14 : S'accrocher

Les mains ligotées, Oryane avançait la tête haute.

Devant elle, Gally et les autres. De 50 Blocards, ils n'étaient maintenant plus que 20 en tout et pour tout.

Les derniers feux avaient été éteints. Les trois quarts du Bloc n'étaient désormais que poussière grise et bois noir, calciné.

Deux poteaux de bois avaient été dressés devant l'entrée du Labyrinthe. Les deux Blocards qui tenaient Oryane l'y attachèrent, et firent de même pour Teresa. Quand à Thomas, qui faisait mine d'être inconscient, ils l'allongèrent brutalement par terre. Plus loin derrière les autres, Newt et Minho avaient l'air sombre, et Chuck paniqué. Oryane avait demandé à ses deux amis de le mettre au courant du plan.

Après avoir foutu un coup de pied à Thomas toujours au sol, Gally toisa les deux filles attachées aux poteaux. Puis soudain, Oryane prit la parole :

- Gally... ne fais pas ça.

Le bâtisseur lui jeta un regard noir :

- Vous croyiez sérieusement que j'allais vous laisser rester après le bordel que vous aviez causé ?

Il s'approcha d'Oryane jusqu'à ce que leurs fronts se touchent presque.

La jeune fille entraperçut Minho échanger un regard de connivence avec un Newt en rogne, tout en le retenant du bras. Le blondinet maugréa mais se contrôla malgré tout.

- Nous bannir n'y changera rien, déclara la rouquine en faisant de son mieux pour garder son calme également.

Gally recula et soupira.

- Ce n'est pas un bannissement. C'est une offrande.

Tout le monde entendit le grondement de Griffeur à l'intérieur du Labyrinthe, comme s'il avait entendu les paroles de Gally et se délectait d'avance de son prochain repas.

- Mais vous êtes totalement cons ou quoi ? s'emporta Teresa. Ça ne changera rien ! Ça ne les empêchera de revenir vous massacrer jusqu'au dernier.

Gally la dévisagea d'un air lugubre.

- Peut-être. Mais au moins, j'aurai fait le nécessaire.

Oryane comprit alors que Gally ne les détestait pas. Pas vraiment.

C'était juste un gars apeuré, qui s'accrochait à tout ce qu'il connaissait, qui n'était pas taillé pour voir son petit monde sécurisé bouleversé. Il croyait réellement en son projet d'offrande.

Malheureusement, elle ne comptait pas le laisser faire.

- Nous aussi, nous ferons le nécessaire, déclara-t-elle calmement.

C'était le signal.

En une fraction de seconde, Thomas se redressa et décocha ses poings dans la figure des deux Blocards à côté, qui s'écroulèrent. Saisissant une lance, il vint déchiqueter la corde retenant Teresa. Oryane, elle, balança un coup de pied dans les bijoux de famille de Gally, tandis que Newt, dégainant son couteau l'attaquait par derrière et tranchait les liens qui maintenaient également Oryane prisonnière.

Une minute plus tard, Thomas et Teresa, armés de lances pointés sur les Blocards devant eux, se tenaient devant le Labyrinthe, accompagnés de Newt, le couteau toujours sorti, à côté d'Oryane qui avait récupéré son arc et pointait une flèche sur Gally.

Celui-ci, le visage empourpré de rage, voulut avancer malgré la menace, mais se figea en sentant une lame tranchante se poser sur son épaule. En tournant légèrement la tête, il croisa le regard empli d'avertissement de Minho.

L'asiatique alla se placer près de ses amis, tandis que Chuck s'empressait d'accourir, masquant de son mieux sa peur.

- Gally, murmura Thomas, on a trouvé comment s'évader d'ici. Nous ne forçons personne à venir, mais ceux qui veulent nous rejoindre, c'est maintenant.

Après un instant d'hésitation, Jeff, Frypan, Winston et un autre qu'elle n'identifiait pas s'avancèrent vers eux, mais d'autres comme Clint et Zart restèrent près de Gally. Le blond les contempla avant de baisser les yeux.

Il les laissait partir.

Tous abaissèrent lentement leurs armes, encore un peu méfiants. Newt en profita pour saisir la main d'Oryane et la serrer.

"- Prête mon ange ? souffla-t-il.

- Prête. Et toi ?

- Prêt aussi."

Et chacun s'engouffra dans le Labyrinthe.

Ils couraient à bonne allure, guidés par Minho et Thomas. Ils se stoppèrent soudain derrière un mur, manquant de se rentrer dedans les uns les autres.

Un Griffeur vagit dans le couloir à leur gauche, puis plusieurs. Minho jeta un coup d'oeil et chuchota :

- Ils sont trois. Devant le mur qui permet d'ouvrir la porte.

Une peur palpable se répandit à travers le groupe. Thomas se tourna vers eux :

"- Je sais que vous avez peur, mais on peut atteindre notre but. On va se battre, tous ensemble, ou on mourra en essayant. Si on est confrontés à ça c'est que ce n'est pas impossible. Teresa et Oryane, vous vous occupez de taper le code une fois la porte ouverte. (Il leur tendit le cylindre métallique.)

- Pourquoi nous ? s'offusqua Teresa. Tu crois que parce qu'on est des filles, on peut pas se défendre ?

- J'ai pas dit ça. Mais Oryane connait le code, et on va pas la laisser y aller toute seule."

Teresa ne protesta plus. Oryane elle, était soulagée que Thomas ait pris la fonction de leader. Elle ne s'en sentait pas capable elle-même.

"- Et moi, je vais où ? demanda Chuck, terrifié.

- Tu viens avec nous" lui assura Teresa en attachant fermement ses cheveux.

Newt et Oryane échangèrent un regard au message similaire.

"Sois prudent."

Thomas parcourut du regard le petit groupe, et brandissant sa lance en l'air, il gronda :

- ALORS ALLONS-Y !

Galvanisés, tous les Blocards hurlèrent tels des guerriers et jaillirent dans la section.

Ils se jetèrent sur les Griffeurs, avec lances, flèches, couteaux, les créatures ripostant férocement.

- NE VOUS ARRÊTEZ PAS DE BOUGER !

- VISEZ L'OEIL !

- JE SUIS TROP JEUNE POUR MOURIR !

Oryane, Chuck et Teresa se faufilèrent sur le côté et allèrent se planter devant le mur. La brune brandit le cylindre. Aussitôt, le chiffre 7 rouge devint vert, et le sol vibra.

Un rayon laser rouge parcourut les trois jeunes gens, tel un scan. Puis le mur se souleva, et deux autres, révélant une ouverture ronde en pierre scellée, avec un panneau à chiffres.

Ils se précipitèrent. Oryane faisait de son mieux pour rester sourde aux cris de souffrance et de peur derrière eux. Elle commença à taper le code.

- 5,4,7....

- GROUILLE TON CUL, ORYANE ! hurla Minho.

- 3, 6, 2...

La rousse sentait la panique s'emparer de la moindre fibre de son corps.

"S'accrocher. S'accrocher. Allez, accroche-toi !"

- 8, 1 !

Il ne se passa rien.

Le panneau ne réagit pas.

- MERDE !

- RETAPE LE CODE ! cria Teresa en interagissant de nouveau avec le clavier.

Toujours rien.

Du coin de l'oeil, Oryane vit du sang gicler par terre.

- IL FAUT PEUT-ÊTRE APPUYER LÀ-DESSUS ? hurla Chuck pour couvrir le vacarme de la bataille.

Il désignait du doigt un bouton vert presque invisible en dessous du clavier, qu'aucune des filles n'avait vu. Dessus était marqué en presque effacé : "Valider".

N'ayant plus rien à perdre, Oryane pressa le bouton de toutes ses forces.

Une voix de femme désincarnée grésilla alors, retentissant partout et nulle part :

- Code correct. Arrêt du Labyrinthe.

Immédiatement, les Griffeurs s'affaissèrent au sol, inanimés, et les Blocards en sang et en sueur reculèrent.

Il y eut un grand grondement, et l'ouverture ronde s'ouvrit, révélant une épaisse obscurité.

Essoufflés, les Blocards vinrent faire des accolades à leurs trois compagnons. En apercevant Newt, Oryane faillit s'évanouir de soulagement. Elle lui sauta dans les bras.

- Tu vas bien.

Newt enfouit sa tête dans ses cheveux.

- Oui, juste quelques égratignures. Nous cherchions juste à les éviter et à les distraire, pas à les tuer. Aucun de nous n'a des blessures graves à déplorer... mais il y a deux morts.

Oryane ferma les yeux.

"-Qui ?

- Matthew... et Jeff."

Oryane ne connaissait pas le dénommé Matthew, mais sa gorge se serra doucement. Jeff, son gentil collègue Medjack. Mort.

Elle retint avec force ses larmes en battant des paupières.

- C'est fini maintenant, affirma-t-elle en se dégageant de son étreinte, le coeur serré.

Tous les Blocards dévisageaient avec circonspection la pénombre derrière la porte. Après un coup d'oeil de connivence, Thomas, Oryane et Teresa furent les premiers à entrer.

Dès qu'ils posèrent un pas, des lumières s'allumèrent et ils se rendirent compte qu'ils se trouvaient en fait dans un couloir.

Un couloir qui ressemblait beaucoup à ceux qu'on retrouvait dans les bâtiments-garages fermés, avec leur sol et leurs murs en béton, les tuyaux de canalisation au plafond, les lueurs blanches tous les mètres, et les rubans de signalisation jaunes et noirs scotchés par terre.

Ils avancèrent précautionneusement tout au long du couloir. Au bout, une porte en métal, avec au dessus un panneau vert fluorescent basique, où était marqué "EXIT".

- Ils se foutent de notre gueule là ? demanda Minho.

Oryane peinait également à croire que ce soit aussi simple.

"Qu'ils rigolent tant qu'ils le peuvent, ces connards. On va les démarrer."

Voyant que personne, pas même Thomas, ne bougeait, Oryane avala bravement sa salive et posa la main sur la poignée, avant de pousser. En s'ouvrant, la porte émit un grincement, comme si elle n'avait pas été ouverte depuis longtemps, voire jamais.

Ils s'étaient tous préparés à des laboratoires, des médecins à qui ils se feraient un plaisir de casser la tronche. Ils se trompaient.

Ils n'étaient pas dans un laboratoire à proprement parler, mais dans une grande salle pleine d'écrans.

Il y avait bien des scientifiques. Mais par terre. Morts.

De partout, des hommes et des femmes, allongés, projetés au sol, la tête et la poitrine couverts de sang. Les câbles électriques coupés crépitaient des étincelles d'électricité, et les parois de verre disséminées à travers la pièce portaient des impacts de balles. On se serait cru dans un film d'horreur.

Tout portait à croire qu'une fusillade avait eu lieu ici. Aucun Créateur n'était vivant, quoi qu'il en soit.

- L'attaque a dû avoir lieu il n'y a pas longtemps, voire même ce matin, déclara Minho en remuant le pied d'un homme. Le sang est encore frais, et il n'y a pas d'odeur de pourriture.

Tous se dispersèrent dans la gigantesque salle, fascinés. Newt et Fry se penchèrent près d'ordinateurs où passaient... des images du Bloc.

- Ils nous surveillaient bel et bien, marmonna le blondinet, l'air sombre.

Oryane, elle, se frappait de plein fouet à une troublante sensation de reconnaissance.

Durant sa Transformation, elle s'était vue plus jeune, travailler dans cette même salle avec Thomas et Teresa. Et voilà qu'ils n'obtiendraient jamais de réponses à leurs questions.

En relevant les yeux, Oryane vit Newt qui la contemplait à travers l'écran bleu, immobile, ses prunelles brunes plongées dans les siennes.

Elle baissa le regard et aperçut alors un bouton rouge sur le clavier numérique. Son instinct lui cria étrangement d'appuyer dessus.

Elle pressa son doigt.

Un énorme écran s'alluma soudain au dessus d'eux.

Stupéfaits, les Blocards se rassemblèrent pour observer l'image.

C'était une femme d'une soixantaine d'années, au visage ridé et las, au chignon blond strict et à la blouse blanche. Oryane la reconnut aussitôt : c'était la scientifique de ses visions.

Assise sur un fauteuil, elle les contemplait d'un air triste et calme. Derrière elle, on voyait du verre exploser, des médecins poursuivis par des hommes vêtus de noir et masqués courir de partout.

"Ca s'est passé durant l'attaque !"

- Bonjour, fit alors la femme blonde à l'écran. Je suis la professeure Ava Paige, directrice du département de WICKED.

Ava Paige. Oryane se souvenait d'elle à présent.

- Je regrette de devoir vous accueillir ainsi, mais comme vous l'avez sans doute vu, nous avons été retrouvés. Au moment où vous nous regardez, nous ne sommes plus de ce monde.

Oryane aperçut en effet le fauteuil renversé derrière l'écran. Un corps féminin aux cheveux blonds gisait à côté. Elle sentit son coeur se serrer.

- Mais là n'est pas le plus important.

Ava Paige les dévisageait attentivement, l'air concentré et serein, un brin chagrinée, malgré le chaos derrière elle.

- Je vous félicite, car si vous regardez cet enregistrement, c'est que vous avez réussi l'Epreuve du Labyrinthe. Désormais, c'est l'avenir du monde entier qui repose sur vos épaules.

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