10 : À qui la faute ?
Média : Gally
- Plus besoin de chercher, plus besoin, je t'ai trouvé...
Une voix masculine, douce.
- Ce n'est rien tout le mal qu'on m'a fait, je t'ai trouvé....
La chaleur du soleil sur ses draps.
- Je pensais tout savoir de l'amour, mais ce n'est pas vrai...
Sa tête posée sur un oreiller.
- Si je les aimais fort, toi c'est beaucoup plus fort...
Ses yeux étaient fermés, et elle se sentait tellement bien...
- Regarde comme on est beau, sur le même bateau... Oh non, y'a pas plus beau, l'amour c'est jamais trop...
Une présence près d'elle, apaisante. Celle qui chantait.
- Si tu savais comme je l'aime, ton petit coeur à la traîne...
Le garçon lui caressait doucement la joue.
- Et si tu as de la peine, tu trouveras dans mes bras des milliers de je t'aime...
"Reste avec moi."
Oryane aurait voulu être ici pour l'éternité.
*********
- Tu es sûr qu'elle n'est pas blessée ?
La voix de tout à l'heure, anxieuse.
"- Oui Newt, tout va bien, elle est seulement en état de choc, répondit un autre timbre vaguement connu. Son corps et son cerveau ont besoin de repos. Thomas et Minho ne sont pas au top de leur forme non plus.
- Et Alby ?
- Plutôt calme. Sa Transformation se passe bien.
- Quand je pense qu'ils ont tué un Griffeur..."
Newt. Minho. Thomas. Alby.
Des prénoms familiers, mais son cerveau protesta quand elle poussa plus loin sa recherche.
Alors elle continua de dormir.
*******
- Oryane.
Surprise, la jeune fille ouvrit les yeux et se redressa dans son lit. Il faisait nuit, à nouveau.
Elle n'était plus dans le Labyrinthe, elle se souvenait maintenant.
- Oryane.
Il n'y avait strictement personne dans les environs. Mais alors qui...
- C'est moi.
L'adolescente blêmit alors en comprenant. On l'appelait dans sa tête.
"Je deviens folle."
- Oryane, c'est Teresa.
Instinctivement, sans même savoir pourquoi, Oryane se tourna vers l'autre fille, dans un lit à l'autre bout de la cabane. Celle-ci dormait toujours profondément. En apparence ?
- J'ai peur, Oryane. Je crois que mon arrivée a enclenché un truc, un processus de fin ou je sais pas quoi. Il se passe des trucs dans ma tête. Tout s'efface. Quand je me réveillerai, je ne me rappellerai de rien.
- Qui es-tu ?"
Oryane forma soigneusement ces mots dans sa tête avant de les "projeter" vers la fille, "Teresa". Encore un prénom qui la titillait étrangement.
Sans doute ne réussit-elle pas, car Teresa ne répondit pas à sa question.
- Toi, moi et Thomas, Oryane. C'est nous qui leur avons fait ça.
Et elle se tut pour de bon.
*******
- Comment te sens-tu ?
Oryane octroya à Newt un sourire forcé.
- Bien, t'inquiète pas.
C'était faux. Elle flippait sa race que Teresa se réveille à présent. Et elle s'en voulait, tellement. Il était clair à présent que toute la situation ici était en partie de sa faute.
Le blond la toisa.
- Je ne te crois pas. Je te connais maintenant, tu sais. Qu'est-ce qui ne va pas ?
Newt était un peu trop perspicace et attentionné à son goût. Elle avait désormais la preuve ultime qu'elle ne le méritait pas.
Quand il saurait la vérité, leur relation serait brisée à jamais.
"JE TE HAIS !! Je ne pourrai jamais te pardonner !"
Comme avant.
"- Nan, je te jure, ça va. Je suis juste encore fatiguée.
- Je comprends."
Newt lui caressait le dos en faisant de petits cercles avec sa paume.
- Tu m'as fichu la pire frousse de ma vie.
Vu son ton, le temps des réprimandes était arrivé.
- Enfin, Oryane, foncer dans le Labyrinthe avant qu'il ne se ferme ! Nan mais t'es pas bien ! Minho nous a tout raconté. Tu te rends compte de la chance que vous avez eu ?!
La voix de Newt s'étrangla légèrement. Oryane se mordit les lèvres.
"- On ne pouvait pas abandonner Minho et Alby.
- Je sais, mais... Tu as pensé à... moi ?"
Son ton s'était fait murmure.
- Oryane... Tu comptes énormément pour moi. Tu es l'une des personnes auxquelles je tiens le plus ici. Avec Andrew et Ben, je pouvais t'aider. Mais quand tu es partie dans le Labyrinthe... (Il ferma les yeux). J'ai cru que je t'avais défintivement perdue. Je me suis senti... cassé à l'intérieur, comme si une part de moi ne guérirait jamais.
Il avoua à voix basse :
- Je n'ai pas dormi de la nuit. Je repensais à tous nos moments ensemble, et... je me suis retenu de pleurer.
Oryane sentit son coeur se déchirer, plongée dans la flamme noire de son regard. Elle lui avait fait tant de mal... Thomas avait raison, il ne méritait pas de vivre dans la souffrance.
La chanson de tout à l'heure... Elle ne se rappelait plus des paroles, mais c'était une évidence qu'elle ne méritait pas elle-même son affection.
C'est pourquoi elle devait couper les ponts avec lui.
Elle s'éloigna vivement, dégageant son dos de ses mains. Un expression de pur choc et un peu blessée passa sur le visage de Newt, mais Oryane enchaîna :
- On devrait y aller.
Après tout ce qu'ils avaient fait, il fallait sérieusement discuter de la situation et ce qu'elle avait engendré. Et aussi d'une potentielle punition (même si bon, Oryane trouvait ça un peu excessif).
Sans laisser le temps au blondinet de réagir, Oryane se leva (remerciant silencieusement le Ciel d'avoir une marche parfaitement assurée) et sortit de la cabane.
Newt la suivit, et ils se rendirent dans la hutte du Conseil.
Tous les matons, y compris Gally, Minho, Frypan et d'autres étaient présents. Alby étant toujours en pleine Transformation, ce serait donc Newt, le second, qui présiderait l'Assemblée. Oryane alla s'asseoir sur une chaise au milieu de la pièce, à côté de Thomas qui lui offrit un sourire soulagé.
Ils tournèrent ensuite les yeux vers tous les matons alignés en face d'eux, qui les dévisageaient tous d'un air pensif, intrigué, admiratif ou carrément hostile. Newt se racla la gorge et annonça :
"- Bien, je déclare ce Conseil ouvert. Nous sommes réunis aujourd'hui pour parler de ce qui s'est passé la nuit d'il y a 2 jours et....
- Pourquoi Minho il se fait pas juger ? coupa Thomas.
- J'avoue, renchérit Oryane. Il était là lui aussi !
- Merci de la solidarité, tocards, marmonna Minho.
- Minho n'est pas accusé, car logiquement parlant, il n'a rien fait, rétorqua Newt. Ce n'est pas sa faute si Alby s'est fait piquer et qu'il n'a pas réussi à le ramener à temps. Vous en revanche... Vous avez enfreint la toute première règle en vous jetant ainsi dans le Labyrinthe, surtout alors que la nuit tombait. J'aurais bien retardé ce Conseil d'encore quelques jours, mais la moitié du Bloc est déjà venue me voir soit pour vous cracher à la gueule, soit pour me demander d'être prêtre pour votre mariage. Donc..."
Newt soupira. On sentait qu'il détestait ces mises en scène, et encore plus devoir les présider.
"- Vous êtes accusés d'être entrés dans le Labyrinthe alors que les portes se fermaient, et que vous étiez déjà en connaissance du règlement...
- Pour sauver la vie de Minho et Alby, coupa de nouveau Oryane.
- Certes, mais malheureusement, ça ne change rien.
- Dans un autre monde, on nous baiserait le cul et on serait traités en héros" grogna Thomas.
Ils gardèrent toutefois le silence, tels des accusés face à leurs juges.
- Mais vous avez aussi sauvé deux Blocards, et vous avez survécu en tuant un Griffeur au passage, ce qui n'était jamais arrivé avant.
- Tu parles, ils ont juste foutu le bordel, aboya Gally. Comme ils le font depuis leur arrivée ici. Moi, Ben, on vous dit que c'est de leur faute. Et leur connerie avec le Griffeur, là, ça va nous retomber dessus.
- Gally, ta gueule, tu donneras ton avis quand ce sera ton tour. Néanmoins... il ne serait en effet pas inutile de discuter des différentes mises en garde que nous avons reçues. Quand au Labyrinthe, nous verrons comment ça évolue. Sur ce, nous allons faire comme d'habitude : chacun donne son avis, et on organise un vote, même si la décision finale me reviendra. Frypan, tu commences" fit Newt en se tournant vers le maton le plus à gauche.
Le cuistot éclata de rire.
"- Vous êtes sérieux, là ? Ces deux-là ont tué un Griffeur. Vous vous rendez compte de la putain d'avancée que c'est ?
- Typiquement, c'était que Thomas, marmotta Oryane.
- Oui, mais c'est toi qui m'as donné l'idée, lui apprit son ami. Quand tu t'es faufilée dans le Labyrinthe, une seconde avant que ça se ferme.
- Sauf que j'ai jamais dit que c'était à reproduire.
- Bref, interrompit Frypan. Pour moi, il n'y a même pas de sanction à appliquer. On devrait nommer ces deux-là coureurs, et les laisser en paix.
- Stupide, maugréa Gally.
- Et uniquement moi en coureur, ajouta Thomas. De ce que j'ai compris, Oryane préfère rester Medjack."
La rouquine acquiesça. Newt se tourna ensuite vers Winston, le chef des trancheurs.
- A toi mec.
Winston soupira.
- Écoutez les gars, je vous aime bien, mais on peut pas se permettre de vous laisser foutre le bordel. Et tout ce qu'on entend sur vous... Vous devez être punis.
Gally hocha vivement la tête avant de se lever.
"- Je suis d'accord avec Winston. Tout a changé depuis que vous vous êtes pointés chez nous. Et m'est avis est que la fille va nous donner du fil à retordre également. Je vous ai vus lors de la Transformation, et vous aidiez pas des vieilles à traverser la route. Je vote le bannissement.
- Putain, mec, t'es sérieux là ? s'emporta Minho, alors que les matons chuchotaient entre eux. Tu oses parler de justice ? Tu oses vouloir les engueuler pour être allés dans le Labyrinthe ? A qui la faute si tu t'es fait piquer déjà ? Ah oui ! Tu as enfreint la même règle qu'eux ! Moi, j'appelle ça de l'hypocrisie, espèce de sale petit fils de...
- Minho, l'interrompit Newt d'un ton blasé. On n'insulte pas les mamans ici."
Minho se renfrogna et adressa un horrible sourire forcé au bâtisseur.
"-..... Espèce de gentil petit fils à sa maman.
- Super, continua Newt. On prend en compte ta suggestion, Gally. Et maintenant, à ton tour Minho justement.
- C'est très simple, déclara le coureur. Pendant que je me pissais dessus comme une fillette, Thomas et Oryane se sont retroussé les manches et ont mis Alby en sécurité. Ils nous ont quand même SAUVÉ LA VIE ! Et après, je me suis barré comme un lâche, et eux ils ont affronté le Griffeur ! Ils étaient jamais allés dans le Labyrinthe, mais ils sont vivants ! J'étais là pour les guider, mais quand même ! Et alors que Thomas aurait pu se faire tuer, il a attiré un Griffeur dans les portes ! Et il s'en est sorti ! C'est juste...
- On a saisi, le stoppa Gally. L'ami Tommy est un petit veinard !
- Et moi, je suis quoi ? Une patate ? s'offusqua Oryane.
- Mais non, putain ! C'est pas de la chance ça, c'est du talent ! Il nous faut plus de gens comme eux !"
Minho prit une profonde inspiration pour se calmer.
"- Tu sais pas de quoi tu parles, Gally ! Ta gueule !
- OK on va s'arrêter là, fit Newt. Donc toi Minho, tu voudrais que Thomas devienne coureur et basta ?
- Oui, je rejoins Frypan."
Chacun leur tour, les matons donnèrent leur avis. Puis Newt réitéra les suggestions et proposa le vote. La majorité était pour que Thomas devienne coureur, mais qu'ils écopent tout de même d'une légère punition.
- Bon, annonça Newt. Voilà ce qui a été choisi : Tommy commencera sa formation de coureur dès demain. Et pour la punition... disons une nuit au gnouf pour tous les deux."
Gally eut un rire sombre, lugubre.
- C'est tout ? Putain... Vous êtes vraiment des merdes ici. On va se faire massacrer à cause d'eux, je vous dis ! (Il toisa toute l'assemblée, et plus particulièrement Minho et Newt d'un air menaçant.) Je sais que vous m'aimez pas.
Minho eut un sourire moqueur :
- Je peux rien dire, c'est pas beau de mentir.
Gally darda un regard noir sur lui.
- Vous êtes tous des cons, vous avez toujours été trop cons. Quand à vous...
Il se tourna vers Thomas et Oryane.
"- Puisque personne n'agit ici, moi je le ferai. Fais gaffe à ce que tu fais, le bleu, espèce de bâtard. Et toi, "princesse"... Retourne te faire enfoncer par d'autres mecs très loin d'ici !
- GALLY ! hurla Newt, vibrant de fureur. RAMÈNE TA TRONCHE TOUT DE SUITE !!"
Mais le blond était déjà sorti de la cabane à toute vitesse.
- Le Conseil est clos, bougonna Newt. Et trouvez-moi Gally, que je le mette au gnouf lui aussi, ça lui fera les pieds...
- EH !!
Tout le monde se tourna vers Chuck à l'entrée de la hutte, frétillant d'excitation. Newt soupira :
- Chuckie, il n'y a que les matons qui ont le droit d'en...
- C'est la fille !
Tous se redressèrent aussitôt.
- Elle s'est réveillée ?
Étrangement, Chuck se marra.
- Carrément !
***********
- JE TE JURE QUE SI TU CONTINUES, JE TE...
Gally s'interrompit quand il se prit une énième pierre dans la gueule.
Tout le monde s'était précipité dehors pour se diriger vers l'Observatoire, une plateforme installée sur le plus haut arbre du Bloc (Oryane n'avait aucune foutue idée de comment elle avait atterri ici, mais bon).
Mais la fille avait également paniqué en se réveillant dans un lieu inconnu entouré de mecs. Elle leur jetait donc dessus tout ce qui lui tombait sous la main.
"- Mais qu'est-ce qu'il lui prend ? cria Minho.
- Je crois qu'elle nous aime pas ! répondit Newt en filant se cacher sous une planche pour se protéger des projectiles.
- HÉ ! hurla Thomas. C'EST MOI, THOMAS !"
Les lancers s'arrêtèrent.
- JE VAIS MONTER AVEC ORYANE EN HAUT, D'ACCORD ?
Aucune réaction, ce qui devait sans doute être un "oui".
Thomas et Oryane se dirigèrent vers l'échelle avec précaution. Oryane protesta quand Thomas, monté devant elle, se stoppa brusquement, manquant de la faire tomber en arrière.
Avant de voir que la fille pointait sur eux une lame, d'un air accusateur.
- Ouhlà, bredouilla Thomas. Tout va bien, d'accord ? On ne te veut aucun mal. Pose ce couteau.
La fille le dévisagea, méfiante, en abaissant légèrement son arme. La rousse la dévisagea avec curiosité. Elle avait bien de très beaux yeux turquoise, sublimés par sa chevelure corbeau et son teint de lait. Elle chercha dans son regard une trace de reconnaissance, une preuve qu'elle était bien Teresa, celle qui l'avait contactée par télépathie (elle n'en revenait toujours pas que ce soit possible).
"- Comment es-tu arrivée ici ? demanda-t-elle avec douceur.
- Je me suis réveillée dans une espèce d'infirmerie, répondit la brune d'un air buté. Je me suis enfuie et je suis montée ici.
- Sans que les Medjacks ne disent rien ? s'étonna Thomas.
- Les deux toubibs ? Je leur ai mis mon pied dans les bijoux de famille."
Thomas se mordit les lèvres pour empêcher son rire, alors qu'Oryane se détournait pour soulager son hilarité.
"- Écoute, reprit le garçon, je suis pas le mieux placé pour tout t'expliquer, mais c'est normal que tu te souviennes de rien. Ton prénom te reviendra bientôt...
- Teresa."
Les deux adolescents la contemplèrent, ahuris.
"- Hein ?
- C'est mon prénom. Teresa."
Thomas jeta un regard furtif à Oryane.
"- Elle est comme toi, elle se souvient de qui elle est.
- Oui, enfin rapidement, hein" maugréa Teresa.
Oryane la dévisagea.
C'était donc bien elle, la mystérieuse télépathe.
Et visiblement, toute sa mémoire s'était bel et bien envolée.
"- Ils ont dit que je vous avais appelés dans mon sommeil, déclara Teresa. Vos prénoms et vos visages me disent quelque chose, mais...
- Tu ne te souviens de rien d'autre ? l'encouragea Oryane. A propos de... WICKED ?
- Bon, elle descend bientôt là ? cria Gally d'en bas.
- Encore deux minutes ! répondit Thomas.
- Je me souviens d'une phrase, murmura Teresa. WICKED is good. Et il y avait le bout de papier dans ma main..."
Elle se leva, jetant son couteau complètement inutile désormais par terre, et alla s'accouder à la barrière de bois. Songeuse, elle releva sa manche et contempla l'inscription sur son bras, qui commençait à s'effacer.
"- Donc tu ne sais pas pourquoi... fit Oryane en la montrant du menton.
- Non. Je sais pas si c'est moi qui l'ai inscrite comme dernier souvenir ou si c'est eux qui ont trop cru qu'ils pouvaient m'utiliser comme messagère... Je sais pas. Je sais juste les mêmes choses que vous et sinon tout est noir."
Thomas et Oryane échangèrent un regard las. En clair, ils n'étaient pas plus avancés.
"- Pourquoi on est différents ? demanda alors Teresa.
- On sait pas non plus, souffla Oryane. Mais on est les seuls à pouvoir sortir tout le monde d'ici."
Teresa s'absorba dans ses pensées.
- On ferait mieux de redescendre, soupira Thomas. On reparlera de tout ça plus tard. Alby et les autres vont tout t'expliquer sur le Bloc. Personne ne te touchera, t'inquiète pas.
Oryane était d'ailleurs soulagée que Teresa n'ait pas à endurer la même horrible épreuve qu'elle avec Andrew. Aucun gars n'oserait la frôler après ce qui s'était passé la dernière fois.
Elle hésita un instant. Devait-elle leur dire que Teresa l'avait contactée dans sa tête (sans doute une autre spécificité propre à eux trois) ? Devait-elle leur dire qu'en effet, tout était de leur faute si tout le monde était ici ?
Mais si elle pouvait épargner à ses amis une telle culpabilité... Et peut-être qu'à présent qu'ils étaient tous les trois amnésiques, aucun d'eux ne serait capable de refaire le petit numéro de télépathie. Inutile de rendre la situation encore plus angoissante qu'elle ne l'était déjà.
Elle ne fit donc rien, et ils redescendirent.
Contrairement à la tradition, il n'y eut pas de fête ce soir-là. Personne n'avait l'esprit à ça.
**********
"- Bon, va falloir y aller.
- Youpi..."
Conformément à la punition qui leur avait été infligée, Thomas et Oryane allaient devoir passer la nuit au gnouf. Une perspective qui ne les enchantait pas vraiment.
- Honnêtement, j'aurais préféré éviter, soupira Newt. Mais vous avez enfreint les règles, ça aurait pu avoir des conséquences désastreuses. Et on ne peut pas m'accuser de favoritisme, encore moins maintenant que c'est moi qui dirige le Bloc à cause de la blessure d'Alby. Je vous promets que dès que le soleil pointe, je vous tire de ce trou. Maintenant, allons...
- Laisse, Newt. Je vais le faire.
Ils tournèrent tous les trois les yeux vers Gally qui arrivait, un flambeau à la main.
Ce n'était pas qu'Oryane n'avait pas envie de le voir, mais elle avait pas envie de le voir. Surtout après la dernière insulte qu'il lui avait sortie.
"- Ca ira Gally, merci, répondit Newt.
- Oh c'est bon Newt, t'es de tour de garde ! Je les emmène juste au gnouf et après je vais me coucher. Puisqu'ils ont une punition à chier, je veux au moins m'assurer qu'elle sera bien exécutée."
Newt leva les yeux au ciel, mais le blond n'avait pas tort : il devait y aller. Il adressa un sourire contrit à ses amis.
- A demain.
Thomas et Oryane traversèrent le Bloc derrière Gally en silence. Puis finalement, Thomas lâcha comme s'il ne pouvait plus se contenir :
- C'est quoi ton problème avec nous Gally ?
Il leur jeta un regard noir.
- Tout a dérapé dès que vous avez débarqué. Je vous ai vus pendant la Transformation, Ben aussi, et vous et la fille n'êtes que des enfoirés. Et voilà qu'Alby est piqué aussi maintenant. Vous nous portez la poisse, vous êtes ici uniquement pour foutre la merde.
Oryane ne sut pas quoi répondre. En un sens, Gally avait raison, tout était parti en cacahuète dès son arrivée. Mais était-ce vraiment un mal, justement ?
Mais ils avaient un lien avec WICKED...
Gally ouvrit la porte du gnouf. Thomas et Oryane entrèrent dans la petite prison de bois et de bambou, la mort dans l'âme. Gally se pencha pour faire un nœud à la porte. Oryane s'agrippa aux barreaux.
- Gally... Tu sais que ce n'est pas notre vrai chez-nous. On ne pourra pas rester ici éternellement.
Le blond ne lui répondit pas. Ressaisissant le flambeau, il s'éloigna sans un mot et ils furent bientôt plongés dans le noir.
- Bon bah bonne nuit, soupira Thomas en s'allongeant sur la terre dure et froide. Et bon courage.
Oryane imita son mouvement, la mort dans l'âme. Elle avait toujours su qu'en un sens Gally avait raison, mais ce soir la situation lui paraissait totalement désespérée. Par quoi devraient-ils encore passer et combien de personnes perdraient-ils encore avant de pouvoir se tailler d'ici ?
Elle était tellement épuisée que le sommeil l'emporta sans crier gare.
***************
- Qui va là ?
Réveillée par l'exclamation de Thomas, Oryane ouvrit les yeux. La bouche pâteuse et la tête aussi lourde qu'une brique, elle se releva sur ses coudes avec peine.
- C'est juste moi.
Une torche brilla au-dessus d'eux, leur apportant un peu de lumière, et le visage poupin de Chuck apparut derrière les barreaux.
- Désolé gars, s'excusa Thomas.
- Salut, marmonna la rouquine.
Le petit garçon leur adressa un sourire avant de s'asseoir à côté de la porte.
"- Tu ne dors pas ? s'étonna Thomas.
- J'y arrive pas. Tout ce qui se passe en ce moment... Ca me fout les jetons."
Oryane et Thomas échangèrent un regard lourd. Le reflet de la torche léchait les joues rouges de Chuck à cause de l'air froid de la nuit. Il observait quelque chose dans sa main avec attention.
- Qu'est-ce que c'est ?
Le garçon marqua un temps d'hésitation avant de leur montrer dans ses doigts une figurine de bois grossièrement taillé, mais avec une forme et un visage humanoïde reconnaissable.
"- Ouah, c'est bien sculpté, bravo, le félicita Oryane.
- C'est pour mes parents" avoua Chuck.
Oryane sentit son coeur se serrer.
"- Tu te souviens de tes parents ?
- Non. Mais eux doivent se rappeler de moi. Je dois leur manquer, j'espère. Mais le truc c'est que... eux me manquent pas. Parce que je les connais pas, vous comprenez ? J'ai aucun souvenir. Je connais juste le rôle théorique que ça a, un parent. Mais je sais que j'en voudrais."
Le garçonnet détourna la tête pour cacher ses larmes.
- Hé Chuck, on va sortir d'ici d'accord ? l'apostropha Thomas. Minho et moi, on va trouver un moyen.
Le brunet s'absorba un instant dans ses pensées avant de lui tendre la figurine.
- Donne-la à mes parents... Quand vous partirez d'ici...
Oryane savait que Thomas et Chuck avaient noué une tendre amitié fraternelle. Le brun était le seul vrai ami du jeune garçon. Mais même si Oryane était moins proche de lui que Thomas, elle savait que tous les Blocards, même s'ils se moquaient de lui, considéraient Chuck comme leur petit frère, sans se l'avouer. Le perdre, c'aurait été perdre une partie d'eux-mêmes. Le peu d'innocence qu'il leur restait.
Chuck commença à s'éloigner quand Thomas le rappela. Il rebroussa chemin vers eux et Thomas lui rendit la figurine.
- C'est toi qui leur donneras Chuck. Quand on sera tous loin d'ici. Je te le promets.
Le petit hésita puis acquiesça.
"- A plus Thomas. Bonne nuit, Oryane, ajouta-t-il en jetant un timide regard admiratif à la rouquine.
- A plus petit gars."
******************
- Hé, Oryane !
La rouquine ouvrit les yeux quand des mains lui secouèrent délicatement les épaules. Elle se retrouva face aux prunelles noires inquiètes de Newt. A côté de lui, Thomas avait aussi l'air sombre.
"- Kesskiya ? marmonna-t-elle.
- Et bien pour commencer, votre punition est terminée, fit Newt avec un sourire forcé en l'aidant à se relever. Mais surtout... Viens voir."
Alertée par son ton alarmé, la jeune fille le suivit. Quand elle émergea avec difficulté du gnouf, Thomas derrière elle, elle faillit trébucher à cause de ses muscles engourdis par une nuit passée dehors. Newt la retint. Une fois ses jambes stables, elle savoura la sensation d'être debout, dans un grand espace à l'air libre. Puis elle releva les yeux, et les écarquilla de choc.
Le soleil avait disparu.
Il ne pleuvait jamais au Bloc, ce qui laissait déjà comprendre que même leur ciel était artificiel. Mais là...
"- Quelle heure est-il ? souffla-t-elle.
- 10 h. Tout le monde s'est réveillé en retard du coup. Apparemment, c'est comme ça depuis minuit.
Le cerveau d'Oryane ne voulait pas se mettre en service.
Un ciel uniformément gris, tout le temps... Plus de jour, plus de nuit.
Tous avaient cru qu'il n'y avait que l'avertissement papier de WICKED, mais... Elle se rappela certaines paroles de Teresa dans sa tête durant sa convalescence.
"Je crois que mon arrivée a enclenché un truc. Un processus de fin."
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