•Chapitre 19•

Ses yeux orageux étaient fixés sur mon visage,  et de mon côté, je lui rendais son regard. Je l'épiais, ardemment, détaillant chacun des traits de son visage sculpturale. Ses prunelles étaient dilatées, si bien que mes yeux n'arrivaient pas à se détacher longuement de l'observation de ses iris argentés. Sans un mot de plus, il se leva et me traîna doucement à sa suite. Comme si j'étais une poupée de porcelaine, il prit le temps de m'installer avec la plus grande des tendresses sur le tabouret de musique qui était à peine assez large pour nous deux. D'abord, il détacha doucement sa main de la mienne et vient se coller à mon dos, sous un hoquet de surprise qui m'échappa auquel il répondit par un sourire amusé. Puis le brun s'empara de mes deux poignets, et disposa mes mains sur les touches lisses du piano Tout le haut de son corps surplombait mon propre buste. Le col de sa chemise -plus ouverte que d'habitude- me chatouillait la nuque, ses deux bras ne faisaient qu'un avec mes épaules et ses doigts faisaient trembler les miens à chaque fois qu'il bougeait l'une de mes extrémités pour la poser sur une autre touche de l'instrument. Gideon se détacha finalement de moi après plusieurs longues et délicieuses minutes de silence durant lesquels il avait observé son « œuvre ». Enfin, il s'était assit à coté de moi, nous forçant à nous serrer l'un contre l'autre pour qu'aucun de nous ne s'écrase sur le sol de la salle commune. Cinq secondes après qu'il se soit installé ses mains recouvraient les miennes qui savouraient avec plaisir ce contact froid et sûr de lui.

-Maintenant, laisse toi faire Katherine. M'intima-t-il, délicatement en guidant mes mains sur le clavier noir et blanc. Nous étions si près l'un de l'autre que ses lèvres frôlaient la peau de ma joue droite à chaque mot, son souffle chaud brûlait la peau de ma gorge à chacune de ses expirations, et quand il inspirait je sentais son torse se soulever contre mon flanc droit. Le garçon des roses n'accordait pas un seul regard à nos mains intimement reliées l'une à l'autre, son visage n'était tourné que vers la partition qui trônait sur le pupitre. C'était celle que j'avais vue la veille, celle qui se nommait « Eros ». Mes doigts couraient sur le piano sans que je n'aie à y penser puisque la partie de mon anatomie allant de mon poignet et l'extrémité de mes doigts était sous le contrôle de Gideon, qui ne donnait pas l'impression de trop réfléchir à la mélodie merveilleuse que nous étions entrain de jouer.

Nous. Ce simple pronom personnel gonfla mon cœur de joie.

-Fait attention Katherine, je crois que tu es entrain de tomber amoureuse de moi. Me murmura mon voisin d'une voix pleine de tendresse une fois qu'il m'eu fait poser l'index sur un «Mi » final. Ses yeux précieux prirent un éclat que je leur connaissait pas, ma bouche entrouverte ne savait que répondre alors que mes joues prenaient la teinte des roses qui nous épiaient depuis le jardin d'hiver.

-C'est toi qui l'a écrit ? Lui demandais-je en piquant la partition qui trônait à hauteur de mes yeux. C'était mon moyen de faire diversion et bien que je fus certaine qu'il le comprit, il répondit à ma question en hochant distraitement la tête. Ses yeux d'aciers cherchaient les miens qui voulaient l'éviter à tout prix.

-Pourquoi Eros ? Le questionnais-je en priant pour que mes joues arrêtent de prendre la couleur des tomates et que la feuille m'avale. Gideon haussa un sourcil interrogateur face à ma question. Puis il sembla comprendre puisqu'un air amusé se dessina sur son visage avant qu'il ne me propose d'aller nous promener. Changeant totalement de sujet sans même prendre le temps de répondre à ma question !

Vous, vous êtes bien trouvés on dirait... Souffla ma conscience goguenarde. Je rougis un peu plus, Gideon ne sembla pas le remarquer-ou du moins ne le releva pas. Le brun avait quitté le tabouret de musique et se tenait droit comme un piquet, les yeux dans le vide, l'une de mes mains encore dans l'une des siennes.

-Nous promener ? Répétais-je étonnée en me levant à mon tour après avoir jeté un œil à la pluie qui tambourinait encore contre les vitres. Gideon... il pleut. Lui fis-je remarquer platement alors que de sa main libre il ouvrait la porte vitrée, faisant s'engouffrer dans la pièce, le vent froid d'hiver.

-Justement, tout devient plus amusant sous la pluie ! Répondit le brun en m'adressant un nouveau clin d'œil séducteur qui fit-un peu plus- fondre mon cœur.

Tout sourire, et avec la joie d'un enfant, Gideon sortit sous la pluie battante qui s'abattit sur lui comme elle le faisait sur toute autre chose. J'avais lâché sa main avant qu'il ne sorte si bien que je pouvais l'observer à loisir, bien au sec. Ses cheveux bruns lui tombaient sur les yeux, sa chemise bleue se fonçait de plus en plus à force de se voir atteinte par la pluie. Le psychopathe du chêne ne bougeait plus, droit comme un « I », les bras écartés et les yeux fermés il souriait de toutes ses dents chaque fois que des gouttes de pluie tombaient sur ses traits splendides. Le regarder lorsque lui ne me regardait pas était une excellente occasion de réfléchir à la stupidité des êtres humains qui se voyaient contrôlés par leurs émotions donc, à ma propre stupidité.                                                                      Incapable que j'étais de me rendre compte moi-même qu'en l'espace d'un mois j'avais réussi à tomber sous le charme de la personnification des ténèbres. Car c'était ça que de tomber amoureuse de Gideon Gray, c'était tomber amoureuse des ténèbres. C'était sans espoir, c'était sombre et absolument fascinant... Cependant, c'était surtout inaccessible, car malgré la proximité de laquelle il faisait preuve, mon épaule se tendrait toujours vers la sienne sans jamais oser la toucher, mon regard l'effleurerait avec douceur sans jamais recevoir la même affection et mes lèvres désireraient les siennes sans jamais entreprendre de les frôler. J'étais donc condamnée à observer les ténèbres à l'infini sans pouvoir m'en approcher sous ma propre volonté. C'était peut-être ça l'infini, une sorte d'amour à sens unique qui prend toute la place, qui enfle, qui enfle au point de vous asphyxier avec vos propres sentiments.

Donc tu l'aimes ? Me demanda cette voix de femme nouvellement arrivée dans mon esprit.

Non ! M'exclamais-je mentalement. Je ne devais pas me laisser avoir par mes sentiments.

-Katherine ! Viens ! S'exclama Gideon en venant me chercher après avoir ouvert les yeux, me sortant brutalement de mon débat mentale.

Peut-être que si finalement... Admis-je lorsque ses deux mains se furent emparées ses miennes et que mon cœur se remit à battre plus fort. Le traître.

Le garçon des roses me tira à lui tandis que je me plaignais d'une voix sourde que j'étais en pyjama, ce qui n'était pas une tenue adaptée aux activités en pleine air.

-Et alors ! Je suis en chemise ! Mais on s'en fiche ! Répondit-il hilare sans que je ne sache ce qui le mettait tant en joie. Peut-être la pluie. Il avait, face aux gouttes d'eaux la même réaction enchantée que celle des enfants qui sautent dans les flaques, habillés de leurs cirés jaunes.

-Non... non...  Non... Refusais-je en rebroussant chemin, un sourire attendri aux lèvres. Je n'ai pas envie. Lui expliquais-je en m'échappant de sa poigne, laissant ses mains pendre piteusement sous la pluie alors que j'étais toujours abritée. Certaines de ses mèches lui tombaient sur le front, et je me battais intérieurement contre la furieuse envie de les lui recoiffer.

-D'accord. Acquiesça t-il sous mon regard étonné. Depuis quand Gideon Gray se contentait d'un « D'accord » ? Surtout face à une réponse négative. Je ne pus retenir mon cœur de se serrer lorsque je le vis rebrousser chemin sans plus tenter de me convaincre. Sa chemise-maintenant bleue nuit- lui collait à la peau, moulant ses épaules sculpturales et s'égouttant bruyamment sur le sol. Le garçon se figea à côté de moi puis, soudain sans que je ne m'y attende il me prit contre lui, emprisonna mes épaules d'un bras et s'empara de mes jambes de son autre main.

Évidement. Pensais-je une fois que mon nez fut coller à son torse. Il sentait la pluie, l'encre et la menthe. Tous mon self contrôle fut quémandé par ma raison pour que je ne prenne pas une grande inspiration de cette odeur délicieuse. Gideon mit une demi-minute à trouver la stabilité nécessaire pour me porter et marcher à grand pas,en direction du chêne. Lorsque nous arrivâmes sous l'arbre, le brun me déposa avec délicatesse au sol avant de s'effondrer de tout son être sur l'herbe mouillée. Mes cheveux étaient trempés jusqu'aux racines, mon pyjama me coller détestablement à la peau tandis que je me penchais sur le visage fatigué de mon compagnon.

-Gideon. Je pris le temps de savourer la prononciation de son nom mais enchaînais pour ne pas lui laisser deviner mes pensées à son propos. Qu'est-ce que tu ne comprends pas avec le concept de volonté ? Finis-je par lui demander d'une voix qui se voulait acide alors qu'une douce chaleur apparut de nouveau aux creux de mon ventre.

-Je n'ai aucuns souci avec le concept de volonté si ce n'est que je le trouve parfois d'une stupidité sans nom ! Répondit le brun en étouffant un bâillement, il ne semblait pas vouloir se relever du sol sur lequel il était allongé. Il me regardait depuis le sol, je dus battre des cils bien plus que d'habitude pour ne pas me perdre devant la contemplation de ses prunelles argentées. 

-ça me parait pourtant être un problème. Répliquais-je en me détournant les yeux des siens pour me concentrer sur le ciel empli de cumulus cotonneux. Pourquoi le trouves-tu si stupide ?

-Parce qu'il est totalement faux. Il n'y a pas de volonté dans ce monde. Après tout, personne n'existe volontairement, personne ne vit volontairement et surtout personne ne meurt volontairement. Il prit le temps de faire une pause dramatique, dont il profita pour poser son menton sur mon épaule droite. Mon corps entier était parcourue de tremblement tandis que Gideon abandonnait son discours sur la volonté pour me proposer de venir danser.

-Mais tu es complètement malade ! Riais-je alors qu'il traînait déjà nos deux corps loin des feuilles protectrices de l'arbre.

-Remercions le ciel alors parce que si je ne l'étais pas je ne serais pas là et je ne pourrais pas faire ça... Déclarait-il en entrelaçant les doigts de sa main droit au mien tandis que de l'autre il enlaçait ma taille et approchait –plus que de raison- mon corps du sien. Je ne riais plus, l'hilarité qui me secouait plus tôt, s'était vue remplacée par les battements violents de mon cœur qui battaient contre mes tempes, par ma respiration irrégulière qui soulevaient ma poitrine et par l'immense sourire qui me déchirait les joues. Le visage de Gideon était illuminé par ce sourire en coin dont lui seul avait le secret, ses yeux -qui maintenant avaient la teinte de l'ardoise- me regardaient avec une ardeur qui me fit rougir.

-Je ne sais pas...

-Danser la valse ? Me coupa t-il. Je sais bien Katherine. Heureusement pour toi je suis un excellent danseur.

Tu as aussi un excellent melon ! Voulus-je lui lancer bien que les mots refusèrent de s'élever dans le silence alors qu'un sourire charmeur réapparu sur les lèvres du psychopathe du chêne qui raffermit plus encore la prise de son bras autour de ma taille.

- Sur mon épaule. Ajoutait-il en continuant de me regarder, la tête légèrement penchée sur la droite.

-Pardon ? M'étonnais-je en relevant ma figure vers son visage d'Apollon. « Beau » était un mot qui semblait inventer pour lui, pour son visage....

-Ta main Katherine. Tu dois poser ta main libre sur mon épaule. M'indiquait le garçon des roses en roulant les yeux très théâtralement. Je suivis ses instructions et avant que je ne puisse redire quoi que ce soit, il pressa sa bouche contre mon oreille et chuchota :

-Considérons cela comme ma récompense pour le pari que tu as perdu. Lorsqu'il se recula, nous nous mirent à nous balancer de droite à gauche. Lui magnifique, tout sourire, me serrant contre son torse et moi écarlate, en pyjama et trempée jusqu'aux os. Je ne saurais dire si de l'extérieur, notre valse était belle à voir, mais pour moi, même si je tremblais de tous mes membres et que la pluie claquait nos visages à instance régulière il n'y avait –à cet instant- rien de plus beau à faire que de poser ma tête contre sa chemise trempée et sentir son souffle me chatouiller la nuque. Parfois, je m'autorisai à prendre une grande inspiration de son odeur, il l'avait remarqué mais il ne dit rien et se contenta de continuer de diriger notre valse silencieuse. Au bout d'un moment je levai la tête pour observer son visage. La lune était juste derrière moi et les lambeaux de sa lumière blanchâtre me permettaient d'admirer son visage. Là encore, Gideon savait que je l'observais, mais il ne dit rien. Une ancienne cicatrice que je ne lui avais pas remarquée, barrait très discrètement son arcade sourcilière gauche.

-Plus si parfait n'est-ce pas ?  Lança le jeune homme en me souriant d'un air narquois. Face à mon regard déboussolé il reprit :

-Mon visage. Pas aussi parfait que ce à quoi tu t'attendais. Je m'arrêtais brusquement de danser, mettant donc fin à la valse. Ce fut à son tour de me regarder sans comprendre. D'une main agacée, qui venait de quitter son épaule, je relevais l'une de mes mèches alourdie par la pluie et désignais d'un doigt l'entaille qui marquait ma propre arcade sourcilière droite.

-Incroyable... Soufflait-il en approchant plus encore son visage de mon front dégoulinant d'eau de pluie. Tu savais qu'il y a une légende qui raconte que notre visage actuel porte les traces du visage de la personne que nous avons le plus aimée dans une vie précédente. Ajouta Gideon après avoir observé ma cicatrice sous toutes les coutures.

-Donc peut-être que dans une autre vie tu es la personne que j'ai le plus aimé, c'est ça que tu veux dire ? L'enquis-je, d'une voix enrouée, alors que je ne comptais plus le nombre de battements que mon cœur avait raté.

-Rentrons. Tu trembles. Remarqua le brun qui lâcha ma taille pour venir me frictionner le dos et me guider vers la salle commune alors que j'étais totalement capable de m'y rendre seule- ce que je ne manquais pas de lui faire remarquer.Un hochement de tête désintéressé me répondit. Après que nous eûmes de nouveau franchit la porte vitrée, Gideon me fit asseoir sur le fauteuil noir.

-Attend ! Je suis trempée ! Protestais-je en m'accrochant à ses avants bras, lui arrachant un hoquet de douleur non désiré.

-On s'en fiche ! S'exclama t-il en appuyant sur mes épaules pour me forcer à m'asseoir, un air déterminé sur le visage. Après avoir vérifié que je ne faisais rien pour me relever, Gideon tenta d'essuyer ses mains sur son pantalon –pourtant trempé – et reprit place sur le tabouret de musique. De sa main droite il appuyait sur les touches, nous offrant un fond musical agréable qui se mélangeait à l'égouttement sonore de nos vêtements sur le carrelage de la salle commune. 

-Tu y crois toi ? Le questionnais-je une fois qu'il eut terminé de jouer son petit morceau.

-Je crois en quoi ?

-En cette légende que tu m'as racontée.

-Ah ! Sa tête brune était penchée sur la partition d' Eros qu'il modifiait une nouvelle fois. Je n'en sais rien. Finit-il par me répondre une fois qu'il eut relevé les yeux vers moi.

-Platon avait aussi une théorie qui faisait se rejoindre l'idée de corps humain et d'amour. D'un mouvement de regard, le psychopathe du chêne m'encouragea à poursuivre.

- Il disait qu'il existait autrefois des êtres –qui ressemblaient à la description d'être humain- dotés de quatre jambes, quarte bras et deux têtes. Ils étaient parfaitement équilibrés et puissants. Tellement puissant que Zeus, effrayé de voir ce genre de créature sur Terre les coupa en deux et les éparpilla aux quatre coins du monde. Si bien qu'aujourd'hui, les actuels êtres humains sont condamnés à chercher la moitié qui autrefois partageait leurs âmes. Racontais-je en l'observant relever les manches de sa chemise. La lumière lunaire révéla à mes yeux ses avants bras. Ses cicatrices qui me coupèrent le souffle tant elles étaient affreuses. A mon grand étonnement -puisque nous étions tout de même dans un hôpital- elles n'avaient jamais été soignées et elles étaient absolument horribles. Des boursouflures rosâtres couraient le long des avant-bras pâles du brun. Les entailles étaient longues et profondes, certaines encore saignantes déchiraient la peau de Gideon et s'enfonçaient directement dans la chaire du garçon des roses. On aurait dit que les bras d'un monstre agrippaient à la peau du jeune homme. Ces bras déchiquetaient peu à peu les membres de cette victime qui le laissait faire. La plupart étaient fraîches, les plus visibles devaient d'ailleurs dater du matin même. Cependant, même à la lumière faiblarde de l'astre pâle on distinguait les traces blanches d'anciennes scarifications à même la peau opaline du garçon des roses. Sans même m'en rendre compte, je posais ma main sur mon avant bras gauche, là ou se trouvaient mes propres marques...

-Oh Gideon... Soufflais-je d'une voix enrouée. Je sentais mon cœur se briser, pas pour moi, mais pour lui. Lui qui avait dû souffrir comme personne ne devrait jamais souffrir. Ses yeux inexpressifs ne s'était pas détaché de mon visage durant tout le temps de mon observation et de ma réflexion. Un horrible éclat de chagrin se brisa dans ses iris d'aciers avant qu'il ne se reprenne et ne déclare l'air de rien :

-Ça fait beaucoup de laideur à encaisser d'un coup pas vrai ? Il tenta de sourire, mais finit par se résigner et abandonna son masque de séducteur, au moins pour les prochaines minutes. Il prit le temps d'abaisser lentement les manches de sa chemise sur ses mutilations et me regarda, ses yeux grisants plantés dans les miens. Le garçon des roses n'accordait aucun regard à ses coupures, ce qui me fit penser qu'il ne devait pas plus regarder ses bras lorsqu'il se tailladait. Son hématophobie le paralysait mais pas suffisamment pour le protéger...

-Tu n'as rien de laid Gideon. Objectais-je tandis qu'il roulait des yeux l'air de dire « tu ne comprends pas. Que tu es mignonne ! ». Mes jambes décidèrent d'elles-mêmes de se lever et de s'agenouiller face au tabouret de musique. Mes yeux étaient à la hauteur de ses marques que j'avais révélés en relevant les mâches du jeune homme qui se laissait docilement faire.

Dieu ! Qu'elles sont laides ! Ne pus-je m'empêcher de penser bien que je m'en voulu automatiquement par la suite. Mes mains, tremblantes enserrèrent, avec la plus grande des prudences les bras meurtris de mon ami. Lui et moi réprimâmes un frisson en même temps. La peau de ses avants- bras était chaude et rugueuse ce qui me surprit, puisque j'avais pris l'habitude de ne décrire son corps que comme froid et doux. 

-Tu n'es pas laid Gideon. Tu es justes blessé. Affirmais-je en hochant la tête et en le regardant d'un air que je voulais bienveillant. Il me rendit me regard par-dessous ses cils et me sourit timidement. Je photographiai cette image et la rangeai précieusement dans un coin de mon esprit.

- Et si nous désinfections tout cela ! Proposais-je en me relevant sous son regard grisé. Le garçon de la serre ouvrit la bouche, puis la ferma et me prit d'autorité la main pour aller récupérer la trousse de premier secours dans le bureau de la secrétaire. Une fois de retour dans la salle à la porte violette, je lui ordonnais de s'asseoir dans le fauteuil noir et me mis à panser ses marques rouges. De son coté il ne regardait un point fixe au dessus de ma tête, loin, bien loin de nous.

-Je connaissais cette théorie de Platon. Dit Gideon qui semblait avoir du mal à parler. Si l'on décide de faire un parallèle entre sa théorie et la légende que je t'ai racontée. J'espère que dans cette autre vie où nous étions réciproquement les personnes que nous aimions le plus,  nous ne nous sommes pas rencontrés ici.

Je lui souris en ayant la furieuse envie de l'embrasser. L'embrasser pour le débarrasser de cette peine, l'embrasser pour qu'il ne soit plus triste. L'embrasser pour trouver une nouvelle vie dans laquelle il ne souffrirait plus... 

-Pourquoi te faire ça Gideon ? Le questionnais-je une fois que je me fus replonger dans mon travail d'infirmière.

-Je ne sais pas. Pour la mort ? Pour la vie ? Au fond je n'en sais rien alors inutile de te mentir... Soupira le psychopathe du chêne dont la tête reposait piteusement sur le dossier du fauteuil noir. Il semblait avoir perdu tout son panache, toute sa vie... Il semblait mortel. Cette pensée me fit tristement sourire. A quoi je m'attendais au fond ?A ce qu'il s'agisse d'un dieu déguisé en homme ?

-Je pense que je sais... Murmurais-je en tentant un sourire qui mourut dans l'œuf

Ton imagination te perdra Alice. Ce n'est qu'un adolescent, un adolescent las et brisé visiblement.     Certifia ma conscience d'une voix malheureuse. 

Une fois que j'eu fini, les croûtes de sang avait été décollées, les coupures désinfectées et les bras bandés de blanc, le visage de Gideon sembla s'illuminer d'une manière nouvelle.

-Vous avez fait un travail formidable Mademoiselle Langford. Me félicita t-il en souriant face à ses bras soignés.

-Je dois dire que vous n'avez pas été un patient trop désagréable Monsieur Gray. Déclarais-je en retour, puis je me levis et épousseta mon pyjama encore humide. Gideon me suivit dans mon geste et me tendit galamment son bras, je le saisis, un air amusé sur le visage et le suivit alors qu'il remontait les escaliers qui nous menèrent au quatrième étage.  Lorsque nous fûmes arrivés sur le seuil de la porte rouge, il retira l'une des mèches brunes qui me cachait le visage et sur un sourire entendu quitta le couloir. Le temps que je cligne des yeux il avait disparu. Ne restait plus que l'odeur d'encre, de pluie et de menthe.

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