5 : Bienvenue dans le groupe

Média : Newt

13/08/2225, 7h17

Oryane

- Oryane, j'ai une excellente nouvelle pour toi !

La rouquine cessa de mâcher et releva les yeux vers la professeure Paige, qui lui sourit.

- Tu vas pouvoir rencontrer d'autres enfants !

Oryane la regarda sans réagir, comme si elle attendait que la docteure s'esclaffe en lui avouant la supercherie. Voyant que rien ne venait, elle écarquilla les yeux.

"- C'est vrai ?!

- Bien sûr ! Nous estimons que tu es désormais apte à tisser des liens avec des jeunes de ton âge. Tu vas pouvoir te faire des amis !"

Oryane avala sa salive, sans y croire. C'était trop beau pour être réel. Elle avait encouru tant de déceptions dans sa vie qu'elle se méfiait de tout à présent.

"- Et ça se passera quand ?

- Après ton petit-déjeuner, dès que tu as terminé je t'emmène les voir !"

Cette fois Oryane en laissa tomber sa serviette. Le choc passé, elle sentit une joie si forte envahir son corps qu'elle aurait pu exploser. S'efforçant de garder son calme, elle bafouilla gauchement :

"- Et... et qui je vais voir ?

- Tu as sans doute déjà aperçu tout à l'autre bout du couloir deux chambres, au nom de Thomas et Teresa. Ce sont eux que tu vas voir aujourd'hui. Si ça peut te rassurer ils ne se sont jamais parlé non plus, vous allez tous les trois pouvoir faire connaissance."

Oryane voyait très bien qui étaient Teresa et Thomas : la fille qu'elle avait essayé de sauver des gardes lors de sa journée d'insertion de puce voilà plus de quatre mois, et le garçon qui lui avait porté secours.

Et à présent elle allait discuter avec eux. De manière détendue, en face-à-face, sans crainte de se faire tomber dessus. Cette perspective l'excitait follement autant qu'elle la faisait mourir de peur.

Que ferait-elle si le courant ne passait pas ?

Elle avait désespérément besoin de leur amitié comme de l'air qu'on respire. Ses poumons lui paraissaient brusquement débloqués, comme si elle avait respiré artificiellement pendant des années.

Elle ne devait surtout pas se rater.

*******************

Quand elle pénétra dans la "Salle du Contact" (quel nom ridicule), Thomas et Teresa étaient déjà installés dans des fauteuils, mutiques et gênés, l'attendant pour commencer. La rousse alla s'asseoir sur le dernier siège permettant ainsi de clore la disposition en cercle, et un docteur se racla la gorge.

- Bien. Je serai dehors avec deux vigiles si besoin est. Parlez-vous.

Traduction : "Peace and love les gars, forcez-vous à devenir copains si vous voulez pas que ça dégénère en anesthésie générale."

La porte se ferma.

Les trois enfants se regardèrent en silence.

"- Salut, dit enfin Thomas.

- Salut, répondit immédiatement Teresa.

- Bonjour."

Un sourire timide étira les lèvres de Teresa, Thomas se trémoussa dans son fauteuil pour se mettre plus à son aise et Oryane osa enfin relever les yeux.

"- Vous avez quel âge ? demanda la brune. Moi 10.

- 9, fit Thomas.

- 8, avoua Oryane.

- Ca fait du bien d'enfin voir des gens. Je veux dire, des enfants comme vous et moi.

- On est d'accord, s'enflamma Thomas. Vous aussi vous êtes enfermées dans vos chambres à longueur de journée ?

- Depuis trois ans. J'en peux plus.

- Moi je n'ai jamais connu que ça, alors..."

Thomas et Teresa tournèrent leurs regards ébahis vers Oryane.

"- C'est-à-dire ?

- Et bien j'ai grandi ici. Je suis là depuis que je suis bébé. Ma vie a toujours été comme ça, je m'ennuyais à mourir avant de commencer l'école.

- Ils t'ont prise à tes parents si tôt ?

- Je n'ai jamais entendu parler de mes parents."

La déclaration de la rouquine jeta un froid, alors que les deux autres réalisaient qu'ils n'étaient pas les plus mal lotis du groupe finalement. Teresa enchaîna :

"- Pourquoi on est différents ? J'ai entendu d'autres enfants crier, rire... Je suis déjà passée devant une cafétéria immense avec au moins dix tables, des salles de classe avec plusieurs bureaux, des dortoirs...

- Peut-être que c'est un test, suggéra Thomas. Je sais pas vous, mais moi on me râbache à longueur de journée que je suis particulièrement intelligent.

- Moi aussi, admirent les deux filles.

- Peut-être qu'on est spéciaux."

Ils se turent et se regardèrent dans le blanc des yeux pendant plusieurs minutes. Puis Oryane reprit :

- Vous croyez qu'ils surveillent notre discussion ?

Ils relevèrent la tête à la recherche de caméras, mais tout semblait parfaitement normal.

- Je suis prêt à parier mon prochain repas que oui, dit Thomas. Et je le laisse sans regret, la bouffe est dégueulasse.

Ils éclatèrent tous de rire, et le visage de Teresa s'illumina.

"- Je crois qu'ils veulent qu'on devienne amis... Et maintenant que je vous vois, ça me tente bien.

- Alors amis ? demanda Oryane, pleine d'espoir, en tendant sa main.

- Amis !" clamèrent Teresa et Thomas en posant leurs mains sur la sienne.

Le coeur d'Oryane se réchauffa instantanément.

Teresa jeta un coup d'oeil furtif autour d'eux, puis elle se pencha pour souffler à voix basse.

"- Vu qu'on est surveillés, je dois vous en parler comme ça, mais... vous aussi, vous vous êtes sentis bizarres après l'implantation de votre puce ?

- Eh bien, ça faisait un mal de chien.

- Ca oui, mais je veux dire... quelque chose a changé dans ma tête. J'ai l'impression d'être reliée à quelque chose. Je me concentre dessus jusqu'à la migraine tous les soirs, c'est comme pour... activer quelque chose."

Thomas et Oryane échangèrent un regard déconcerté.

- On voit pas de quoi tu parles, mais on pourra essayer de...

La porte s'ouvrit à ce moment-là.

Le psychologue rentra, un grand sourire aux lèvres.

- La séance est terminée pour aujourd'hui ! Ne vous en faites pas, vous vous reverrez très prochainement. A présent, regagnons vos chambres !

Ils se levèrent et au moment de sortir dans le couloir, Teresa se tourna brusquement vers le psy.

- C'est vrai que sept enfants sont morts durant l'opération de la puce ?

Le docteur blêmit.

"- Comment...

- Vous dites beaucoup de choses quand vous pensez qu'on écoute pas, dit Teresa avec calme. Mais on est en âge de comprendre certaines choses, vous savez.

- Et bien là justement vous avez mal compris, et vous n'avez pas à écouter aux portes ! Allons-y !"

Avant de se séparer, ils se saluèrent du regard. Oryane rentra dans sa chambre, déjà folle d'impatience de les revoir bientôt. Puis elle repensa à ce qu'avait dit Teresa.

"- Sept enfants sont morts durant l'opération. J'ai l'impression d'être reliée à quelque chose."

Sept décès, que le médecin avait nié. Teresa avait-elle vraiment mal compris ? Oryane préférait ne pas savoir. Si elle ne pouvait même plus confier sa vie en toute tranquillité aux scientifiques l'utilisant, elle n'aurait plus rien en quoi avoir confiance. Elle tenta d'oublier ce macabre détail et s'allongea sur son lit.

Fermant les yeux de toutes ses forces, elle tenta de se concentrer sur sa tête et ce qu'avait décrit la brune. Il n'y avait rien... Un calme plat. Tout était normal.

Si, là ! Un picotement ! Oryane crispa les paupières à se faire mal. La démangeaison dans son esprit augmenta un peu... soudain, un mal de tête l'assaillit sauvagement. Elle poussa un gémissement de douleur en se renfonçant dans son matelas. Une chance qu'on soit samedi aujourd'hui, l'effort mental plus la pression dûe à la rencontre l'avait assommée.

Elle s'endormit sans s'en rendre compte.

*************************

23h29

Toc toc toc.

Quand Oryane émergea de son rêve, elle mit environ une minute avant de se rendre compte qu'on toquait vraiment à sa porte, et que ce n'était pas juste un rêve.

Le coup léger se répéta. Avec la lenteur et l'enthousiasme d'un escargot, elle quitta son lit. Qui cela pouvait-il être à cette heure ?

Elle entrebâilla le battant... et se retrouva face à Samuel.

Elle ne s'y attendait tellement pas qu'elle resta figée sans rien dire, le regardant avec des yeux ronds. Le blond lui sourit.

"- Salut Oryane. Je t'avais dit que je trouverais un moyen de se voir.

- Tu... bafouilla Oryane. Qu'est-ce qui t'a pris tant de temps ? Et pourquoi...

- Je vais tout t'expliquer OK ? Habille-toi et rejoins-moi dans le couloir, j'ai quelque chose à vous montrer. Grouille-toi, on a pas beaucoup de temps.

- "Vous" ?" releva Oryane.

Le garçon passa sa main dans ses cheveux, gêné.

- J'ai aussi réveillé les deux autres au bout du couloir, Thomas et Teresa. Ils sont en train de se changer.

Oryane devint écarlate en se rendant compte qu'elle était en nuisette défraîchie, ses boucles rousses en bataille et l'aspect débraillé. Sam lui, portait un jean et un T-shirt, et ses cheveux commettaient l'exploit d'être décoiffés en donnant l'illusion d'être un effet. Il avait encore grandi depuis la dernière fois et ses pansements avaient disparu.
Pour quelle follasse passait-elle ?

- Je reviens ! couina-t-elle en lui claquant la porte au nez pour foncer sur sa commode.

Elle fouilla fébrilement pour trouver une tenue potable. Faute de mieux, elle enfila un legging et une... blouse bleue trop grande, mais dans le noir personne n'y ferait attention de toute façon. Elle passa ses doigts dans sa tignasse pour tenter de les coiffer, sans grand succès. Alors qu'elle se tournait vers le couloir, elle se demanda un instant pourquoi elle voulait paraitre belle. Quelle idée de la tirer du lit à minuit ! Mais l'idée que Samuel la voie en pyjama lui faisait honte.

Elle sortit dans le couloir faiblement éclairé par la lune. Samuel patientait, adossé à la grande baie vitrée, Thomas et Teresa à son côté. Il offrit de nouveau à Oryane son sourire beaucoup trop craquant dès qu'il l'aperçut.

- Parfait, on y va !

Teresa pinça les lèvres sans bouger.

- Non, on veut juste des explications. Tu crois vraiment qu'on va suivre un gars qui se pointe à nos chambres en pleine nuit sans explication ?

Le blondinet grimaça.

- Ouais, pardon. Je m'appelle Samuel. Je fais partie du groupe de mecs. On a beaucoup entendu parler de vous, et d'Aris et Rachel aussi. Du coup on s'est dit que ça serait cool de vous rameuter.

Les trois autres le contemplèrent avec des yeux de poisson mort, ne voyant absolument pas qui était Aris ou Rachel. Sam ricana.

"- C'est pas censé être vous les petits privilégiés au courant de tout ? Bref, amenez-vous.

- Où on va ?" voulut savoir Thomas.

Sam lui donna une accolade.

- Commençons par le début. Je vais vous présenter à mes potes.

*******************

Ils traversèrent discrètement les couloirs jusqu'à arriver à une petite porte dissimulée dans une alcôve, avec marqué "Maintenance".

- C'est notre cachette secrète, chuchota Samuel avec fierté.

Il rentra à l'intérieur, les invitant d'un geste à le suivre.

- Je suis de retour les gars !

Un garçon aux traits asiatiques apparut devant eux et fit une révérence exagérée avec un sourire malicieux.

- Bien le bonsoir, monsieur, mesdemoiselles.

Oryane reconnut avec stupeur Minho/Yu-jun, le gars de la dernière fois qui avait complètement pété un plomb en plein milieu du couloir. Lui aussi ne gardait aucun vestige de l'opération, et ne semblait nullement traumatisé. La rouquine se demanda s'il se souvenait même de cet épisode.

"- Minho, tu parles encore comme ça je te pète la gueule, grogna un ado à la peau noire qui devait facilement avoir 13 ou 14 ans.

- Ah ouais ? Tu veux te battre ? le provoqua Minho.

- Quand tu veux ! rétorqua le garçon en se levant d'un bond, les prunelles brillantes.

- Vas-y vas-y, je t'attends, tu vas faire quoi, tu vas faire quoi ?"

Ils se sautèrent dessus et commencèrent à se bagarrer en riant à voix basse. Teresa les regardait d'un air exaspéré, Thomas souriait de toutes ses dents, et Oryane aussi ne pouvait réprimer un rictus devant ce spectacle.

- Ces deux faces de phoque ce sont Minho et Alby, déclara Sam, un rien moqueur.

"Mais Minho avait pas dit qu'il s'appelait Yu-jun ?"

Oryane se retint de poser la question, ignorant si elle serait malvenue. Peut-être Minho avait-il halluciné la dernière fois, ou alors il avait changé d'avis.

- Arrêtez de vous battre les gars, on va nous prendre pour des sauvages ! s'écria une troisième voix.

Les deux se figèrent. Une fille sortit d'un coin de la pièce, ses cheveux d'une belle couleur cuivre flottant dans son dos. Elle sourit aux nouveaux arrivants, médusés.

"- Et elle c'est Kat, dit Samuel avec un sourire.

- Katrina, corrigea la fillette. Mais c'est trop long, Kat c'est mieux.

- KitKat !" s'exclamèrent en chœur Minho et Alby avant de s'écrouler de rire.

Thomas, Teresa et Sam les rejoignirent, hilares, Kat marmonna pour la forme, amusée, et Oryane s'abstint de demander ce qu'était un KitKat.

"- Bon les gens, je vous présente Thomas, la fille brune c'est Teresa, et la rousse Oryane, expliqua Samuel en les désignant du menton.

- La fameuse ! remarqua Minho en détaillant la rouquine. Samuel nous a beaucoup parlé de toi."

"C'est pas vrai ?!" pensa Oryane, qui ne put empêcher un sourire idiot d'éclore sur ses lèvres. Sam se mit à tousser au même moment en détournant les yeux.

"- Salut les gars, dit Alby avec un hochement de tête. L'autre bouffon et moi sommes ravis de vous rencontrer.

- Bouffon ? s'écria Minho. Tu veux te battre ?

- Non, ta gueule.

- Enchantée" fit Kat.

Avec son visage de porcelaine, ses yeux couleur chocolat et ses taches de rousseur, elle était très mignonne, et elle paraissait débordante de gentillesse. Oryane ressentit aussitôt l'envie de se rapprocher d'elle.

- Comment ça "il nous a beaucoup parlé de toi" ? Vous vous connaissez ? s'étonna Teresa en se tournant vers elle.

Oryane tressaillit.

"- C'est, heu... une longue histoire. Mais oui on s'est déjà vus.

- Samuel a flashé sur elle, fit Minho d'une voix forte.

- Même pas vrai" protesta le blondinet en coulant un regard vers Kat.

Celle-ci rougit et détourna les yeux.

Oryane sentit une main froide enserrer son cœur. Il y avait quelque chose entre eux ? Non, elle n'espérait pas...

Pourquoi elle n'espérait pas ? Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire que Samuel soit amoureux d'une fille ? En vérité, ils ne se connaissaient même pas, ils ne s'étaient pas vus depuis des années...

Pourquoi avait-elle aussi mal alors ?

"- Sans vouloir te vexer Kat, je croyais que ce n'était que les gars qui venaient ici ? questionna Thomas.

- Je fais partie du groupe de garçons, soupira Kat en secouant la tête.

- Ben pourquoi ?

- Je crois qu'il y a une histoire de nombre d'Immunes. De ce que j'ai compris, il y plus de filles qui ont tendance à naître Immunes que de garçons. Mais ils doivent bien équilibrer les deux parties, alors... je suis là.

- Et tu es la seule ?

- Oui, répondit Alby à sa place. C'est un peu notre petite sœur, genre."

Kat esquissa un sourire.

"- La présence féminine me manque désespérément... Heureusement que vous êtes là, dit-elle à Teresa et Oryane.

- Je comprends ta douleur, souffla la brune en jetant un regard en biais à Minho, Alby et Samuel, qui la gratifièrent d'un coup d'œil dédaigneux. Visiblement, ils ne portaient pas Teresa dans leur cœur.

- Bon en tout cas vous avez l'air cool, remarqua l'asiat'. On avait peur de croiser des intellos parlant Shakespeare et s'échangeant des zécations du second degré.

- Des équations, rectifia Alby.

- Chuuuut t'as rien entendu.

- Nan on est pas comme ça, désolée, dit Oryane. En fait... la seule chose qui nous différencie de vous, c'est qu'on vient à peine de se rencontrer avec Thomas et Teresa, alors que vous, vous vivez littéralement ensemble.

- Les potes c'est la vie, acquiesça Minho. Mais ça fait une éternité qu'on nous parle de vous, comme quoi vous êtes la septième merveille du monde, que vous êtes trop intelligents, forts et tout... Alors on voulait se faire notre propre idée.

- Ils nous ont parlé de Thomas et Teresa, mais pas Oryane, murmura Kat en adressant un sourire contrit à la rousse. Honnêtement, si Sam nous avait pas dit qu'il cherchait à te contacter, on n'aurait jamais entendu parler de toi.

- C'est vrai, reconnut le blond. Personne ne mentionne jamais ton nom. J'avais l'impression d'être le seul à t'avoir jamais vue. Pendant ces deux ans à te chercher, je me suis souvent demandé si Lizzy et moi n'avions pas vu un fantôme.

- Et ben c'est bien moi, en chair et en os."

"Pourquoi veut-on cacher que j'existe ?"

"- Et donc, ça fait longtemps que vous venez ici ? demanda Thomas.

- Un peu moins d'un an, répondit Kat. On voulait explorer un peu l'enceinte au lieu de rester sagement dans nos petits lits. On est tombés sur ce coin et on s'est dit que ce serait sympa comme QG.

- On est pas débiles, on sait que WICKED est au courant de nos sorties, ajouta Minho. Mais tant qu'ils ne nous auront rien dit, on continuera à faire ça."

Oryane repensa à ces explorations nocturnes, les portes non fermées, le manque de réaction du personnel...

A croire que WICKED voulait qu'ils sortent, qu'ils se rencontrent les uns les autres... Non, c'était stupide. Pourquoi calculeraient-ils une chose pareille ?

"- Samuel nous a dit que vous deviez nous montrer quelque chose, déclara alors Teresa.

- Oui et non, tempéra Alby. On veut bien vous avoir avec nous, mais il faut qu'on soit sûrs de pouvoir vous faire confiance. On se rejoint ici toutes les nuits, et on s'amuse un peu, on fait des jeux, on se raconte ce qu'on peut pas se dire pendant la journée... Ici c'est notre safe place. Attendons un peu avant d'aborder les sujets graves. Sinon bienvenue dans le groupe les mecs."

Sam, qui s'était assis sur un escabeau en jouant avec une pomme, se redressa brusquement.

- Je sais par où leur faire commencer la visite. On va aller voir le groupe B.

**********************

Samuel les fit passer par une petite grille d'aération au cadenas mangé de rouille et ils se faufilèrent dans des conduits étroits.

"- C'est quoi cette histoire de groupe B ? questionna Teresa.

- C'est le groupe des meufs, expliqua Minho. Nous, on fait partie du groupe A. Même si du coup, il y a Aris dans le B, et toi et Kat avec nous. Encore pour elle ça se tient, mais Aris et Teresa je suis perplexe. Pourquoi faire des exceptions ?

- Et puis il y a Oryane, rappela Alby en dévisageant la rousse dans la pénombre. De quel groupe tu fais partie toi ?

- Aucune idée, chuchota la concernée. Je n'avais jamais entendu parler d'une histoire de groupes. Même si j'imagine que je serai avec vous, vu que je ne connais pas Aris et Rachel.

- J'emmerde leur logique, marmonna Alby.

- Pourquoi on est spéciaux ? s'interrogea Thomas.

- C'est une des questions auxquelles on espérait que vous répondriez, fit Kat. Manque de bol. Mais je compatis, votre place me fait pas rêver.

- Je reviens au sujet principal, mais vous êtes en train de me dire que vous espionnez les dortoirs des filles ? s'offusqua Teresa.

- Bien sûr que non ! protesta Minho, scandalisé. Quoique, il y en a deux trois mignonnes quand même. Je devrais peut-être demander à échanger ma place avec Aris...

- C'est pour voir ma soeur" le coupa Samuel.

Un silence tendu retomba sur le petit comité alors qu'ils continuaient d'avancer à quatre pattes dans le conduit.

"- Ta soeur ? répéta Thomas, éberlué, comme si le mot lui était complètement étranger.

- Ouais sa soeur, rétorqua Alby. C'est un rituel, au moins une fois par semaine. C'est sacré. La famille, mec. Quelque chose que la plupart d'entre nous n'ont plus.

- Comment va Lizzy ? demanda Oryane à Samuel, frémissante d'impatience à l'idée de revoir sa première amie.

- Bien... Aussi bien qu'on puisse aller ici.

- Tu la connais elle aussi ? s'enquit Teresa.

- Promis, je t'expliquerai un jour" se justifia Oryane.

"Ou pas."

Ils s'arrêtèrent au-dessus d'une immense grille encastrée dans le plafond du dortoir et s'amassèrent tout autour. Dans la gigantesque chambrée plongée dans l'obscurité, on distinguait une bonne quarantaine de lits, occupés par des personnes aux longs cheveux et aux traits féminins.

- Elle est là, souffla Sam d'une voix étranglée.

Oryane se rendit compte qu'il retenait ses larmes à grand-peine.

Il désigna le sixième lit de la première rangée en bas à gauche. Une silhouette reposait sur l'oreiller dans un halo de cheveux d'un blond lunaire.

"- Quand je pense qu'ils l'appellent Sonya, renifla le garçon. Pourquoi ils nous ont enlevé nos noms ? C'est la seule chose qui nous reste.

- Moi, je préfère l'oublier, murmura Teresa.

- Pas moi. Jamais. Je peux faire semblant avec eux, mais jamais je ne serai Newt. Et Lizzy m'a dit qu'elle restera à jamais elle-même aussi.

- Mais pourquoi tu viens comme un voleur comme ça ?

- Je n'ai pas le droit de la voir. Je dois faire comme si je l'avais oubliée, ou je me fais sévèrement punir. Il n'y a plus de famille ou d'amis ici, juste des compagnons d'infortune qui subissent les mêmes horreurs que toi chaque jour."

Oryane accusa le coup. Kat posa sa main sur l'épaule du blond.

- Au moins, tu arrives à lui parler discrètement, lui dit-elle d'une voix douce. Tu sais qu'elle est en sécurité. On donnerait tous nos reins ici pour avoir nos proches près de nous.

"Ouais enfin moi encore faudrait-il que je les connaisse" songea Oryane.

"- Tu veux descendre ? interrogea Minho.

- Ouais, dit Sam en reprenant le contrôle de sa voix. Allons-y."

Ils re-descendirent à travers le dédale de mini-tunnels jusqu'à arriver devant une fausse cloison. Sam la fit glisser et ils se retrouvèrent dans un petit placard exigu.

"- Oryane, viens, souffla Samuel. Lizzy sera folle de joie de te revoir.

- On vous attend ic..."

La porte du placard s'ouvrit d'un coup et une vive lumière se braqua sur eux alors qu'ils étouffaient à grand-peine un cri.

- Qu'est-ce que vous foutez là ?

Une fois qu'elle eut recouvré la vue, Oryane distingua une fille aux yeux en amande, aux longs cheveux noirs raides magnifiques, qui tenait une lampe torche rivée sur eux.

- Waouh, salut beauté, fit Minho avec un clin d'oeil.

La fille ne lui accorda même pas un regard.

- Hey Miyoko, salua Sam en se relevant avec difficulté dans le petit espace. Je viens voir ma soeur.

Miyoko soupira.

- Pas de problème, mais arrête d'amener tous tes potes à chaque fois on va finir par se faire repérer.

Elle repartit dans le dortoir pour réveiller Lizzy. Alby en profita pour dégager tout le monde, laissant seuls Samuel et Oryane dans le placard.

Une tornade se jeta soudain au cou du blondinet, qui vacilla légèrement avant d'enrouler ses bras autour de sa soeur et de la serrer de toutes ses forces.

- Je suis là, murmura Sam.

Oryane vit qu'il pleurait pour de bon, alors qu'il pressait Lizzy contre lui. Elle sentit ses propres larmes monter devant cette scène déchirante. Depuis combien de temps ne s'étaient-ils pas vus ?

- Ca fait tellement du bien de te voir, sanglota la blonde en se reculant pour essuyer ses joues.

Son regard tomba alors sur la rouquine et ses yeux s'exorbitèrent.

"- Oryane ? C'est bien toi ?

- Coucou Lizz- mmpf !"

Elle se fit presque étouffer sous le câlin de son amie, qui babillait, pleine de bonheur :

"- Ca fait trop longtemps ! Tu es trop belle, tu m'as manqué ! Tu t'es fait des amis ? Tu es mieux traitée ?

- Oui, et pas vraiment."

Samuel grinça des dents.

"- Je déteste ces enfoirés, dit-il d'une voix rauque. Je les hais. Comment ont-ils pu nous enlever, nous séparer comme ça ? Comment peuvent-ils enfermer des gamins, les maltraiter comme des foutus rats de laboratoire ?

- Ne dis pas ça grand frère, souffla Lizzy. Ces gens nous ont sauvé la vie, Sam. Ils ne peuvent pas être aussi mauvais qu'on le pense.

- Super, quelle belle vie on a !

- Ne sois pas égoïste... On est protégés, on s'occupe quand même de nous, on arrive à se voir de temps en temps... Je ne demande rien de plus."

Samuel détourna les yeux.

"- Ca me tue d'être loin de toi, dit-il d'une voix brisée.

- Je suis toujours là Sam, chuchota la blonde en prenant sa main pour la poser sur sa propre poitrine. Tu es fort, tu as des amis. On s'en sortira. Dès qu'on aura trouvé ce remède, on te l'injectera et on partira loin d'ici."

Newt avait l'air malheureux comme les pierres, mais il embrassa le front de sa petite soeur.

- Tu ferais mieux d'aller dormir, je ne veux pas que tu sois fatiguée demain.

Lizzy lui rendit son bisou et étreignit une dernière fois Oryane.

"- Toi, tu as intérêt à revenir ! Je veux de tes nouvelles plus souvent ! lui ordonna-t-elle.

- D'accord, promis."

*****************************

Le trajet de retour s'accomplit dans un silence pesant. Quand ils resurgirent dans la petite salle de maintenance, ils tenaient à peine debout tant ils étaient épuisés.

- On se retrouve demain à la même heure, déclara Minho dans un bâillement.

Ils se mirent d'accord et se séparèrent pour retrouver leurs chambres respectives.

Une fois glissée sous ses draps froids, Oryane mit une éternité à s'endormir. Sa vie avait totalement basculé en une journée. Tant de nouveaux lieux, découvertes, rencontres...

Mais jamais elle ne s'était sentie si heureuse que cette nuit-là en s'endormant, malgré le danger, malgré la souffrance, malgré l'incertitude.

Elle avait retrouvé un ami.

Non.

Des amis.

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