•Chapitre 20•

Février et ses brises glaciales étaient arrivé bien plus vite que ce à quoi je m'attendais. Malgré l'air froid qui me giflait les joues à chaque fois que je mettais le nez dehors, je ne pouvais m'empêcher de sourire toute la journée. Sourire toute la journée car je savais que je le retrouverais une fois minuit sonné. Que le soir venu je dégringolerais les escaliers au nez et à la barbe des veilleurs et veilleuses de nuit. Que le soir venu je pousserais la porte violette et le trouverais pencher sur le piano ou enfermé dans sa serre. Que le soir venu je noterais dans le cahier offert par mon frère toutes les informations qu'il accepterait à me donner pour tenter de gagner ce jeu que j'avais accepté presque un mois plus tôt. Que le soir venu j'admirerais ses traits et contemplerais ses prunelles d'argent. C'était devenue une habitude entre nous, c'était agréable au delà des mots. Parfois nous passions du temps dans la serre où la chaleur étouffante nous faisait presque regretter le vent qui griffait les vitres du jardin d'hiver. Mais la plupart du temps nous restions dans la salle commune où il se penchait sur l'instrument monochrome tandis que je l'observais, lui posais des questions où travaillait sur son portrait que j'avais commencé lors de notre première soirée dans la serre. Me voir suivre mes inspirations semblaient lui plaire autant que j'aimais le voir jouer du piano. D'ailleurs, chaque soir je m'étonnais de ne jamais voir personne nous sortir de la salle, lorsque je lui avais posé la question, Gideon m'avait assuré qu'ici « tout le monde avait l'habitude ».  Trois heures après que l'heure des sorcières ait sonné, le brun suivait la même routine, il vérifiait l'heure sur sa montre à gousset, me prenait la main et me raccompagnait jusqu'à la porte de ma chambre, me regardait longuement. Le regard qu'il me lançait avait sur moi l'effet d'une caresse tant il était doux. Puis lorsqu'il m'eut assez regardé, il séparait nos mains et s'en allait sans un mot de plus. Chaque soir, les voix qui peuplaient mon esprit, profitaient de mon état attendri pour refaire surface.

Hallucination. C'est une hallucination. Un Rêve. Rêve. Nous revenons.

Je ne parlais d'elle à personne et personne ne semblait s'en rendre compte que chaque soir, mes songes étaient assombris par ses voix agaçantes qui me hantaient. Parfois elles arrivaient même à me convaincre de l'irréalité du psychopathe du chêne, du moins jusqu'à ce que je recroisse les prunelles orageuses de Gideon et que je fonde de nouveau. Alors, je plongeais tête la première dans cette dimension intermédiaire que mon esprit avait peut-être crée et dont j'étais entrain de (trop sérieusement) m'éprendre. Risquer de devenir un peu plus folle pour un regard. Pour son regard grisant, hypnotisant, précieux et beau. Si beau qu'il me rassurait sur l'existence de son propriétaire. Aucun esprit humain ne pouvait créer de toute pièce un être tel que lui. Et encore moins un esprit fissuré comme le mien.

On a beaucoup trop usé des regards dans les romans d'amours pour que mon geste soit cru ou compris. Aujourd'hui, c'est à peine si on peut dire qu'on sait rendu compte qu'on aimait quelqu'un en le regardant. C'est pourtant comme ça que l'on aime, que l'on aime vraiment. De plus, ce que je ressentais pour Gideon c'était la version la plus inexplicable du miracle qu'est l'amour. C'était le sentiment qui défiait l'intelligence des savants et la folie des aliénés. C'était le coup de foudre à retardement...

Ma –nouvelle- joie de vivre ne ravissait pas que moi puisque le docteur Molinaro me témoignait une fierté presque paternelle chaque fois que nous, nous rencontrions, que se soit durant nos rendez-vous quotidiens, lorsqu'il passait devant la salle commune pendant les cours de peinture (auquel j'avais fini par me rendre pour répondre aux multiples demandes de Finn) ou quand le blond et moi le croisions dans le parc. Le Doc me répétait qu'il avait bon espoir de me voir sortir avant la fin du printemps et qu'il était heureux de voir que j'avais finalement réussi à prendre mes habitudes et à me faire un ami. Je ne pouvais pas le contredire parce qu'il était vrai que Finn et moi avions finalement réussi à tisser un réel lien d'amitié. Si mes nuits étaient occupées par Gideon, mes journées étaient consacrées à un Finn avec lequel je parlais de peinture, de gouaches, d'artistes ou de tableaux célèbres. Le blond était un garçon adorable qui me rappelait Sam et Basil par son comportement plein de gentillesse et surtout banal. Un peu de normalité –ou du moins celle qu'il pouvait me procurer- ne me faisait pas de mal. Lui, ainsi que certains employés pensaient comme le docteur Molinaro et étaient persuadés que je quitterais la Suisse dans les mois à venir. Même si ces espoirs n'avaient aucune base solide j'avais prévenu Gideon de mes avancées lors d'une de nos soirées. Sa réponse m'avait surprise autant qu'elle m'avait blessée : « N'y crois pas trop Katherine, les rechutes arrivent facilement, surtout quand l'environnement y est propice. ». Cette phrase avait réveillé une colère et une tristesse que je n'avais pas ressenties depuis longtemps. Le psychopathe du chêne ne croyait pas en moi ni en mes capacités. Il jouait avec moi et mes sentiments-qu'il soupçonnait surement- alors qu'au fond il et ne m'appréciait pas comme moi je l'appréciais...

Peut-être ne t'apprécie-t-il même pas... Tu sais bien comme les enfants sont cruels avec leurs jouets. Avait chuchotait la voix féminine et menaçante à laquelle j'avais fini par m'y habituer. Mon cœur s'était serré lorsque cette pensée se fut présentée à mon esprit. Un jouet ?  N'étais-je donc qu'une distraction pour le brun ? Sûrement. En fin de compte, les gens étaient toujours décevants. Même Gideon –de qui je n'attendais rien- arriver à être décevant...

Prise de colère j'avais claqué la porte au nez d'un Apollon psychotique qui se tenait sur le seuil. Cette dispute pouvait donc expliquer ma mauvaise humeur de ce matin qui étonna tant Madame Graham qui venait me porter le petit déjeuner. La veille dame resta quelques minutes, attendant sûrement que je lance la conversation. Elle partit quand elle remarqua que je m'abstenais de prononcer le moindre mot.

-Ça sent la menthe ici. Fit-elle remarquée d'une voix courroucée juste avant de passer la porte. Je m'étouffais avec ma tranche de pain puis renifla l'atmosphère d'un air hagard. En effet sa sentait la menthe à plein nez. D'habitude l'odeur était bien moins forte. Présente certes, mais jamais Madame Graham ne l'avait détectée. Et je ne connaissais qu'une personne qui sentait la menthe... Un psychopathe qu'une porte close n'arrêterait certainement pas... Je n'étais pas stupide au point de ne jamais avoir envisagé l'idée que Gideon pouvait venir me rendre visite après m'avoir redéposé, simplement, l'odeur-si faible- n'avait pas pu fournir une preuve suffisante pour le mettre face au fait. Mais maintenant qu'elle apparaissait à tous, je pouvais confronter le brun.

Si tu descends ce soir.Marmonna timidement une petite voix dans mon esprit.

La question ne se posait même pas...

***

Après avoir subit la visite de l'aide soignante et de l'infirmière, je sortis de ma chambre en tentant de me montrer le plus calme possible. Prenant ma trousse de peinture je me dirigeais vers la salle commune ou j'étais sûre de trouver Finn déjà concentré sur une toile. Alors que mon pied se posait sur la première marche de l'escalier je sentis mon cœur battre plus fort et plus vite dans ma poitrine.

Il était là. A portée de main. Durant ce qui m'apparut être une éternité je n'arrivais pas à regarder autre chose que sa tignasse brune toute emmêlée. Que fallait-il que je fasse ? Lui sauter au cou ? Faire semblant de ne pas le voir ? Me mettre en colère contre lui ? Le garçon des roses poursuivait sa descente tandis que je n'arrivais pas à me décider. Tout à coup, je constatais qu'il était maintenant hors de ma vue. Prise de panique (sans vraiment savoir pourquoi), je courus en hâte dans les escaliers jusqu'à manquer de trébucher sur son corps assis sur l'une des marches de bois.

-Katherine. Me salua t-il platement en passant une main sur son visage fatigué. Ses traits tirés lui donnait une mine affreuse, ses cernes étaient plus enfoncées et sa peau encore plus pâle qu'à l'habitude. On aurait dit un cadavre.

-Tu as l'air fatigué. Répondis-je en m'installant sur la même marche. Mon épaule gauche frôlait la sienne à instance régulière sans la toucher. Il portait le même pull à col roulé noir et le même pantalon que la veille, ils étaient tous froissés. Je notais ses informations dans un coin de mon esprit mais ne fit rien remarquer à haute voix. Un hoquet de rire lui échappa puis il me répondit que la nuit avait été courte.   

Parce que tu l'as passé à m'épier ?! Hurlais-je mentalement. Ne semblant pas remarquer mes hurlements intérieurs, Gideon planta son regard exténué dans le mien.

-Tu veux aller te promener un peu ? Me demanda t-il d'une voix faiblarde. J'allais répondre "oui" mais la simple idée de sortir dehors le fit frissonner.

-Non, j'ai un peu froid. Mentis-je en serrant ma trousse de peinture contre ma poitrine. Il ne sembla pas me croire, arqua un sourcil amusé mais ne fit aucun commentaire.

-Comment avancent tes recherches ? Me questionnait-il d'une voix pâteuse et traînante. Avant que je ne lui réponde le brun dut cligner des yeux une dizaine de fois pour que sa paupière arrête de tressauter.

-Tu devrais aller perdre du temps dans ta chambre. Dis-je en me relevant d'un geste brusque. Gideon me suivit bien que ses mouvements à lui étaient bien plus chancelants. Lorsqu'il eut cependant réussi à se maintenir dans une position plus ou moins équilibrée je sentis son odeur de menthe m'enivrer. Prenant mon courage à deux mains, je lui demandais d'un air gêné:

-Gideon, est-ce que c'est tu viens dans ma chambre le soir ? Ma voix tremblait, j'étais terrifiée par l'idée de me tromper et de me ridiculiser devant le garçon des roses. Un sourire fier se dessina sur les lèvres de mon interlocuteur.

Tu n'avais visiblement pas tors... Soupira ma conscience. Gideon s'approcha de plus en plus de moi, tendant ses deux bras de chaque côté de ma tête, me coinçant entre lui et le mur. Nos fronts étaient presque collés l'un à l'autre tant le brun était proche. Son souffle s'écrasait tel un ras-de-marré bouillant sur la courbe de ma gorge. Il me dévorait des yeux alors que je tentais de me concentrer sur autre chose que sur les tremblements de mes mains, que sur mon cœur qui battait contre mes temps ou sur la goutte de sueur qui dégoulinait le long de mon dos.

-Nom de dieu. Chuchotait-il d'une voix suave, son visage presque collé au mien. Je le repoussais d'une main craintive que je posais sur son torse. Comment pouvait-il tenter de me séduire alors qu'il arrivait à peine à tenir debout il y a, à peine cinq secondes ?

- Bien sûr que non ! Reprit le garçon à la serre. Mon cœur recommença à battre d'une cadence que je considérai comme normal vue la proximité de Gideon.

- Et si je l'avais fait, je n'aurais certainement pas laissé d'indices !  Riait-il en se reculant bien qu'il était encore trop proche pour que je puisse respirer correctement.

Ton odeur est une trace de ton passage crétin ! Pensais-je tellement fort que je crus durant un instant que mon idée avait dépassé le périmètre de mon esprit.

-Tu... tu ... QUOI ? Lui crachais-je en plein visage. Ses traits illustrèrent sa surprise de me voir lui hurler dessus, durant un quart de seconde puis le psychopathe du chêne reprit son expression narquoise habituelle.

-Rien. Répondit-il innocemment, puis il ajouta au bord de l'hilarité tandis que je tentai de me calmer : "Tu es magnifique quand tu dors.". Je restais sans voix tandis qu'il reprenait son avancée féline vers moi. J'avais la furieuse envie de le frapper mais il semblait savoir comment contenir mes pulsions violentes. Ses mains trouvèrent les miennes, ses doigts s'entrelaçaient aux miens. Immédiatement, ma colère fonda comme neige au soleil et j'eus l'envie folle de serrer sa main en retour.

Tu es en colère contre lui Alice. Ne le laisse pas croire qu'il peut t'avoir comme ça ! Il ne peut pas tout régler en te prenant la main ! Il faut qu'il le comprenne !ET PUIS OBSERVER QUELQU'UN DORMIR SANS SON CONSENTEMENT C'EST MAL !Me hurlais-je mentalement. Cinq secondes plus tard, mes doigts se refermèrent sur ceux qui les enlaçait avec tant de tendresse.

Psychopathe. Je n'avais qu'à me convaincre qu'il ne l'avait pas fait. Psychopathe. Après tout il ne l'avait pas dit clairement. Psychopathe. Mais ce qui était très clairement c'était que Gideon était un...

-Psychopathe. Lâchais-je platement alors qu'il collait nos mains entrelacées à sa joue creuse et froide.

-Je sais. Acquiesça le brun en riant doucement. Les vibrations que produisaient son hilarité faisaient délicieusement trembler mon poignet collé à sa gorge. Un sourire m'échappa alors qu'il me faisait les yeux doux en me suppliant de ne pas lui en vouloir. Ses supplications soufflaient aux creux de mon oreilles par sa voix mélodieuse me faisaient rougir jusqu'à la racine des cheveux.

-Tu devrais vraiment aller dormir, tu commences à délirer Gid... Ma phrase ne se termina dans un cri d'effroi que je n'arrivais pas à arrêter. Je venais juste de relever la tête vers le brun. Dans l'espace se trouvant entre son épaule et la courbe de son menton se trouvait un visage. Un horrible visage. C'était celui d'une jeune fille. Je ne serais définir son âge, son teint était cadavérique et parsemé de grosses veines visibles et noires. Certaines mèches de cheveux sombres étaient éparpillées sur la face livide rendant le contraste encore plus apeurant. Mon sang se glaça dans mes veines, mon cœur sembla s'arrêter. Tout en dehors d'elle,n'avait plus d'importance. Tout semblait irréel, que ce soit les deux mains froides de Gideon sur mon visage terrifié, ses yeux gris -aussi paniqués que lorsque je m'étais blessée dans la serre- ou ses lèvres qui bougeaient sans que je ne saisisse ce qu'elles voulaient dire. Il n'y avait que ses yeux à elle. Deux grands trous noirs vides et terrifiants. Trous noirs qui me fixaient ! Me fixaient moi. M'avalaient moi !

Une ambiance glaciale s'était abattue sur la pièce. Dans mon champ de vision il n'y avait que ce visage cireux qui avait éclipsé celui du garçon des roses. La figure d'horreur passa d'ailleurs ses longs doigts sillonnés de traces noirâtres dans les cheveux du dit garçon. Gideon se figea lorsque la main de l'apparition descendait sur sa joue, son menton pour s'arrêter sur la courbe de sa gorge. Comme s'il le sentait, lui aussi.

« Mien » mimèrent les lèvres –traces saignantes sur la figure blafard- de l'hallucination.

Une Hallucination !  Ce n'était que ça ! Une horrible hallucination qui pouvait disparaître !

-DISPARAIS! Ordonnais-je alors que les mains du psychopathe du chêne avaient recommencé de me secouer, si fort que ma tête en fut cognée contre le mur de l'escalier. Après mes cris, le brun me regardait étrangement. Sans m'y intéresser je répétais le mot « disparais » comme s'il s'agissait d'un mantra. Une fois que j'eus rouvert les yeux-que je ne me souvenais pas avoir fermé- j'eus la joie de constater qu'elle était hors de vue. Sans me soucier de Gideon qui me tenait toujours les mains (et qui tremblait légèrement) je me laissai glisser le long du mur de l'escalier et m'assit sur l'une des marches. Mon compagnon sembla réfléchir un instant puis s'installa sur la marche d'après ; comme il était plus grand, son épaule n'eut pas de mal à se coller à la mienne. Il posa sa tête brune et fatiguée sur mon épaule, nos deux respirations saccadées finirent par se calmer et se calèrent l'une sur l'autre.

-C'était quoi ça ? Me demanda t-il sans bouger la tête de mon épaule.

-Le lot de tous les internés. Certifiais-je d'une voix calme qui me surprit moi-même. Mes paupières se fermèrent, j'étais soudainement exténuée. Un soupir échappa à Gideon, soudain on aurait dit qu'il portait tous les malheurs du monde, je souris lorsque je l'entendis dire d'une voix boudeuse :

-Heureusement qu'il y a d'autres bons côtés alors...

J'ouvris de nouveau les paupières pour lui demander quel bon côté il voyait- j'étais certaine qu'il trouverait quoi me répondre- mais je n'eus pas le temps de lui parler que mes yeux furent happés par une tâche blanche qui nous observait depuis le haut du quatrième étage.                                                                                                   Sur le palier de l'escalier, assise en tailleur malgré sa robe blanche, une fille d'environs quatorze ou quinze ans nous observait. Elle avait des longs cheveux bruns qui lui tombaient en douces vagues sur les épaules, son teint olivâtre, paraissait étrangement pâle. Ses yeux sombres comme l'enfer étaient braqués sur nous dans une expression de souffrance et de désespoir extrêmes. D'abord je crus, qu'il s'agissait d'une pensionnaire que j'avais interpellé avec mes cris et qui était étonnée de voir deux adolescents avachis l'un sur l'autre entre deux étages de l'hôpital. Mais à force de fixer ses iris noirs je fis le lien entre cette figure angélique et mon hallucination démoniaque. Or, on ne fait pas de lien avec une hallucination ... cela vouait-il dire que cette fille était réelle ? Vraiment réelle    ? La réaction du brun me revient en mémoire, lui aussi l'avait sentit, j'en étais certaine.

-Mien. Mien. Pour toujours et à jamais. Chantonna t-elle sur un air étrangement familier. On aurait dit une berceuse. Une berceuse aux résonances épouvantables mais une berceuse tout de même.

-Mien, mien. Pour toujours...Toujours...  Répétait-elle en se relevant. Sa longue robe de nuit blanche était tâchée de suie sur le bas. Elle se mit à descendre les escaliers et plus les marches entre elle et nous diminuaient, plus mon cœur s'emballait.

Ces mots. Ce visage.Je les connaissais

Cristal. Cristal Orla.

-Pourquoi est-ce qu'elle est là ? Gideon tu la vois ? Dis-moi que tu la vois.  Gideon qu'est-ce qu'elle fait là ?! L'interrogeais-je d'une voix qui trahissant ma panique. Un sanglot –qui n'était que le premier d'une longue série- m'échappa. Le brun qui somnolait sur mon épaule se releva en sursauts et regarda dans la direction que je lui indiquai. D'un geste de la main il retira de ses yeux l'une des ses boucles sombres et fixa les marches qu'elle descendait. Son regard fit plusieurs fois l'aller –retour entre les escaliers et mon visage. Les escaliers. Mon visage. Encore et encore... Ses yeux argentés ne se résumaient plus qu'à deux petites meurtrières. Au bout de plusieurs allers-retours, il posa sa tête contre le mur, laissa ses paupières retomber puis se ré-intéressa à moi, les lèvres si serrées l'une contre l'autre qu'elles en étaient devenues blanches. Je connaissais sa réponse, mais ne voulait pas l'entendre de sa bouche, je ne voulais pas voir ce regard là provenir de lui... Je ne voulais pas voir sur son visage de dieu grec cette expression que je voyais pourtant... Cette expression que m'avait montrée d'abord Paul, puis mon père et enfin Sam quand ils avaient su...

- Laisse-moi deviner, tu ne vois rien ! Lançais-je pleine d'amertume, lui coupant l'herbe sous le pied.

Il resta un long moment sans donner de réponse puis, d'un air désolé il secoua piteusement la tête. Je me tournai vers l'adolescente qui un sourire aux lèvres fit une pause dans sa chansonnette pour me dire : « Non, il ne voit rien » et puis elle partit dans un éclat de rire qui raisonna à mes oreilles comme étant machiavélique. Le petit monde de joie que je m'étais crée ces deux derniers mois venait de voler en éclat avec ce rire.

-Mais dis-moi !Dis-moi Katherine !  Dis-moi ce que je suis censé voir et je le verrai ! S'exclama Gideon que j'avais presque oublié. Il serrait mon poignet dans sa main, mon regard se figea sur ce geste, encore un peu plus fort et il laissait une trace rouge ; un peu plus que « plus fort » et il laissait un bleu. Suivant mon regard, il me lâcha comme si je l'avais brûlé et s'excusa d'une petite voix.

-Cristal Orla ... Cristal à qui tu es pour toujours et à jamais... Soufflais-je en priant pour qu'il ne m'ait pas entendu. Comme dirait Paul, personne n'écoute les prières des folles puisque à mon grand désespoir, un frisson secoua le corps de Gideon et une expression de douleur intense s'épanouit sur ses traits. Une odeur putride me prit au nez et me donna envie de vomir. Mon cœur cognait de plus en plus fort contre ma poitrine, floutant ma vision et rendant mes jambes cotonneuses.                                                                                                                              L'expression de pitié qui m'avait tant peiné, quitta les traits de l'Adonis Psychotique pour être remplacée par celle de la douleur. La douleur que j'avais provoquée, la douleur que ces mots, que ce nom avait provoqué.                                                        Je ne savais laquelle des deux je détestais le plus...

-Comment... Comment sais-tu cela Alice ? Mon premier prénom dans sa voix sonna comme une sentence.

C'est donc vrai.

-Pour toujours et à jamais. Pour toujours, toujours et à jamais... Fredonnait Cristal dont le corps maintenant reposait sur la même marche que celle sur laquelle j'étais installée.

-Elle est là, Edward. Crachais-je, mauvaise. Ce n'était clairement pas le moment de s'énerver pour un nom, mais autant dire que j'avais abandonné l'idée de comprendre et gérer mes comportements lorsque j'étais en compagnie de Gideon.

-Ce n'est pas drôle... Katherine. Ajoutait-il en souriant timidement d'un air coupable.

-Je ne plaisante pas, elle est juste là. Répondis-je en désignant –sans regarder- l'espace qui se trouvait à ma gauche. Le brun se pencha par-dessus mon corps tressaillant, prenant appui sur ses bras il fixa l'endroit que je lui montrais du bout de l'index. Un nouveau soupir lui échappa, je m'attendais à ce qu'il se rassoit, mais au contraire, il se releva. Folle de rage de me montrer ainsi à son regard précieux je pris mon courage à deux mains et regardait l'espace. Vide.                                        

Évidement

Le psychopathe du chêne se pencha vers moi et à ma grande surprise, planta un baiser doux sur mon front, puis il caressa l'une de mes joues humides et chuchota au creux de mon oreille :

-Il semblerait que je ne sois pas le seul à être exténué. Tu as pourtant bien dormi. Un frisson me parcourut l'échine ce qui ne manqua pas de le faire sourire.

-Ne pense même pas à me juger ! Le préviens-je d'une voix devenue rauque alors qu'il descendait les escaliers deux à deux. Je te rappelle que tu es interné aussi.

Psychopathe. Ajoutais-je

-PRÉSENT ! Cria-t-il depuis je ne sais pas où, et tandis je souriais comme l'idiote que j'étais en train de devenir.

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