•Chapitre 34•
Mai approchais à grand pas et -celui que je prenais l'habitude d'appeler- Eros ne sortait toujours pas. Tous les jours pourtant, avec Finn et souvent le faux-Gideon collé à mes basquettes, je montais au cinquième étage, cognais contre le bâtant et attendait une réponse qui n'attendait jamais de se faire entendre- et qui à mon grand désespoir était toujours la même :
-C'est toujours moi ! Nous montions tellement souvent que cette question quotidienne semblait amuser la seconde personnalité d'Eros. Plusieurs fois Finn tenta de crocheter la serrure des cadenas ou encore de forcer la porte, mais cela ne nous servit à rien, si ce n'était provoquer la colère incompréhensible du garçon coincé à l'intérieur de la pièce.
L'après midi du trente et un avril, alors que j'étais sous le chêne à me remémorait les notes du dossier d'Eros que nous avions du rendre, j'avais relevé les yeux vers la bâtisse.
-Né le quatorze février 2000 Katherine. Me reprit le faux Gideon qu'entre-temps j'avais baptisé Auguste-comme l'empereur Romain.
-Nous en avons déjà parlé Auguste, pour toi, c'est Alice. Le repris-je, alors que je regardais son profil. Si mon hallucination n'était pas là, je crois que j'aurais fini par oublier certains des aspects du physique extraordinaire d'Eros. C'était une sorte de photographie que je trimbalais partout avec moi en attendant que l'original me revienne. J'avais fini par accepter l'idée de l'attendre, car attendre même pour encore dix ans était préférable à l'idée affreuse de remplacer son souvenir si doux.
Parfois, il m'arrivait d'avoir des regrets quant à la manière dont je m'étais comportée avec lui. Parfois, dans des grands moments de désespoir, il m'arrivait de me maudire de ne pas avoir fait suffisamment attention à lui, à certains de ces moments de faiblesse qui auraient dut m'alarmer. Peut-être ne l'avais-je pas toujours traité aussi bien qu'il le méritait. Peut-être ne lui avais-je pas parlé à cœur ouvert aussi souvent que j'aurais pu. Mais j'aurais voulu qu'il sache que je pensais à lui, tout le temps. Qu'il me manquait, à chaque instant. Cédant à une nouvelle vague de tendresse, de nostalgie et de regret, je m'engouffrai dans l'immeuble et montai quatre à quatre les escaliers sous le regard suspicieux du Docteur Molinaro à qui j'envoyai un grand sourire. Lorsque nous arrivâmes au détour d'un couloir du troisième étage, Auguste me rappela d'un claquement de langue réprobateur que je devais avertir Finn de la visite que j'entreprenai au cinquième. C'était l'une des règles qu'avait instauré le blond, il devait être la parce que « on ne savait jamais ce qu'il pouvait se passer » et j'avais beau argumenter sur le fait que Eros ne ferrait pas de mal à une mouche, mon ami refusait de me laisser monter seule et cette tendance protectrice avait trouvé écho dans mon hallucination. Résignée, je toquai. Finn m'ouvrit et sans ajouter un mot s'élança vers les marches. Arrivée devant la porte du 666B, je cognai la porte et demandai Eros, et à notre grande surprise, la voix de velours du psychopathe du chêne me répondit d'une voix un peu enrouée :
-Katherine ? Mon cœur tambourina contre ma poitrine, c'était bien sa voix ; c'était bien sa manière de m'appeler ! Il ne semblait pas étonné de me voir l'appeler par son vrai nom. Son timbre si doux raisonna longuement dans ma tête avant que je ne lui réponde :
-Oui, oui c'est moi. Mais toi, Eros, tu es toi ? Je veux dire tu es vraiment toi ?
-Oui. Je suis vraiment désolé que tu aies du te confronter à.... à Gideon. Nous voilà donc face à ce qu'il y à de plus laid en moi Katherine. Il y avait dans sa manière de parler, un ton d'excuses et des sanglots étouffés.
-Ce n'est rien. Ce n'est pas ton trouble qui te rend laid, tu n'es pas laid. Ouvre-moi cette porte et parlons-en ok ? Lui proposais-je en me collant à la porte, prête à lui tomber dans les bras dés qu'il ouvrirait. Il souffrait trop de son frère pour que je lui en veuille. Je souffrais trop de son absence pour penser à lui en vouloir.
-Non. Refusa t-il pourtant. Mon cœur se serra à l'entente de sa réponse. Je sursautai lorsqu'un coup brutal fut envoyé contre la porte. Dans un premier temps, je crus que Eros en était à l'origine, mais quand je tournai la tête je constatai la présence de mon ami blond qui s'évertuait à taper contre le bois de l'entrée de la chambre. Durant le laps de temps où j'avais retrouvé un semblant du garçon que j'aimais, mon camarade et demi (Auguste ne comptait qu'à moitié) avaient momentanément disparu de mon esprit. Ne laissant qu'Eros et moi.
-Katherine, taper contre cette porte ne me fera pas l'ouvrir. M'assura le psychopathe des roses, dans sa voix je cru percevoir un sourire.
-Euh... Hum... Ce n'est pas moi qui cogne contre ta porte Eros.
-Alors Qui ?
-Moi ! Hurla Finn qui continuait de battre l'entrée de la chambre si bien que ses poings en saignaient.
-Qu'est-ce qui fait là lui ! S'énerva le brun dont la voix se faisait plus proche. Toute trace de douceur l'avait déserté, laissant place à la colère (et peut-être un peu à la jalousie).
-Il m'a aidé à te retrouver. Expliquais-je le plus calmement du monde au garçon des roses qui -malheureusement-commençait déjà à balancer des vacheries au visage de mon ami :
-Tu n'as pas intérêt à l'approcher plus que cela parce que sinon je te jure que je...
-Tu quoi ? Le coupa Finn, tu vas venir me frapper ? Oh non ! J'oubliais, Monsieur à peur du sang !
-Finn ! Le rabrouais-je
-Alice ! S'exclama Eros d'une voix mi-agacée, mi-blessée.
-Je ne savais pas que c'était un secret et puis je m'étais dit que ça pourrait l'aider dans ses recherches ! Me défendis-je mollement, de l'autre côté je crus l'entendre faire les cent pas, puis il lança à Finn d'un ton aigre :
-Je suis amoureux d'elle. C'est trop tard Finn. Mon cœur eut un raté, mes paumes devinrent moites. Il l'avait dit ! Il était amoureux de moi ! Un sourire me déchira les joues et me valut un regard blessé de mon ami.
-Tu ne la mérites pas ! Tu n'es qu'un lâche qui n'ose même pas affronter qui il est. Fit remarquer Finn d'une voix très calme.
-C'EST POUR LA PROTÉGER ! S'énerva le psychopathe du chêne, en frappant à son tour contre son coté de la porte. Avec un peu de chance, elle allait finir par céder sous le coup de leurs assauts réguliers et le problème serait réglé. Dans un regard, je constatai qu'Auguste n'était pas là, d'abord je crus ne pas le voir à cause de manque de lumière qui régnait dans le couloir du cinquième étage, mais après une observation minutieuse je compris qu'il avait finalement disparu comme finissait par le faire toutes mes hallucinations. Pour une fois, j'en fus triste. J'avais l'impression d'avoir perdu un ami (le cas de ma folie ne s'arrangeait définitivement pas).
Finalement je me réintéressais à la conversation hurlante -qui traitait de moi- que le brun et le blond avaient :
-Si tu n'es pas capable d'être amoureux d'elle sans la blesser ! Tu n'es pas digne d'elle ! Crachait Finn.
-Je veux juste la protéger ! Et puis, même si elle ne m'aimait pas tu ne serais pas digne d'elle non plus ! Tu n'es pas assez bien pour une fille comme elle ! Elle s'ennuierait avec toi contrainte de vivre à même pas dix-sept ans, la vie d'une trentenaire banlieusarde. Finn, met quelque chose dans ta petite tête de banlieusard coincé : Alice Katherine Langford n'a jamais été un océan calme ! Elle a toujours été une tempête ! Et devine quoi champion ! Les tempêtes ont besoin de flots en plein orage ! Tandis que je l'entendais reprendre son souffle depuis l'autre coté de la porte je mis fin à cette discussion en hurlant « STOP! ». A mon grand étonnement, cela marcha et plus aucun des deux n'ouvrit la bouche. On n'entendait plus que moi qui disait :
-Ouvre moi Eros. Rien qu'à moi.
-Il faudra que nous parlions de ce nom que tu as appris. Je ne peux pas t'ouvrir Katherine. Affirma sa voix redevenue douce, même si elle semblait aussi plus lointaine, comme presque éteinte. Sa dispute avec Finn semblait avoir puisé dans le peu d'énergie qu'il avait.
-Pourquoi tu ne peux pas ? Dis-moi ! Le suppliais-je presque, tandis que je me laissais glisser le long de la porte, les larmes aux yeux. La ligne était si mince entre pouvoir et vouloir. Dis-moi. Répétais-je d'une voix sanglotante. D'un signe de tête, mon ami, le visage rougit m'indiqua qu'il partait un peu plus loin. Je le remerciai silencieusement tandis qu'Eros expliqua :
-Je suis dangereux Katherine. Je pourrais te faire mal sans le vouloir et ça je ne me le pardonnerai jamais ! Une minute je peux être moi et celle d'après, être lui. Tout cela... Ce qu'il y a entre nous je veux dire, c'est nouveau pour moi, ça ne m'est jamais arrivé avant et je sens que les choses changent. Je m'inquiète pour quelqu'un d'autre que moi-même. Je pense souvent à toi. Parfois pour imaginer tes traits et d'autre fois pour imaginer que tu penses à moi. Souvent mon cœur bat plus vite et mes paumes deviennent moites. Au début j'ai cru que j'étais malade et dans un sens ce n'est pas totalement faux. Je deviens plus fou encore, fou de toi de plus en plus. Malheureusement, ça implique que je veille te protéger, or, je dois aussi te protéger de moi-même et ça me fait paniquer. Et quand je me mets à paniquer, mes crises sont de plus en plus fortes et de plus en plus aléatoires. J'ai constamment envie d'être avec toi mais parallèlement je veux toujours t'éloigner de moi par peur que je te fasse mal ou que tu ne te lasses de moi. Tout est en constant fouillé en moi et c'est exactement ce qu'il attend pour passer à l'action. Je ne suis qu'une épave Katherine. Une épave qu'on ne pense qu'à faire sombrer. Je ne sortirais pas d'ici Katherine. Il faut que tu comprennes que le mal existe, qu'il est laid et que parfois, il est tellement relié à une personne que le bien n'arrive pas à séduire le monstre qu'elle est devenue.
-Tu n'es pas un monstre. Le contredis-je, consciente qu'il allait réfuter mon affirmation je dis avant qu'il me coupe :
-Ce n'est pas ton autre personnalité qui fait de toi un monstre. C'est juste toi qui as décidé d'être ainsi. Il ne répondit rien alors que je me levais et faisais exprès de marcher fort pour que le psychopathe du chêne saisisse le moindre de mes pas. Alors que j'étais à deux doigts de rejoindre Finn pour que nous descendîmes l'étage inférieur, je l'entendis m'appeler. Cédant à son intervention je le rejoignis et le garçon des roses me demanda :
-Tu vas revenir demain ?
-Je ne sais pas. Et c'était vrai, je ne savais pas si je n'allais pas abandonner l'idée de le retrouver un jour.
-Pense à revenir s'il te plait. Il y avait tellement de tristesse dans sa voix que je crus entendre nos deux cœurs se briser dans un éclat synchronisé.
Promis Eros. Promis.
Le fait était que l'idée d'abandonner ma quête d'Eros Gray s'était envolée dés que j'avais entendu sa requête.
Mon maux d'amours était comme une migraine. J'avais la faucheuses tendance de l'oublier dès qu'il arrêtait de me faire mal.
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