Le monde sans nom


"Avance dedans", lui dit Neva avec gentillesse. La fille obéit et suivit le chemin pétri d'obscurité jusqu'à arriver devant l'arbre gigantesque qui l'avait déjà accueillie en Eroé. Un instant, elle se crut revenue à son point de départ, mais elle remarqua très vite que l'arbre, au lieu de tendre noblement ses branches vers le ciel perdait ses feuilles.

La fille en ramassa une: elle s'effrita en une poussière grise comme de la cendre. Elle continua son chemin, pressée de s'éloigner de cet arbre moribond.

Le ciel était d'un gris d' acier comme une chape étouffante pesant sur les épaules, sur laquelle se détachait une lueur identique à l'étoile d'Eroé, elle entendit un bruissement, mais elle n'y fit pas attention.

Plus elle avançait, plus ses pieds s'enfonçaient dans la terre molle. Soudain, elle entendit un grondement bas provenant de derrière elle et se retourna: un énorme canidé à la fourrure emmêlée grognait à quelques mètres d'elle, dévoilant trois rangées de dents acérées. Elle hurla lorsque la bête se jeta sur elle et lui mordit le poignet. La douleur fut atroce se répandant jusqu'à son épaule, et le sang pourpre coula. Elle partit en courant, poursuivie par l'affreux monstre.

Très vite, le sol humide devint boue, puis marécage dans lequel elle s'enfonça jusqu'à la taille. Elle réprima un hoquet d'horreur. Comment allait-elle se sortir de là ? Elle entrevit le grand carnivore qui s'éloignait pesamment, tandis que le marécage l'aspirait un peu plus. Elle se débattit furieusement jusqu'à attraper le bout d'une racine providentielle. Elle réussit finalement à se hisser sur la terre ferme.

Elle était frigorifiée, blessée et contusionnée, mais elle parvint tout de même à grimper dans les branches d'un arbre non loin. Elle vérifia que son perchoir était solide et enfin s'endormit.

Cette nuit là, elle fit un rêve pour le moins troublant : sans prévenir, une énorme bête aux yeux dorés surgissait au bout du chemin, dans le noir,et la broyait sous ses immenses pattes rondes.

Elle se réveilla dans un sursaut de terreur pure. Elle mit quelques temps à se remettre de ses émotions puis continua son chemin. Elle échappa à un gigantesque serpent, aux immondes larves qui peuplaient les marais, et se rendit compte qu'elle avait faim et soif.  

Elle dénicha des racines aigres dans un bois et des restes d'eau de pluie dans le creux des feuilles. Elle but et mangea avidement. Cela la surprit. En Eroé, elle n'avait jamais ressenti ce besoin vital de se sustenter. Bientôt, elle commença à voir un bâtiment semblable à celui où elle vit Neva pour la première fois, et autour duquel tourbillonnaient de grands oiseaux noirs.  

Elle pressa le pas et l'atteignit dans le milieu de l'après-midi. Il y avait aussi des jardins, mais ils étaient recouverts par des ronces. Cela lui rappela vaguement une histoire, une morale, celle de ne pas se fier aux apparences...

Elle arriva bientôt devant la porte principale dont les battants étaient ouverts.

« Bonjour ! » fit la femme aux cheveux noirs qui tentait d'empêcher les ronces de forcer les fenêtres. Elle portait une longue robe bustier orange et noire, toute simple.

« Ce monde n'a pas de nom, continua-t-elle sur un ton mélancolique. On n'a pas jugé bon de lui en donner. Moi, je suis Télanie. »

Sa voix avait quelque chose de blasé, comme si elle récitait un texte par cœur.

« A présent, tu vas devoir faire le choix entre Eroé et ici. »

Dans un grondement de tonnerre, Neva apparut. Le champ de vision de la jeune fille se divisa en deux. Le côté droit était celui de Neva et d'Eroé. Celui de gauche montrait Télanie et son monde.

« Je sais, le choix est facile, ma chérie » fit Neva. Dans sa voix perçaient des accents indéfinissables.

Télanie ne se défendit même pas, comme si la lutte était perdue d'avance.

« Viens avec moi,fit Néva, et tu auras Eroé pour l'éternité... »

La fille avait perdu la mémoire, mais elle savait que pour les êtres comme elle, il n'yavait pas d'éternité...

Elle scruta les yeux de Neva, bleus comme la glace, puis ceux de Télanie chauds et ambrés.

Peu après, elle répondit calmement qu'Eroé était trop beau pour elle et qu'elle resterait dans le monde de Télanie. Le beau visage de Neva se crispa pendant qu'elle et son monde disparaissaient.

Lorsqu'Eroé eut finalement disparu, Télanie se jeta vers la fille et la prit dans ses bras, comme une amie que l'on n'a pas vue depuis longtemps.Soudain un cri rauque leur vrilla les tympans. La fille demanda ce que c'était.

« C'est Neva qui a perdu sa proie... » répondit Télanie. La fille l'interrogea sur la nature de cette proie.


« C'est toi,répondit-elle. Tu as échappé à la Mort. Maintenant, je vais te redonner ton nom pour te donner la force de retourner d'où tu viens... »

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