•Chapitre 6•

Lorsque la souffrance devenait une chose impossible a éviter, nous avions tous le même réflexe: tenter de se convaincre que ça pourrait être pire. Pour se convaincre, on usait de phrases toutes faites et stupides tel que : "Ce quine me tue pas, me rend plus fort".Foutaise. Mais, pour nous, être humain, se rassurer était un véritablement besoin, similaire à celui de reposer notre vie sur quelque chose.

Quand je sortis du bureau du Doc avec ce dernier collé à mes basques,j'aurais voulu -en tant qu'humaine- pourvoir me reposer sur quelque chose ou sur quelqu'un. J'aurais voulu voir le sourire rassurant de ma mère, mais elle ne semblait pas disposer à me l'offrir...

Après avoir parlé au doc en face du bureau de la secrétaire, nous partîmes toutes deux de manière très silencieuse en direction de la Volvo. Une fois dedans, je m'attendais à ce qu'elle amorce la conversation, mais rien ne vient, alors je me tus aussi, ne savant pas si parler serait judicieux. Quand nous arrivâmes à la maison, ma mère hurla le nom de mon père qui cria pour indiquer sa présence dans la cave qu'il avait- depuis peu-aménagé en atelier pour mettre à bien sa lubie du moment. Soit la menuiserie.

C'était une passion qui selon ma mère lui était déjà passée par la tête lorsqu'elle était enceinte de moi et durant les premières années de ma vie. Sans que je m'en souvienne.

Le projet de mon père était de me créer une bibliothèque pour mon seizième anniversaire. Soit pour le 24 Décembre.

Quand ma mère m'attendait, le but de mon paternelle était de construire mon berceau de ses mains. J'avais fini dans un berceau acheté chez un brocanteur deux jours avant ma naissance.

La passion subite de mon père pour la menuiserie l'avait pris il y a plus d'un mois. C'était assez drôle parce que, nous devions tous sourire lorsqu'il venait tout heureux en disant qu'il avait réussi a clouer une planche, puis nous devions tous nous montrer tristes quand il revenait cinq minutes plus tard pour nous dire que cette même planche venait de se casser la figure.

-Comment tu vas ma chérie ? Me demanda mon père en relevant la tête de sa planche de bois et en m'ouvrant les bras pour que je m'y réfugie.Évidement, j'y accouru, laissant ma mère qui descendait les escaliers d'un pas lent, derrière moi. Quand ma tête percuta le torse de mon père, je sentis ses bras se refermer dans mon dos. Le goût salé de mes larmes se mélangeait à l'odeur de sueur et de parfum qui se dégageait de la chemise de mon paternelle.

-Ne pleure pas ma Alie, tout vas bien se terminer, on est là et ont'aime. Tu le sais ça pas vrai ? Reprit-il en me caressant le dos et en me rapprochant encore un peu plus de lui alors que je hochais la tête dans son torse.

Je sais que lui m'aime...

-Ma Alie, ma chérie... tout va bien... Murmurait mon père d'une voix que j'entendis se briser. Il posait son menton sur le haut de ma tête, si bien que sa barbe naissante me griffa le crâne.

Alie était le surnom que me donnait mon père depuis que j'étais toute petite. C'était étrange de l'entendre utiliser ce diminutif pour une situation qui m'apparaissait si dramatique alors que d'habitude il ne l'utilisait que pour des situations heureuses.

"Oui,Allie !
Catherine !
Alie à fait un pas ! Vas-y ma chérie encore un pas. Viens voir papa Alie ! Papa est tout près detoi! Papa sera toujours près de toi ma chérie."

"Tu vas voir Alie, l'école il n'y a rien de mieux."

"Alie! J'ai acheté un nouveau roman ! Je suis sûr qu'il va te plaire !"

-Rien ne va papa... Chuchotais-je

-Inutile de lui mentir Charles. Alice a raison. Rien ne va. Attesta ma mère qui avait, enfin, fini de descendre toute les marches qui menaient à la cave (devenue atelier).

Mon père se détacha de moi et regarda sévèrement ma mère.C'était la première fois que je voyais mon paternelle regarder sa femme de manière aussi courroucée. Il y avait beaucoup de chose que j'avais héritée de Charles Langford à commencer par son physique, mais mon caractère n'était celui d'aucun de mes parents. Ni celui sérieux et perfectionniste de ma mère et encore moins celui gentil et social de mon père. Cependant voilà que je découvrais une nouvelle facette de la personnalité de celui qui avait participé à ma conception.

-Alice va dans ta chambre s'il te plait... Ta mère et moi devons parler...

Sans poser d'autre question je montais quatre à quatre les escaliers qui menaient au rez de chaussé de la maison. Une fois arrivée à la dernière marche, je regardai derrière moi, constatant que mes parents ne me lançaient aucun regard, alors je redescendis de trois marches pour les écouter.

-Non! Mais ça va pas de dire ça, devant elle ! Après une crise en plus! Qu'est-ce que tu cherches Catherine ? Clairement dit moi ce que tu cherches ! Hurlait mon père d'une voix grave qui me donnait l'impression de faire trembler les murs de l'atelier. Je n'avais jamais entendu mon père crier sur quelqu'un d'autre que Paul en bientôt seize ans d'existence. Et jamais il n'avait crié aussi fort.

-Arrête de me faire toujours passé pour la méchante de service Charles !Lui répondit ma mère sur le même ton. J'en ai marre qu'Alice te regarde toujours comme son sauveur parce que tu la prends dans tes bras en murmurant "Alie, ma chérie, je suis là pour toi, tout va bien se passer". Arrête ça Charles ! Parce qu'après c'est moi qui ramasse les pots cassés! C'est toujours moi la méchante !

Une minute passa dans le silence sans que ni l'un, ni l'autre n'ouvrent la bouche. De mon côté j'arrêtai momentanément de respirer de peur qu'ils entendent la troisième respiration qui raisonnait dans la pièce.

-Tu sais quoi Charles, j'en ai marre.

-Marre de quoi Cathy ? Demanda mon père d'une voix lasse bien que le ton restait sec, je crus l'entendre s'asseoir sur l'une des chaises grinçantes du bureau de son atelier, mais je n'étais pas sûre.

-Marre de suivre les ordres que tu me donnes depuis juin dernier. "Catherine ne lui provoquons pas de choque... Inutile de tout lui dire.", "Notre fille est fragile, ne lui fais pas de mal je t'en pris". Tes conseils pour la ménager et empêcher de nouvelle crise chez notre fille, ne nous on pas avancé Charles parce que tu sais ce que m'a dit le docteur Richardson toute à l'heure ? Il m'a dit qu'Alice ne se considère pas comme malade ! Si elle ne prend pas ses médicaments c'est parce qu'elle ne se considère pas comme malade ! Cria ma mère avant de se mettre à pleurer.J'entendis les pas de mon père qui se dirigeait vers elle pour la prendre dans ses bras. Le bruit des sanglots étouffés de ma mère me parvenaient depuis le haut des marches.

Est-ce que j'étais malade ?

Il était certain que j'avais un problème, mais pouvait-on vraiment dire que j'étais malade ? Tous mes sens étaient fonctionnels. Tous mes muscles marchaient correctement.

Alors étais-je vraiment malade ?

Situ as des médicaments, c'est que tu es malade Alice... Chuchota une petite voix qui venait de faire son entrée dans mon esprit.Comparé à ma conscience qui - d'habitude- était cynique ou -et-ironique, cette nouvelle petite voix se montra beaucoup plus douce et agréable.

Situ trouves l'arriver d'une nouvelle voix à l'intérieur de ton crâne « douce et agréable » c'est vraiment que tu devrais les prendre tes médicament. Fit, remarquer ma conscience, cette fois.

-Son psy parlait de l'internet en cas de nouvelle crise... Reprit ma mère après avoir fini de pleurer. Du coin de l'œil, je la vis même essuyer l'une des ses joues.

-Tu penses qu'on devrait lui en parler ? Demanda mon père qui semblait en train d'abdiquer.

-Pas aujourd'hui... Pas maintenant...Elle en a assez baver.Mais...tu es vraiment d'accord ? S'étonnait-elle.

-Cathy,on à essayé ma méthode et ça n'a visiblement pas marché. Il serait déraisonnable et égoïste de refuser de tenter de suivre ton idée par simple fierté. De plus, je ferais tout, si ça peut nous laisser Alice.

Sur ce, je les ai entendu s'embrasser langoureusement et décidai donc qu'il était temps pour moi de quitter ma cachette et de monter vraiment dans ma chambre.

***

Ma chambre était ma pièce préférée, elle se situait dans les combles que mes parents m'avait aménagé. C'était moi qui avais demandé à disposer du grenier en guise de chambre parce que jevoulais me la jouer à la Cendrillon qui attendait son prince dans le grenier. J'avais cinq ans quand nous avions aménagé dans la grande maison, ce qui expliquait certaines choses.

Lorsqu'ils l'avaient fait aménager, mes parents avaient demandé à ce que l'on garde les éléments principaux de la pièce. Ainsi la chambre disposait de grosses poutres apparentes au plafond et d'une lourde porte en bois massif, que nous ne fermions plus depuis juin. Inutile de m'enfermer avec des démons qui me hantaient déjà.

Quand j'entrai dans ma chambre, je partis directement m'asseoir sur le fauteuil de velours noir -que j'avais trouvé dans une brocante avec mon père l'année de mes quatorze ans- qui se trouvait au milieu de la pièce. Une fois que je me fus installée, je me demandai ce que j'allais faire, je me retournai vers la bibliothèque -en plastique rose achetée à IKEA- pleine à craquer. Mais même le livre de monpère : "Boy where are you ?" nem'attirait pas. Remuer une nouvelle fois les idées de folie et de problèmes psychiatriques, ne me tentait pas.

Mes yeux tombèrent sur mon chevalet qui trônait près de la fenêtre.Dessus, se trouvait le tableau sur lequel je travaillais depuis plus de trois mois.

Le Cupidon Sans Visage.

L'idée de peindre, m'attirait déjà plus que celle de lire, je me levai et m'assis près du chevalet et regardais fixement ma peinture en cherchant à savoir ce que je pouvais lui ajouter. Quel était l'étincelle qui manquait mais qui, une fois peinte, changerait tout et donnerait suffisamment de caractère à mon tableau pour que je puisse le considérer comme terminé.

Quand j'avais commencé a ébaucher l'idée d'un Cupidon, je ne voulais évidement pas rentrer dans le cliché du bébé joufflu avec des petites ailes et une représentation d'arc en plastique. Je voulais au contraire que malgré le coté-obligatoirement- divin qui s'accorde à Cupidon ce dernier soit représenté à mon échelle,soit, comme un adolescent. Depuis les premières ébauches, il s'agissait donc d'un grand garçon aux cheveux bruns et qui lui tombaient sur un front qui ne lui était pas dessiné. Parce que l'Amour n'avait pas de visage. Sur son épaule droite, là ou chez les adolescents "normaux" il y avait un cartable qui pendait, il y avait là, sur l'épaule du Cupidon un carquois que j'ai tout fait pour rendre le plus réaliste possible.Fin et noir, il n'était agrémenté d'aucun cœurs inutiles. A l'intérieur de ce même carquois se trouvent trois flèches. Deux Rouges et Une Noire. Si on poussait l'analyse jusqu'à l'interprétation, je pourrais dire que les deux flèches rouges étaient destinées aux deux amoureux qu'il devait encourager dans leur amour malgré le fait que lui-même était amoureux de la fille. Ainsi,dévoré par le désespoir, il envisageait de se tirer la flèche noire, porteuse de poison mortel. Son épaule droite était porteuse d'un arc grand, lourd et en bois précieux peint en noir. Son bras gauche était tendu vers l'arrière car il était sur le point de saisir son arc.C'est sur cette image-ci que le tableau se fixait.

Après une demi-heure à fixer la toile et ne trouvant toujours pas quoi rajouter, je décidai de descendre pour demander à l'un de mes parents de m'accompagner dehors vu, que je n'avais pas le droit d'y aller seule...

Dans le salon, sur le canapé d'angle blanc, ma mère avait la tête sur les genoux de mon père et tous deux regardaient la télévision ensemble. Visiblement heureux de partager du temps l'un avec l'autre.

Peut-être que ma conjecture était fausse. Peut-être étaient-ils encore très amoureux. Et peut-être qu'une histoire d'amour comme la leur survivait vraiment à toutes les épreuves.

-Papa,est-ce que on peut aller se promener ? Demandais-je d'une petite voix étouffée.

-Alie...Alice, se reprit-il sous le regard perçant de ma mère, tu devrais remonter te reposer.

-Ton père a raison ma chérie, tu te promèneras avec Paul quand il rentrera ok ? Ajouta ma mère d'une voix plus douce qu'à son habitude.

Je remontais les marches jusqu'à ma chambre sans leur répondre. Une fois que j'eu une nouvelle fois passée la lourde porte de bois, je me rua sur le rebord de ma fenêtre.

L'avantage principal de ma chambre -en plus du fait que le cadre me rapprochait d'une princesse- était la fenêtre qui disposait d'un support sur lequel je pouvais m'asseoir à ma guise pour réfléchir, rêver ou simplement profiter de la vue qui m'était offerte. Après avoir ouvert les vitres sales, je m'assis avec précaution en fixant mes pieds. Une fois confortablement installée j'essayais de fixer le soleil qui commençait à décliner bien qu'il n'était que seize heure. Mes yeux étaient irrémédiablement attirés par le sol, je me sentais désagréablement observée. En changeant de position je tentais d'échapper à ce regard qui pensait sur mes épaules. Mes jambes pendaient dans le vide et pourtant j'avais encore le sentiment d'être observée. A force de bouger je commençais à prendre peur de tomber et décidai donc de retourner à l'intérieur.  

Une sortie me fera le plus grand bien. Pensais-je en décidant de sortir malgré l'interdiction de mes parents.

Si je voulais partir sans que personne ne s'en rende compte, il fallait que je passe par une fenêtre. Après un rapide coup d'œil en direction de ma propre vitre je conclus qu'il serait trop dangereux de passer par là. Après m'être assise sur mon lit, je réfléchis en visualisant mentalement la maison. Notre demeures'étendait sur trois étages, si l'on comptait le grenier. Les étages étaient si rapprochés du sol que le premier étage -celui qui abritait la chambre de mon frère- ne se trouvait à même pas un mètre du sol. Je pouvais donc passer par là sans prendre un énorme risque.

En dévalant les escaliers je me rappelai que mon frère, tous comme mes parents, avait la fâcheuse habitude de fermer sa chambre à clef.Quand ma main se posait sur la poignet, je remarquais que ma main était affreusement chaude et moite comparée à l'ouverture en métal de la porte.

Dieu merci elle s'ouvrit sans que je ne force.

Paul,tu aurais dû jouer la sécurité aujourd'hui... Remarquais-je silencieusement en me demandais pourquoi il ne l'avait pas fermé. Peut-être était-il pressé de quitter cette maison de l'enfer et de la folie. Peut-être qu'il était en retard pour prendre le bus, vu qu'il le prenait un arrêt avant. Ou peut-être qu'Inès l'attendait de l'autre coté de la rue qu'on voyait depuis sa fenêtre. Peut-être que mon petit frère était impatient de prendre sa petite amie dans ses bras, de sangloter sur sa vie familiale sens dessus dessous tout en serrant les petites mains manucurées de sa copine.

La chambre de mon frère était parfaitement propre et organisée. Sur les quatre murs bleus, s'affichait des posters de footballeur dont je ne connaîtrais sûrement jamais les noms. Sur sa table de chevet trônait la télécommande de la télévision que lui avait offert notre mère pour son douzième anniversaire ainsi qu'un paquet de mouchoirs encore neuf. J'ouvris la fenêtre qui ne couina pas comparé à celle de ma chambre. Après avoir enjambé l'obstacle qu'était le rebord, je poussais un petit cri et atterrie de l'autre coté.

J'étais dehors. Seule. Sans autorisation.

Le silence était affreusement lourd, je n'entendais que le bruit de mes propres pas. D'habitude, mes ballades se faisaient avec mon père ou mon frère. Avec le premier c'était souvent très agréable car nous parlions de nos impressions sur un même livre que nous avions lu, ou encore - etc'était mes moments préférés- il me racontait les idées qu'il avait eues pour son roman. Des idées que finalement il n'avait pas mises. De ce fait, quand il me les racontait, je me sentais comme privilégiée.

Le livre de mon père "Boy Where are you ?" était sorti l'année de ma naissance, durant les première années de ma vie je me souvenais ne pas l'avoir beaucoup vu parce qu' il enchaînait les tournées des librairies pour dédicacer les exemplaires de son roman. Il était au sommet de sa gloire bien qu'aujourd'hui "Boy Where are you?"  n'était rien d'autre qu'un petit roman, écrit par un petit auteur que l'on ne trouvait qu'aux fins fonds des rayons d'une bibliothèque de campagne. Le roman de mon père traçait la vie de Julien, jeune étudiant en médecine qui se retrouvait à devoir vivre sa vie après que son frère aîné soit mort d'un cancer du pancréas. Julien se retrouvait à ne plus savoir quoi faire de sa vie vu que cette dernière avait toujours été dictée par son défunt frère. Le protagoniste de Julien était depuis toujours un personnage auquel je m'identifiais,mais depuis quelques temps je me sentais encore plus proche car la mort était aussi un sujet qui me hantait...


Maintenant,mon père était prof de philo dans une université, ainsi quand il ne pouvait pas m'accompagner -en général parce qu'il est toujours au travail- c'était Paul qui s'y collait. Autant dire qu'avec ce dernier les balades étaient beaucoup moins agréables. Mon frère passait son temps à marmonner dans sa barbe, avec les mains dans les poches. Les seules fois où il daignait m'adresser la parole c'était pour me demander quand nous pouvions rentrer. Parfois j'avais l'impression de l'entendre me demander quand est-ce que j'allais enfin disparaître de sa vie pour qu'il puisse la mener comme un adolescent normal.

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