Chapitre 10 - La faiblesse de tes sentiments

Je m'agrippe plus fermement au mollet de mon père, mes doigts l'enserrent et j'espère que cela lui provoque une douleur similaire à celle qu'éprouve mon cœur.

- Ne fais pas ça ! Je crie, la voix brisée par la panique. Ne l'approche pas.

Je tire de toutes mes forces, tentant de l'immobiliser, mes bras tremblent sous l'effort inutile, mon poignet me ferait hurler de douleur en temps normal mais l'adrénaline ne fait pulser contre mes tempes que le déchirement de sa menace.

- Papa, arrête ! Je m'étrangle alors qu'il ne semble pas m'entendre, les articulations en feu et les larmes ruisselant sur mon visage.

Mon corps tout entier est secoué par des sanglots incontrôlables, des images affreuses de Leïla défigurée et couverte de sang s'enchaînent dans mon esprit. Un carrousel endiablé de conséquences funestes que je ne peux supporter. Je refuse de le lâcher. Je m'accroche à lui parce que la vie de mon amie en dépend. C'est injuste et cruel, je ne laisserais pas ce monstre parvenir à ses fins, faire du mal à mon amie la plus chère juste pour son divertissement.

Il s'arrête un instant, baisse les yeux vers moi, et dans son regard, je ne vois que mépris. Ses traits restent impassibles, mais l'expression de dégoût qui passe dans ses yeux me fige. Il me trouve pathétique. Ridicule. Comme si je n'étais qu'un obstacle insignifiant. Pas sa fille. Un père ne devrait pas rester insensible aux sanglots de sa fille, il ne devrait pas être capable de soutenir son regard pleins de l'arme sans une once de sentiment. Mais après tout, mon paternel n'a jamais été de cette trempe là. Son regard froid traverse mon âme, c'est comme si, dans ses yeux, je n'étais qu'une erreur.

Sans un mot, il donne un léger coup de hanche, tentant de se dégager de mon emprise, comme si je risquais simplement d'abîmer son joli costume. Mais je m'accroche plus fort, mes genoux raclent contre le sol lorsque je me traîne pour ne pas le lâcher, mon jogging s'en abîme de plus belle. Pathétique. Voilà de quoi j'ai l'air.

Mais ce n'est pas pour autant que j'arrête de tirer sur son pantalon, en priant pour que le temps s'arrête. Leïla n'est qu'à quelques pas de nous, étendue sur le lit. Elle remue en gémissant de douleur, elle a bien plus morflé que moi, d'abord avec cet homme qui l'a étranglé puis lors de l'accident. Je ne parviens pas à savoir si elle a retrouvé pleinement conscience. J'aimerais examiner chacune de ses blessures en m'excusant pour chacune d'elle au lieu de craindre une nouvelle fois pour sa vie. Bientôt, le bruit incessant de de gouttes martelant le sol de cette cave miteuse pourrait être celui de son sang. Ma joue se colle contre la cuisse de mon père, mes larmes tâchent le coton égyptien de son pantalon, j'encercle sa jambe en la serrant aussi fort que je le peux.

- Je t'en prie...

Mais il semble être arrivé à bout de patience, d'un geste brusque, il secoue sa jambe avec une force telle que je me retrouve ébranlée, ma prise faiblit sous l'effet de la surprise, mes bras épuisés cèdent contre ma volonté, je glisse et tangue sur mes genoux, mes forces diminuées ne me permettent pas de me rattraper. Alors je bascule en arrière. Je me rattrape de justesse sur mon poignet blessé, un hurlement déchire ma gorge alors que des décharges insupportables traversent mon avant bras et que des étoiles dansent dans mon champ de vision. Je mords avec force ma lèvre inférieure pour m'empêcher de crier de nouveau, refusant de lui donner la satisfaction de me trouver faible. Un goût métallique emplit ma bouche et je ferme les yeux un temps pour retrouver mes esprits. Je n'ose même pas toucher mon poignet que je sens pulser.

C'est dérisoire Psyché.

Une douleur totalement insignifiante par rapport à ce que pourrait ressentir Leïla s'il parvient à ses fins.

Reprends toi !

Ma vision est floue lorsque je bats des cils pour chasser mes larmes. Le souffle court à cause de la douleur, je suffoque mais je ne baisse pas les bras. Je ne vois que mon père, ce géant au cœur noir qui se tient là, satisfait d'avoir écarté l'ennui que je représente. En deux pas, elle sera de nouveau à sa portée.

Deux. Putain. De. Pas.

Je n'ai rien pour le neutraliser, si le prendre par les sentiments ne fonctionne pas, alors je dois utiliser la même stratégie que lui. La force.

Je sais qu'il porte une arme à sa ceinture ainsi qu'un couteau à sa cheville, c'est le strict nécessaire lorsque l'on est parrain de la mafia. Je retranche alors la douleur de ma fracture dans les tréfonds de mon âme et rampe une nouvelle fois à ses pieds. Je dois m'approcher.

- Papa...

Il me toise de ses iris bleu givré, le menton relevé et le torse bombé. Je tends une main suppliante dans sa direction et au fond de mon cœur, j'espère qu'il la prendra, que tout ceci n'est qu'un cauchemar, qu'il recouvrera ses esprits et me dira à quel point il est désolé et qu'il s'est laissé emporté.

Il observe ma paume abimée et tachée de sang aux ongles arrachée durant l'accident. Je ne suis plus qu'à quelques pas de lui.

- Psyché...?

Leïla m'appelle, mon attention se détourne et se dirige entièrement vers elle. Mon père, lui, ne prend même pas la peine de jeter un coup d'œil par-dessus son épaule. Il a d'autres plans en tête. Et je le découvre bien vite lorsque d'un geste calculé, il lève son pied et m'envoie un coup violent en plein estomac. L'impact est brutal, coupant instantanément ma respiration. Je me plie en deux, le souffle arraché de ma poitrine dans un cri étouffé. La douleur est fulgurante, pire que celle de mon poignet, irradiant dans mon ventre et me forçant à me plier en deux. Mon corps retombe lourdement sur le sol, et je tente de reprendre mon souffle, chaque inspiration brûlant comme du feu.

Je suis impuissante, vaincue.

- Je t'avais prévenue, Psyché... les sentiments te détruiront. Je l'entends murmurer lointainement

Et l'inévitable se produit, plus rien ne retient son avancée vers Leïla. Plus aucun son ne parvient à s'échapper de mes lèvres, la douleur me cloue sur place et je me recroqueville sur moi-même en accusant le choc. Je suis prisonnière de mon corps faible, l'esprit hurlant ma colère, le désespoir me dévorant alors que je le vois saisir Leïla par le bras avec une brutalité glaciale. Son corps mou et fragile, sans défense, menace de se briser au moindre geste brusque.

Leïla...

Mon amie encore trop faible, il la traîne comme un poids mort, la jetant presque à terre tandis qu'il franchit la porte. Chaque bruit, chaque son métallique résonne comme une menace dans mon esprit brouillé. Un homme s'engouffre, en retour, dans cette chambre lugubre, je distingue à peine son visage, c'est sa balafre que je reconnais en premier.

Arthur.

Toujours présent dans les manigances de mon père.

Mais il a un air désolé sur la figure et avant qu'il me hisse dans ses bras, ce vieux bonhomme caresse affectueusement mes cheveux. Ma tête roule contre son épaule alors qu'il me ballotte hors de cette pièce.

- Lâchez moi...

Je ne sais pas si il m'a entendu, cette demande n'était qu'un souffle.

L'ambiance sombre de cette chambre est remplacée par une plus tamisée, mon cerveau met un temps à établir les connexions et ce n'est qu'au bout d'un certain temps que je reconnais l'endroit où on nous amène. Mon cœur s'effondre dans ma poitrine. Nous sommes chez mes parents. Au sous-sol. Dans cette pièce où s'est déroulée cette nuit là. Des flashs assaillent mon esprit. Le grand bureau, mon père menaçant près de lui, cet homme attaché sur la chaise puis les coups de feu...

Quinze ans plus tard, me revoilà ici, dans ce lieu secret aux murs désormais couverts d'une peinture écaillée qui semble suinter d'humidité. Ce qui n'a pas changé, c'est l'atmosphère épaisse et humide et cette odeur de renfermé. Ainsi que... cette chaise en métal qui trône au centre, sur un sol de béton qui semble bien sombre sous les quatre pieds. A chaque battement de paupière, je vois l'homme de mes cauchemars, puis plus rien. Des hommes de main de mon père, l'entourent, des brutes silencieuses dont la simple présence suffit à inspirer la terreur. L'un d'eux, le plus massif, arbore un sourire carnassier.

Les bras d'Arthur resserrent leur prise autour de moi et je me mets à trembler, terrifiée.

Non, non, non...

Je commence à comprendre le scénario macabre qui se prépare. Cette chaise vide, la mallette noire que porte un des chiens de mon père, Leïla...

Et pour confirmer mes craintes, mon père apparaît dans mon champ de vision et force Leïla à s'asseoir. Elle arrive à peine à garder les yeux ouverts, son menton menace de heurter sa poitrine et je remarque que ses cheveux bouclés collent à ses tempes, là où du sang à séché.

- Qu'est ce...Qu'est ce qu'il se passe ? Elle marmonne, sa langue sûrement pâteuse rendant difficile sa diction.

Elle n'a rien à faire là, c'est moi qui devrait être à sa place tandis qu'elle devrait consulter un médecin.

Je parviens à bouger entre les bras de mon porteur, je grimace parce que ça me fait un mal de chien mais je suis bien trop assommée par la douleur pour trouver un meilleur moyen.

Mon père, toujours d'une lenteur calculée, tourne légèrement la tête vers l'un de ses hommes.

- Fais-la parler.

Il n'y a aucune émotion dans sa voix, seulement un ordre froid, mécanique, sans appel. Il a l'habitude de faire ça.

Je gigote de plus belle. Arthur n'est plus tout jeune, il a du mal à me retenir lorsque je gesticule encore plus, réussissant enfin à me libérer. Il me retient cependant pour ne pas que je m'effondre. D'un bras autour de la taille, il m'aide à me mettre sur pieds.

- Prends moi à sa place putain ! C'est moi que tu dois punir.

Mais l'homme à la mallette s'approche déjà, d'un geste lent, il la dépose sur le bureau et l'ouvre révélant ainsi son contenu. Elle sert d'écrin à divers outils de torture parfaitement aligné dans des cadres de mousse.

Leïla semble retrouver ses esprits à la simple vision de cette menace, elle jette un regard paniqué autour d'elle, les yeux aussi ouverts qu'elle le peut.

- Où est-ce que je suis !? Elle s'étrangle.

Ses yeux s'arrêtent sur moi et je me retrouve clouée sur place.

- Psyché ?

Ma lèvre inférieur se met à trembler alors que je contente ses traits fins se déformer sous la panique.

- Ca va aller, je tente de la rassurer en m'étranglant.

Et je sais que je lui mens.

L'homme massif s'avance finalement, un objet métallique en main.

Mon père se déplace tel un félin et prend place en spectateur avide sur son bureau. Il échange un coup d'œil avec son soldat et après un hochement de tête, tout bascule. L'homme change de visage, le temps s'accélère et il se jette sur elle, la saisissant par les cheveux en renversant sa tête. Leïla hurle puis s'époumone.

- Qu'est ce que vous faites ? Vous me faites mal !

Je tente un pas en avant, prête à me jeter entre elle et lui mais une main sur mon poignet m'en empêche. Arthur me retiens de toutes ses forces en secouant la tête pour me dissuader d'agir.

- Lâchez-moi. Je peste.

Mais ça n'a aucun effet, alors le regard fou, je m'adresse à mon horrible paternel.

- Ne la touche pas ! Je ferais tout ce que tu veux !

Je hurle, je supplie, chaque cri brûlant dans ma gorge

- C'est moi ! C'est moi que tu veux briser, pas elle !

Leïla tremble, son souffle saccadé. La tête en arrière, je peux voir l'homme caresser de l'index sa gorge.

- Psyché... Psyché ? Aide-moi ! Sa voix est faible, déjà brisée par la terreur.

Je hurle encore, mais cette fois des sons indéchiffrables, je me débats pour libérer mon bras de la poigne d'Arthur mais il tient bon. Mon père, les bras croisés, regarde la scène avec une froide indifférence.

- Regarde Psyché, il gronde, ne loupe surtout aucune miette.

L'homme de main assène le premier coup. Le bruit sec du poing, accentué par le poing américain, frappant la chair résonne dans la pièce, et je ressens la douleur comme si elle me frappait directement. Leïla crie, une plainte déchirante qui me transperce le cœur. Ses yeux, remplis de larmes, se tournent vers moi, cherchant désespérément une aide que je suis incapable de lui donner.

- Leïla !

Je me débat, je hurle, je pleure, mais tout cela est inutile. Mon père me fixe, impassible, et je vois dans ses yeux ce qu'il veut : il veut me briser. Il veut que chaque coup soit une leçon gravée à même ma chair.

Un autre coup, cette fois plus fort, et le corps de Leïla se tord de douleur sur la chaise. Son visage est marqué de traces rouges, du sang commence à couler de sa lèvre éclatée.

- Je ferais tout ce que tu voudras, je te le jure !

Un sourire en coin étire les lèvres de mon père et il ricane même.

- Ce que je veux c'est que tu savoures ton impuissance. La faiblesse de tes sentiments.

L'homme continue de frapper, bientôt, Leïla sera défigurée. Un craquement retentit suivit d'une plainte qui transperce mon cœur. Le nez de mon amie arbore un angle alarmant et du sang s'en échappe à torrent. Elle tente d'y porter les mains pour contacter les dégâts, les yeux vident. L'homme lâche alors ses cheveux et d'un rapide tour de doigts lui noue les poignets derrière le dossier de la chaise.

Je tire sur mon bras, mon coude m'élance, Arthur ne cède pas.

Je sens ma propre âme se déchirer à chaque seconde.

Elle essaie de parler, mais ses mots ne sont plus que des gémissements. C'est un miracle qu'elle ne se soit pas évanouie. Ses yeux cherchent encore les miens, comme si c'était inimaginable que je ne puisse, que je ne bouge pas d'un pouce.

- Psyché...!

Et puis, mon père fait signe. L'homme s'arrête. Le silence qui suit est terrifiant.

Je tire à nouveau et Arthur cède. Le corps en avant, je suis prête à m'élancer vers elle. Mais un corps s'interpose, je me heurte à une poitrine puissante et deux bras encerclent mes poignets pour m'immobiliser. Je me refuse à crier lorsqu'il malmène ma fracture. Je n'en ai pas le droit. Pas quand mon amie souffre à ce point.

J'entends mon cœur battre à tout rompre, le temps s'étire, mon père prend un malin plaisir à ce spectacle.

- Elle à l'air de souffrir atrocement. Tu ne trouves pas Psyché ?

Il tapote son menton de l'index. Le tortionnaire de mon amie s'approche à nouveau avec cette fois, une pince entre les mains. Je l'observe détacher une des mains de Leïla et la maintenir fermement entre les siennes.

- Je te déteste tu m'entends !? Je hurle. Jamais je ne serais comme toi, tu es un monstre !

Je postillonne tandis que je me débats comme une folle. L'homme qui me tient me fait pivoter d'un tour de main et plaque mon dos contre son torse. Un de ses bras se plaque sur mon ventre et il serre pour me maintenir ainsi. Mes pieds martèlent le sol pour tenter de lui écraser les siens. N'importe quoi si tenté qu'il me lâche. Mes talons balancent aussi fermement contre ses tibias mais rien n'y fait. Sa main libre attrape mon visage et il appui si fort que mes lèvres se pincent me vouant au mutisme et que ses doigts s'enfoncent dans mes joues.

- Ne loupe rien mon cœur. Susurre mon père.

- Qu'est ce que vous faites ? Hurle Leïla. Reculez !

Elle tente de faire fuir son ennemi en balançant ses jambes dans le vide.

- Pour quel gang travailles-tu ? Et pourquoi veulent-ils empêcher le mariage de ma fille ? Questionne mon père. Chaque mauvaise réponse te coûtera un ongle.

Leïla secoue la tête, le désespoir se lisant dans ses yeux.

- Non...non, non, non. Je ne travaille pour personne... personne ne m'a envoyée ! Je suis juste une amie ! Je vous en supplie, croyez-moi... N'approchez pas !

L'homme ne perd pas de temps. Il saisit fermement son index et glisse la pince sous l'ongle. Leïla pousse un cri avant même que la douleur ne commence réellement, et je me sens défaillir, mon cœur battant à toute vitesse, incapable de détourner les yeux.

D'un mouvement sec, la pince tire l'ongle. Le son, un craquement presque sourd, résonne dans la pièce, suivi du hurlement déchirant de Leïla. Son corps se convulse sur la chaise, et elle essaie de se débattre, mais les liens sont trop serrés. Le sang commence à couler de son doigt, une tache sombre s'étendant lentement sur le sol. Son souffle devient erratique, entrecoupé de sanglots incontrôlables.

Je revois l'homme mourant de cette nuit-là, sa vision se confond avec celle de mon amie. Leur sang a la même teinte de désespoir.

- Qui protèges-tu ? Insiste mon père.

Il sait qu'il n'obtiendra rien. Il sait qu'elle n'a aucune réponse à apporter. Leïla est innocente. Une victime de plus.

- Personne ! hurle-t-elle entre deux sanglots, virant à la folie.

Elle tente de retirer sa main, mais l'homme la maintient en place avec une facilité déconcertante.

- Je n'ai rien fait, je vous jure ! Je n'ai jamais rien su de tout ça ! Je ne savais même pas que ce monde existait...

Une nouvelle fois, l'homme saisit un autre doigt, glissant la pince sous l'ongle suivant. Leïla hurle à nouveau, plus fort cette fois, sa voix perçant l'air comme un cri d'agonie. Je m'agite, hurlant des mots étouffés par mon maintiens, mes ongles s'enfonçant dans la peau de l'homme qui me rend complice de ce massacre, essayant de me convaincre que ce cauchemar n'est pas réel, que je vais me réveiller. Mais les cris de Leïla me ramènent à la réalité avec une brutalité implacable.

Le deuxième ongle est arraché. Le sang coule maintenant en flots plus rapides, tâchant les vêtements de Leïla. De la sueur perle sur son front. Elle tremble de tout son corps, prête à tourner de l'œil, suppliant à travers des mots qu'elle n'arrive plus à articuler correctement. Ses lèvres tremblent, et chaque respiration semble être une torture. Il ne faut pas qu'elle ferme les yeux, c'est le seul moyen que j'ai pour lui transmettre toutes la colère et la compassion que je ressens.

- Qui t'a envoyée ? Reprend mon père un sourire dans la voix.

Leïla secoue faiblement la tête, incapable de trouver la force pour répondre. Sa tête tombe légèrement en avant, son souffle court, son corps épuisé par la souffrance. L'homme de main se redresse un instant, regardant mon père, attendant un nouvel ordre.

Vladimir Vlachos s'approche de Leïla et je me jure à cet instant de tuer cet homme de mes propres mains. Il se penche légèrement pour que leurs regards se croisent.

- Tu devrais parler, ma douce. Parce que je te garantis que cette douleur n'est qu'un aperçu de ce qui t'attend si tu t'obstines à me cacher la vérité. Il marque une pause, laissant ses mots s'imprégner dans l'air, avant de se redresser lentement. Continue.

Leïla ne sait rien. C'est une simple étudiante qui ne demande qu'à vivre...qui doit vivre ! C'est la plus pure d'être nous tous. Les sanglots de Leïla redoublent d'intensité en entendant ces mots. Ces larmes, c'est la seule chose qui lui reste... Il l'a brisé. Elle tente de parler à travers ses pleurs, sa voix faible et hachée.

- Je... je ne sais rien... je vous en supplie, arrêtez... j'ai mal... j'ai mal.

Ses forces l'abandonnent peu à peu, chaque mouvement lui arrachant des gémissements de douleur.

Le troisième coup est porté. L'ongle se détache encore plus rapidement, et Leïla hurle moins fort cette fois, comme si le sort voulait qu'elle s'y habitue. Ses yeux se ferment, sa tête tombant mollement sur son épaule sous l'impact de la douleur.

- Elle résiste plutôt bien. Ricane mon père.

Elle a fermé les yeux.

J'ai perdu le contact de ses iris.

Non, non, non !

Il échange un regard complice avec ses hommes, un petit rire commun s'élève et la nausée me vient. Il finit par observer Leïla un moment, jaugeant son état avec froideur, puis il fait un pas en avant. Il croise finalement les jambes et attrape le poignard qu'il porte à la cheville. Il le fait tournoyer dans sa main et je crie. Ma plainte est étouffée par les doigts de l'homme mais je m'y brise la gorge encore et encore. Lentement, il contourne mon amie, enroule une de ses mèches autour de son index et la porte à son nez. Il ferme les yeux un instant en humant son parfois...

Et soudain...

Soudain, d'un geste ferme mais calculé, il fait glisser la lame sur la gorge de mon amie. Un couinement de surprise échappe à Leïla dans un ultime souffle de douleur.

Il se penche légèrement sur son corps à peine conscient et murmure.

- Tu aurais pû au moins inventer des réponses. Ça aurait été plus divertissant.

Dans un gargouillement, le sang s'échappe en goulée par la plaie, emportant avec lui la vie de mon amie. Le corps de Leïla se fige, puis un dernier spasme le secoue et finalement il s'affaisse, et tout dans la pièce s'effondre en un silence assourdissant.

L'homme me lâche, mes genoux flageolent et désormais libre, alors que je pourrais courir vers elle, mon cœur se plie en deux et je vomis à mes pieds. Je peine à respirer alors que la bile me brûle la gorge.

Il vient...il vient de tuer Leïla !

Le sanglot qui me déchire est plus fort que tous les autres, je deviens hystérique en me précipitant vers elle. Je tombe à genoux à ses pieds alors que le sang glisse sur sa poitrine.

- Ouvre les yeux Leïla, je t'en supplie ouvre les yeux !

Le corps de Leïla, sans vie, repose lourdement sur la chaise. Je me presse contre elle en pleurant, tremblante, incapable de réaliser l'horreur de ce qui vient de se passer. Ses cheveux, encore humides de sueur et de sang, effleurent mon visage alors que je l'étreins, comme si je pouvais encore la protéger, comme si je pouvais la ramener. Mon souffle se brise, des sanglots désespérés secouent mon corps. Je pose ma main sur son visage, effaçant d'un geste tremblant les larmes et le sang qui maculent ses traits.

- Je suis désolée... je suis tellement désolée... je murmure d'une voix brisée, les mots s'étouffant dans ma gorge.

Je presse mon front contre le sien, cherchant un dernier contact, comme si ça pouvait apaiser ma douleur.

- C'est ma faute... tout est ma faute... Je chuchote ces mots sans fin, incapable d'accepter la réalité de son absence.

Le poids de la culpabilité m'écrase, chaque souffle me brûle la poitrine, chaque battement de cœur me rappelle que je suis là, et qu'elle ne l'est plus. Mes larmes coulent, inarrêtables, traçant des sillons humides sur mes joues, et je m'accroche à elle comme si je pouvais la retenir, la garder avec moi un peu plus longtemps. Mais elle est déjà froide, son corps inerte, figé dans une dernière souffrance que je ne pourrai jamais réparer et moi, couverte de son sang.

Submergée par la douleur, je n'entends pas la nouvelle venue se glisser dans le bureau parmi tous ces hommes. Je ne réalise sa présence que lorsque sa voix claire se répercute dans ce sous-sol, couvrant mon âme hurlante.

- Tu n'aurais pas dû négliger le fait que ton père ait des relations étendues dans cet état. Un seul coup de fil lui a permis de visionner chaque caméras sur lesquelles vous apparaissiez et de retracer votre chemin. Un claquement de doigt et il missionnait un homme proche de la ville où vous vous trouviez. Ce clan est une véritable fourmilière, il a vite compris ta fuite. Tu ne pouvais pas lui échappé, c'était inutile et stupide.

Ma mère.

Jamais bien loin aux mots dénués de compassion, comme des lames invisibles, froides et venimeuses.

Inutile et stupide.

Voilà donc ce qu'elle pense de la mort de Leïla. Une des personnes que j'aimais le plus dans ma misérable vie. Celle qui entretenait l'espoir.

- Allez viens ma fille, elle reprend, je suis venue te chercher pour commencer à préparer ton mariage.

Je serre Leïla plus fort contre moi. Pourquoi je n'entends pas son cœur battre contre le mien ? Pourquoi est-elle si froide ?

- Débarrassez-moi de son corps une fois que vous aurez fini de vous amuser, ordonne mon père à ses hommes.



_________

C'est un petit Hello que j'ai envie de vous dire ce soir, ce chapitre était atroce à écrire.

Je déteste Vladimir, de tout mon être.

Nous ne sommes pas là pour romantiser ces comportements, le danger qu'il représente n'a rien de sexy et purée ce serait bien qu'il paye en retour.

Qu'en pensez-vous ?

Que ressentez-vous après cette lecture ?

On se retrouve mercredi pour un nouveau chapitre.

Si vous lisez ce chapitre à sa sortie, demain j'ai ma rentrée ! J'espère que la votre s'est bien passée au fait !!

A bientôt,

Love 

Marie


Instagram : marie__frns

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