•Chapitre 14•
J'étais toujours dans la serre de rose avec lui. Je n'avais pas de montre et je me moquais bien de l'heure qu'il était. Le temps semblait s'être arrêté. J'aurais voulu que le voile nocturne ne se lève jamais. Les roses brillaient sous l'astre de la nuit, elles étaient pourtant bien fades en comparaison à son visage d'Apollon rendu plus pâle encore par la lueur du satellite lunaire. Sa tête toujours rejetée en arrière offrait à mes yeux un spectacle dont je ne me laissais pas. Quelques mèches de ses cheveux sombres lui tombaient sur le font. Traces soyeuses de suie qui se penchaient sur la neige douce de son visage. Ses cils noirs caressaient avec douceur la peau opaline de ses pommettes et faisaient danser des ombres sur son visage. Ses lèvres rouges étaient entrouvertes et j'entendais le souffle s'en échapper dans le silence plaisant qui enlaçait la serre, les roses et nous avec.
Comment pouvait-il penser être laid ? Me demandais-je avec la furieuse envie de toucher son visage sculptural.
Il aurait fait un parfait modèle pour un portrait. Pensais-je en admirant avec plus d'affabilité encore, son visage d'Adonis. Dans la minute qui suivit et sans même y réfléchir plus de deux secondes, je me précipitai vers la sortie de la serre pour me diriger vers la salle commune. Je fis tout de même attention à ne pas écraser une nouvelle rose, en me souvenant du cri qu'il avait poussé lors de l'incident et la manière douce avec laquelle il avait enterré le cadavre de ma pauvre victime.
Il y avait une relation particulière entre le brun et ses roses. Cette multitude de fleurs- qui recouvrait tout l'intérieur de ce qu'il appelait sa serre- représentaient une chose à ses yeux que je n'arrivais pas à saisir. Avant de sortir je caressai la corolle rouge d'une petite rose grimpante qui poussait près de la sortie. Alors que j'étais sur le point de m'éclipser, je me retournai vers son corps endormi. J'avais cru entendre le bruit de quelque chose qui se cognait contre la vitre du jardin couvert, j'observai les lieux mais ne constatai rien de particulier si ce n'était l'expression de son visage. Ses traits qui avaient été si sereins toute à l'heure m'apparurent comme tirés. Je haussais les épaules consciente que ma vision n'était pas particulièrement bonne et que j'étais à l'entrée de la serre alors qu'il était recroquevillé au fond du jardin d'hiver. Quand je sortis de l'habitacle de verre, je constatai qu'il faisait très chaud à l'intérieur, un vent polaire de janvier claqua chacune de mes joues avant que je ne m'engouffre précipitamment dans la salle commune, je m'arrêtai devant le piano et le caressa du bout des doigts. Sans produire de son, j'effleurai chacune des quatre-vingt-dix-sept touches puis je récupérai le crayon à papier que j'avais repéré quelques jours plus tôt. L'objet était déposé délicatement sur le pupitre brillant de l'instrument, juste devant une partition sur laquelle toutes les notes n'étaient pas écrites.
Sûrement la composition de quelqu'un. Supposais-je en voyant-ce que j'imaginai être- le nom du morceau écrit à droite d'une écriture incertaine et rapide : Eros. Immédiatement l'image du Cupidon sans visage me revient en mémoire. Comme si elle m'avait brûlé, je lâchai la partition qui tomba à même le sol. Je la ramassai en vitesse, d'une main tremblante et la reposais sur le pupitre où je l'avais trouvée. Une fois que j'eus le crayon en main, je me redirigeai d'un pas vif vers la serre. Lorsque je me rassis, je crus percevoir de son côté, un soupir de soulagement mais quand je le regardai, je constatai qu'il n'avait pas bougé d'un pouce. Seule son expression s'était de nouveau modifiée. Ses magnifiques traits avaient repris l'air serein qu'ils abordaient avant mon départ pour la salle commune.
-Parfait. Me surprise à chuchoter.
S'il avait été conscient, il n'aurait guère pu être un meilleur modèle. Des roses grimpantes, poussaient de part et d'autre de sa tête, dessinant une couronne sanglante autour de son visage. Après avoir retourné la photocopie, le crayon dansa presque seule sur le verso vierge de la page. D'habitude avant de peindre ou dessiner, je me lançais prudemment dans un croquis. Mais, son visage si paisible méritait un portrait sur le champ. Je dessinai d'abord -d'une main d'experte que je ne me soupçonnais pas !- les bords de son visage, sa mâchoire carrée, le lobes de ses oreilles et cætera... Dix minutes plus tard je pus reproduire les mèches rebelles de ses cheveux noirs puis sa coupe dans son intégralité. Je croquai rapidement les roses grimpantes, ajouta quelques hybrides de thé blanche que j'avais imaginé. En arrière plan, apparut un grand chêne, semblable en tout point à celui visible derrière les vitres recouvertes de buée et de condensation. Enfin, je pus esquisser les traits divins de son visage. Un temps tout particulier fut consacré à l'ébauche de ses yeux clos. Bien qu'il ne s'agissait que d'une esquisse –que je comptais retravailler-, je pris le soin de dépeindre l'ombre de ses cils qui dansait sur ses pommettes. Les lèvres me prirent un peu de temps aussi, je voulais que ma représentation soit exacte. Je voulais que les lèvres de mon dessin soient la copie parfaite des originales. Lorsque je relevai la tête pour regarder une nouvelle fois la commissure -sur laquelle je butais un peu- je marquai une pause, éblouie (encore) par son visage.
Penser qu'il n'était que l'ombre d'un homme laid était une véritable insulte pour toutes les personnes insatisfaites de leurs apparences physiques.
Peut-être que je ne faisais pas allusion à quelques choses d'aussi futile que la beauté du corps. Chuchota une voix semblable à la sienne depuis l'intérieur même de mon crâne tandis que je me concentrais de nouveau sur le garçon de mon dessin. Ce chuchotement m'avait semblé si réel que je me sentie obligée de relever les yeux vers lui, vérifier qu'il n'avait rien dit. Le psychopathe du chêne n'avait pas rouvert les yeux, pourtant, il dut sentir mon regard sur lui puisqu'il me demanda de sa voix redevenue mélodieuse :
-Tu as des questions à me poser Katherine ?
Toutes traces de chagrins s'étaient envolés. Je me demandai même durant un instant si je n'avais pas rêvé l'événement de toute à l'heure.
Ses paupières se relevèrent sur ses iris d'argents enivrants qui me fixaient comme si c'était moi qui le fascinais... Les mouvements gracieux produits par l'ombre de ses cils se stoppèrent. Il repoussa en arrière les mèches volages de ses cheveux et brisa l'enchantement. Le brun restait beau, évidement, la lune continuait de l'illuminer, mais ce n'était pas la même beauté... Ce n'était pas celle qui ombrageait la magnificence des roses. Ces traits étaient redevenus ceux de l'excentrique et triste adolescent malade. Ceux de celui qui n'avait plus d'espoir. Je cachai mon dessin dans la pochette noire et la serra contre mon cœur.
-Je n'ai aucune question et je te ferai remarquer que mon nom c'est Alice. Katherine n'étant que mon deuxième prénom. Affirmais-je d'une voix qui ne laissait pas entrevoir le trouble dans lequel je me trouvais encore. De son côté, il leva les yeux au ciel, regarda dans ma direction puis se tourna vers l'une des roses grimpantes qui poussait près de son oreille. Il effectua ce manège encore quelques fois puis finit par me dire d'une voix désintéressée sans même me regarder :
-Katherine, je trouve ton portrait de moi très réussi. Félicitations. J'ai hâte de voir le résultat final. Peinture à l'huile ou aquarelle ?
Malgré « la hâte » qu'il disait ressentir, il continuait de s'intéresser à ses roses bien plus qu'à moi. Mes joues rougirent, quand je compris qu'il ne dormait pas et qu'il m'avait surprise la main dans le sac.
-Je suis désolée. C'est vrai que j'aurais dut te demander avant, mais...
Mais tu étais si beau. Faillis-je dire, me stoppant juste avant.
-Mais ? M'encourageait-il à poursuivre un sourire narquois aux coins des lèvres. Ses prunelles s'étaient de nouveau attachées aux traits de mon visage, j'avais visiblement réussi à récupérer son attention.
Youpi ! Pensais-je amèrement pour me donner du change alors que j'étais secrètement heureuse d'avoir de nouveau le monopole de sa considération.
-Mais malgré ma faute, mon prénom n'en reste pas moins Alice.
Il roula des yeux une nouvelle fois, soupira bruyamment puis finit par dire :
-Je n'appelle jamais personne par son premier prénom. J'ai une préférence pour les appellations secondaires.
Son attitude détachée me donnait envie de lui exploser la tête contre l'une des vitres de son si cher jardin d'hiver. Toute l'affection que j'avais pu avoir pour lui plus tôt venait de s'envoler.
-Chacun ses traditions. Il semblerait que la tienne soit de tirer le portrait à toutes les personnes que tu rencontres. Ajouta-t-il après qu'un silence -colérique de mon coté- ne se fut étendu entre nous. Je me retiens de lui tirer puérilement la langue.
-Et laisse-moi devinez, tout le monde t'appelle « Maitre ». Ironisais-je en roulant des yeux à mon tour.
-Presque. Ria le brun en se rapprochant doucement de moi. Je ne suis pas si orgueilleux, je demande simplement à tout le monde de m'appeler par mon deuxième prénom. Dans un souci d'égalité entre eux et moi. Je suis sûre que tu comprends. Continua-t-il de plaisanter. Je peux regarder ? Demanda-t-il finalement en tendant sa main pâle vers mes jambes sur lesquelles reposait la pochette noire -qui contenait mon dessin.
-NON ! Hurlais-je en me levant brusquement, oubliant momentanément que la serre n'était pas assez haute pour contenir mon mètre soixante - quinze. Une douleur lancinante me prit au crâne alors que je m'effondrais - un peu assommée- sur le sol d'épines. J'entendis le brun souffler et marmonner dans sa barbe :
-Génial... Tu n'aurais pas juste pu me passer gentiment ce foutu dessin...
Je l'entendis gémir misérablement lorsqu'il constata la demi-douzaine de roses que j'avais écrasées dans ma chute.
-Désolée... Baragouinais-je en ayant envie de me faire avaler par la terre.
Le brun ne répondit que par un grognement indéchiffrable, puis il jura à plusieurs reprises après s'être penché sur mon crâne.
-Katherine... Gémit-il de nouveau d'un air dégoûté
-Alice. Le repris-je sèchement, même à moitié évanouie.
-Si tu veux. Acquiesçait-il d'une voix agacé, un peu plus lointaine. Eh ! Katherine ! Tu n'es pas entrain de t'évanouir par vrai ? Katherine? Alice! M'appelait-il d'une voix qui se faisait de plus en plus paniquée. Je sentais sa main secouer mon épaule de plus en plus précipitamment alors que je lui mentis en lui disant que je n'étais pas du tout entrain de m'évanouir.
"Bon Dieu ! Qu'est-ce que je vais faire !" L'entendis-je paniquer. Le psychopathe du parc s'était à moitié levé et rejetait mes cheveux en arrière à instance régulière alors qu'un liquide poisseux coulait le long de ma tempe droite.
Du sang ! Me mis-je à paniquer en comprenant ce qui se passait. Lorsque je rouvris les yeux, une expression de douleur extrême était dépeinte sur le visage du brun.
-Eh Oh ! Je criais sans savoir comment l'appeler. Cependant, je me voyais mal lui demander son nom avec un trou dans la tête, sachant qu'il n'arrivait même pas à me regarder en face...
- Tu n'es pas morte ? S'étonnait-il presque en haussant un sourcil.
-Ravie de voir que ma présence sur cette terre te mette tant en joie. Le raillais-je d'une petite voix enrouée.
-Si ! Si ! Se rattrapait-il en bougeant de droite à gauche, visiblement mal à l'aise. A la lumière de la lune, je crus voir perler des gouttes de transpiration depuis la racine de ses cheveux.
Pas très débrouillard le psychopathe.
-Rassure moi tu ne cherchais pas un moyen de te débarrasser de mon corps ! Me moquais-je gentiment alors que ses joues se coloraient de rose. Mon cœur bâtit contre ma poitrine, si fort que je crus qu'il allait en sortir pour s'en aller, seul, creuser la terre.
-Non. Répondit-il ironiquement d'une manière qu'il voulait dire « oui ».Le rose de ses joues ne s'était pas encore atténué.
Je grimaçai tandis que je tentais de me relever.
-Attends je vais t'aider. Proposa le brun en passant son bras autour de ma taille tandis que je pris le soin de récupérer la pochette noire et la serrer contre moi.
-Doucement ! Me plaignis-je alors qu'il me tira vers lui comme si j'étais un sac de pomme de terre qu'il allait jeter sur son épaule.
-Pardon... Pardon... S'excusa-t-il d'une voix rauque en raffermissant sa prise autour de mon corps chancelant. Ses deux mains tentaient chacune leur tour de se saisir de mon être défaillant. Le brun était visiblement perdu, sûrement parce que se retrouver dans de telle situation n'avait jamais dû lui arriver. J'eus un petit pincement au cœur quand je surpris son regard écœuré en direction de la partie ensanglantée de mon crâne.
-Tu pourrais au moins faire semblant de ne pas être dégoutté. Maugréais-je d'une voix mauvaise.
-Mais...
-LA PORTE ! Le coupais-je alors que ce crétin ne regardait pas devant lui et était sur le point de nous faire rentrer tête la première dans le verre de l'entrée du jardin d'hiver. Immédiatement, la prise de ses doigts sur mes hanches se fit plus forte, presque douloureuse.
-Tu me fais mal. Lui fis-je donc, remarquer.
-Ah... euh... je suis désolé ! S'excusa-t-il de nouveau en décrispant la prise de ses doigts sur ma peau ainsi que sur le tissu de mon pyjama.
-Est-ce que je peux connaitre ton nom ? Lui demandais-je en penchant la tête sur le côté alors qu'il me regardait d'un air inquiet. Autant user de mon air pitoyable !
-Non.
-Pourquoi ?
-Parce que. Se contenta t-il de répondre avant de s'arrêter brusquement.
-Parce que, n'est pas une répon... Ma phrase se finit dans un cri hystérique que je ne pris même pas la peine d'étouffé, tandis qu'il passait l'un de ses bras sous mes jambes pour me porter. Mon nez se trouva collé à sa poitrine, je n'eus pas le temps de lui dire que j'étais trop lourde pour qu'il me porte ainsi , que déjà nous tombâmes entre le canapé d'angle blanc et le piano à queue noire. Moi sur le sol et lui sur moi. Je hurlais alors que lui riait à gorge déployée. Ma main se posa presque automatiquement sur ses lèvres qui me chatouillèrent la paume.
-Chut ! Le rabrouais-je. Les veilleuses vont t'entendre ! D'ailleurs je ne sais pas comment elles ont fait pour ne pas nous surprendre vu tout le boucan que nous faisions.
-Qu'elles aillent au diable ! Déclara-t-il encore hilare. Il n'avait pas pris le temps de se relever si bien qu'il pesait encore sur moi. Lorsqu'il riait, cela me chatouillait étrangement. Son regard argenté finit par croiser le mien. Dés lors, il s'arrêta automatiquement de s'esclaffer. Un silence nous lia l'un à l'autre et alors je fus certaine qu'il allait m'embrasser.
Après tout ce qui s'était passé, je ne l'aurais pas repoussée. Il était triste, malgré tout ce qu'il faisait ou disait.J'étais triste, malgré ma « renaissance ».Et nous étions suffisamment fous pour être internés en hôpital psychiatrique. Alors, un petit baiser, ce n'était rien. Si je fermais les yeux j'étais persuadé de pouvoir m'en convaincre.
Tu ne connais même pas son nom ! Hurla ma conscience. Je la chassai et me concentrai sur ses iris grisants.
Le brun sembla changer d'avis à la dernière minute, puisqu'un juron lui échappa alors qu'il roula sur le côté pour s'installer à ma droite.
Foutus sang... Pensais-je en tournant la tête vers lui qui regardait le plafond d'un air torturé. En touchant le haut de mon crâne je constatai que mon hémoglobine avait arrêté de couler et avait séché, formant une croûte peu esthétique. En prenant appui sur le sol, je m'apprêtai à me lever mais le psychopathe de service – qui avait deviné mes attentions- m'arrêta en posant son bras en travers de mon torse. Je rougis dans l'obscurité de la salle, de son coté il ne sembla pas le moins du monde troublé par son geste lorsqu'il murmura :
-Tu ne bouges pas sans mon aide.
-Je ne suis pas Bella Swan. On n'est pas dans Twilight et tu n'es pas Edward Cullen. Je n'ai besoin ni de ton aide ni de ta protection pour vivre chéri. Certifiais-je d'une voix aigre en repoussant son bras. Il soupira encore - je l'imaginai bien, lever les yeux au ciel avec agacement. Il roula pour se trouver face contre terre et une moue sur les lèvres -que j'entraperçu grâce à la lumière de la lune qui flirtait par la grande fenêtre de la salle commune- posa sa tête contre mon ventre.
-Essaye de bouger maintenant ! Me provoqua t-il, une flamme rieuse dansait dans ses yeux.
Il avait su comment m'atteindre, je ne bougeai plus d'un pouce, savourant le contact chaud de sa tête contre mon estomac dans lequel s'activaient-une nouvelles fois- des papillons.
-Je m'avoue vaincue ! Oh grand Edward de mon cœur je m'abandonne à ta protection ! M'exclamais-je en riant et en imitant la voix mièvre de l'héroïne de la saga vampirique. Lorsque je prononçai le prénom « Edward », le brun eu un drôle de sourire qui me mit la puce à l'oreille.
- C'est ton nom ? Edward ? Le questionnais-je
-Peut-être que oui. Peut-être que non. Répondit-il en me regardant de nouveau par-dessous ses cils. Il savait en jouer ce crétin !
- Bon aller, je vais aller chercher quelque chose pour nettoyer ça. Dit-il quelques minutes plus tard en approchant sa main de ma blessure. Je crus un instant qu'il allait caresser le haut de mon crâne, mais il se rétracta, grimaçant.
-Non. Répliquais-je avec la voix d'une enfant capricieuse.
-Allez Allez ! S'exclamait-il en riant tandis qu'il se levait pour ensuite me porter -de nouveau- jusqu'au fauteuil noir dans lequel il m'installa consciencieusement.
-Me porter et tomber une fois ne t'as pas suffi Edward ? Tu veux retenter l'expérience Edward ? Le questionnais-je.
-Arrête de m'appeler comme ça Katherine. Me manda le brun d'une voix amusée.
- Pas si c'est ton prénom.Edward. Je te ferai remarquer que tu m'as appelée Alice toute à l'heure.
-Pas du tout. Tu as du halluciner. Répliquait-il en disposant délicatement une couverture sur mon fauteuil. Je le regardai d'un air blessé, je croyais qu'on avait mit nos problèmes de côté ce soir. J'étais blessée et en état de choque tout de même !
- Ou alors ta commotion est bien plus grave que ce que j'avais prévu. Ajoutait-il en me souriant de toutes ses dents. Ne fait pas trop de bruit, je reviens dans quelques minutes. M'informa le brun en sortant silencieusement de la pièce, comme lors de sa première sortie, quelques minutes-ou heures ?- plus tôt.
Avant même qu'il fut sortie de la pièce je me mis à pousser la chansonnette :
-Edward, Edward, Edward, Edward. Braillais-je en me demandant si l'idée d'une commotion cérébrale était vraiment si stupide...
Le brun revient cinq minutes plus tard les bras chargé de matériels de premier secours :des compresses, de la solution désinfectante, une paire de ciseaux et un miroir de poche.
-Je ne sais pas si ça va suffire mais j'ai dévalisé tout ce qu'il y avait dans le tiroir de la secrétaire ! S'exclama-t-il en s'approchant pour se décharger ce qu'il avait dans les bras.
-Je peux te donner les ciseaux sans craindre pour ta vie ou la mienne ? Demanda le brun d'une air véritablement inquiet, qui me surprit.
-Mais oui. Le rassurais-je en alignant chaque objet sur le sol pour en disposer plus facilement.
Il s'approcha de moi et un instant je crus qu'il allait s'occuper de panser mes blessures, mais non. Il s'empara simplement – dans un mouvement vif- de la pochette noire que j'avais cachée dans mon dos.
-A moi le dessin !
-Félicitation tu la volé ! Maintenant rend le moi Edward.
-Mais arrêtes de m'appeler par mon prénom ! Ça m'agace ! Se plaignit-il
-Donc j'ai raison ! M'étonnais-je
-Bien sûr. Acquiesça-t-il les yeux fixés sur le dessin qu'il m'avait volé.
-ça veut dire que j'ai gagné le jeu ? Cette phrase- ci le fit réagir, Edward leva immédiatement les yeux vers moi, ses sourcils noir froncé sur ses yeux argentés.
-Quelle idée ! Tu as perdu c'est évident !
-Mais...
-Peu importe que tu es deviné l'un de mes prénoms, moi j'ai trouvé les trois et en premier. J'ai donc gagné ce pari. Certifia le brun, il me regardait si intensément que je compris que je n'avais rien à redire et que je ne devais pas essayer de débattre de sa victoire.
-D'accord Edward, d'accord. Acceptais-je d'une voix que je voulais douce en m'emparant d'une compresse et de la solution désinfectante. Dés qu'il me vit les prendre en main, Edward s'assit sur le sol, me sourit avant de me tourner le dos.
-Tu es ... Commençais-je
-Hématophobique ? Oui. Termina-t-il
-Tu es plus Bella qu'Edward finalement. Le taquinais-je, déçue ne pas voir son expression. Lui parler ainsi, me donnait l'impression de parler avec un fantôme.
-Arrêtes avec tes références littéraires de pré-ado Katherine, tu vaux bien mieux que ça ! Répondit Edward.
-Qu'est-ce que tu sais de mes qualités littéraires Edward ? Je grimaçai lorsque je posai la compresse imprégnée de produit antiseptique à l'endroit de ma blessure.
-Qu'est-ce qu'on a dit sur ce prénom ! Cria-t-il d'une voix outragée.
-Moi, je n'ai absolument rien dit !
Une fois de plus, il souffla brusquement et retourna à la contemplation de mon dessin sur lequel il ne fit pas de commentaire (à mon grand étonnement).
- Et de toute manière il n'y a pas d'autre prénom que je te connaissais. Ajoutais-je en continuant de nettoyer ma plaie qui était bien moins profonde que ce à quoi je m'attendais. Ma grand-mère avait raison, la tête sa saigne beaucoup pour pas grand chose.
Il resta silencieux, droit comme un I, regardant je ne sais quoi.
-Edward ?
Aucune réponse.
-Edward ? Retentais-je
Toujours aucune réponse.
-Pourquoi tu tiens absolument à appeler tout le monde –et à être appelé- par son deuxième prénom ?
-C'est simple Katherine ! Durant un instant, il fit le geste de se retourner, puis se souvenant sûrement de ma tête –pas encore totalement nettoyée- il reprit sa posture et marmonna en triturant ses doigts :
-Une grande majorité des personnes que je côtoie se trouve être gênées par le deuxième prénom. Évidement, c'est le prénom le plus étrange des deux. Celui que les parents ont choisi avec le plus grand soin mais qu'ils n'ont pas voulu faire porter en premier parce qu'ils avaient peur que cela porte préjudices à l'enfant, dans le futur. Le deuxième prénom est –dans la majorité des cas- celui qui raconte l'histoire de la famille et, ou de la personne.
A l'aide du miroir, je pu constater que j'avais toujours une tête cadavérique, mais qu'au moins, je n'étais plus couverte de sang-si l'on omettait la racine de mes cheveux. J'en informai le brun qui se retourna presque immédiatement et sauta sur le siège du piano.
-Ce sol est horrible ! Je n'ai jamais connu quelque chose d'aussi peu confortable ! Se récria Edward-qui-ne-voulait-pas-qu'on-l'appelle-Edward.
-C'est pour ça que tu t'intéresses tant aux seconds prénoms ? Parce qu'ils te permettent d'en savoir plus sur la vie de la personne ? Le questionnais-je en arquant un sourcil. Ignorant volontairement son commentaire sur le confort que présentait le sol de la salle commune. Je souriais de toutes mes dents, heureuse de pouvoir voir ses traits si changeant. Lui aussi souriait, je me demandai pourquoi ?
-Pas que... Le brun dut percevoir ma prochaine question –pourquoi !- puisqu'il reprit d'une voix calme :
-Le second prénom est souvent celui que l'on veut cacher, celui qu'on veut oublier. C'est celui que j'adore trouver, car le découvrir signifie découvrir un secret supplémentaire sur l'autre. Cependant, ton deuxième prénom n'a rien à envier au premier. Katherine est un très joli nom. Je trouve même cela- à bien des égards- plus beau qu'Alice, qui, si tu veux mon avis, est un prénom très banal ; vue et déjà vue mille et une fois. Poursuivit le brun dont les yeux reflétaient la lumière du spectre opale. De mon côté, mon sourire s'évanouit tout de suite. C'était mon père qui avait choisi mon premier prénom, quand ma mère avait choisi le deuxième et le troisième. Entendre Edward descendre ainsi le nom que mon géniteur – le seul de mes deux parents à m'aimer réellement- avait choisi me serra le cœur. Je ravalai mes états d'âmes et déclarai d'un ton que je voulais badin:
- Je ne sais pas si je dois prendre ton avis comme étant un compliment ou une insulte.
-Prends le comme c'est, une comparaison suivit d'un choix personnel. Répondit-il d'une voix fatiguée. Son regard s'était perdu dans une contemplation lointaine. Lorsque je suivis le chemin que ses prunelles traçaient, je constatai qu'il regardait le grand chêne qui se trouvait au milieu du parc. Cet arbre sous lequel, il m'avait embrassée le premier jour...
-Quel est l'histoire de ton nom ? Demanda-t-il soudainement en se désintéressant de l'extérieur.
-Ma mère – bien que l'écriture soit différente- s'appelle comme ça, et sa mère avant elle s'appelait ainsi. Il fallait perpétuer la tradition, Même si je ne suis pas comme elles. Répondis-je amèrement.
-Assurément. Si c'est de ta folie dont tu parles si tristement. Tu devrais plutôt en rire ! Voir en être heureuse ! Grace à elle, tu ne serras jamais ennuyante ! Jamais tu ne seras comme ces bonnes femmes qui vivent dans des petits lotissements privées, prennent le thé à seize heures juste après, avoir trompé leurs maris avec le jardinier de dix-sept ans et juste avant de donner des cookies à leurs gamins affreux qui sortent de l'école ! Tenta-t-il de me rassurer, il avait quitté le tabouret du piano et était venu s'asseoir aux pieds de mon fauteuil. Sa tête s'appuyait négligemment contre mon genou alors que ma main ,d'elle-même, partit caresser ses mèches sombres.
-Est-ce que je peux connaitre ton deuxième prénom à toi ? Lui demandais-je finalement sans le regarder.
-Si je te donne mon nom cela voudra dire que tu t'annonces officiellement vaincue. M'informa-t-il en relevant son regard d'acier vers moi. Est-ce vraiment ton vœu ?
-De toute manière, j'ai perdu. Alors oui, s'il le faut, je m'avoue...
-Quand tu l'auras dis, rappelles toi que je pourrais avoir tout ce que je veux de toi. Me coupa t-il en tournant vers moi son visage sculptural.
Je me laissai glisser de mon fauteuil et approchai mon visage du sien, puis je passai mon index sous son menton pour le forcer à me regarder dans les yeux. Edward sembla surpris de mon geste un instant puis une toute nouvelle expression inconnue se dépeigna dans ses iris qui se dilataient.
-Je m'avoue vaincue. La douceur de son visage sous mes doigts me fit flancher et je le lâchai immédiatement tandis que mes yeux divaguèrent une fois qu'ils se furent posés sur ses lèvres.
-Très bien. Comme tu as perdu il est inutile que tu connaisses mon nom. Finit-il par dire alors que je posais –sans raison- ma tête sur son épaule.
-Pourquoi tu veux tant savoir mon nom Katherine ? Soupira-t-il d'une voix rauque en posant sa tête sur la mienne.
- Je n'en sais rien.Pourquoi tu tiens tant à me le cacher Edward ?
-Tu ne veux pas plutôt que je reste le fantôme anonyme terriblement beau que tu rejoindras ici chaque nuit ? Ainsi, chaque soir, nous aurons notre monde irréel à nous. Me susurra t-il au creux de l'oreille.
-Mais, toi, tu es réel. Affirmais-je
Il laissa, de nouveau, un silence se tendre entre nous, il me regarda. Ne dit rien, me regarda encore et finit par dire :
-Qui te le dit ? Qui te dit que je suis réel ? Peux-tu vraiment te faire confiance lorsqu'il s'agit de discerner ce qui est réel de ce qui ne l'est pas ?
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