Sortir

 « Quand on aime il faut partir. »

        Blaise Cendrars

« Les vrais voyageurs sont ceux-là qui partent pour partir. »

        Charles Baudelaire

Partir subsistait le seul mot d'ordre de Barbara, sortir de ce quartier délabré, sortir de ce « ghetto », sortir de cette vie où elle était emprisonnée, sortir pour oublier. Cette occasion se présentait à elle, lorsqu'elle reçut un message inopiné de la part de son amie, Lena : « Désolé si je ne te préviens que maintenant, mais nous allons bientôt arriver avec Dimitri. La situation est un peu tendue avec lui, ces derniers jours. J'ai bien peur que notre couple éclate durant cette escapade. Surtout, n'évoque pas ce sujet avec Dim'. Bisous ».

Barbara avait rêvé de cette excursion, et pour une fois, elle avait le destin entre ses mains.

Les murs en béton s'étendaient vers l'infini, vers l'horizon, les chances de s'y s'échapper étaient minces, cette cité nous rattraperait toujours. Les inégalités étaient énormes, tant en Russie, que dans le monde. Des gens mourraient de faim, d'autres avaient du mal à boucler leur fin de moins, pendant que d'autres voyageaient sans se soucier des pauvres. Les classes sociales persistaient à travers les siècles. Cela se percevait à travers des vêtements, des voitures, ou même la façon de parler, de s'exprimer.

En tout cas, Barbara avait fait tout son possible pour séduire Dim', mais ce dernier n'avait pas succombé au charme de la jeune rousse [à son charme], et il restait, donc, fidèle à sa fiancée. Barbara avait eu, évidemment, l'étrange autorisation de son amie pour séduire Dim'. Elle se posait la question, car c'était réellement étrange, et paradoxal.

Barbara voulait réussir, elle avait la volonté pour, mais elle n'avait pas les moyens pour s'offrir des études. Par conséquent, elle enchaînait les petits boulots, pour pouvoir payer le loyer, ainsi que le peu de courses.

La jeune rousse voulait partir, mais elle ne savait pas où atterrir. Le voyage l'intéressait plus que de rester planquer dans une maison. Dimitri était pareil, et aimait vagabonder, ce qui était moins le cas de Lena, mais cela Barbara l'ignorait.

Clouée, elle ne pouvait pas bouger. Partir définitivement n'était pas son choix, mais plutôt sortir, voir un autre continent, puis revenir nouvelle.

Elle était encore jeune, et pleine de vitalité, pourtant quelque chose la retenait, ici. Une force mystique ? Non, juste les souvenirs, à nouveau eux. Les souvenirs étaient une grande faiblesse que l'on ne pouvait pas s'y détacher, mais accepter d'être menotté avec elle. Les souvenirs ne parlaient pas, mais il fallait les comprendre, les disséquer, les étudier. Lorsqu'ils étaient en vrac, on devait les assembler comme pour un puzzle. Un puzzle pouvait être long et fastidieux à coller les pièces ensembles. Pourtant reconstituer son passé était la clé de la réussite, pour avancer dans le futur.

De son passé, Barbara n'en avait que peu de réminiscences, et c'était, là, le problème, car elle ne pouvait pas avancer sereinement, sans se poser des questions, sans cesse, sur l'origine de son père. La jeune Barbara n'avait pas de soutien, elle n'avait qu'elle dans cette immense localité, de grandes barres, et d'immeubles de béton. Barbara résistait à cette tentation grandissante, à sa perte, à cet argent facile. Lena était bien la seule personne qui comptait pour elle, dans ce vaste monde. La Russie n'était pas aussi grande qu'elle le prétendait, car malgré la distance entre les deux amies, leur relation résistait à l'érosion de la vie.

Barbara était perdue dans cet immense dédale de béton, et d'architecture archaïque.

La désertification n'était pas un phénomène qui se déroulait en campagne mais persistait aussi en ville.


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