•Chapitre 3•
J'étais la dernière à descendre du bus.
Pour être plus précise je dirais que j'ai été la seule personne à jamais avoir été expulsée du bus par le chauffeur lors de mon premier passage dans ce transport proposé par le lycée.
Selon les dires du conducteur je m'étais endormie. Autant dire que je n'en étais pas étonnée plus que cela. La nuit dernière avait été agitée puisqu'elle avait été dérangée par de multiples cauchemars qui venaient de mes tensions purement "normal" (le fait d'aller au lycée en bus, par exemple).
Les yeux noirs du quadragénaire semblaient s'adoucir alors que je rassemblais toutes mes affaires dans un geste de panique toute en m'excusant d'une voix hystérique. Il se baissa, ramassa et me tendit un petit cahier noir qui avait glissé de la petite poche-ouverte- de mon sac à dos noir.
-Tiens jeune fille, je crois que tu as perdu ça. Fit remarquer le conducteur qui s'apprêtait à l'ouvrir. J'avais l'impression de sentir sur ma peau le regard inquisiteur qu'il lançait aux pages jaunies de mon cahier. Les poils de mes bras se hérissèrent alors que le sang dans mes veines semblait glacer si brusquement que cela me brûla. Rapidement, je récupérai l'objet dans les mains grosses et poilues du chauffeur.
-Au revoir ! M'exclamais-je en prenant mes jambes à mon cou, au risque de me casser la figure en descendant vu que je ratais l'une des marches.
Adossée à la structure en plexiglas qui servait d'abris-bus, Elia m'attendait, l'une de ses Tiberland orangée appuyé contre l'arrêt alors que son regard, aujourd'hui rose clair, était perdu dans la contemplation de la route. J'apparue à coté d'elle et la fit sursauter en la serrant subitement dans mes bras.
-ALICE ! Hurla-t-elle en me voyant et en me serrant à son tour contre elle après m'avoir reconnue.
De près ses yeux roses ne me perturbèrent pas plus que cela, mais plus elle s'éloignait, plus je trouvais que cela jurait un peu avec ses cheveux violets fraichement reteints. Des fois je me demandais qui lui achetait ses lentilles, ses teintures et ses vêtements.
Ses jambes était marquées par de petite marques bleues fraichement apparues qui témoignaient du froid qui étaient entrain de lui manger petite à petit le corps. Elia ne portait qu'une collante résille sous une robe- pull bleu clair qui lui couvrait à peine le corps. Elle ne portait aucune veste, sa tenue ne se terminant que par ses bottes. Il m'arrivait de penser qu'Elia faisait exprès de s'habiller de manière originale (voir provocante) pour être sûre d'attirer les regards des autres étudiants au moins une fois dans la journée.
Quand ce genre de pensée traversait mon esprit je me sentais mal pour tout le reste de la journée.
-Alors ton week-end ? Lui demandais-je alors que nous, nous mettions en marche en direction du portail bleu du lycée.
Elia venait en bus au lycée, d'habitude, c'était moi qui venait la chercher à l'arrêt en sentant dans mon dos les regards inquiets des mes parents qui m'observaient depuis les places avant de la Volvo grise. Je souris en pensant que nous venions peut-être d'instaurer une toute nouvelle tradition dans notre amitié.
-J'ai révisé. Affirmait-elle en fixant le bout de nos bottes qui avançaient au même rythme. Et j'ai testé ma nouvelle teinture rouge sur Victoire... Ajouta rapidement mon amie en gloussant alors que nous entrions dans l'enceinte de l'établissement.
Victoire était la plus petite enfant du foyer d'Elia, il me semble qu'elle avait cinq ans ou peut-être un peu plus... Je ne l'avais vue que les quelques fois où j'étais venue rendre visite à mon amie. C'est une petite tête blonde aux grands yeux bruns qui regardait le monde comme si chaque marguerite qu'elle croisait allait lui chuchoter le remède contre le cancer. Victoire était une enfant pour qui Elia avait beaucoup d'affection, c'était la petite sœur de cœur de mon amie. Parfois, j'avais l'impression qu'elle se sentait obligée de la protéger, des moqueries des autres enfants de son écoles. Sur des sujets comme, par exemple, sur le fait que la petite n'avait pas de parents. Parfois j'avais aussi l'impression qu'Elia se sentait contrainte de protéger la petite de son passé. En Octobre dernier, Elia était venue passée les vacances à la maison-c'était une première autant pour elle que pour moi- et elle m'avait demandé si elle pouvait venir avec Victoire J'avais bien sure accepté car en plus de faire sortir de son foyer ma meilleure amie je pouvais en plus le faire pour la petite fille.
Tard dans la nuit , nous étions toute les trois dans le salon. Elia passait ses doigts dans les cheveux blonds et fins de la petite tandis que cette dernière ronflait doucement sur les genoux de mon amie.
-Je pensais que j'avais hérité des pires parents de la planète... puisqu'ils m'avaient abandonné sur les marches froides d'un orphelinat... Avait-elle soudainement murmuré avec des sanglots dans la voix en fixant sa bague rouge.
Elia ne disait jamais "mon foyer" quand elle parlait de son lieu de vie, elle se cantonnait à "l'orphelinat".
-Mais il semblerait qu'il y est pire... Avait-elle poursuivi en caressant le visage angélique de la petite poupée qui reposait sur ses jambes. J'étais restée silencieuse en les fixant toutes les deux. Nous, nous étions installées dans le séjour car je ne pouvais pas encore dormir dans ma chambre à cette époque. Soudainement je m'étais sentie très puérile parce que, j'avais une chambre à moi, et je me permettais de ne pas y monter à cause d'un vulgaire cauchemar. Le lendemain même nous avions toute trois emménagées dans la pièce qui se situait dans les combles de la maison.
Elia m'avait confié que le père de Victoire était un drogué qui s'était fait sauté la cervelle quelques jours avant la naissance de sa fille.
-Un jour j'ai entendu la directrice en parler avec une assistante sociale, elle disait qu'il était possible qu'il ait même complètement oublié qu'il allait être père...
La mère de son côté n'aurait pas non plus été un modèle du genre, selon Elia, elle n'avait même pas accouché dans un hôpital puisque, elle avait déposé le bébé à l'accueil du foyer alors que la petite Victoire était violette et encore barbouillée de sang et de liquide amniotique...
Là encore je n'avais pas su quoi répondre... Puisque ces confidences ne faisaient que me culpabiliser sur ma propre situation.
-La pauvre ! M'exclamais-je en revenant au présent, riant face à la mine défaite de mon amie alors que nous entrions à l'intérieur du bâtiment.
-J'ai parlé à Sam ce matin. Dis-je d'un ton qui se voulait détaché alors que mon amie chassait une mèche rose qui s'était logée dans ses cils. Un long silence répondit à ma remarque alors que la bouche d'Elia s'ouvrait de plus en plus pour se figer dans une expression hyperbolique de choque digne d'un film monochrome.
-Et tu me le dis que maintenant ! S'exclamait-elle d'une voix criarde mais son cri fut recouvert par la sonnerie qui marquait le début des cours.
Je haussais les épaules en direction de mon amie tout en souriant avant de prendre mon élan en m'appuyant sur les portes coupe feu violette puis je courus en montant quatre à quatre les marches qui menaient à ma salle du premier étage.
Elia et moi-même n'étions pas dans la même classe ce qui rendait mes cours encore plus ennuyeux qu'ils ne l'étaient de base....
Quand j'arrivais dans ma salle -la A105-je m'assis et sortis mes affaires en un temps record alors que mes camarades passaient chacun à leur tour la porte d'entrée violette.
Tous les matins étaient identiques, si bien qu'à la longue j'avais l'impression que les visages des autres élèves s'effaçaient. Comme si tous ces regards commençaient à tous les vider de leurs substances. Même la plus jolie des filles- Antoinette qui était pourtant la Miss Univers de notre classe- commençait à subir les conséquences de cette érosion humaine. Ses yeux se faisaient moins perçants, ses lèvres moins brillantes et son corps fin et musclé paraissait de plus en plus banal.
-Alice ! Comment tu vas aujourd'hui ? Me demanda la brune de sa voix douce et habituel.
- Il y a tant de rêves en l'air, tant de fenêtres en boutons, tant de femmes en herbe, tant de trésor enfants, et la justice enceinte, des plus tendres merveilles, des plus pures raisons. Et pourtant, les heureux dans ce monde font un bruit de fléau.
-Paul Eluard ? Proposa Antoinette en fronçant légèrement ses sourcils parfaitement dessinés sur sa peau soleil.
-Exact. Acquiesçais-je en souriant et en rayant le nom du poète sur un coin de mon cahier noir.
-J'avoue que je l'ai un peu dit au hasard... Riait la brune avant de se détourner de moi rapidement puisque son amie, Pauline, venait d'arriver.
Antoinette n'était pas comme Fiona, ou du moins ne semblait pas l'être.... En plus de ressembler à une actrice hollywoodienne, elle avait de bonne note et était assez gentille pour ne pas snober -du moins quand il n'y avait personne autour...
Je ne dirais pas qu'Antoinette et moi étions amies, mais elle était réellement adorable avec moi. Deux semaines après la rentrée alors que nous sortions d'AP, elle était venue me voir en disant qu'elle m'adorait même si elle ne me connaissait ni d'Adam ni d'Eve. Cela m'avait vraiment fait plaisir et le lendemain je me suis amusée à la saluer par un poème. C'était devenu notre petit rituel bizarre.
A l'image de notre entente.
La prof de physique chimie venait d'entrer et de fermer la porte derrière elle. C'était une petite femme toujours habillée de rose, elle portait de grosses lunettes argentées qui étaient accrochées à une petite chaine dorée. Quand elle souriait et que ses lunettes pendaient à sa chaine, elle me faisait penser à une adorable grand-mère prête à faire des gâteaux et à raconter des histoires au coin d'un feu. Du moins c'était l'image que j'en avais avant qu'elle ouvre la bouche pour parler de son Univers à deux franc !
Qu'est- ce que je m'en fiche de savoir que la Terre tourne autour du Soleil ! Elle pourrait toute aussi bien tournée autour d'un manège comme les petits chevaux d'un carrousel ça n'affluerait pas le moins du monde sur ma vie, ni sur celle de personne d'ailleurs !
Le cour avait débuté depuis plus de vingt minutes quand on toqua à la porte. La prof hurla d'entrer, de l'autre coté du battant, la personne ne sembla rien n'entendre puisque Antoinette (qui était la plus proche de la porte) tendit le bras pour ouvrir l'entrée violette. Dans le cadre apparut Sam qui souriait de toutes ses dents.
-Monsieur Estier, estes-vous passé à la vie scolaire ? Demanda Madame Lacourt de sa voix de ténor rauque.
-Oui. Acquiesçait le brun en baissant les yeux sur ses baskets neuves que je ne lui avais pas remarquées dans le bus ce matin.
-Très bien, asseyez vous et donnez-moi les caractéristiques du vecteur Force. S'il vous plait. Le questionna la professeur avec un petit sourire aux coins des lèvres qui lui donnait un petit air sadique.
-Euh...Un vecteur force est caractérisé par un point d'application, une direction ou droite d'action, un sens et une valeur exprimée en Newtons. Récita Sam en parcourant la pièce des yeux à la recherche d'une place libre.
- Retirez-moi cet air de chien battu de votre visage et asseyez-vous à coté de Mademoiselle Langford. Lui ordonna la vieille femme sans le féliciter sur sa réponse juste. Enfin, je crois qu'elle était juste...
Je vis Sam se dandiner légèrement de droite à gauche, puis le brun se fraya un chemin à travers les multiples sacs jetés négligemment par terre. Lorsqu'il arriva à la hauteur de ma table, il prit le temps de se dévêtir lentement. La prof-qui s'était désintéressée de lui- avait reprit son cour, mais je ne l'écoutais que d'une oreille encore plus distraite qu'à l'accoutume.
Mes yeux semblaient vouloir-d'eux-mêmes- le fixer entrain de retirer son écharpe brunâtre et sa lourde veste de cuire noir et élimée aux niveaux de ses épaules. Après avoir sourit au point de s'en faire mal aux joues, Sam finit par s'assoir sur la chaise voisine de la mienne. Sous son poids, la structure de bois et de métal gémirent misérablement.
L'heure passa lentement, la table n'arrêta pas de trembler et de frémir sous les coups de crayons violents et certains de Sam alors que de mon côté je ne prenais aucune note. Plusieurs fois, je le vis se dandiner sur sa chaise, regarder d'un œil suppliant la porte violette puis l'horloge fixée juste au dessus du tableau. Parfois pourtant, alors que je levais les yeux des notes diverses (qui n'avait rien avoir avec la physique chimie) prise sur mon petit cahier noir, et croisais son regard vert. Puis quand ses prunelles rencontraient les miennes, il se détournait brusquement comme s'il avait peur de se liquéfier sous la pression de mon coup d'œil.
Cependant, quand la sonnerie sonna enfin, il ne s'enfuit pas comme je l'avais envisagé.
Parles lui Alice. Me susurra une voix douce en provenance direct de mon crâne.
J'ouvris la bouche, puis la referma, ne sachant pas vraiment quoi dire.
N'importe quoi ! Dis n'importe quoi ça n'a pas d'importance ! Poursuivit cette voix qui parlait de plus en plus fort.
Sam me regarda de nouveau par dessous ses longs cils noirs, maintenant que la classe était presque vide, il me sourit. Alors qu'il ne lui restait plus que sa trousse bleue à ranger, le garçon me regarda pour de vrai, s'humecta les lèvres ouvrit la bouche puis la referma sans rien dire.
Parle ! Hurla cette fois la voix qui résonnait de plus en plus fort dans ma boite crânienne. Je fouillais dans ma poche de jean à la recherche de mon mouchoir froissé bien que non usagé. Une fois qu'il fut dans ma main, je le serai si fort qu'il se déchira et que mes ongles s'enfoncèrent dans ma chaire à travers les lambeaux blancs.
- Hum...Euh Marmonnais-je en me mordant la lèvre inférieure alors que le brun avait enfilé l'une des lanières de son sac à dos sur son épaule droite.
- Tu peux me rejoindre dans le foyer pendant la récréation ? Me demanda t-il rapidement tandis qu'il fixait le pied bleu de ce qui avait été notre table.
-Oui bien sûr! Répondis-je avec une facilité déconcertante.
Tu aurais pu répondre moins rapidement non ?me rabroua la même petite voix.
-A toute à l'heure. Me salua Sam avant de tourner les talons et de filer dans le couloir à toute allure.
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