d'elle, refoulant le stress.
« Mon plan se résume à un seul mot : fuir. Fuyons ces lois qui nous entravent, nous empêchent d'être libres. Parce que, oui, jamais nous n'avons connu le sentiment de liberté. Jamais nous nous sommes levés en nous demandant ce que nous pourrions bien faire de notre journée. Toute notre vie est sous contrôle, au moindre faux pas ou pensées et actes ne plaisant pas à cette société, l'emprisonnement nous est garantie. Nous ne pouvons sortir de chez nous qu'entre huit et vingt-deux heures, et seulement vêtus d'une tenue appropriée à l'endroit dans le quel nous nous rendons, sous peine d'être arrêtés. Trouvez-vous tout cela juste ? »
Il n'était pas là. Il n'était pas venu. Veronica repoussa loi dans son esprit ces pensées et interrogations, pour se concentrer sur l'instant présent.
« N'avez-vous jamais rêvé de découvrir le monde dans lequel nous vivons ? Ce monde fait de montagnes et de forêts, d'océan et de rivières ? Ces paysages, nous les avons seulement vus grâce aux photographies ayant survécus à l'exil. Nous sommes les derniers êtres humains en vie sur cette planète, alors pourquoi se terrer ici, en attendant que la vie qui a été créée de toutes pièces pour nous se termine, au lieu d'explorer le monde ? »
Elle scruta une dernière fois avec espoir la foule présente au pied du comptoir, avant de se rendre à l'évidence : Carl n'était pas là. Songeant qu'il n'était l'heure des questions, elle finit son discours, se contraignant à garder un ton engagé.
« Voilà tout ce que j'avais à dire. Maintenant, à vous de faire votre choix. Préférez-vous votre confort à la liberté ? Si c'est le cas, je vous prie de partir, et d'effacer cette soirée de votre mémoire. Sinon, restez ici. »
La pièce se vida de moitié, et les personnes restantes la fixaient de leurs yeux brillants, suspendus à ses lèvres.
« Je me doutais bien que, à la fin de mon monologue, des dizaines de personnes rentrent chez elles, ne voulant quitter leur quotidien confortable et sans soucis. Les humains ont toujours été comme cela, préférer se taire à s'opposer aux choses qui les énervent intérieurement. Mais, vous qui êtes ici avec moi, vous qui êtes restés, ce n'est pas votre cas ! Je laisse Yona vous dire où et quand se déroulera la prochaine réunion. »
Elle laissa la place à son amie, lui souhaitant une bonne nuit au moment où elles se croisèrent. Elle salua rapidement Shawn, avant de s'empresser de rentrer chez elle.
•
Alors qu'elle fixait le plafond gris de sa chambre, des multitudes de questions se bousculant dans sa tête. Pourquoi Carl n'était-il pas présent ce soir ? Yona lui avait assurée qu'elle l'avait prévenu, alors avait-il eu un empêchement ? Ou était-ce lui, le fils de Kevin qui avait été vu embrassant une fille ? Et si, si c'était le cas, il la dénonçait ? Risquerait-elle réellement de passer dix ans en prison ? Comment son père réagirait-il ? Son père, qui était un fidèle des lois, saurait-il un jour ce qu'elle faisait dans le dos de la société ? Saurait-il qu'elle avait transgressé l'une des règles les plus importantes ? Et qu'elle préparait un plan pour partir ? Qu'elle était à la tête d'un mouvement révolutionnaire ? Que lui serait-il arrivé si elle ses parents l'auraient vue sortir de leur appartement, alors qu'elle était censée dormir ?
Peu à peu, ses pensées dérivèrent vers Shawn, qui lui était présent à la réunion. Il lui avait affirmée qu'il les accompagnerait, alors que Veronica ne l'écoutait que d'une oreille, ne pensant qu'à rentrer chez elle pour être seule. En songeant à l'égoïsme dont elle avait fait preuve, un léger pincement s'empara de son cœur ; il était venu à sa demande, et elle ne l'avait ni remercié, ni vraiment écouté. Lors de leur courte discussion avant son départ, elle l'avait entendu dire qu'il se portait garant de leur fournir la totalité des heures de ronde du mois, étant lui-même un patrouilleur.
Alors que Veronica partait, Yona notait les noms des vingt-quatre personnes qui participeraient au voyage sans retour. Où leurs pas les mèneraient-ils ? Comment se déroulerait le voyage ? Y aurait-il des imprévus, des soucis ? Y aurait-il... des pertes ? Elle s'interdit de penser à cela, mais en même temps il fallait bien envisager toutes les éventualités. Comment se nourriraient-ils ? Faudrait-il qu'ils chassent ?
Elle devait voir Yona pour qu'elles voient les derniers détails, comme la nourriture, de leur futur voyage.
Veronica s'endormit, des questions sans réponses dans la tête.
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Hey ! Je suis vraiment désolée pour le retard mais j'ai pas vraiment le temps d'écrire, et pour me rattraper, j'ai écrit un long chapitre!
Dites moi si il y a des trucs qui vont pas, ou alors si je dois améliorer quelque chose, je suis tout ouïe!
Bonne journée à vous.
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