12 : Et le monde s'écroula

Média : Chuck

Un terrible silence tomba sur le Bloc, chacun écoutant ce son annonçant l'apocalypse.

Puis soudain, Newt hurla :

- VOUS AVEZ PAS ENTENDU, BANDE DE TOCARDS ? PLANQUEZ-VOUS !!

Et le monde s'écroula.

Certains filèrent se cacher dans les huttes, les dortoirs tandis que d'autres partaient chercher des armes.

Oryane resta elle-même plantée là, l'information ne parvenant pas à son cerveau.

"On va tous mourir."

Newt lui attrapa la main et l'entraîna derrière lui.

- COURS !

Et soudain, le crissement métallique emplit la prairie tout entière.

Les créatures horrifiques émergèrent du Labyrinthe dans une vision cauchemardesque qui hanterait sans doute Oryane jusqu'à la fin de ses jours.

Nouvelle panique générale.

Tout le monde se rua dans toutes les directions, et dans la confusion, Oryane sentit la main de Newt lui être arrachée.

Ce fut alors Thomas qui la saisit à son tour par le bras et se mit à courir vers le champ de hautes herbes.

Oryane entendait son coeur tambouriner à ses oreilles alors qu'elle courait à toute vitesse. La noirceur de la nuit et les tiges épaisses ne lui permettaient de voir que des ombres filant devant elle, les cris bestiaux résonnant toujours dans son dos. Où était passé Newt ?

Il n'était quand même pas... Oryane sentit ses jambes flageoler dangereusement à cette pensée.

Tout à coup, le ciel s'embrasa.

Oryane se retourna et vit que le Bloc prenait feu.

La hutte des cartographes et les dortoirs disparurent sous les flammes, emportant dans la fumée deux ou trois Griffeurs et les cris des malheureux garçons qui y avaient trouvé refuge.

Absorbée par cette vision d'horreur, Oryane s'emmêla les pieds et trébucha, s'effondrant par terre, les ajoncs piquants traversant ses vêtements et égratignant sa peau. Elle se mordit les lêvres pour retenir un gémissement de douleur. Minho passa devant elle, la relevant au passage.

- ALLEZ TRACE, PUTAIN !

La rouquine entendit un Griffeur arracher les herbes derrière eux. Ils déguerpirent sans demander leur reste. Dans leur dos, un hurlement d'horreur. Un autre qui s'était fait prendre.

Le champ s'arrêta et ils se retrouvèrent de nouveau en plein milieu du Bloc, au coeur du chaos et du feu.

- ON EST LÀ !

Ils se retournèrent et virent arriver une dizaine de Blocards tenant en l'air lances, faux et haches. Des acclamations vinrent les accueillir. Quand Oryane aperçut Newt parmi eux, elle eut l'impression que le soleil brillait à nouveau.

Le blondinet s'approcha d'elle, un couteau dans chaque main. Malgré sa patte folle, le feu et la rage dans ses yeux lui procuraient une force inédite.

- Il faut qu'on aille se cacher ! Suis-moi !

La jeune fille se remit à dévaler la pente, suivant les autres gars, en attrapant un arc et un carquois rempli de flèches au passage.

"Je ne veux pas mourir."

Cette simple constatation lui donnait la volonté manquante pour continuer à tenir.

Ils s'enfermèrent dans le réfectoire, haletants, tandis que d'autres partaient ailleurs. Deux têtes apparurent dans la pénombre.

- Qui est là ? couina la voix tremblante de Chuck.

Oryane eut envie de pleurer en l'entendant. Ce gamin ne méritait rien de ce qu'ils enduraient.

"- Tout va bien, le rassura Thomas. Ce n'est que moi avec Teresa, Newt, Minho et Oryane. Qui est avec toi ?

- Moi" fit la voix rauque d'Alby.

Assis sur une table, le bras droit et le torse bandé, il releva son regard mort. La situation ne semblait lui faire ni chaud ni froid.

"- Je vous avais dit qu'on pouvait pas s'enfuir. Ils vont revenir tous les soirs et nous trucider un par un. On ne peut rien contre eux.

- OH ÇA SUFFIT HEIN !"

Tout le monde tourna des yeux ronds vers Thomas.

- Ce n'est pas le moment de s'apitoyer sur notre sort, déclara le brun. On sait contre quoi on doit se battre. Et on va lutter pour s'en sortir, même si on doit en mourir."

Oryane sourit. Alby lui, secoua la tête.

"- Tu n'es pas comme nous, Thomas. Oryane et Teresa non plus. C'est facile pour vous...

- C'est vrai."

La porte du self se referma derrière Gally.

Il fixa les trois concernés d'un air furieux.

- Je vous avais prévenus, tocards. Je l'ai dit à tout le monde. Ces trois enfoirés ont causé notre perte. Et en refusant de m'écouter, vous aussi.

Saisissant une casserole abandonnée, Gally la fracassa contre les vitres, fissurant le verre et créant un boucan monstre.

- Putain mais t'es malade ou quoi ? hurla Newt en se jetant sur lui. Arrête !

Il lui arracha la casserole des mains. Enragé, Gally poussa un hurlement de bête fauve et volant une lame à Newt, il dessina une longue entaille sanglante sur la joue du blond. Celui-ci lui fit un croche-pied, envoyant le bâtisseur au sol. Celui-ci prit la fuite.

Oryane se précipita vers lui, angoissée.

"- Ca va ?

- Oui, t'inquiète.

- CHUT !" les coupa Minho.

Tous se turent et la cabane se plongea dans un silence angoissant alors qu'ils écoutaient, dans l'expectative.

Dehors, le vacarme avait cessé, Griffeurs comme Blocards. Seul le bruit du brasier insatiable dévorant tout sur son passage continuait de crépiter.

Les vitres explosèrent et le toit s'effondra sur eux, alors qu'un Griffeur pénétrait dans la cabane.

Tous se remirent à hurler, s'affaissant au sol pour éviter le carnage. Projetée par le souffle de l'explosion, Oryane alla s'éclater dans une pluie de tessons de verre scintillants qui lui laminèrent le corps tout entier, évitant de justesse une poutre en bois de la toiture et fermant les yeux pour ne pas se faire aveugler par les éclats.

- CHUCK !!

Sans prêter attention aux rivières de sang sur ses bras et ses genoux, l'adolescente se retourna et se précipita.

- THOMAS !! cria le garçon, s'accrochant désespérément à la main du brun, luttant pour ne pas se faire emporter par le Griffeur l'ayant saisi par son T-shirt pour le ramener à l'air libre.

- ACCROCHE-TOI ! hurla le coureur, le visage figé en horreur muette, en tirant le garçon vers lui.

Oryane attrapa l'autre main de Chuck et fut aussitôt rejointe dans ses efforts par Newt, le visage barbouillé de sang, tandis qu'un Minho couvert de poussière de verre et de bois fonçait auprès de Thomas.

Une lance surgie de nulle part vint soudain crever l'oeil du Griffeur, s'enfonçant dans son espèce de pâte verte gluante comme du beurre.

Celui-ci eut un glapissement suraïgu et lâcha brutalement Chuck, propulsant alors sa pince trempée de sang vers le fond de la pièce pour y attraper... Alby. En l'espace d'une seconde, il lui broya les os de la nuque, secouant la tête pour chasser le liquide rouille lui coulant dans les yeux.

Alby tomba et le Griffeur poussa un nouveau cri de souffrance, avant de s'effondrer dans la cabane.

- TOUS À TERRE !

Oryane se jeta au sol en se bouchant les oreilles, alors que le ciel implosait de nouveau dans un grondement qui lui semblait venir du plus profond de la terre.

Un dernier crissement, et le silence retomba. Tout s'arrêta, sauf la fumée et les cabanes continuant de brûler. Personne ne bougea. Oryane entendit les Griffeurs s'éloigner, comme si leur macabre mission était accomplie.

La jeune fille ouvrit les yeux, et dans le reflet du million de bris de verre devant elle, elle aperçut la lune. A moitié cachée par les poutres éclaboussées de sang, se reflétant d'abord sur la carcasse métallique argentée du Griffeur, l'astre semblait teinté de rouge.

Elle entendit Minho souffler.

- C'est bon.

Elle se redressa lentement, suivie par tous les autres. La pièce était encombrée par le cadavre désarticulé du Griffeur. À côté gisait le corps flasque d'Alby, le cou tordu dans une position étrange. Ses yeux vitreux grands ouverts fixaient le ciel noir. Oryane espérait que là où il était, il voyait enfin les étoiles.

"- Où est Chuck ? demanda Teresa.

- Je suis là, murmura le gamin en se relevant. Rien de cassé."

Ils attendirent encore quelques minutes. Voyant que le lourd silence persistait, ils se hasardèrent à jeter un coup d'oeil dehors.

Une odeur de brûlé flottait dans l'air, l'herbe était grise, poussière. Dans la forêt, la moitié des arbres s'étaient écroulés. Partout dans le Bloc, plusieurs foyers flambants léchaient encore avidement de leurs flammes tout ce qu'il y avait alentour. Les trois quarts des huttes n'étaient plus que des amas de bois noirci. Des dizaines de cadavres jonchaient le sol, la plupart hélas étant humains, à côté d'armes détruites, carbonisées et abandonnées.

Tout ce qu'ils avaient construit... parti en fumée. Les cabanes, le jardin, le terminus, tous leurs efforts, disparus.

Les rares Blocards encore debout sortirent de leurs cachettes. Newt lâcha la main d'Oryane et se dirigea vers Alby, se laissant tomber à genoux près de lui en silence.

Oryane sentit son coeur se serrer. Dans cette posture, avec sa jambe invalide, ses épaules basses, ses mèches blondes tombantes et ses yeux bruns exténués, il lui paraissait brusquement fragile. A bout.

Elle n'osait même pas imaginer le poids qui devait peser sur ses épaules. Alby avait été un de ses plus proches amis au Bloc, ils avaient fait partie des premiers à être envoyés ici. Pour Newt, Alby n'était pas avant tout son chef, mais un de ses meilleurs amis, celui qu'il respectait plus que n'importe qui.

Newt avait toujours détesté commander. Mais maintenant qu'Alby n'était plus, il devenait le chef du Bloc. Il n'avait pas le choix.

Après une minute, Newt carra les épaules en soupirant et se releva. Il s'empressa ensuite de boitiller vers les derniers Blocards encore en état de choc pour les questionner.

Oryane resta figée, les mots d'Alby, maintenant défunt, tournant en boucle dans son esprit.

"Ils vont revenir nous trucider un par un."

Le regard bleu d'Oryane se posa sur un objet au sol.

WICKED ne jouait plus.

Désormais, ce cauchemar vivant se reproduirait tous les soirs. Les Griffeurs reviendraient et tueraient le plus de monde possible avant de rentrer dans leurs antres.

"Nous ne méritons pas ça."

Les mêmes pensées qu'avant qu'elle rentre dans le Labyrinthe. L'image de Chuck revint dans sa tête. Plus jamais elle ne laisserait arriver ça.

Elle non plus ne jouait plus.

Thomas, Teresa et elle avaient causé tout ça. Par conséquent, ils devaient tout réparer. Elle devait tout réparer, trouver la sortie de ce Labyrinthe.

Et pour ça, elle devait se souvenir.

Elle se pencha et saisit la pince de Griffeur par terre. La lune fit luire la seringue acérée qu'il y avait au bout.

Il était temps de savoir ce que Gally, Ben et Alby avaient vu durant leurs Transformations, après s'être fait piquer.

Teresa tourna les yeux vers elle et son regard s'arrêta sur la pince qui infligerait la terrible piqûre à la jeune fille.

- NON ! hurla-t-elle.

Tous les autres se retournèrent et au même instant, Oryane se planta la seringue dans la jambe.

Elle entendit un concert de cris et une cavalcade alors qu'une douleur sourde, palpitante, pulsait dans sa jambe, avant d'envahir tout son corps et que sa tête se mettait à tourner.

- APPORTEZ LE SÉRUM !

Oryane bascula en arrière et sentit des bras lui retenir le dos pour éviter qu'elle heurte violemment le sol.

Et elle plongea dans ses souvenirs.


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