Chapitre 35

Mes larmes viennent de se tarir, enfin, je me redresse et quitte les bras de mes parents en prenant une profonde inspiration. Je baisse les yeux sur mes mains, des flashs me reviennent, des flashs me rappelant quand j'ai nettoyé le sang sur Caleb. Ma mère pose ses mains sur les miennes et les caressent doucement, les flashs s'éloignent dans mon esprit.

-Ma crevette, sache qu'on sera toujours là pour toi. Si, quand tu sortiras d'ici, tu veux venir à la maison, tu seras les bienvenues.

-Merci. Je ne sais pas si j'arriverais à retourner chez moi. Mon appartement est remplis de souvenirs avec Caleb.

-Je sais. 

Ma mère remonte une main jusqu'à mon visage, replace une mèche de cheveux derrière mon oreille et glisse ses doigts sous mon menton pour me forcer à relever le visage. Je la regarde, ses yeux sont remplis d'amour et de tendresse. Il n'y a pas de pitié, juste de l'amour.

-Ma chérie, ma Zoé, on t'aime et on sera toujours là pour toi, ne l'oublie jamais. 

-C'est vrai, on sera toujours là.

-Charlie aussi ?

-Bien sûr ! Même si elle est en France, elle pense à toi. 

-C'est gentil. Je l'appellerais. Et j'aimerais bien me reposer. Je peux rester seule ?

-T'es sûr ? Crevette...

-Je suis sûr. J'ai besoin d'être seule. 

-Laissons-la un peu seule. Elle a besoin de repos chérie. On n'est pas loin si jamais.

-Merci papa.

Mes parents me prennent dans leurs bras et sortent. Je me retrouve seule, je prends une profonde inspiration et regarde la chambre. Je me lève en voyant mon sac sur la table, approche le fauteuil et m'installe. Je fouille dans mon sac, j'en sors mon portable. Je le déverrouille et file dans ma galerie. Je regarde les photos que j'ai avec Caleb, j'en aurais plus jamais, ça me tue. Mes dernières photos datent du matin de la rupture, j'avais envie de me souvenir de cette matinée, on était si joyeux ce jour-là. Puis tout a été détruit.

Après un long moment sur ma galerie à me souvenir, je pose mon portable et baisse les yeux sur mon ventre. Je remonte mon tee-shirt, pose mes mains et caresse doucement mon ventre. Ce bébé, je dois être forte pour lui, mais ça va être si compliqué ... La douleur de la perte me brise le coeur un peu plus à chaque fois que j'y pense.

Je ferme les yeux, les larmes réussissent à passer malgré tout. Je pleure en silence, ça fait si mal !

Le lendemain matin.

Je suis sur le lit de l'hôpital, téléphone à la main. Je ne suis pas sur ma galerie photos, je dois arrêter d'y aller, mais sur mon répertoire. J'appuie sur le nom de ma soeur, c'est l'heure de l'appeler. La sonnerie retentit deux fois avant que j'entende la voix de Charlie.

-Salut Zoé ! Ça va ?

-Salut Charlie. Ça va et toi ?

-Mon inquiétude a enfin diminué quand les parents m'ont dit qu'on t'avait enfin retrouvé, alors ça va mieux maintenant. Je vais voir avec mon patron si je peux rentrer.

-Non, ne te force pas à rentrer. Profite de la France.

-T'es ma grande soeur, j'ai eu terriblement peur. Je vais rentrer à New-York. Je me dois d'être avec toi.

-C'est gentil, merci ma Charlie.

-Et sinon, toi, comment tu te sens ?

-Détruite. On m'a détruit le coeur et tu n'imagines même pas les forces que je mets à ne pas craquer.

-Je ne peux pas imaginer effectivement. J'aimerais tellement te serrer dans mes bras.

-Moi aussi. Un câlin de sa petite soeur, c'est réconfortant.

-Mais pas suffisant.

-Je rêve des bras de Caleb autour de moi.

De sa bouche, son corps, son amour, tout. Je ne pense qu'à lui, tout le temps, sauf quand je pense au bébé. Mais même quand je pense au bébé, je ne vois qu'un petit garçon qui ressemble à son père.

-Charlie, je peux te dire un truc sans que tu ne répètes aux parents ?

-Ouais. Enfin, sauf si tu penses à mettre fin à tes jours.

-Non, c'est pas ça. Je dois t'avouer que j'ai même une bonne raison de vivre, d'être forte.

-Oh ! Une bonne raison de vivre et d'être forte ?

-Oui. Charlie, même si c'est tôt je te le dit. Je suis enceinte, j'attends un petit bébé.

-Quoi ? T'es enceinte ?!

Petit silence, puis Charlie crie de joie. Non, hurle de joie si fort que je dois éloigner mon portable de mon oreille jusqu'à ce qu'elle se calme.

-Oh mon dieu ! Zoé, effectivement, tu as bel et bien une bonne raison de rester en vie, la plus belle des raisons ! Mon dieu, c'est trop beau !

-C'est sûr.

-Et t'es enceinte de combien ? 

-Deux mois. Sept semaines de grossesse.

-C'est relativement tôt pour le dire, non ?

-Charlie, t'es en France, j'ai besoin de te rassurer. Et avec ce bébé, le seul que je vais avoir de Caleb, j'ai une bonne raison de vivre.

-Je comprends. En tout cas, je suis vraiment heureuse pour toi.

-Merci. Mais tu sais, malgré ça, je me dis que Cal ne va jamais connaître son bébé.

-Ce bébé aura une étoile qui veillera sur lui. Zoé, je suis sûr que Cal connaîtra cet enfant. Et je sais que tu iras parler à Cal sur sa tombe.

Sa tombe... Mes épaules s'affaissent, une boule énorme se forme dans ma gorge, Charlie vient de me ramener à la réalité de la chose. Je vais enterrer l'homme que j'aime, je ne suis pas du tout prête pour ça...

-Charlie, je te rappelle.

-Non...

Je raccroche et laisse tomber mon portable sur le lit, la boule m'empêche presque de respirer. Je pose mes mains sur mon visage et craque pour la première fois depuis mon réveil. Mes larmes coulent à flots et la douleur est si intense dans ma poitrine, elle me déchire tellement que ça m'arrache des cris qui ne soulage rien. Je m'allonge et enfonce ma tête dans l'oreiller, laissant cette douleur sortir dans des hurlements.

Ma crise se calme que quand je sens une piqûre sur mon épaule, des mains me retournent en douceur. C'est le médecin avec une infirmière, il me redresse et place un autre coussin derrière moi avant de me caler contre.

-Mademoiselle, qu'est-ce qu'il vient de ce passer ? 

-On vient de me dire que j'allais enterrer l'homme que j'aime, ça m'a provoquer une douleur intense à la poitrine.

-Vous avez encore mal ?

-Non. C'est passé.

-D'accord. Je vous ai injecté un calmant, ça devrait agir pendant quelques heures.

-Il n'y a rien qui pourrait agir pour plus longtemps ?

-Sachant que vous êtes enceinte, vous donnez trop de choses pourrait mettre en danger la grossesse. Je peux vous prescrire des calmants, mais rien de bien fort. 

-Alors qu'est-ce que je peux faire moins souffrir à chaque fois ? Comment je vais faire quand je vais l'enterrer ? Rentrer chez moi où j'ai des souvenirs avec lui ?

-Vous aurez des médicaments quand même. Et en cas de crise come vous venez d'avoir, venez à l'hôpital. Et sachez, Zoé, que l'enterrement, même s'il sera compliqué, d'un côté il soulagera votre coeur. Un dernier au revoir avant le repos éternel.

-Comment pouvez-vous dire ça ? Je l'aimais.

-Et j'aimais ma femme aussi intensément que vous aimez votre défunt conjoint, dit-il en s'asseyant sur le lit. Ces crises, je les aient vécu. Le choc, le sevrage, la colère, la dépression, l'acceptation. Ce sont les étapes du deuil. Celui-ci est long, très douloureux dans votre cas avec ce que vous avez vu, mais je vous assure que ça va passer.

-Votre femme, qu'est-ce qu'elle a eu ?

-Une maladie grave qui l'a poussé à se suicider tant elle souffrait. Devant moi. 

-Et vous avez mis combien de temps à vous sortir de tout ça ? De ne plus sentir cette douleur ?

-J'ai mis environ un an. Jusqu'à la date anniversaire. Ce jour-là, je suis allé lui parler sur sa tombe, ça m'a soulagé et j'ai accepté qu'elle était partie. Je vous mentirais en disant que la douleur va disparaître. Elle sera toujours là, au fond du coeur. Toujours. Mais elle va s'apaiser, devenir moins intense avec le temps.

-Vraiment ?

-Oui. Au bout d'un moment, coeur et esprit se souviendront avec tendresse des sourires, des rires, des moments de joies. Et vous allez y arriver vous aussi. Vous attendez un bébé de votre compagnon, quand vous le sentirez bouger, entendrez son coeur, ça va vous apaiser. Puis quand il sera là, sur vous, que vous croiserez son regard tendre, remplis d'amour, vous vous sentirez bien, votre coeur commencera à se réparer, à se reconstruire, parce que ce petit être va vous aimez plus que tout au monde et son amour se sentira. 

Je regarde mon ventre, il est vrai que c'est la seule chose qui apaise un peu mon chagrin. Le médecin prends ma main et la serre, je lève les yeux vers lui. 

-Zoé, vous êtes entourés d'amour de la part de votre famille, je vous assure que vous y arriverez. Pensez à votre bébé, à tout les meilleurs souvenirs avec votre compagnon, passez du temps avec vos amis, la famille, ne vous renfermez pas, parlez. Et quand vous le sentirez nécessaire, pleurez un bon coup, hurlez, faites sortir la douleur. Il ne faut pas la retenir, surtout pas.

-Merci beaucoup pour ces mots. J'espère que j'y arriverais, mais ça fait si mal.

-Vous y arriverez. Et votre portable n'arrête pas de vibrer, je crois que quelqu'un veut vous joindre.

Il me tends mon téléphone, il vibre effectivement et c'est ma soeur qui m'appelle.

-Je vous laisse. Si jamais vous avez besoin, faites-moi appeler. Je suis là toute la journée.

-Encore merci.

Il serre une dernière fois ma main puis il sort avec l'infirmière. Je reprends ma soeur et la rassure, elle s'inquiétait de me voir raccrocher aussi vite.

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