36. C'est ça ton plan ?
KEI
" Là où il n'y a le choix qu'entre lâcheté et violence, je conseillerai la violence "
- Gandhi
Hors de lui.
Kei était tellement hors de lui qu'il aurait aimé écraser ses poings dans le mur jusqu'à s'en briser les phalanges. Mais il n'était plus adolescent, il ne pouvait plus utiliser le prétexte de la moindre contrariété pour se comporter comme un imbécile.
Debout au milieu du salon, il faisait les cent pas comme un lion en cage. Ses ongles enfoncés dans sa paume avaient ouvert sa peau, mais la douleur n'était pas suffisante pour le calmer.
Il s'en voulait. Il s'en voulait terriblement de ne pas avoir su surpasser sa colère pour rassurer Nathaël. Il l'avait bien vue dans les yeux vairons, cette étincelle de déception, cette tristesse que le jeune homme s'était efforcé de dissimuler derrière un air agressif. Et pourtant, il n'avait pas su prendre sur lui pour le réconforter.
La révélation de Nathaël avait déferlé comme un ouragan dans son cœur, mélangeant cruellement toutes ses émotions. La peur d'abord, la peur qu'il arrive quelque chose à l'homme qui partageait sa vie depuis plusieurs mois, la peur qu'il puisse un jour payer pour une erreur stupide dont il n'était même pas coupable. La frustration ensuite, la frustration de ne pas pouvoir entamer sereinement cette relation, la frustration qu'il y ait toujours quelque chose qui se dresse entre lui et Nathaël et qu'il ne puisse rien y faire. La colère aussi, la colère envers la naïveté dont avait fait preuve Nathaël lorsqu'il était adolescent, mais plus encore, la colère envers ce Ciel, envers cet homme qui n'avait pas hésité à le mettre en danger sans se soucier des conséquences. Et enfin la déception, la déception de n'apprendre tout ça que maintenant, la déception de découvrir que le jeune homme lui dissimulait tant de secrets et la déception envers lui-même de ne pas avoir su comment réagir.
Soudain, un sursaut de rage le secoua et il se rua vers la porte d'entrée. Nathaël dormait - ou du moins s'était retranché dans la chambre – alors il ne sentit pas le besoin de le prévenir.
Kei se précipita vers sa voiture et tenta de se remémorer le chemin qu'il n'avait emprunté qu'une fois, le jour de l'anniversaire de Nathaël.
Heureusement, sa mémoire était bonne et il se gara en bas du bâtiment grisâtre dont les lueurs blafardes des appartements ressemblaient à autant d'étoiles tristes.
Il profita du fait qu'un homme sortait au moment où il arrivait pour se faufiler à l'intérieur et grimper deux à deux les marches qui menaient jusqu'au troisième étage. Là, il s'arrêta devant une porte à la peinture écaillée contre laquelle il frappa de grands coups.
Au bout de quelques secondes, la poignée tourna sur elle-même et une petite tête aux grands yeux bruns apparut dans l'encadrure. Le gamin devait avoir cinq ans à tout casser, mais son regard était déjà d'une détermination impressionnante.
— Coucou petit, lança Kei d'une voix qu'il s'efforça de rendre joyeuse, dis-moi, ton grand-frère est là ?
— Ça dépend lequel.
Derrière lui, Kei entendit des cris d'enfants et le tintement d'ustensiles de cuisine. Au moment où il allait répondre, une voix furieuse retentit derrière le petit.
— Oh, Sam ! Qu'est-ce que tu fous devant la porte ? Tu sais que t'as pas le droit d'ouvrir aux incon...
Le visage de Tom apparut dans l'entrée et Kei vit clairement ses yeux s'écarquiller sous la surprise. Très vite, ses sourcils se froncèrent méchamment et il lui lança un regard inquisiteur.
— Qu'est-ce tu fous là, toi ? l'apostropha-t-il grossièrement.
— Dis-moi où se cache Ciel.
Cette fois, Tom haussa les sourcils si haut qu'il eût l'air benêt. Jetant un coup d'œil rapide derrière lui, il poussa son frère vers la cuisine.
— Va voir maman, Sam. J'en ai pas pour longtemps.
A ces mots, il sortit de l'appartement et referma la porte derrière lui. Aussitôt fait, il attrapa Kei par le col de sa veste pour le plaquer contre le mur derrière lui.
— Putain, mais t'es pas bien ? rugit-il en le fusillant du regard. Tu crois qu'tu peux ramener ton cul chez moi comme ça et parler de Ciel devant mon frère ? Merde, mais t'es complètement con putain !
Son vis-à-vis garda un visage impassible et la détermination dans son regard ne faiblit pas.
— Dis-moi où il se trouve, répéta-t-il d'une voix glaciale.
— Putain, mais tu m'écoutes quand je te parle ? tonna le jeune homme. Je sais pas où il est, t'as rien à foutre là-bas de toute façon ! Attends mais... Comment tu sais que Ciel existe d'ailleurs ?
Les yeux bruns se firent soudainement suspicieux et la poigne autour du col de Kei se raffermit.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? siffla Tom dont le regard luisait d'inquiétude. Qu'est-ce que Nel t'a dit ?
— Qu'est-ce que Nel m'a dit ?
La voix de Kei fusa, chargée de mépris. Regagné par la colère, il poussa Tom suffisamment fort pour se dégager et rabattit ses cheveux en arrière d'un geste rageur.
— Oh mais il m'a tout dit. Tout ! Bordel, je peux pas croire que tu joues au grand frère protecteur dès que je l'approche, mais que t'aies jamais bougé ton cul pour le sauver de cette situation. Alors, quoi ? Ça te semble normal d'entraîner ton putain de frère dans une bande de connards qui dealent du sable ? C'est ça que t'appelles « protéger » ? Tu sais depuis le début que vos activités sont dangereuses et pourtant tu l'as laissé continuer ces conneries. Et maintenant qu'il est en danger, qu'est-ce que tu fous ? Tu restes les bras croisés et tu attends que ça passe. Je te jure que si c'était pas pour Nel, je t'aurais déjà balancé mon poing dans la gueule. Mais moi, je ne compte pas rester assis sans rien faire. Alors dis moi où se trouve ce fils de pute et je vais lui faire payer d'avoir mis mon mec en danger.
Tom resta interdit de longues secondes. Au fond de ses iris noirs, un orage commençait à gronder.
— Il lui est arrivé quelque chose, pas vrai ? grinça-t-il entre ses dents.
Kei retint de justesse la phrase assassine qui brûlait ses lèvres et grogna en guise d'acquiescement.
— Il s'est fait suivre en rentrant du boulot. Il m'a dit que c'était la deuxième fois.
Dans les yeux sombres, l'orage éclata et Tom contracta la mâchoire. Ses poings se serrèrent contre ses cuisses puis il lança un dernier regard à son interlocuteur avant de se diriger vers la porte de son appartement.
— Attends-moi deux minutes. Je viens avec toi.
***
Les maisons se faisaient rares au fur et à mesure que la voiture s'enfonçait dans l'obscurité. Les mains crispées sur le volant, Kei tentait de résorber la rage qui lui tordait les entrailles pour éviter de faire une idiotie. Assis à ses côtés, Tom avait posé sa tête contre la vitre et gardait les yeux résolument rivés vers le paysage.
— Combien de gars sont à la planque ? finit par demander le plus âgé.
Tom lui lança un regard furtif puis haussa les épaules. La tension qui émanait de lui était presque palpable.
— J'en sais rien. Il y aura au moins Ciel et Stone. Peut-être plus.
— Ils sont armés ?
— Quoi ?
La voix du jeune homme était montée dans les aigus. Kei réitéra sa question avec calme.
— Est-ce qu'ils sont armés ?
Seul le silence lui répondit pendant quelques secondes.
— Je sais pas, souffla Tom. Peut-être que Stone et ses gars ont des couteaux sur eux. Ciel ne se bat pas.
— OK.
Kei sentit le regard insistant de son passager sur lui mais refusa de le lui rendre. Ce fut Tom qui brisa à nouveau le silence.
— Qu'est-ce que tu comptes faire ? Tu pourras pas les battre à mains nues. C'est même pas sûr qu'ils nous laissent entrer.
— Je ne sais pas. Je veux voir ce fameux Ciel. Ensuite j'aviserai.
— C'est ça ton plan ? grogna Tom en s'enfonçant un peu plus dans son siège, l'air agacé. Si j'avais su, je ne t'aurais pas suivi.
Cette fois, Kei lui lança un regard noir et crispa un peu plus ses doigts autour du volant.
— Me cherche pas, Tom. Je suis toujours en colère contre toi et je pense toujours que t'es un putain d'imbécile d'avoir laissé ton frère se foutre dans une situation pareille.
Le concerné parut sur le point d'aboyer, mais à ce moment-là, l'entrepôt apparut au bout du chemin. Kei se gara à quelques mètres de la porte d'entrée et coupa le moteur.
Les deux hommes restèrent immobiles quelque temps, soudainement rattrapés par la réalité de la situation. Si la haine et la colère les avaient poussés jusque là, ce n'était certainement pas ces mêmes sentiments qui allaient leur permettre d'en sortir.
Kei se sentit désemparé. Que venait-il chercher dans ce vieil entrepôt isolé de tout ? Que comptait-il faire ? Attraper Ciel par le col et l'insulter de tous les noms ? Faire un caprice devant tous ses gars pour les obliger à calmer la situation et mieux protéger Nathaël ? Pourquoi avait-il quitté Nathaël d'ailleurs ? Qu'avait-il pensé en l'abandonnant chez eux alors qu'il était clairement en état de choc ? Pouvait-il se revendiquer comme étant son mec alors qu'il n'était même pas capable de prendre soin de lui ? Bordel, il ne savait même pas s'il s'attaquait à un petit groupe de merdeux ou à une véritable bande organisée.
Submergé par ses pensées négatives, Kei ouvrit d'un coup sec la portière et s'extirpa dans le froid de la nuit. Comme si cela avait servi de feu vert, Tom l'imita et les deux hommes s'avancèrent vers l'entrepôt.
Au moment où ils arrivèrent devant l'entrée, la porte s'ouvrit et un espèce de mastodonte leur bloqua l'entrée. Ses yeux excessivement verts poussaient à se mettre instinctivement sur ses gardes et sa posture menaçante en aurait dissuadé plus d'un. L'inconnu croisa les bras sur sa poitrine et le mouvement fit jaillir des biceps si imposants que Kei était persuadé qu'il aurait été possible de faire des montagnes russes dessus.
— Qu'est-ce que vous venez foutre ici ?
La voix caverneuse fit grimper des frissons le long de l'échine des deux hommes mais aucun ne tiqua.
— Je veux parler à Ciel.
Le géant glissa ses yeux émeraudes sur Kei et ses lèvres fines se tordirent en une petite grimace méprisante.
— Tu viens voir Ciel ? Et je peux savoir ton putain de nom ?
— Kei Néroni. Je suis...
— Un pote de Nathaël, termina Tom pour lui.
Le colosse les fixa longuement et s'appuya un peu plus contre le chambranle de la porte.
— Ciel n'est pas là. Vous pouvez repartir.
— Je sais qu'il est là, contredit Kei.
Il sentit Tom se tendre à ses côtés et fut certain qu'il l'aurait frappé en plein estomac s'il avait pu. Pourtant, cela ne le découragea pas.
— Je veux lui parler, continua-t-il avec force. S'il se targue d'être votre chef, alors qu'il se comporte comme tel et vienne me voir.
L'inconnu se redressa pour toiser son interlocuteur du haut de ses deux mètres et des poussières.
— Pour qui tu te prends espèce de fils de pute ? gronda-t-il d'un air mauvais. Tu crois que tu peux venir ici et donner des ordres sans prendre le risque que je te casse la gueule ? Tu ferais mieux de...
— Laisse tomber Stone, intervint soudainement une voix rocailleuse, j'm'en occupe. Fais les entrer.
Le géant sembla hésiter quelques secondes, mais finit par se décaler à contrecœur.
Lorsqu'enfin ils pénétrèrent dans l'entrepôt, Kei fut surpris par l'odeur âcre de fumée, mélangée à celle de l'essence, qui flottait dans l'air.
A quelques pas de lui, nonchalamment assis sur une chaise de camping, un homme d'une vingtaine d'années aux cheveux d'un bleu très vif les observait s'approcher. Kei se campa devant lui et sentit le colosse se placer juste à ses côtés, au cas où il déciderait de faire une idiotie.
Au fond de la pièce, deux hommes s'activaient autour de leurs motos et coulaient sur lui des regards méfiants.
— J't'écoute, lança le fameux Ciel d'un ton traînant. Qu'est-c'tu veux m'dire sur Nathaël ?
— Je veux que tu fasses quelque chose pour arranger cette putain d'histoire de vengeance, déballa Kei d'une voix neutre. Nathaël s'est encore fait suivre aujourd'hui et je ne supporte pas qu'il soit en danger à cause de toi. Alors soit tu règles tout ça, soit je te balance à la police.
L'homme eut un petit rictus moqueur et son visage tatoué se crispa.
— Tu m'menaces ? souleva-t-il dans un ricanement âpre.
— Non, je te préviens, précisa le jeune professeur. Je me contrefous de tes affaires tant que tu ne le mets pas en danger. Mais si c'est le cas, il est hors de question qu'il subisse ça tout seul.
Ciel partit dans un grand rire rauque qui se termina en quinte de toux grasse. Ses yeux bleus intenses se firent violents et sa bouche fine se tordit en un méchant sourire.
— T'as vraiment des couilles d'venir m'menacer comme ça. Pour qui tu t'prends ? T'crois que j's'rai pas capable de t'faire taire ?
— Qui en a après Nathaël ? insista Kei sans se laisser déstabiliser.
L'homme arbora cette fois un air impassible et fixa longuement son interlocuteur qui sentait son cœur tambouriner dans ses oreilles.
— Personne d'important, finit par répondre le chef du groupe. Juste une p'tite bande d'à côté. Ils lui f'ront pas d'mal. Veulent juste l'impressionner.
— Ils avaient un flingue la première fois, intervint Tom qui tremblait de rage. C'est pas que des menaces. Tu les as vraiment énervés en volant ce papier. Tu dois faire quelque chose pour les calmer.
— Il est hors d'question que j'me plie face à ces connards. Qu'est-c'tu comprends pas, Tom ? C'est moi qui décide et t'sais très bien que j'mets pas mes gars en danger.
— Ils avaient un putain de flingue ! répéta le concerné en haussant la voix.
Kei lui jeta un rapide coup d'œil et comprit qu'il ne lui en faudrait pas beaucoup plus pour exploser. Les gars jusqu'alors occupés à nettoyer leurs motos s'étaient rapprochés pour former une ligne protectrice devant leur chef. Si ça continuait ainsi, ça allait mal finir.
Et pourtant Kei était incapable de se raisonner.
Lui aussi sentait cette colère bouillonner dans ses entrailles, ne cherchant qu'un prétexte pour remonter le long de son œsophage et jaillir hors de sa gorge. L'envie d'écraser ses phalanges contre le visage de ce gamin arrogant – ne serait-ce que pour lui remettre les idées en place – le démangeait tellement qu'il était surpris de ne pas encore avoir laissé libre cours à ses pulsions violentes.
Il ne s'était pas senti aussi enragé depuis son adolescence et il commençait à se demander s'il s'était réellement assagi depuis.
— Y va pas leur falloir beaucoup d'temps pour s'rendre et accepter mes conditions, reprit Ciel avec froideur. J'ai attendu assez longtemps pour p'voir enfin écraser ces connards alors vous n'allez pas tout gâcher maint'nant. Ce s'ra bientôt fini, alors prenez sur vous si vous avez trop peur, mais v'nez pas m'faire chier.
Fût-ce la provocation de trop ? Kei avait-il accumulé trop de rancœur en quelques heures pour réussir à faire primer sa raison sur ses émotions ? Toujours est-il que son poing vint se fracasser contre la pommette de Ciel avant même que quiconque dans la pièce ne l'ait vu lever le bras. Il aperçut clairement les yeux de sa victime s'écarquiller de surprise et entendit Tom pousser un juron à ses côtés.
Aussitôt, un bras puissant s'enroula autour de son cou et sa respiration fut coupée net. Le corps massif du colosse se plaqua dans son dos et il le sentit appuyer de toutes ses forces contre sa trachée pour l'immobiliser. Les yeux de Kei s'exorbitèrent sous le manque d'oxygène. Son cœur s'affola.
Alors que la panique aurait dû le gagner, une autre émotion se diffusa dans ses veines et fit trembler ses membres. Juste là, tapie au fond de sa poitrine, cette espèce de folie extatique qui l'habitait dès qu'il se battait contre quelqu'un venait de sortir de sa cage. Au lieu d'avoir peur, ce fut l'excitation qui l'envahit, et il ne put se retenir de sourire lorsqu'il rua contre son adversaire et parvint à enfoncer son coude dans son estomac.
La poigne se desserra à peine, mais suffisamment pour qu'il puisse baisser la tête et planter ses dents dans l'avant-bras qui oppressait sa gorge. Au même moment, il balança sa tête en arrière pour écraser son crâne contre le nez du colosse. Ce dernier poussa un grognement sourd et cette fois, son étreinte fut assez lâche pour que Kei puisse se dégager.
Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Du coin de l'œil, il entrevit Tom qui envoyait des coups de poing puissants vers les deux gars qui protégeaient Ciel. Celui-ci, de nouveau assis sur sa chaise de camping, observait d'un air hébété la scène qui se déroulait sous ses yeux, poussant Kei à se demander s'il savait seulement se battre. N'était-il finalement qu'un beau parleur ?
Perdu, Kei porta à nouveau son attention sur le géant. Il n'était pas stupide, il avait réussi à le déstabiliser en le prenant par surprise, mais il ne faisait clairement pas le poids. Déjà, l'homme avait repris contenance et ses yeux verts étaient devenus noirs de colère. Sous son nez, un filet de sang s'écoulait sans qu'il ne prenne la peine de l'essuyer.
Merde, jura Kei intérieurement. A quel moment je me suis retrouvé dans cette situation ? Putain, si quelqu'un apprend qu'un prof de fac s'est retrouvé au milieu d'une bagarre de rue, j'suis bon pour finir ma carrière dans un fast-food.
Cette pensée l'amusa plus que nécessaire. Esquivant le coup que tenta de lui asséner le dénommé Stone, il remercia silencieusement ses années de boxe qui lui avaient inculqué de très bons réflexes.
Le colosse était inépuisable. Ses poings fusaient avec une vitesse étonnante et Kei ne voyait aucune ouverture pour attaquer à son tour. Au bout d'un moment, il crut saisir une opportunité et frappa de toutes ses forces dans l'estomac de l'homme. Ce dernier grimaça et se recula, mais ne cessa pas ses coups et Kei finit par en recevoir un en plein visage. Un autre suivit, frappant de plein fouet son plexus solaire, et un dernier s'écrasa contre sa tempe.
Kei tituba et siffla de douleur en sentant son nez le lancer affreusement et sa tête tourner comme s'il venait de faire quatre cents loopings. A moitié sonné, il resserra sa garde et se recula, la respiration saccadée. Ce fut sans surprise qu'il constata que du sang ruisselait sur son menton.
Merde, merde, merde, se maudit-il. J'étais revenu pour avoir une vie calme. Pour avoir la vie d'un mec de trente-trois ans, posée et sans encombres. Pourquoi j'me bats comme un ado enragé ?
Sans réfléchir, et rassemblant ses dernières forces, il se lança une dernière fois contre le géant qui avait tourné une seconde le regard vers son boss et lui asséna un coup entre les yeux.
Son adversaire fit un pas en arrière et il en profita pour faire volte face et chercher Tom du regard.
— Tom ! hurla-t-il. On se casse !
L'interpellé ne se fit pas prier et, après avoir évité un coup puis en avoir rendu un autre, il détala vers la sortie, suivi de près par son coéquipier de la soirée.
Kei ne se rappelait pas avoir couru un jour aussi vite. Derrière eux, les jurons fusaient et il remercia un dieu auquel il ne croyait pas que les hommes ne soient pas armés.
Les deux partenaires se jetèrent dans la voiture et Kei démarra en trombe, les mains tremblantes d'adrénaline.
Au bout de quelques kilomètres effectués dans un silence pesant chargé de tension, Kei sentit enfin son corps se détendre et il ne put s'empêcher d'éclater de rire. Ses épaules tressautèrent et des larmes roulèrent le long de ses joues tandis qu'il partait dans un délire hystérique qui lui valut un regard horrifié de la part de Tom.
— Ça te fait rire, espèce de taré ? l'insulta ce dernier. Ah t'as eu une bonne idée de venir ici ! Putain de génie !
Le fou rire de Kei redoubla d'intensité et son nez le lança douloureusement sous la pression qu'exerçaient ses zygomatiques dessus.
Finalement, Tom se détendit à son tour et un gloussement lui échappa avant que le fou rire ne l'emporte à son tour.
— On a été pitoyable, pouffa Kei en s'essuyant les yeux. Oh putain, je n'ai jamais été aussi mauvais à un combat.
— Tu déconnes ? rétorqua le plus jeune. J'aurais jamais cru que tu puisses tenir tête à Stone !
— J'lui ai pas tenu tête, j'ai essayé de ne pas mourir.
Tom gloussa une nouvelle fois et frotta sa pommette sur laquelle se formait un joli hématome.
— Bon, en tout cas, on a bien résolu la situation !
Les deux hommes s'échangèrent un regard et repartirent en fou rire.
Ils savaient qu'ils avaient foiré. Non seulement ils n'avaient pas arrangé la situation pour Nathaël, mais en plus les deux frères ne pourraient certainement plus jamais poser un pied au sein de la bande. Ils avaient agi impulsivement, stupidement, et en avaient payé les conséquences.
Kei n'était pas idiot, il savait parfaitement que ce genre d'action mené à l'improviste sous le coup de la colère n'amenait jamais rien de bon. Mais merde, c'était de Nathaël dont on parlait. Personne n'avait le droit de lui faire du mal, jamais. Il se doutait que ces petites bandes de campagne n'étaient pas aussi féroces que celles qu'il avait connues à la capitale, mais il suffisait parfois d'une action inconsidérée – comme celle que Ciel avait ordonnée à Nathaël – pour que les choses s'aggravent. Et il était hors de question que cela retombe sur l'homme qu'il aimait.
Épuisé et le corps endolori, Kei soupira avant de couler un regard sur Tom. Ils allaient trouver une solution. A deux, ils réussiraient à protéger Nathaël et à arranger les choses. Il en était certain.
— Bon allez, je te ramène, souffla-t-il d'une voix soudainement empreinte de fatigue. Je pense qu'on a fait assez de conneries pour ce soir.
NDA : Booon j'ai cru que je ne le sortirais jamais ce chapitre !
Je suis désolée, en ce moment j'ai mille trucs à faire et en plus de réduire mon temps d'écriture, ça affecte ma motivation. Les chapitres suivants devraient - je dis bien " devraient " - être plus simples à écrire mais je ne pense pas pouvoir en sortir plus d'un par semaine.
Du coup celui d'aujourd'hui est un peu long mais je me voyais pas trop le couper en deux...
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez et à voter pour m'envoyer un peu de force ahah
J'vous fais des bisous et vous dis à très bientôt !
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