•Chapitre 4•

Au lycée Jean Moulin, comme dans la majorité des lycées, la récréation avait lieu après deux heures de cours. Le lundi matin,j'avais une heure de physique chimie, puis la classe était séparée en plusieurs groupes. Il y avait ceux qui se rendaient en cours d'économie, ceux qui devaient se rendre en Italien et ceux qui-comme moi- allaient en cours de Littérature et Société.

En général, le lundi matin, le cours de Littérature et Société était le seul qui me plaisait. C'était le seul cours du lundi ou je me rendais en me disant que j'allais y travailler. Mais aujourd'hui,la demande de Sam me trottait dans la tête et me tordait l'estomac, tellement que le cour m'agaçait et je fixais à instance régulière l'horloge qui se trouvait là, aussi au dessus du tableau.

Il restait pourtant quinze minutes quand j'entendis la sonnerie raisonner dans la classe. Je ne posais pas plus de questions et me levais, rangeais mes affaires avec pour intention de me rendre au foyer le plus vite possible.

-Miss Langford ? Puis-je savoir pourquoi vous vous levez ? Me demanda ma prof de littérature en me regardant par dessus ses grosses lunettes à motif écaillé.

-Euh...Madame, ça à sonner... Répondis-je le plus normalement du monde d'une voix qui s'éleva pourtant de matière tremblotante.

Madame Delatraine continua de m'observer par dessus ses lunettes encore un quart de seconde, puis elle regarda sa montre vert fluo qu'elle oubliait toujours sur le bureau à la fin des cours.

-Il n'est pourtant pas encore 9 heures 45. Fit-elle remarquer en reposant doucement sa montre sur le bureau de bois.

Elle allait encore l'oublier.

-Vous avez entendu la sonnerie vous ?

Maclasse de littérature et société étaient composée de neuf filles, et deux garçons. Autant dire que je ne connaissais aucun de leur nom et qu'eux ne devaient pas connaitre le mien. Cela ne les empêcha pourtant pas de me contredire en répondant négativement à la question de la prof.

-Tu te moques de moi Alice ? Me demanda la femme aux cheveux parsemés de fils d'argent. En me regardant par dessus ses lunettes. Sa voix s'était faite plus acide et le talon de sa bottine boueuse cognait plus ardemment contre le lino du sol.

-Non...Je suis désolée Madame, j'ai dut rêver...

Hallucinée. Hurla ma conscience alors qu'un bruit strident m'engourdissait l'arrière de mon crâne.

-Eh bien arrête de rêver Alice. Rappelle-toi, le lundi ne mérite aucun rêve bleu. Gloussait-elle en m'adressant un clin d'œil amical.Visiblement elle ne m'en voulait pas. Au fond de la classe, une fille se mit à tousser pour cacher un éclat de rire.

Quand je me retournai, toutes mes camarades étaient parfaitement calmes.

Une peur panique commençait à monter sournoisement en moi, remontant le long de cage thoracique, s'attachant à mes cotes, s'accrochant à chacune de mes cotes, s'accumulant autour de mes poumons comme une fumée noire, une frontière invisible bien qu'infranchissable.Cette peur s'attelait à rejoindre mon cœur dans une course lente et perverse.

Respire,ce n'est rien. Tu es fatiguée, la nuit a été longue... Tentais-je de me rassurer alors qu'une nouvelle angoisse s'emparait de moi car la sonnerie venait de retentir pour de vrai poussant mes camarades à se ruer vers la porte comme un seul homme.

Je devais rejoindre Sam.

Cette perspective me rendait tellement heureuse qu'elle me nouait l'estomac.

La salle était presque vide quand je la quittai à mon tour.D'habitude, Elia, qui sortait de son cours de Russe avant que je sorte de Littérature, m'attendait devant la porte violette.Cependant, aujourd'hui elle n'était pas seule puisque Antoinette discutait vivement avec mon amie aux cheveux violets. Quand je les vis toutes deux côte à côte je fus incapable de les rejoindre.

Elles étaient en phase. J'avais soudainement l'impression d'être de trop,sur ce beau tableau de l'amitié. La première à me voir fut Antoinette dont le visage paraissait beaucoup plus dur que ce matin.

-J'ai appris que Sam t'attendait au foyer ? J'espère qu'il va te dire de ne plus l'approcher sale folle et j'espère que la prochaine à se rendre compte que tu ne la mérites pas c'est Elia ! Me cracha t-elle au visage, bien que son visage ouvert et resplendissement -même sous la lumière crue des néons du couloir- ne collait pas avec sa réplique sèche.

-Quoi? M'exclamais-je en m'accrochant à la chambranle de la porte,surprise qu'Elia ne prenne pas ma défense.

-Je disais : Sam t'attend en bas et à l'air super stressé ! Déclara la brune toute excitée alors que mon amie trépignait juste à coté.

-Fonces! Qu'est-ce que tu attends ? Me hurla Elia alors que je restais droite comme un I.

Et de deux.Chuchota ma conscience d'une voix dure.

Quand je me mis enfin en marche, j'entendis dans mon dos la voix d'Antoinette qui chantonnait: "Pour Alice et Sam allez allez !"

***

Le foyer n'était qu'une petite maison de bric et de broc crée par des élèves il y avait des années. Voyant que l'idée d'un"endroit pour les jeunes tenu par des jeunes" attirait les foules, le lycée en avait profité pour faire payer une cotisation de huit euros à tout élève désirant intégrer le foyer.

Évidement mes parents avaient absolument voulu que j'adhère au foyer, histoire queje me fonde dans la masse, pour au moins une chose.

Quand j'entrai dans l'enceinte de la cabane qui servait d'abris aux jeunes lycéens que les cours avaient mortifié, je fus comme avalée par la chaleur et les exclamations qui y régnaient. Sam m'attendait,assis sur le canapé rouge, comme il me l'avait assuré. Quand il me vit, il releva subitement la tête et me sourit de toutes ses dents.Le garçon vient à ma rencontre et me tendit la main comme pour m'entraîner dans une folle danse. N'ayant pas la force, ni la volonté de faire disparaître le sourire qui s'étalait sur son visage, je posais ma main sur sa paume tendue. Sam était le genre de garçon qui à l'air si sûr de lui avec les filles que je ne m'attendais pas à ce que sa main soit moite sous mes doigts. Il m'entraîna à sa suite au milieu du foyer, a mesure que nous avancions, les exclamations s'amenuisaient et les murmures s'accentuer.

Tousse demandaient ce que je faisais là. Moi aussi je me demandais ce que je faisais là, à vrai dire... Ce que je faisais avec lui.

-Alice...Il faut que je te dise que...

Alors que Sam cherchait ses mots au milieu de toute cette foule, j'entendis de nouveau cet éclat de rire que j'avais cru percevoir en cour de Littérature. Je me retournai dans un élan que je voulais surprenant mais, toutes les filles, silencieuses, me regardaient avec des yeux ronds en se demandant surement que je faisais au lieu d'écouter Sam.Quand mes yeux retrouvèrent ceux verts de l'adolescent, il avait l'air perdu. En creusant dans son regard je crus même percevoir quelques traces de panique.

-Je...Je crois que...

Des plaintes raisonnèrent près de nous alors que dans la foule, une personne se frayait un chemin difficilement entre les spectateurs qui se pressaient les uns contre les autres dans l'espoir de saisir le moindre de nos mots.

-Alice? M'appela une voix féminine alors que Sam s'emparait brusquement de ma seconde main sans lâcher la première.

Un parfum de laque et de parfum hors de prix se répandait rapidement dans la pièce étroite.

-Alice je crois que je suis amoureux de toi... Chuchota Sam alors que dans une même seconde la même voix féminine hurla "DRACULA NEM'OUBLIE PAS!"

En essayant de ne pas prêter attentions à cette voix que j'avais reconnue, je serrai à mon tour les mains de Sam, si chaudes dans mes paumes.

-Je crois que... Je t'aime bien aussi... Marmonnais-je en fixant nos mains entrelacées alors que des applaudissements commençaient à se faire entendre depuis le fond du foyer et à se rependre jusqu'aux élèves qui se trouvaient à un mètre de nous.

Sam passait un bras autour de mes épaules et soudainement tout ce qui se trouvait autour de nous se tu. Je ne pensais pas être amoureuse du garçon comme lui disait l'être de moi, cependant, c'était agréable d'avoir quelqu'un qui m'aidait à maintenir tout le gribouillis qu'il y avait à l'intérieur de mon corps.

Mon dos fut plaqué contre le torse de Sam si vite et brusquement que ma respiration en fut coupée durant une ou deux secondes. Ses bras entourèrent de plus en plus mon cou si bien que l'air eu du mal à passer.

-Hahaha...Haha...Ha. Riait lentement Fiona qui arrivait face à moi. Son visage magnifique n'avait pas changé bien que j'avais l'impression qu'il était recouvert par deux fois plus de maquillage que dans mon souvenir.

-Tune pensais pas vraiment que Mon Sam répondait vraiment à ton puéril amour n'est-ce pas Dracula ?

Son Sam?

Idiote ! S'indigna ma conscience de me voir penser à cela alors que Sam raffermissait sa prise sur mon cou et que Fiona s'approchait de plus en plus de moi. Une flamme de sadisme brillait dans ses prunelles alors qu'elle cherchait quelques choses dans la poche de sa veste de velours rouge. Elle en sortit un petit couteau dont la lame reflétait la peur panique qui se lisait en moi.

-Voyons voir si Dracula à le sang qu'on ne lui prête pas. Déclarait-elle en posant ses doigts fins sur mon poignet que Sam lui tendait. Je commençais à m'agiter alors que la lame s'approchait de plus en plus de mon poignet que j'avais déjà moi-même maltraité... Mes jambes battaient l'air en espérant frapper quelque chose sans que cela n'ait grand intérêt.

Mon sang battait dans mes tempes si fort que ma vision en fut embrouillée. Je ne comprenais pas pourquoi, personne ne bougeait,c'était comme si le monde c'était pétrifié autour de Sam, Fionaet moi.

-Alice...Calme toi je t'en prie...Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce que c'est de ma faute ? Qu'est-ce qui t'arrives ?Alice... Tu me fais... peur...Sanglota presque Sam au creux de mon oreille. Soudain tous se brouilla plus encore. Fiona et sa lame avaient tout deux disparu de ma vue, je fouillais la pièce de regard pour tenter de voir où elle avait disparu, mais rien. Je ne la voyais plus.

Les bras de Sam me lâchèrent et ma tête rentra brusquement en contact avec le sol. Alors que mes yeux étaient sur le point de se fermer je cru voir les chaussures orangées d'Elia.

"Dégagez bande de bouffon! Y'a rien à voir" Hurlait une voix que je cru reconnaître comme la sienne.

"Elle saigne !" S'exclama une autre voix qui fusait depuis le fond du foyer. Je sentais en effet un liquide poisseux s'échapper d'un coin de ma tête mais je n'eus pas la force de tendre la main pour l'empêcher de couler.

-Miss Jonhson pouvez-vous allez chercher l'infirmière je vous prie.Demanda ma professeur de Littérature d'une voix qui se distinguait des autres par son calme.

-J'y vais Madame. Répondit inutilement Elia alors que je l'entendais courir depuis le sol ou j'étais confortablement allongée.

-Alice...Est-ce que tu m'entends ma grande ?

Mon esprit semblait avoir quitté mon enveloppe corporelle si bien que je saisissais à la perfection tout ce qui se passait autour sans que je n'arrive à répondre pour autant... Un peu plus loin une fille dont je ne reconnaissais pas la voix parlait avec un homme dont le ton grave s'apparentait à celle d'un professeur.

-Tout est allée super vite.

On voit bien que ce n'est pas elle qui vivait une tentative d'assassinat.

-Sam Estier venait de lui dire qu'il l'aimait... Poursuivit-elle

Alice...Langford je crois, a répondu qu'elle aussi. On pensait tous qu'ils allaient s'embrasser. On était tous près à les acclamer et puis, d'un coup, Sam à voulu la prendre dans ses bras et elle s'est mise à hurler.

Elle a oublié Fiona ! Mais peut-être que cette fille est Fiona !

Je voulus lever la tête pour voir qui parlait, mais quelque chose m'en empêcha, quelque chose de lourd qui reposait en équilibre sur mon dos.

-Ce n'était pas un cri qu'on pousse pour être mignonne, non là c'était un véritable cri d'effroi. Elle disait qu'elle ne voulait pas qu'on lui ouvre les veines... Sam la retenait comme il pouvait, mais elle lui hurlait de la lâcher parce qu'il l'étouffait alors qu'il avait ses mains sous sa poitrine et pas du tout sur son cou !

N'importe quoi ! Ça doit être l'une des complices de ces deux psychopathes !

-Et après ? Lui demanda l'homme

-Après,Sam l'a lâchée contre son gré parce qu' elle lui a donné un grand coup de tête en pleine mâchoire et un coup de pied dans le genou. Et puis Alice s'est écroulée par terre comme si elle avait reçut un coup en pleine poitrine ! Samuel en voulant l'aider lui a renversé le babyfoot dessus et depuis elle n'a pas rouvert la bouche!

Donc c'est ça que j'ai sur le dos, Un babyfoot. Merci Sam.

Un complot avec Fiona ne suffisait donc pas ?

Étais-tu vraiment avec Fiona ?

-Elle n'est pas morte pas vrai Monsieur ? L'interrogea la fille avec des sanglots dans la voix.

Est-ce que je suis morte ?

-Alice est-ce que tu m'entends ? Répéta la prof qui s'était agenouillée près de moi.

Non,visiblement je suis en vie.

Je clignais des yeux deux fois de suite.

C'était le code que j'avais utilisé avec mes parents en juin dernier...après ma crise, quand j'avais été plongée dans le mutisme...

Est-ce que je viens de faire une crise ?

Je viens de faire une crise de schizophrénie en plein milieu de la journée, au lycée.

Fiona n'était donc pas là. Et Sam ne l'aidait pas à me tuer...

-Est-ce que tu peux te lever Alice ?

Je ne clignais des yeux qu'une fois. Non. Impossible. J'avais mal.

Elle se leva et se dirigea vers la sortie. Par dessus son épaule, je vis Samuel Estier qui me regardait, lui aussi. L'infirmière lui bandait le genou droit alors qu'il maintenait une portion de glace sur sa lèvre inférieure.

"Je suis désolé" Mimaient ses lèvres.

Je fermai les yeux et ne les rouvris pas.

Moi aussi j'étais désolée...

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