9 : Ferme-la et cours !!
Média : Griffeur
- Jeff, comment va-t-elle ?
Le Medjack releva la tête en entendant la question de Newt. Le blondinet, escorté de Minho, Thomas et Oryane s'approcha du lit où la fille brune dormait toujours, recroquevillée en boule. Au moins avait-elle repris un peu de couleurs.
Après son funeste message, de nouveau inconsciente, elle avait été évacuée de la Boite et un rapide examen plus tard, les Medjacks décrétaient qu'elle était dans le coma. Le petit groupe s'était empressé de venir la voir dès le matin.
- Surveillez-la jour et nuit, avait ordonné Alby. Qu'elle parle dans son sommeil ou qu'elle aille aux chiottes je m'en fous, je veux savoir ce qu'elle fait à la seconde près d'accord ?
- Elle va bien, répondit Jeff. En fait, il ne s'est rien passé. Elle n'a pas bougé de la nuit, on a dû la nourrir à la petite cuillère. Mais elle n'a pas de fièvre et aucune blessure.
Silencieuse, Oryane contemplait la jeune fille. Son esprit l'incitait à lui parler, la poussait vers elle comme quand on retrouve un ami de longue date perdu de vue. Qu'avait-elle fait avec cette fille et Thomas pour que les Blocards en arrivent là ? Pour qu'ils en arrivent là ?
- Vous la reconnaissez ?
Oryane releva les yeux vers Newt qui la toisait d'un air interrogateur elle et Thomas, lui aussi concentré sur la brune. Le garçon jeta un coup d'œil à la rousse et devant son silence il répondit pour eux deux :
"- Non.
- Vraiment ? Parce qu'elle a l'air de vous reconnaître elle."
Le ton de Newt était neutre, avec toutefois une pointe de scepticisme. Oryane et Thomas échangèrent un regard. Sans se parler, la rouquine savait que Thomas était au courant de quelque chose lui aussi. Mais ils ne devaient pas se trahir.
- Mais regardez ce qu'on a trouvé sur son bras.
Jeff remonta la manche de la jeune fille. Oryane sentit son souffle se couper.
Sur le bras de la fille était marqué au feutre noir "WICKED is good".
Minho, Thomas et Oryane échangèrent aussitôt un coup d'oeil alerte, que Newt surprit.
"- Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Qu'est-ce que vous cachez ?
- Rien mec ! C'est juste la même inscription que sur les murs du Labyrinthe ! Alors Oryane et moi, on a échafaudé quelques hypothèses dessus...
- Oryane et toi ?"
Les yeux bruns de Newt se braquèrent aussitôt sur la rouquine. Il n'était plus en mode amical, il passait en fonction « commandant en second ».
- Et comment connais-tu cette phrase si tu n'es pas allée dans le Labyrinthe ? Et le bleu ? lança-t-il à l'adresse de Thomas.
Celui-ci se frotta la nuque et faute d'excuse avoua :
"- Je m'en rappelle. Je sais pas pourquoi, c'est juste que je m'en rappelle.
- Moi aussi" souffla Oryane.
Le blond plissa les yeux.
- Tu te rappelles de quelque chose ? Mais tu m'avais dit que c'était pas le cas !
Son ton était empli de déception.
- Je savais pas si c'était important ou pas... fit Oryane, malheureuse de lui mentir aussi éhontément.
C'était mieux pour lui. Et un peu pour elle aussi, vu que cela permettait de poursuivre leur lien. Newt soupira.
"- Ecoutez, Ory, Tommy, la moindre réminiscence peut nous aider à sortir de là d'accord ? Il faut qu'on se fasse tous confiance ici ou on va jamais s'en sortir. Donc venez m'en parler, ou à Alby, la prochaine fois OK ? Autre chose que je dois savoir ?
- Non !" dirent Thomas et Oryane en choeur.
Un autre mensonge. Oryane remercia le soleil de lui avoir déjà cramé le visage pour empêcher les gars de voir à quel point elle était rouge de honte. Décidément, elle ne méritait pas un garçon adorable comme Newt.
"- Et du coup, qu'est-ce que ça signifie ? interrogea Jeff.
- On n'en sait rien. On pense que ce sont les salopiots qui nous ont envoyés ici.
- Le méchant est bon, traduisit Newt à mi-voix. Pas très logique... Pourquoi elle a ça d'écrit sur le bras ? Est-ce que c'est un autre message des Créateurs ? Ou c'est elle qui a marqué ça ? Elle serait de leur côté ?
- Moi c'est pas ça qui m'inquiète" fit Thomas.
Ils tournèrent tous leur regard vers lui.
"- Je sais pas si vous vous rendez compte, mais ça a beau faire que deux jours que je suis ici, je me rends bien compte que c'est la panique dans le Bloc...
- Oh oui, nous aussi... marmonna Newt.
- Les gars s'inquiètent. Ils pensent que l'arrivée de la fille est un mauvais présage.
- Oryane était déjà là pourtant, souligna Minho.
- Ils s'en foutent de son sexe ! Enfin si, ça joue, mais c'est surtout le bout de papier. "C'est la dernière, après c'est fini." Compliqué de faire plus clair. Elle est la dernière bleue. Après, la livraison de nouveaux s'arrête.
- Merci de cette brillante analyse Pr. Thomas, ironisa le coureur.
- C'est sérieux !
- Il a raison, déclara soudain Jeff. La Boite n'est pas repartie après son arrivée à elle, dit-il en désignant la fille du menton. On fait quoi si elle remonte plus toutes les semaines ? Sans les provisions des Créateurs, on ne tiendra pas longtemps."
Cette déclaration lugubre mais hélas justifiée jeta un froid. Newt se mordit les lèvres, toujours les bras croisés. Depuis plusieurs minutes, Oryane ne pouvait s'empêcher de reluquer les muscles fermement dessinés sous sa peau.
- Ca ne sert à rien de s'inquiéter maintenant, tempéra le second. On va juste attendre qu'elle se réveille et voir ce qu'elle a à nous dire.
Mais Oryane le vit porter sa main à ses lèvres en un réflexe nerveux pour se ronger les ongles, signe de son stress intérieur. Un élan de peine et de compassion l'envahit. Cette brusque perte de repères et de contrôle des évènements ne devait pas être facile pour le maniaque de l'organisation qu'il était. Mais comme toujours, il faisait passer la sérénité des Blocards avant son propre bien-être.
- Thomas, Oryane !
Ils se tournèrent vers Zart, dont la tête dépassait de l'encadrement de la porte.
- Alby vous réclame.
Les deux adolescents grimacèrent. Ils ne devinaient que trop bien ce que leur chef leur voulait, et vu la mine compatissante de Minho et Newt, ils le savaient aussi.
***************
- Ca commence à faire beaucoup de coïncidences, tocards.
Thomas et Oryane soutinrent le regard d'Alby.
Thomas n'avait pas menti en disant que l'arrivée de la fille avait suscité beaucoup de remous dans le Bloc. Les gars échangeaient des murmures inquiets, en jetant des regards suspicieux voire carrément méfiants aux deux ados. On travaillait au ralenti, et une ambiance lourde flottait dans l'air. Cette fois, il était clair que les choses étaient en train de changer, et pas pour le mieux. Alby, lui, s'était empressé de convoquer Thomas et Oryane pour leur demander des explications.
"- D'abord, on a toi qui débarque, déclara-t-il en désignant Oryane. Bizarre, mais soit. Ensuite, on a Thomas, ce qui suscite des questions sur la présence de la tocarde. Ben pète les plombs en disant que tout est de votre faute, et une autre bleue arrive à moitié crevée, avec un message chelou et en se rappelant de vous alors que Thomas n'est ici que depuis la veille. Il y a un moment, faut plus se foutre de ma gueule.
- Mais puisqu'on te dit qu'on ne sait RIEN, Alby, soupira Thomas. On est aussi déconcertés que toi. Ce n'est pas nous résumer 15 fois la situation en 30 minutes qui va nous donner l'illumination."
Ça pour être déconcertée, Oryane l'était. Elle n'avait aucune idée de ce qui se passait ici, mais une chose était sûre, ça puait le plonk à plein nez.
Leur chef soupira en se pinçant les narines.
"- Très bien. Mais si jamais vous vous rappelez le moindre détail, n'importe quoi, vous venez m'en avertir, c'est clair ?
- Oui" firent les deux jeunes gens en coeur.
Néanmoins, ils n'avaient pas besoin d'échanger un regard pour se comprendre. S'ils devaient un jour savoir quelque chose, ce ne serait clairement pas à Alby qu'ils iraient se confier.
- Allez, fichez-moi le camp.
Thomas et Oryane ne se firent pas prier, et sortirent de la cabane pour tomber sur... Gally.
- On t'a jamais dit que c'était pas poli d'écouter aux portes ? ironisa la rouquine.
Gally grogna.
- Faites pas les plus malins, vous deux. C'est votre arrivée qui a foutu la merde ici. Vous travailliez avec les Créateurs, et je suis prêt à parier que la deuxième fille dont je n'ai pas vu le visage est celle qui était dans la Boite hier soir. Mais devinez quoi...
Il les toisa d'un air menaçant.
- Je ne vous laisserai pas détruire tout ce que nous avons construit ici. Même si je dois employer la manière forte.
Et il s'éloigna à grandes enjambées, après un dernier regard d'avertissement.
Thomas se tourna vers Oryane.
"- Il faut qu'on parle toi et moi.
- Entièrement d'accord. Mais allons dans un endroit plus...
- C'est Minho qui arrive, là ?"
Oryane se retourna. La discussion avec Alby avait bien duré une bonne demi-heure et une bonne partie du matin s'était écoulée à présent, pourtant c'était bien Minho qui arrivait en courant comme un taré, le visage écarlate. Sans prêter attention aux visages surpris autour de lui, il fonça vers Thomas et Oryane et se stoppa devant eux, à bout de souffle.
"- Ca va ? s'enquit la jeune fille.
- Impeccable, rouquine.
- Déjà de retour ? Tu as trouvé quelque chose ?" demanda Thomas.
Minho éclata de rire.
- Tu sais quoi, tocard ? D'habitude, c'est la question la plus débile que tu puisses poser à un coureur. Mais aujourd'hui... ALBY ! hurla-t-il. RAMÈNE TON CUL !
Renfrogné, le chef émergea de la hutte, et croisa les bras.
"- T'as de la chance que je t'aime bien, l'asiat', sinon tu serais déjà au gnouf pour m'avoir parlé comme ça. Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi t'es pas dans le Labyrinthe ?
- Je viens de trouver un truc de dingue... Non, c'est pas la sortie, ajouta-t-il.
-Ah."
Alby, Thomas et Oryane reprirent aussitôt un air blasé.
- J'ai trouvé un cadavre de Griffeur, sourit le coureur.
Alby écarquilla les yeux.
"- Genre, un Griffeur... mort ?
- Nan connard, il était en train de s'essuyer en sortant des chiottes.
- Où l'as-tu trouvé ? questionna le meneur sans relever le sarcasme.
- Section 4. Je sais pas ce qui l'a tué. Je me disais que tu voudrais peut-être aller voir.
- Tu me connais bien. Tu crois qu'on a le temps ?
- Si on maintient un bon rythme, on pourra rentrer avant ce soir.
- Parfait, je vais prendre un pique-nique."
Alby se tourna vers Thomas et Oryane.
- Trouvez-moi Newt, que je lui confie le Bloc.
Tous deux acquiescèrent et filèrent vers le jardin.
- Newt ! On a besoin de toi !
Le blondinet releva la tête.
"- Alors, qu'est-ce qu'Alby vous a dit ?
- Plus tard, là il te réclame, il va aller dans le Labyrinthe.
- Il va QUOI ?
- Va le voir !"
Surpris et légèrement soûlé, Newt toisa Thomas avant de s'éloigner en boitant, après un rapide sourire à Oryane. Celle-ci se tourna vers le brun, bras croisés.
"- Tu lui aurais dit de se casser, c'était pareil.
- Désolé... Mais il faut vraiment qu'on discute."
Thomas dévisagea Oryane d'un air pénétrant.
"- Toi aussi, tu te souviens, n'est-ce pas ?
- Pas de beaucoup, admit la rousse. Quelques flashbacks, dont je ne me souviens pas au réveil, hormis quelques phrases... Ça se déclenche beaucoup quand je suis en état de panique.
- Vraiment ? s'étonna le garçon. Moi je fais des rêves, mais je m'en souviens... J'ai vu des choses étranges... Des docteurs, des écrans, comme des trucs technologiques..."
Oryane ferma les yeux, la gorge nouée.
- Après moi, je me souvenais de mon identité dès le début... Tu as entendu parler de WICKED ?
- WICKED is good.
- Avec Minho, on a découvert ce que ça voulait dire. "World in Catastrophe : Killzone Experiment Department".
- "Monde sinistré : Département Expérience de la Zone Mortelle" répéta Thomas à mi-voix. Donc ça veut dire...
- Qu'on est bien là dans le cadre d'une expérience. Et accessoirement, que le monde est en bordel.
- D'accord, mais la fille ? Je sais pas toi, mais elle me rappelle quelque chose... Comme si...
- Comme si tu la connaissais profondément ? Ca m'a fait pareil avec toi.
- Même chose. Mais elle, elle a carrément ça marqué en gros sur son bras... Ce serait une espèce de messagère ?
- Peut-être. On ne saura rien avant son réveil de toute façon."
Ils restèrent silencieux quelques minutes, réfléchissant, puis Thomas soupira :
"- Tu penses comme moi, pas vrai ?
- On est les seuls à pouvoir sortir tout le monde d'ici" acquiesça Oryane, passablement découragée devant l'ampleur de la tâche.
Thomas hocha la tête.
- Avec la fille. Ce qui veut dire que c'est nous qui devons explorer le Labyrinthe.
Oryane eut un mouvement de recul, alors qu'une vive angoisse s'emparait d'elle à cette idée.
"- Non... Ce sera sans moi.
- Oryane, on n'a pas le choix, soupira de nouveau Thomas. Je ne veux pas te forcer, tu es mon amie, mais si on veut pouvoir sauver tout le monde...
- Je ne suis pas comme toi, rétorqua sèchement Oryane. Je ne déborde pas d'enthousiasme à l'idée de me faire tuer. Je ne serais pas capable... Le stress m'empêcherait de réfléchir, et je n'ai ni la force ni la vitesse nécessaire. Et je suis déjà Medjack."
Le brun soutint son regard.
- Tu ne crois pas qu'on mérite mieux ? souffla-t-il. Qu'ils méritent mieux ? Minho ne mérite pas de passer sa vie à courir.
Il se pencha vers elle.
- Newt mérite de vivre librement, pouvoir soigner sa jambe... et nous méritons tous de revoir nos proches.
La rouquine pâlit légèrement en secouant la tête.
"Putain, il sait où viser en plus !"
- Je... je vais y réfléchir.
Thomas la contempla en se mordant les lèvres, embêté de la forcer, mais le regard déterminé.
- Dans ce cas, dépêche-toi. Tu en es capable.
**********
- Je comprends pas pourquoi Alby a le droit d'aller dans le Labyrinthe lui.
Oryane grinça des dents. Il était bientôt l'heure du repas, et Thomas avait été insupportable toute la sainte matinée. Elle ne comprenait pas pourquoi il était obsédé à ce point par l'idée de devenir coureur (il avait pas une tête de dépressif pourtant ?) et n'arrêtait pas de questionner Newt, dont elle admirait la patience légendaire. Lui et Zart se démenaient depuis plusieurs heures avec leurs couteaux afin de déraciner un arbre pour le feu du soir.
- Parce que c'est le chef, j'imagine, dit-elle en tendant un verre d'eau à Thomas, assis sur un tronc pour babiller au lieu d'aider les deux autres garçons, et à Chuck qui taillait un bout de bois à côté.
Faute d'activité, les Medjacks n'avaient pas mieux à faire que s'assurer que tout le monde s'hydrate au Bloc par cette chaleur accablante.
«- Oui, en tant que chef, il a un droit de regard sur tout. Tu comptes nous aider ? demanda un Newt passablement agacé à Thomas, qui ne bougea pas d'un pouce.
- Et alors ? Il est pas coureur, il n'est pas qualifié.
- En fait si, rétorqua Newt en s'acharnant sur l'arbre. Alby était coureur avant de devenir meneur. Et il connaît le Labyrinthe, d'accord ? Il sait mieux ce qui se passe que n'importe lequel d'entre nous.
- Et ça veut dire quoi ça ? » s'enquit Thomas.
Oryane et Chuck regardèrent aussi le blond, curieux.
Celui-ci soupira en délaissant sa tâche pour les regarder.
- OK, vous savez que chaque mois il y a un nouveau qui débarque dans la Boîte. Mais il y a bien fallu un premier. Un gars qui est resté seul un mois entier au Bloc, amnésique, sans personne pour lui expliquer où il était et ce qu'il se passait. Ce gars, c'est Alby. Il a dû passer ses journées seul dans le Labyrinthe, se nourrir et se bâtir un abri seul. Mais il a compris que ces foutus murs étaient notre unique porte de sortie. Et quand je suis arrivé un mois plus tard, il a compris aussi que c'était l'union qui ferait notre force, qu'on devait tous bosser et s'entraider. Parce qu'on est tous ensemble dans la même galère.
Oryane le fixa, stupéfaite. Elle savait que Newt était là depuis 3 ans, mais il avait carrément été le deuxième Blocard ? Pas étonnant qu'il soit le second en chef. Il avait vu la clairière se remplir peu à peu, des bleus paniqués arriver chaque mois. Son admiration pour lui grandit encore d'un cran, et elle tenta de s'imaginer dans sa tête un Newt de 13 ou 14 ans.
"Trop mignon."
Thomas regardait lui aussi le blondinet en silence, bouche close. Puis, prenant visiblement conscience des paroles de celui-ci, il se leva de son siège et vint rejoindre ses compagnons près du tronc.
- Ouais ! s'écria Newt, surpris, en voyant le coup vigoureux que Thomas administrait à une racine.
- A TABLE !
*************
En fin d'après-midi, l'ambiance était pleine d'une anxiété à faire peur.
Les autres coureurs étaient déjà tous rentrés. Mais pas un signe de Minho et Alby. Tous commençaient à s'inquiéter.
"- On fait quoi si ils reviennent pas ? demanda Oryane à Newt, adossé contre une serre pour soulager sa jambe douloureuse.
- Ils reviendront, répondit simplement le blond, le regard fixé sur les portes du Labyrinthe.
- Oui, mais si c'est pas le cas ?"
Cette fois, Newt la regarda droit dans les yeux.
- Ils reviendront, répéta-t-il.
Son ton était ferme, mais au fond de ses prunelles noires, la rousse distingua une peur et une vulnérabilité qu'il s'efforçait tant bien que mal de cacher. Cela lui fendit le coeur. En passant près de lui, après une seconde d'hésitation, elle lui pressa la main. Le blondinet la serra.
En traversant le Bloc, Oryane sentit un regard posé sur elle. Elle se tourna pour croiser les yeux de Gally, près d'une hutte en construction. Il la dévisagea, mâchoires serrées, et elle soutint son regard. Finalement, il se détourna.
Oryane ne savait que trop bien qui il tiendrait pour responsable si Alby et Minho ne revenaient pas.
*************
- Ça va aller, Newt.
Le blond soupira en se triturant les lèvres.
- Les portes vont bientôt se fermer. Si Alby et Minho se bougent pas le cul...
Oryane lui sourit d'un air compatissant.
Le crépuscule nimbait le Bloc. Le Labyrinthe allait se fermer dans moins de dix minutes. La jeune fille tentait de garder un air serein, mais elle n'en menait pas large.
Perdre leur chef foutrait un bordel monstre, et elle ne s'imaginait pas la vie ici sans son meilleur ami.
"- Ils vont arriver, j'en suis sûr, couina Chuck.
- Je l'espère Chuckie" soupira Newt.
Thomas gardait le silence, le regard fixé droit devant sur l'entrée du Labyrinthe.
Quand on eut atteint les moins de 5 minutes, tous les Blocards étaient rassemblés devant l'entrée, l'air soucieux.
- Qu'est-ce qu'on fait si ils reviennent pas ? hasarda Thomas.
Newt se frotta le bras d'un air pensif.
- Rien. Si les portes se ferment, nous ne pourrons plus rien pour eux. Personne ne survit une nuit dans le Labyrinthe.
Thomas regarda de nouveau devant lui.
"- On pourra pas envoyer un groupe pour voir ce qu'ils sont devenus ?
- Non !!"
Oryane regarda Newt, surprise par son ton et la lueur dans ses yeux. Elle ignorait qu'il était tant terrorisé par le Labyrinthe. Sans doute était-ce par rapport à sa jambe. Mais lui qui affirmait encore voilà une heure avec force qu'ils reviendraient, il avait maintenant une mine résignée. Son coeur se serra. Elle aurait voulu le prendre dans ses bras, mais ce n'était pas le moment.
Newt reprit d'un ton plus calme, bien que chagriné :
- Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre d'autres gars. S'ils n'arrivent pas maintenant, ils sont foutus.
Trois minutes.
De plus en plus de murmures inquiets.
Deux minutes.
La mine de Newt s'allongeait à vue d'oeil.
Une minute.
La plupart soupirèrent avant de se détourner.
50 secondes.
- ILS SONT LÀ !!
Tout le monde se retourna d'un bloc au cri de Chuck. Dans leur lourd grincement, les portes commencèrent à coulisser. Et dans l'ombre, ils virent Minho trainer... Alby ? Un corps inconscient, en tout cas, le plus vite possible.
25 secondes.
Tous les Blocards se mirent à hurler, à acclamer de toutes leurs forces le coureur. Celui-ci hurla en retour en guise de motivation, mais il était trop lent.
10 secondes.
C'était mort. Ils ne pourraient jamais sortir à temps.
5 secondes.
Les portes se rapprochaient de plus en plus. Oryane vit le regard de Thomas s'allumer, et soudain il fonça.
3 secondes.
Newt tenta de le retenir, mais il était trop tard.
"Ils méritent mieux. NOUS méritons mieux."
Oryane se mit à courir.
- ORYANE, NON !!
1 seconde.
Oryane se glissa entre les portes, qui serraient toujours plus fort. Elle se jeta au sol pour ne pas se faire écraser.
Les portes se fermèrent. La nuit était tombée.
Ils étaient dans le Labyrinthe jusqu'au lendemain matin.
Thomas, allongé à côté d'elle, se redressa, et lui sourit.
"- Tu es venue.
- Oui. Mais franchement, t'aurais pu prévenir avant de...
- Bien joué, bande de tocards."
Surpris, Thomas et Oryane se tournèrent vers Minho, qui avait le ton dur et le visage sombre. Il avait laissé tomber Alby évanoui à côté de lui. Il les foudroya du regard. Jamais Oryane ne l'avait vu dans une telle fureur noire.
- Vous venez de signer votre arrêt de mort.
***********
"- On avait pas le choix, fit l'adolescente, penaude.
- Oh que si, vous l'aviez ! s'emporta Minho. C'est la règle n°1, tocards ! Ne JAMAIS entrer dans le Labyrinthe, sauf si on est Alby ou coureur. Vous auriez dû nous laisser crever. Comme ça, on aurait perdu 2 Blocards, pas 4 !
- Mais c'est totalement débile ! s'offusqua Thomas.
- Toi ta gueule, le bleu ! Je savais que tu voulais devenir coureur, mais je pensais pas que tu serais con au point de mettre ta vie en danger ! Quand à toi...
Minho se tourna vers Oryane. En plus de la rage, on lisait dans son regard une immense déception, et de la frayeur pour lui et ses amis.
- Je croyais que t'étais une fille sensée ! Enfin merde quoi, Oryane ! Je croyais que plus loin t'étais du Labyrinthe, mieux tu te portais ! Ça t'est pas venu à l'idée qu'on avait besoin de toi au Bloc ? Que Newt avait besoin de toi ? T'es l'une des seules personnes qui lui permet de tenir ! Depuis quand t'es suicidaire, putain ?!"
- "Tenir" ? répéta Oryane qui avait plus prêté attention à cette partie du discours de Minho qu'à sa colère en elle-même.
Que voulait-il dire ? Newt cacherait-il plus de choses qu'elle ne le pensait ?
Minho ne répondit pas.
"- Bon, et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? demanda Thomas.
- On attend de mourir, ricana l'asiatique. Il n'y que ça à faire de toute façon."
L'adolescente haussa un sourcil. Elle ne savait pas que Minho était aussi pessimiste...
Elle se rendit compte qu'elle ignorait vachement de choses au final.
"Comme quoi, on en apprend tous les jours..."
Cela dit, elle luttait pour garder son sang-froid, mais si elle s'était écoutée, elle se serait roulée en boule au sol et aurait chialé jusqu'à ce qu'un Griffeur vienne l'achever.
Mais qu'est-ce qui lui était passé par la tête en écoutant Thomas, sérieux ?
Mais elle s'était foutue dans la merde toute seule comme une grande. A présent, elle devait assumer, et survivre. Thomas, Minho et Alby aussi.
Oryane ne voulait pas mourir. Elle voulait retourner au Bloc le lendemain. Elle voulait revoir le soleil, et le doux sourire de Newt.
Elle tiendrait le plus longtemps possible.
- Bon, fit-elle d'un air résolu (alors qu'elle ne l'était tellement pas, mais elle priait pour que ça se voie pas). La priorité, c'est de garder Alby en sécurité. Il faut le suspendre au lierre. (Elle désigna le lierre sur les murs).
Thomas acquiesça, et Minho se leva en maugréant, mais s'attela tout de même à la tâche avec eux.
Grâce à un système de tire-et-pousse, Alby fut bientôt hissé à la moitié du mur, accroché aux tiges. Il faisait à présent nuit noire, et seul un quart de lune nimbait le ciel, unique lueur glauque. Il n'y avait aucune étoile.
"- On va sans doute bientôt avoir un Griffeur, marmonna Minho, nerveux.
- On fait quoi une fois qu'Alby est suffisamment haut ? demanda Thomas.
- On se barre, décréta Minho. C'est une impasse ici. Au moins si on meurt, ils retrouveront Alby. S'il crève pas avant la fin de la nuit."
Ses affirmations jetèrent un froid immédiat.
"- Au fait, il s'est passé quoi avec Alby ?
- J'avoue, renchérit Oryane. Vous deviez aller voir un cadavre de Griffeur...
- Cette saloperie n'était pas morte, soupira Minho d'un air las. Quand Alby s'est approché, elle s'est animée d'un coup et l'a piquée avant de s'enfuir.
- Je me disais que c'était bizarre aussi. Je ne voyais pas ce qui aurait pu tuer ce tr..."
Elle s'interrompit quand un crissement métallique perça le silence. Un crissement métallique qui venait droit sur eux.
Minho blêmit en lâchant le lierre.
"- Un Griffeur, souffla-t-il. Vite, on y va !
- Alby n'est pas encore assez haut" protesta Thomas en murmurant.
Oryane déglutit, les mains tremblantes. Néanmoins, elle s'agrippa à sa liane, le coeur battant.
Le claquement se rapprochait dangereusement, tel un tic-tac horrifique...
Tic, tac. Tic, tac.
Les 3 Blocards accélérèrent le rythme. Alby était monté de 5 cm.
Tic, tac. Tic, tac.
- Désolé, souffla Minho. Il vaut mieux se séparer.
Et sur ce, il lâcha tout et partit en courant.
Thomas voulut lui hurler sa frustration, mais Oryane plaqua sa main sur sa bouche.
- On monte encore un peu Alby, et après on se planque.
Thomas hocha la tête, et ensemble ils continuèrent à tirer et pousser.
Oryane ravalait elle aussi sa rancoeur. Elle n'aurait jamais cru Minho aussi lâche.
Tout à coup, il y eut un nouveau claquement juste en face d'eux.
- Vite ! Grimpe ! siffla Oryane, paniquée.
Aussitôt, ils lâchèrent Alby et saisirent eux-mêmes du lierre. Oryane avait beau haïr l'escalade, jamais elle ne lui avait porté un amour aussi vif qu'en cet instant.
- Stop ! souffla brusquement Thomas.
Tous les deux s'immobilisèrent, se plaquant au maximum contre le mur, et se fondant dans le lierre. Oryane maudit intérieurement les Créateurs de lui avoir mis une tunique ROUGE avant son entrée dans la Boîte. Ils n'étaient qu'à une petite moitié du mur, alors qu'Alby en était aux trois quarts.
Ils retinrent leur souffle quand un Griffeur apparut soudain au bout de l'allée.
C'était la créature la plus hideuse que la rousse eut jamais vu.
On aurait dit une espèce d'araignée, constituée d'alliages d'acier et de... chair ? Ses "pattes" produisaient l'horrible cliquetis, certaines se terminant par des piques acérées, d'autres par des pinces ressemblant à des machines à jouer, constellées de rouille (ou de sang ?) Il y avait encore d'autres choses qu'Oryane ne parvenait pas à identifier, et dont elle ne voulait pas savoir la nature.
Sa tête et son dos paraissaient constitués de cervelle d'une couleur oeuf, et ses énormes yeux globuleux de mouche, de billes vertes.
Thomas tressaillit en apercevant un scarabée de métal à côté d'eux sur le mur, ses yeux rouges brillant dans la pénombre.
"- C'est un scaralame, souffla Oryane. WICKED s'en sert pour nous observer.
- Et évidemment, ils vont rien faire pour nous aider, ces fils de pute..."
À ce moment-là, le Griffeur avança, et tous deux se figèrent comme jamais.
La bête devait peser une bonne dizaine de kilos, et peinait visiblement à se déplacer, boitant légèrement sur ses pattes crissantes.
Lorsqu'elle passa en dessous d'eux, elle s'arrêta. Le coeur des deux adolescents se stoppa également.
Elle leva ses yeux vers eux.
"Elle n'a pas de flair, au moins ?" supplia intérieurement la rouquine, terrorisée.
Pile au moment où elle se posait cette question, le Griffeur commença à grimper droit sur eux. À toute vitesse, étonnamment.
- CASSE-TOI !! hurla Thomas en saisissant du lierre pour courir sur le mur.
Le reste du monde se transforma en terreur, alors qu'Oryane bougeait à toute vitesse. Agrippant une liane, elle se laissa porter dans l'air, mais le Griffeur courait à bonne allure derrière eux. Au moins avait-il totalement ignoré Alby.
N'écoutant que l'adrénaline et l'instinct de survie, Thomas et Oryane se laissèrent glisser et dès que leurs pieds retouchèrent la terre ferme, ils se mirent à sprinter comme si leur vie en dépendait (ce qui était en soi le cas).
- COURS !!
- TRACE, TRACE, TRACE, PUTAIN !
Le Griffeur les poursuivait, Oryane esquiva de justesse sa patte en tournant dans une intersection. Leur vue était brouillée, ils tournaient dès qu'ils voyaient une issue, le sang battant à leur tempes.
Une impasse.
- MERDE !!! hurla Thomas.
Une griffe lui déchiqueta la jambe, des bras les empoignèrent.
- PAR LÀ ! beugla Minho en les entrainant dans un petit chemin qu'ils n'avaient pas vu.
Oryane pleurait des larmes des joie. Il ne les avait pas abandonnés. Il venait de leur sauver la vie.
"- Qu'est-ce que...
- Ferme-la et cours !!"
Ils continuaient de tracer sans réfléchir, leurs jambes hurlant leur supplice, mais ils n'en avaient cure.
- ICI ! hurla Minho en tournant une nouvelle fois à droite. C'est une autre section, le Labyrinthe va se modifier ! Si on arrive à traverser avant que ça se ferme, il ne pourra pas nous suivre !
Ils suivirent Minho quelques minutes, ou peut-être des heures. Il y eut un claquement, alors que des portes invisibles devant eux commençaient à coulisser.
- ALLLEZ ON FONCE !
Minho passa sans encombre. Oryane sauta et franchit la limite.
- ALLEZ THOMAS !
Mais pour leur plus grand choc, celui-ci ralentit et se tourna vers le Griffeur.
- Allez bestiole immonde, suis-moi ! clama-t-il.
Oryane pâlit. Etait-il devenu fou ?
Thomas sprinta vers eux, son visage figé en concentration horrifiée, le Griffeur à quelques petits centimètres de lui...
Les portes laissaient à peine passer un humain à présent. Thomas se faufila, se mit de profil, mais disparut....
- THOMAAAAS !!!
Elle ne savait plus qui hurlait, son corps et son esprit étaient en feu.
Au dernier moment, Thomas émergea, manquant de se coincer la cheville, et s'écrasa au sol, alors que le Labyrinthe coulissait pour de bon dans un grondement robotique qui sembla se reproduire à l'infini.
Dans les portes fermées, on entendit un horrible cri suraïgu, bestial, un horrible crissement de métal, un choc sourd, et un immense bruit de giclures, comme un cerveau compressé qui explose.
C'était fini.
Le silence régnait à nouveau. Thomas, Minho et Oryane restèrent immobiles pendant plusieurs secondes, alors que leurs coeurs se remettaient à battre dans leurs poitrines.
"- Tu es revenu, souffla Thomas.
- Je n'aurais jamais pu vous abandonner, expliqua Minho d'une voix étrangement détachée. Comment va Alby ?
- Toujours inconscient, mais en sécurité sur le mur, répondit Oryane d'un ton affreusement atone. Les autres le trouveront demain et le feront descendre.
- Il y a des chances qu'ils nous trouvent aussi, nous sommes tout près de la porte Est.
Ils se contemplèrent tous durant une minute.
Puis ils craquèrent.
Thomas se vautra au sol et chiala à s'en faire mal à la gorge. Oryane se laissa chuter à genoux et fondit en sanglots. Minho s'adossa au mur, en émettant des petits hoquets et râles, comme si on l'étranglait.
Ils restèrent ainsi longtemps.
Puis Thomas s'endormit. Minho prit le premier tour de garde, mais Oryane ne parvint pas à fermer les paupières, se contentant de fixer le ciel d'un regard vide. Personne n'eut le courage de formuler l'évidence : ils ne survivraient pas à un autre Griffeur.
Minho s'allongea à son tour, et Oryane surveilla l'horizon.
Quelques secondes, ou une éternité, plus tard, l'aube pointa.
Oryane avait la vue floutée, les oreilles bourdonnantes. Elle ne savait plus où elle était, ni ce qu'elle y faisait. Elle se sentit glisser à terre.
Elle entendit un bruit de cavalcade et un mélange de voix sourdes, horrifiées, comme si tout un groupe arrivait. Elle ne réagit pas. C'était une belle mort que de trépasser en contemplant le ciel de l'aurore.
Elle vit une ombre se pencher sur elle, et des mèches blondes lui effleurer le visage, alors qu'une voix rauque, comme si on avait pleuré, murmurait :
- Mon Dieu, Oryane... Ne me laisse pas... Accroche-toi...
Elle se sentit soulevée en mode princesse, par des bras à la chaleur familière, qui la blottirent contre un torse connu, doux et protecteur.
Et elle perdit enfin connaissance.
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