•Chapitre 15•

Je ne pensais pas qu'on pouvait avoir l'impression de mourir plusieurs fois.

"Qui te dit que je suis réel ?"

Mais c'était bien possible. On pouvait sentir plusieurs fois son cœur se briser, on pouvait sentir plusieurs fois quelque chose cogner si fort contre sa poitrine que ça en coupe le souffle. On pouvait, brûler de l'intérieur au point que ça ne soit même plus douloureux. On pouvait avoir l'impression de s'être fait frappé si fort la tête qu'on n'entendait plus que ça. Qu'on n'entendait plus que le raisonnement de ce coup. Qu'on ne sentait plus que ça. Une douleur lancinante qui s'infiltrait et rampait de partout. Qui enflait, qui enflait au point de prendre toute la place, au point qu'on ne pensait qu'à ça. Qu'on ne voyait que ça alors qu'on devrait profiter de ces instants pour voir toutes les autres choses agréables qu'on a vécues, imaginées ou qu'on aurait voulu vivre et imaginer.

"Peux-tu vraiment te faire confiance lorsqu'il s'agit de discerner ce qui est réel de ce qui ne l'est pas ?"

Parfois, il m'arrivait de penser que la vie n'était qu'une suite de mort. Des petits essoufflements mis bout à bout qui forme un long souffle. Ainsi, nous aurions plusieurs vies et donc plusieurs morts. Cette manière de penser est loin d'être originale, je l'accorde, il est vrai qu'un grand nombre d'hommes et femmes de lettres l'avaient exprimé avant moi. Moi petite fille abandonnée et abîmée.

Réel. Irréel. "Qui te dit que je suis réelle ?"

Ma vie n'a donc rien d'originale. Les autres n'avaient rien à lui envier puisque, comme tout le monde, j'avais passé ma vie à mourir.

"Te faire confiance ?"

"Peux-tu vraiment te faire confiance lorsqu'il s'agit de discerner ce qui est réel de ce qui ne l'est pas ?"

Le jour de ma naissance. Lorsque j'avais rencontré Fiona et ses sbires. Le matin ou Sam avait voulut me voir. Au moment où j'étais arrivée ici. A l' instant où la Volvo avait démarré sans moi. Lors de ma rencontre préparée avec Finn. Le matin où j'avais embrassé Edward. Pour dire vrai, je dois admettre que durant un court instant, Edward m'avait redonné vie. Pas par son baiser vide de sens –loin de la !- mais pas ses regards, ses phrases, son rire et même par sa serre et ses roses. Son ravissant visage dans son jardin d'hiver m'avait même rassasié de bonheur. M'offrant toute la beauté et tous les regards fascinés que je n'avais jamais reçus. La vérité m'obligeait à dire que dans le jardin couvert, quand il était proche sans me brûler, quand il était loin sans me glacer. Quand il me parlait, me regardait tristement ; joyeusement. Le brun, d'un mouvement de ses pupilles précieuses, me redonnait vie. Je ne serais dire s'il le savait, mais peut-importe. Cette nuit, cette cachette, ces murmures m'avaient presque suffit.

Et puis, il m'avait tuée. Violemment. Précipitamment. Sans préambule.

Cette même nuit que j'avais tant aimée. Edward avait prit une de ses si chère rose, et l'emplissant de poison avait mit –une nouvelle fois- fin à mes jours.

Par une phrase. Qui avait brisé mon cœur, coupé ma respiration, consumé mon être. Par sept mots. Qui raisonnaient encore et encore, cachant tout le reste. Faisant perdre ses couleurs au monde.

"Qui te dit que je suis réel ?"

Ni tristement, ni joyeusement, il l'avait juste dit, puis il s'était tu Me regardant comme si c'était moi qui allais disparaître. Après avoir creusé mon tombeau et m'y avoir poussée et il avait déserté. Je l'avais vu fuir depuis le gouffre de ses prunelles grisées et grisantes.

-Katherine ? M'appelait-il à voix basse, me sortant de mes pensées en posant sa main sur mon épaule. Ce contact réveilla en moi une violence que je ne me connaissais pas. Contre lui s'échoua toute la haine, toute la colère, toute la tristesse que j'avais ressentie ces derniers jours. Et même ceux d'avant. Encore une fois je dus le surprendre puisqu'il ne bougea pas d'un pouce même après que ma main ne ce soit écrasée sur sa joue dans un claquement sonore. Le brun me regarda, ses yeux étaient vides, dépourvus de toutes émotions ou de tous reproches. De mon côté, voir apparaître la marque rouge de ma main sur sa peau opaline me perturba. L'envie de le prendre dans mes bras ou de le gifler encore une fois se battaient en moi. Sa main n'avait pas quitté mon épaule, dans un geste automatique il porta les doigts de sa main libre à la joue que j'avais frappée. Même si je ne savais pas si j'étais désolée, je m'apprêtais à lui dire lorsqu'il me coupa l'herbe sous le pied alors que j'avais la bouche ouverte.

-Rassurée ? Son visage avait reprit ce rictus narquois-amer qui lui allait si mal. L'un de ses sourcils s'arqua tandis que je restais silencieuse.

-Je...je...

-Si tu dis désolée. Je te jure que je m'en vais sur le champ. M'avertit-il d'une voix redevenue suave. Il s'était éloigné, je n'étais pas étonnée mais je ne pus retenir une grimace, qu'il ne vit pas.

-J'allais dire que tu l'avais mérité. Mentis-je en me levant pour rejoindre la bibliothèque, qui était le meuble le plus éloigné de lui. Tu n'as pas le droit de jouer sur mes faiblesses ainsi Edward. Lui dis-je.

-Ne me refais pas la morale je t'en pris ! Geignait-il d'une voix peu amène en prenant ma place sur le fauteuil noir. Le brun s'entoura de la couverture dans laquelle il m'avait couverte plus tôt et ferma les yeux comme pour s'endormir.

-De plus, je te ferais remarquer que la réalité n'est pas un concept qui fait défaut qu'à toi. Reprit-il, les yeux toujours clos. Tout le monde se pose des questions sur son existence et sur sa réalité, tout le monde se demande si ce qu'il ressent est réel. Personne ne se réveille en étant sûr de sa tangibilité dans ce monde. Chaque matin, et de partout, les êtres humains se demandent s'ils ne sont pas des mensonges. Tu te plains de ne pas avoir choisit d'être ici, mais penses-tu vraiment que l'un d'entre nous est heureux et à choisi de se faire réveillé tout les matins entre ces murs ? De prendre des médicaments toute la journée puis de filer dans un bureau de psychiatre chaque jour. Du coin de l'œil je constatais que les traits de son visage n'étaient ni tirés dans une expression triste ni dans un air extatique. On aurait dit qu'il avait caché son vrai visage derrière un masque de cire.

-Les médicaments nous empêchent de penser, nous ne choisissons pas où nous vivons, ni ce que nous faisons de nos journées alors sommes nous vraiment réels ? Je n'en sais rien. Alors, inutile de te mettre dans un tel état Katherine. Ta schizophrénie n'est pas ce qui t'éloigne tant que ça du commun des mortels que tu affectionnes tant. Dit-il d'un ton acerbe Cette fois je me tournai franchement vers lui prête à répliquer lorsqu'il s'exclama les yeux grands ouverts sur le plafond :

-Ah ! Ta schizophrénie doit être tellement réjouissante et divertissante ! J'avais l'impression d'avoir disparue du paysage, en temps que personne du moins. Soudainement, j'avais l'impression d'être un animal fascinant entre les mains d'un scientifique fasciné. De sa démarche féline, il rejoint en quatre enjambées la serre qu'il ferma à clef. Mes poings étaient serrés au point que mes ongles s'enfonçaient dans mes paumes et je fus de nouveau confrontée à l'incroyable envie de lui faire mal. Lui faire très mal. Edward réveillait en moi des émotions et des désirs dont je ne me pensais pas capable. Sa dernière remarque était une provocation ultime, son verbiage - auquel je n'avais presque rien compris- n'était qu'une stratégie qu'il utilisait pour arriver à ses fins.

Cependant je ne comprenais pas le but de cette provocation. Je ne comprenais pas ou il voulait en venir. Que cherchait-il ? Que je lui gifle l'autre joue ? Parce qu'autant dire que je pouvais très simplement le faire si tel était son souhait.

Une fois qu'il eu terminé de sceller la porte de verre de son jardin couvert, il revient près de moi. Si près qu'une fois encore je pus me perdre dans la contemplation de ses iris.

-Toi aussi tu as un problème quoi que tu en dises... Toi aussi tu te réveilles ici, toi aussi tu prends des médicaments par centaines, toi aussi tu vois un psychiatre quotidiennement. Quoi que tu en dises tu souffres tout autant que nous autres, peut-être même plus. Me défendis-je en plantant mon index dans son torse. Edward ne cilla même pas, il approcha juste un peu sa tête de la mienne. Nos nez se frôlèrent, nos fronts étaient presque l'un contre

-Ou pas... Quoi que tu en dises, tu n'en sais rien. Tu ne me connais pas car si tu me connaissais tu ne serais certainement pas là... Chuchotait-il en collant pour de bon son front au mien. Et en serrant mon poignet dans sa main. Je reculai si violemment que je me rencognai la tête (heureusement moins fort) contre la bibliothèque qui tangua dangereusement dans mon dos. Même si le meuble menaçait de nous tomber dessus à tout moment, nous ne nous quittâmes pas des yeux. Et là, je sus, à force de fixer ses pupilles argentées, je compris ce qu'il n'allait pas depuis à peu près dix minutes : Je découvrais une autre facette d'Edward... Il n'était ni le psychopathe du chêne qui m'avait embrassée lors de mon arrivée, ni le garçon au visage d'Adonis qui m'avait dit que j'étais belle dans la serre. Il était un autre. Un autre que je n'aimais pas du tout. Je le repoussai après m'être détachée de lui et marchai sans relever la tête jusqu'à l'encadrement de la porte. Ses pas raisonnèrent derrière moi et lorsque je marquai une pause, il fit de même et s'enquit de ma destination.

-Je vais percer tes secrets puisque tu ne veux pas collaborer, Edward. Dis-je en m'apprêtant à sortir.

-Oh. Se contenta t-il de répondre de la voix de celui qui est déçu en partant s'asseoir près du piano sous mon regard étonné.

- Je t'ai menti au fait Katherine. J'ai toujours la clef du bureau. Je ne suis pas stupide au point de te servir mon dossier sur un plateau. Il y a des limites de l'intimité que même moi je ne franchis pas.

-Mais tu les as franchis justement. Tu es parti dans ce bureau et tu as volé une feuille de mon dossier. Pourquoi je ne ferais pas la même chose ? Le questionnais-je d'une voix étranglée

-Ba... Parce que c'est moi qui ait la clef. Répondit simplement le brun en arqua un sourcil et en sortant la clé du bureau qu'il m'avait montrée plus tôt. Il fit mine de l'avaler puis la laissa glisser le long de sa gorge pâle. Je vis la clé argentée se frayer un chemin jusqu'au col de la chemise de son pyjama. Je le regardais sans savoir quoi dire, quoi faire. Lui, souriait de toutes ses dents.

-Je vais allez me coucher. L'informais-je d'une petite voix. Dehors, le soleil commençait à se lever. Le ciel était une nouvelle fois magnifique, panaché de bleu nuit, de violet et de rose. Le souvenir de ma ballade et du garçon sans visage me revient douloureusement en mémoire.

-Edward Gideon Gray. Chuchotait-il, m'arrachant à ma contemplation de l'azur.

-Pardon ?

-C'est mon nom, au complet. Edward Gideon Gray. Répétait-il d'une voix basse presque inaudible. De mon côté, je pouffais de rire.

-Tu ne veux pas sérieusement que je t'appelle comme ça ? Lui demandais-je alors que son second prénom tournait et retournait en boucle dans mon esprit.

Gideon.Gideon.Gideon.

-Ravi d'être une source d'amusement Katherine. Il avait visiblement remarqué mon sourire.

-Tu ne sais pas à quel point... Gideon ! Le simple de fait de prononcer son prénom à voix haute me fit hurler de rire.

-Je crois que même mon arrière grand-père avait un nom moins... plus... Commençais-je sous son regard ennuyé. C'est particulier. Finis-je par dire, une fois que je me fus reprise. Il avait quand même, consenti à se présenter alors qu'il n'était pas d'accord au début.

-Et... Quel est l'histoire de ce prénom ? Demandais-je finalement alors qu'il me fixait intensément. Avait-il au moins cligné des yeux ? Son regard sur moi changea brusquement. Une nouvelle fois il s'assombrit et Gideon me lança un regard noir, dont je ne le pensais pas capable. D'une voix claqua comme un fouet lorsqu'il assura:

-Il n'y en a aucune.

-Tu veux que je t'appelle Gideon sans même savoir pourquoi ? Pourquoi je ferais ça ?

-Tu vas le faire. Parce que je te le demande. Répondit-il froidement.

Et un second regard noir ! Un !

-Et, depuis quand je fais des choses pour te faire plaisir ?

-Katherine.... Soupira-t-il, sa mauvaise humeur –soudaine apparut- semblait croissante.

Pourquoi te sens-tu obligée de toujours poser des questions ? Ne pourrais-tu pas simplement faire une chose parce que je te la demande.

-Non. Bien sure que non ! Tu n'es en rien supérieur à moi ! Je n'ai pas à t'écouter bêtement. Expliquais-je d'une vois devenue criarde.

-Avant de faire la rebelle, apprends d'abord à faire la différence entre rêve, réalité et hallucination. Quand tu auras réussi cet exploit, nous reparlerons de ma supériorité.

Sa remarque me toucha en plein cœur. Durant un instant je m'arrêtai même de respirer. Je pensai à ravaler de l'air lorsque ma gorge commença à me piquer. Pour la énième fois, cette nuit là, ma vue se brouilla sous la pression des larmes.

Finalement, Edward Gideon Gray ne m'avait pas tuée qu'une fois ce soir. Il venait de le refaire. Plus violemment que la première fois.

La même technique avait pourtant été utilisée sans que je ne vois rien venir. J'étais trop hypnotisée pour penser et comprendre. Hypnotisée par son beau visage, par ses yeux magnifiques... Hypnotisée par sa personne hypnotisante.

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