19.
Combien d'semaine sont passées depuis q'je n'parle plus à Eren ? Deux, trois... J'sais plus. Et ne plus savoir est frustrant. Il vient encore tous les jours, mais j'ne reçois plus d'lettres, seulement des fleurs. J'l'ai retrouvé en début de semaine endormi contre le mur en face d'la porte d'ma chambre. J'ai préféré rester dans ma chambre, on n'sait jamais avec lui.
J'ai eu quand même une lettre en début de semaine. Malgré ça, il me manque toujours et ça m'fait bizarre de dire ça. Les fleurs me suffisent quand même. J'ai toujours peur d'ne plus recevoir "ça", d'sa part. Comme s'il avait disparu. Comme s'il était mort...
J'deviens de plus en plus dépressif vous m'direz. Ma vie n'est pas vraiment un conte de fée. Et heureusement. Nombreux seraient traumatisés par un mec "comme moi".
J'mange et dors d'moins en moins. J'suis encore plus pâle que d'habitude. Quat'z'yeux n'a pas arrêté d'me l'faire remarquer. Petra essaye d'me convaincre de manger et sortir un peu. Erwin me propose de venir à la boutique. Tout est prêt et celle-ci ouvrira dans une semaine.
Mais j'ai envie de rien. Ils savent tous c'qu'il y a d'main. Ça fera quatre ans. C'est long quatre ans n'empêche. C'est long quand tu sais q'tu n'reverras jamais cette personne. J'avais prévu d'aller au cimetière demain. Mais j'ai vite abandonné, sachant qu'Eren y sera.
J'me levai et me mis en position assise sur le lit froid et terne que j'côtoyais depuis deux semaines. J'tournai la tête vers le réveil et pus remarquer qu'il était déjà dix-sept heures trente. Je soupirai longuement, et, inlassablement, j'me laissai tomber, ne manquant pas de défaire le lit pour m'y glisser une nouvelle fois.
J'fermai les yeux et me remémora les souvenirs les plus marquants que j'ai pus avoir. J'ai seulement vingt souvenirs marquants. C'n'est pas beaucoup j'trouve. J'me souviens q'ma mère faisait un gâteau à chaque événements importants, et qu'elle écrivait celui-ci au dos des recettes.
J'me levai péniblement et pris un carnet et un crayon, et commençai à écrire ce dont j'me souvenais. J'suis en train de devenir un d'ces écrivains égoïstes qui racontent leur vie dont on s'en fout royalement. Bref. J'commençai mon "récit" en partant du début. C'est mieux.
"Premier souvenir.
J'avais trois piges et on venait d'arriver ici. On était en plein hiver. Il faisait assez froid pour que j'm'en souvienne. Ma mère avait racheté une vieille boutique délabrée pour construire son affaire. Il y avait un p'tit appartement juste au-dessus d'la bâtisse. Alors q'ma mère transportait les cartons à l'intérieur, je jouais dehors. J'croyais étouffé sous les tonnes d'vêtements qu'elle m'avait mit. Alors que j'explorais l'extérieur, j'sentis quelque chose tomber sur mon nez. J'avais relevé la tête et aperçu la neige tombée. J'étais totalement devenu hystérique et ma mère en avait profité pour prendre des tas d'clichés. Le soir elle créa un gâteau à l'image de cette longue journée. Elle décida de l'appeler "Winter" (Hiver)."
"Deuxième souvenir.
J'avais atteint haut la main mes cinq ans à c'te époque-là. J'm'étais fait une amie aussi. Petra qu'elle s'appelait. Elle est toujours là, même maintenant. C'était un week-end, ma mère et la sienne étaient d'accord que j'vienne chez Petra pour l'après-midi. Ma mère a quand même décidé d'm'accompagner. Alors qu'on venait à peine d'arriver, Petra courut vers moi, m'attrapa la main et m'emmena dans l'jardin à l'arrière d'la maison. Autant dire tout de suite que j'étais surpris. C'était la première fois que je voyais autant d'fleurs. C'était beau, tout simplement. Le goûter arriva vite et voyant ma joie devant ce jardin, ma mère cuisina un nouveau gâteau. Celui-ci fut appelé "Lumière Fleurie"."
" Troisième souvenir.
J'crois q'j'ai adoré c'moment-là quand j'étais encore un gosse. C'est juste un an après le deuxième souvenir. Là... J'devais avoir six ans. C'qui est déjà pas mal. Ma mère m'avait fait une surprise pour mon anniversaire. Ou pour Noël. De toute façon, j'suis né le vingt-cinq. Elle avait acheté des billets de train pour Paris. J'avais toujours rêvé d'y aller étant gamin. On y allait surtout pour voir mon oncle. Il était flic. C'tait pas quelque chose que j'admirais, par contre. Au final, on est restés là-bas une semaine et ma mère décida d'immortaliser l'dernier jour autour d'un gâteau, qu'elle a appelé "Douceur de Gabrielle"."
" Quatrième souvenir.
Ma mère a toujours eu un talent pour inventer et raconter des tas d'histoires. La première à laquelle j'ai eu droit, c'était un mythe, une légende, et ça a sûrement existé. Si j'me souviens bien, c'était en 850, et le monde était dévasté par des monstres répugnants appelés titans. L'histoire était surtout basée sur un gamin de quinze ans, qui était aussi un demi-titan. Après cette "lecture", j'ai supplié ma mère pour qu'elle fasse un gâteau à l'occasion d'ce jour. J'me souviens aussi lui avoir dit que j'ai peut-être vécu à c't'époque et q'j'étais le soldat le plus fort de l'humanité. Elle m'a répondu qu'elle était sûrement avec moi. J'avais alors moi-même décidé du nom du gâteau. Il s'appellerait "Mythe". J'avais seulement sept ans."
" Cinquième souvenir.
Même à huit ans, j'avais une vie merdique. J'rentrais de l'école en pleurs, blessé et sali de partout, puisque j'avais une fois d'plus été harcelé. Le gens sont cons. Sérieusement. Alors que j'avais balancé mon sac contre l'mur et était partis m'réfugier dans une salle que je n'avais encore jamais visitée, j'entendais ma mère m'appeler, puis plus rien. Elle revint quelques vingtaines de minutes plus tard, gâteau à la main. Elle s'était accroupie, tandis que je relevais la tête lentement. Elle essuya, à l'aide de son pouce, les larmes déjà présentes sur mes joues. Elle prit ma main et m'entraîna vers le piano qui s'trouvait au centre d'la pièce. On s'assit sur le siège et elle m'tendit le gâteau que j'pris sans hésiter. Elle rit faiblement avant de commencer une douce en enivrante mélodie. Elle dura cinq minutes, juste le temps que j'mange le gâteau. Juste après ça, j'décidai de nommer le gâteau, "Note de musique"."
" Sixième souvenir.
J'crois que c'est le moment l'plus sombre d'ma vie. J'me posais les mêmes questions q'maman. Et si rien de tout ça n'était arrivé ? Et si j'n'avais pas été kidnappé ? Et si j'n'avais pas subi tout ça ? Et si j'n'avais pas été battu et violé ? C'était répugnant. Si j'me souviens bien, j'revenais de chez Petra. J'avais harcelé ma mère pour rentrer à pied. Sur la route, j'ne faisais pas attention. Et j'n'ai sûrement porté aucuns intérêts à cette ruelle. Et j'ai été bien trop naïf. On m'avait assommé et bâillonné. Quelques heures plus tard, j'me réveillais dans une sorte de cage. J'avais toujours le bâillon. Puis un homme est arrivé et ma traîné de force dans une pièce où il me banda les yeux. Pendant l'temps où j'pleurais, il m'racontait c'qu'il allait me faire. Durant un mois, il me battait, me violait et j'en passe. J'avais q'dix ans vous savez. C'pas beaucoup. Donc, un mois plus tard, on me retrouva en sang et à moitié nu, sur un sol gelé, bâillonné. Mon bourreau s'était échappé. Après que les flics m'ont trouvé, j'ai été emmené d'urgence à l'hôpital. J'me réveillai dans c't'endroit trois jours plus tard, et les flics me ramenèrent auprès d'ma mère. Quand elle me vit, elle pleura encore et accouru pour me serrer dans ses bras. J'ne disais rien. J'tais vide à ce moment-là. Et puis comme j'ne mangeais rien, elle créa un gâteau qu'elle nomma "Fighting" (Combat). Elle le posa devant ma chambre mais j'ne e mangeai que le lendemain."
" Septième souvenir.
L'année suivante, j'tombai en dépression. J'avais même quelques tendances suicidaires, c'pour dire. J'me renfermai tout le temps. Même pour des histoires qui n'en valaient pas la peine. J'm'isolais du monde, de tout le monde. J'voyais pas l'intérêt d'sortir si c'tait pour q'ça recommence. J'ne pleurais plus, j'ne m'énervais plus, j'ne souriais plus. J'étais devenu une sorte de robot. Inexpressif, blasé et insensible. Ma mère a longtemps pleuré pour moi. Aussi loin que j'm'en souvienne, j'tais toujours émerveillé face à ses gâteaux. Ce jour-là, quand j'ai pris l'temps de détailler l'entremet, j'ai pleuré, pour la première fois depuis un an. Le gâteau représentait tellement la façon dont j'me sentais. Il s'appelait "Cage"."
" Huitième souvenir.
J'crois q'ça a été le seul jour de c't'année-là que j'ai été heureux. J'avais douze ans et j'venais à peine de sortir d'une longue dépression. On était le 30 mars, et ma mère m'emmena à l'hôpital pour je-ne-sais quelle raison. Elle m'avoua que son amie d'enfance venait d'accoucher, et qu'elle voulait absolument voir le gamin. On arriva dans la chambre et je pus constater l'amie de ma mère, Carla je crois, tenait dans ses bras un gosse. On s'avança lentement tandis que ma mère et Carla souriaient aux anges. J'm'approchai à mon tour. Carla m'avait d'mandé si j'voulais l'porter. Par pure politesse j'ai répondu que oui. Et alors que l'gamin était dans mes bras, Carla m'annonça qu'il s'appelait Eren. Et quelques secondes plus tard, il ouvrit les yeux. C'était magnifique. Ils étaient d'un beau vert émeraude. J'm'y noyait. Ma mère avait apporté un gâteau pour l'occasion. J'le nomma "Soleil", juste pour pouvoir le comparer aux iris d'Eren."
" Neuvième souvenir.
C'tait juste un an après la naissance d'Eren. Ma mère m'avait emmené d'force là-bas. La première idée que j'm'étais faite d'eux était, "C'est des putain d'bourges." L'gosse venait d'avoir un an. Ma mère avait aussi fait un gâteau, qu'elle avait nommé "Spring" (Printemps), seulement car le gamin était né durant cette saison. La fête a durée toute la journée. Ça m'avait vraiment fait chier. Puisque les vieux était en train d'causer, j'décidai de faire la plonge. Juste quand j'avais terminé, j'vis q'le gamin dormait sur l'canapé. Et à peine l'ai-je pris dans mes bras que ma mère en profita pour prendre une photo. Autant vous dire que j'ai voulu commettre un meurtre."
" Dixième souvenir.
J'revenais des cours, une feuille inconnue à la main. Mon prof principal avait passé une heure et demi à nous expliquer comment se déroulait l'année prochaine et qu'il fallait absolument qu'on trouve un métier. Il ne voulait juste pas être le prof de futurs SDF. Moi, s'était déjà décidé. J'allais reprendre la boutique d'ma mère, tout simplement. Ce soir-là, ma mère finissait tard et j'avais décidé de faire mon premier gâteau. Ouais, incroyable. Alors j'l'ai appelé "Avenir", sans grandes raisons."
"Onzième souvenir.
J'avais quinze piges. Ouais. Petra m'avait annoncé qu'elle déménageait à l'autre bout d'la planète, à Nantes, plus précisément, à cause du travail d'ses parents. Allez tous vous faire foutre. Tout pour me faire chier de toute façon. C'jour-là, j'l'avais accueillie à la maison. Ma mère croyait q'c'était ma petite-amie mais j'lui ai clairement répondu q'j'étais gay, et q'ça allait jamais changer. J'l'emmenai dans la cuisine où j'la fis s'asseoir et j'commençai à cuisiner. Au bout d'une heure et demi, j'lui présentai l'entremet finit. J'regardai à travers la fenêtre pour remarquer les feuilles tomber. J'appelai l'gâteau "Memories" (Souvenirs), juste parce que j'voulais me souvenir d'elle. On reste des heures sans parler, juste parce qu'on savait que parler ne servait à rien, surtout pour une simple conversation courtoise. Quand le moment fut venu pour elle de partir, j'la serrai aussi fort que j'pouvais. C'est tout c'que j'sais faire."
" Douzième souvenir.
J'me trouvais dans le labo d'la boutique. J'effectuais mon premier stage et j'dois dire que j'm'en sortais pas mal. Ma mère me félicita à de nombreuses reprises. J'avais q'seize ans et j'tais déjà un pro, d'après elle. Surtout en chocolaterie. Alors j'préférais me spécialiser là-dedans. La journée passa vite et j'préparai un gâteau pour ma mère, surtout parce qu'elle aimait la saison dans laquelle nous étions. Alors elle baptisai l'entremet "Autunm" (Automne), juste comme ça."
" Treizième souvenir.
J'ai décidé d'arrêter le lycée et de pas passer l'bac pour pouvoir aider ma mère à la boutique. J'avais dix-sept ans et j'tais presque majeur alors ça devait déranger personne. Pendant la fin d'la journée, j'ai bien faillis mourir quand j'ai entendu une folle hurler le nom d'ma mère, qui accouru. Alors que j'étais en train d'cuisiner, ma mère posa ses mains sur mes épaules en me disant qu'Eren était là et qu'il avait besoin d'une surprise pour le réconforter, suite au harcèlement qu'il avait subit pendant c'te journée-là. J'le vis s'approcher avec une chaise et il s'mit à contempler mes actions. Juste après, j'reviens à l'avant d'la boutique pour lui apporter l'entremet. J'ai pu revoir ces deux iris émeraudes remplies d'émerveillement. Il leva la tête vers moi et me sourit. J'décidai d'nommer l'gâteau "Enfance", juste pour lui. Avant de partir, il me prit dans ses - petits - bras et me sourit encore une fois. Les personnes gentilles sont étranges. Et il est le plus étrange."
" Quatorzième souvenir.
Enfin, j'tais majeur. Pour l'occasion, m'a mère m'avait fait une surprise. On embarqua dans la voiture et "seulement" une demi heure plus tard nous arrivions près d'une falaise. Quand on sortit, ma mère m'avoua qu'elle avait réservé une matinée d'parapente. J'ai toujours aimé le ciel, et j'ai toujours voulu voler. Et là c'était le rêve. J'me sentais libre et ça faisait vachement du bien. Après ça, on déjeuna en bas d'la falaise et ma mère sortit un gâteau qui n'pouvait que m'faire sourire. Intérieurement, bien sûr. Ma mère l'appela "Liberté", un nom qui d'ailleurs, lui allait très bien."
" Quinzième souvenir.
À c't'époque-là, j'attendais avec impatience l'arrivée d'mon oncle. Maintenant, j'en ai plus rien à battre. Va falloir vous habituez à mon caractère de merde et à ma vulgarité. Donc, mon oncle était revenu de Paris pour pouvoir fêter "convenablement" mes dix-neuf ans, en retard, évidemment. On était en été, et c'était le jour de fermeture d'la boutique. On a traîné toute la journée dans un bar. Quand on devait rentré, il était défoncé et moi non. Autant dire que j'tiens très bien l'alcool. Quand j'suis rentré, ma mère préparait un gâteau pour mon oncle, qu'elle appellera plus tard "Summer" (Été), mais j'lui précisa qu'il ira mieux demain. C'est une des raisons pour lesquelles j'n'aime plus mon oncle."
" Seizième souvenir.
Là aussi, c'était un moment sombre. Pas pire que la suite, mais déjà quand même. J'avais seulement vingt ans. Maintenant j'me sens vieux et c'est frustrant. On était le soir, vers dix-huit heures, et on finissait la journée quand j'entendis un bruit sourd, comme si quelqu'un tombait. J'me retournai et vis ma mère, par terre, inconsciente. J'ne laissais rien paraître, mais j'sais que j'étais inquiet. J'la portai, pris la voiture et l'emmenai la plus vite possible à l'hôpital, qui se trouvait à vingt minutes d'là. Arrivé là-bas, j'demandai à l'accueil de m'aider quand le médecin qui avait l'habitude de nous prendre en charge arriva. Après quelques minutes d'attente, le médecin m'annonça qu'elle avait un cancer "solide" comme il disait. Ou pour être plus précis, un carcinome. J'lui ai demandé de faire simple, et il m'a répondu un cancer du poumon. En connaissant ma mère, elle n'aurait pas voulu se faire soigner. L'autre m'a dit qu'elle en avait pour sept ans si elle ne veut pas se faire soigner. J'laissai passer ça et revins à la maison avec ma mère. Arrivé, j'me dirigeai vers la cuisine et lui tendis c'que j'avais pour elle. C'était "Jewels" (Joyaux) pour qu'elle ne perde pas son éclat."
" Dix-septième souvenir.
Ça faisait deux q'ma mère était malade. À chaque fois j'me disais , plus que cinq ans... Au final, j'avais peur pour rien. Ma mère restait la même. Ce jour-là, ma mère devait passer des examens pour voir si le cancer n'avait pas évolué. À chaque fois elle me disait, "Et puis de toute façon, on meurt". Elle n'avait pas tort sur ce point-là mais j'me sentais seul. C'était extrêmement frustrant. Alors qu'on rentrait, ma mère dégustait le gâteau que j'lui avais fait. "Peinture". Elle m'avait aussi demandé de m'occuper d'Eren quand elle ne serait plus là. Sans savoir pourquoi, j'ai accepté."
" Dix-huitième souvenir.
On était sortit avec ma mère ce jour-là. J'avais vingt-trois ans et elle était censée donner sa vie dans quatre ans. Ce jour-là, elle m'avoua tout c'qu'il s'était passé dans sa jeunesse. Ou du moins, avant que j'n'arrive. Elle me disait qu'elle détestait son ancien métier. Mais qu'elle l'aimait aussi puisque grâce à lui, j'étais là. Elle m'avait dit que j'ne connaissais pas mon père pour la simple et bonne raison qu'elle était prostituée, que mon père avait été un de ses clients, et que j'étais un "accident de travail". Elle n'aimait pas cette facette d'elle et en avait honte mais j'en avais rien à faire qu'elle ai été prostituée ou non. Je lui avait fait un gâteau aussi. "Beautiful World" (Monde Magnifique). J'ne pouvais que lui donner ça après tout. J'n'ai pas grand chose à offrir."
" Dix-neuvième souvenir.
Encore trois ans, j'me disais. Comme chaque années. Et comme à tous les rendez-vous chez l'médecin. J'en avais marre. Ma mère dépérissait à vue d'œil et refusait toujours de se faire soigner et de prendre le traitement. "J'vais bien crever un jour !" qu'elle m'disait. Oui, c'est sûr. Dans trois ans. Mais à n'importe quel jour. Et c'est ça qui m'énerve. C'jour-là, elle était pratiquement restée toute la journée dans sa chambre, et ne sortais que pour manger, se laver ou encore prendre d'mes nouvelles. Elle a toujours été inquiète depuis mes dix ans. Triste vie. J'avoue l'avoir un peu trop secouée ce jour-là. Mais bon. Fallait qu'elle s'bouge aussi. Elle ne va pas rester comme ça tout le temps bordel ! Donc, pendant qu'elle était à l'hôpital toute la journée, j'en ai profité pour lui faire un entremet. Surtout pour c'que j'lui dis passe mieux. J'me suis dit q'ça irait bien "Nuit", puisqu'elle devait y rester jusqu'au matin. Ça m'a prit, comme d'hab', trente minutes. C'était extrêmement long et chiant. Arrivé là-bas, j'me dirigeai directement vers la chambre qu'occupait ma mère. J'entre et lui tendis ma confection. Elle me sourit et me dit encore une fois à quel point j'étais un pro. J'ne répondis rien et m'essayai sur le lit. J'lui avais fait la promesse d'ne plus m'attacher à personne, chose qu'elle prit à la légère. Alors j'le lui redirais plus tard. Dans trois ans, trois semaines avant sa mort."
" Vingtième souvenir.
Encore deux ans... Et j'ai vingt-cinq piges... Le temps passe vite n'empêche. J'me retrouve encore à l'hôpital, gâteau à la main, devant la porte d'la chambre d'ma mère. Numéro 147. J'm'en souviens. J'ai pris une grande bouffée d'air avant d'entrer rapidement dans la salle. Quand ma mère releva la tête elle me sourit gentiment, malgré qu'elle était souffrante. Après... J'aurais appelé ça une grimace mais bon. J'fis comme d'habitude. J'lui donna l'gâteau et m'assis sur le bord du lit. Elle me félicita une fois de plus. Tandis qu'elle finissait sa dernière bouchée, l'médecin arriva dans la pièce avec le dossier d'ma mère. Il nous avoua qu'il pensait pouvoir sauver ma mère et qu'il fallait garder espoir. J'ne dis rien et regarda ma mère. Elle grimaçait. Elle est pas croyable. Si elle veut crever, c'est tout à son honneur, mais bon. Donc , j'donnai "Espoir" comme nom pour l'gâteau. C'tait pas mal. Elle m'avait aussi demandé si Eren venait toujours à la boutique. Oui, il vient toujours en pleurs."
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J'posai mon carnet sur la table de chevet et regardai l'heure. Vingt-deux heures. J'ai passé cinq heures à raconter ma vie ? C'te blague. J'me laissai tomber sur le lit tout en laissant Morphée me prendre dans ses bras. Et j'm'endormis en gardant une dernière image d'Eren dans mon esprit.
Le lendemain, j'fus surpris par une mélodie que j'connaissais bien. J'me levai péniblement et me dirigeai vers la fenêtre. Elle donnait sur le jardin de Petra, qui n'était pas là aujourd'hui d'ailleurs. J'me penchai vers la fenêtre et à ma grande surprise, il n'y avait personne. J'ai pensé être fou mais j'ai eu instinctivement mes pensées vers Eren.
Bordel. Ça fait deux semaines. J'me demande c'qui va se passer. Lui qui disait n'plus tenir au bout d'une semaine... Alors deux...
J'suis seul aujourd'hui. Comme y'a quatre ans. Personne n'est là, et c'est mieux comme ça. 'Fin... Il manque Eren. Merde ! Faut qu'j'arrête d'me dire des choses comme ça. Ça m'ressemble pas.
J'me laissai tomber sur le lit. Tout va mal, hein ? Sûrement ouais. J'serais où si c'n'était pas arrivé ? Sûrement avec Eren. Dans ce cas-là, tout irait bien, non ? J'suppose. Qui sait ?
J'finis par me lever avec difficulté. Comme Petra n'était pas là, que quat'z'yeux et les autres bossent et qu'Eren est "là-bas", j'me retrouve seul pour la journée. Après être sortis d'la chambre - pour la première fois depuis pas mal de temps -, j'me dirigeai vers la salle de bain. J'pris une douche rapide - et froide - puis descendis en bas.
J'marchais d'un pas lourd avec une non-détermination incroyable. J'étais encore un peu endormi et j'avais un mal de tête chiant et désagréable. J'étais totalement crevé et j'ressemblais à un zombie.
Arrivé à la cuisine, j'aperçu le manteau d'Eren, ainsi qu'un lettre et une fleur. Qu'est-ce qu'il faisait là ? Il n'était pas censé être là-bas ? Après vérification, il avait juste oublié son manteau. J'vais rien dire là-dessus.
J'détaillai la fleur puis j'pris la lettre. Il avait tremblé pendant l'temps où il écrivait celle-ci. J'me décidai enfin à la lire.
" Levi,
Soyons clairs. J'n'en peux plus. Tu me manques trop. J'crois q't'es une drogue pour moi. Sauf que là, j'suis en manque. Ça fait deux semaines Levi. Deux putain de semaines. Si on compte pas cette lettre, j'ne t'ai pas écrit pendant toute la semaine. J'n'en avais pas envie. Ou plutôt, j'n'en avais plus envie. Tu n'disais rien. Tu étais muet. Voire sourd et aveugle.
Tu es muet car tu n'me répondais plus ou ne disais rien.
Tu es sourd car tu n'entendais pas mes appels à l'aide ou mes pleurs.
Tu es aveugle car tu n'voyais pas que j't'aimais.
Oui, "j't'aimais". Non j'ne t'aime plus mais si tu arrête d'm'aimer alors j'te suivrai sur ce chemin-là.
J'ne te déteste pas Levi. Je suis juste fatigué d'attendre, encore et encore. Comment peux-tu être aussi froid et inexpressif ? Comment peux-tu ne pas me répondre ? Comment peux-tu ne pas voir ma détresse ? Hein, Levi...
Mais j'ai compris. J'ai compris. Car oui, j'ai compris que tu n'voulais plus me voir. J'l'ai compris au moment où tu t'es éloigné d'moi. J'l'ai compris au moment où tu t'es isolé du monde t'entourant.
Alors j'partirais. Si tu n'veux plus d'moi, Levi. J'partirais. Mais j'ne sais pas si j'reviendrais si tu veux me voir revenir. J'n'en sais rien. J'sais pas si tu liras cette lettre. P'têt es-tu encore dans chambre, qui sait ?
Si tu souhaite me voir, j'serais au cimetière. Tu dois bien t'y attendre, non ? Pour l'instant, j'sors de ta vie et ne reviendrais sûrement jamais. J'm'en veux toujours tu sais ? Mais je t'aime toujours.
Eren."
Je lâchai le papier froissé que tenait ma main droite. J'étais en état d'choc et ne pus dire qu'un mot :
" - Hein ?"
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Salut les gens !
ÇA FAIT LONGTEMPS ! TRÈS LONGTEMPS MÊME ! Désolé pour l'attente d'ailleurs mais j'ai VRAIMENT été débordée. Cette semaine comme la semaine dernière.
Au final, j'ai passé mon DNB blanc easy et mon stage aussi.
J'espère néanmoins que ce chapitre extrêmement long de 3843 mots vous a plu, sur ce,
Bye les gens !
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