CHAPITRE 8
CHAPITRE 8
— Et pourquoi « Dredre » ?! proteste le petit garçon rondelet aux prunelles d'un vert hypnotisant en fronçant les sourcils.
Je hausse les épaules et finis mon collier de marguerites.
— Parce que c'est trop mignon ! En plus, je serai la seule à t'appeler comme ça ! je m'écris en brandissant mon ouvrage, heureuse d'avoir trouvé une explication cohérente.
Il croise ses petits bras potelés sur sa poitrine et fait la moue.
— C'est parce qu'il est nul ton surnom que tu seras la seule, bougonne-t-il.
— C'est vrai, mais ce sera notre truc secret à tous les deux !
Il relève les yeux vers moi en rougissant et je pouffe.
— Dredre il est tout rouge ! Dredre il est tout rouge ! je chantonne et me mets à courir dans le jardin en balançant mes bras dans tous les sens.
— C'est même pas vrai d'abord ! s'exclame-t-il en me poursuivant alors que je ris aux éclats.
Tout à coup, cette image de rêve s'assombrit et s'estompe. Elle est remplacée par deux prunelles vertes qui me scrutent dans le noir, le regard dur et haineux. D'une voix incroyablement grave et pleine de rancœur, l'ombre me répète sans arrêt une phrase qui me hante depuis quelque temps :
— Un cœur n'oublie jamais.
J'ouvre brusquement les yeux. Mon front dégouline de sueur et mon cœur bat vigoureusement dans ma poitrine, vite, beaucoup trop vite. Je cherche à tâtons ma lampe de chevet et l'allume. Lorsque la lueur vient s'étaler sur les murs couverts de dessins de ma chambre, je gémis et me plie en deux. En effet, je n'arrive pas à respirer.
— Maman ! Papa ! je hurle en haletant, les poumons en feu.
Les larmes dégoulinent sur mes joues brulantes et mes cheveux ébouriffés collent mon visage trempé. Des picotements parcourent mon corps en passant du bout de mes orteils jusqu'à la pointe de mes cheveux. Mes oreilles bourdonnent et je ne perçois pas les sons autour de moi. Prise de vertiges, je pleure encore plus fort et suffoque.
Soudain, la lumière s'allume et mes parents déboulent dans ma chambre pour se ruer à mon chevet.
— Heaven ma chérie, calme-toi, tout va bien, s'empresse ma mère en m'obligeant à la regarder alors que mon père attrape fermement ma main.
Comme une prière, elle me répète la même chose encore et encore et je finis par m'apaiser après de longues minutes de semi-asphyxie, complètement épuisée.
— Tes cauchemars sont revenus ? demande finalement mon père en voyant que j'ai repris le contrôle de moi-même.
Ils ne sont jamais partis. Mais ça, je ne peux par leur dire, parce que je n'en peux plus de les voir s'inquiéter pour moi. Je me contente de hocher la tête en silence et me mord la lèvre. Ils échangent un regard anxieux puis reviennent vers moi.
— Tu as revu... un certain garçon au lycée ? bégaye ma mère avec une certaine hésitation, tout en caressant ma joue avec tendresse.
Mon estomac se tord et mon sang ne fait qu'un tour.
— Tu parles d'Alexander ?! je crie presque, le cœur battant.
Mais elle secoue doucement la tête.
— Non, je ne parle pas de lui.
Ma mâchoire se serre et je baisse la tête pour leur faire comprendre que je n'en dirai pas plus. De toute façon, je ne vois pas de quoi elle parle.
Elle souffle et se redresse.
— On en reparlera, conclut-elle. Tu as besoin de dormir, repose-toi.
J'acquiesce et ils sortent pour aller se recoucher, pour me laisser de nouveau seule. Il me faut de longues minutes pour faire disparaître la boule qui grossit dans ma gorge puis je m'enroule dans mon épaisse couette telle une chenille dans son cocon. La différence est que quand je me réveillerai, je ne me serai pas transformée en un magnifique papillon.
J'essaye longtemps de me rendormir, en vain, et je finis par jeter un œil à mon portable, agacée. Six heure pile. Je fronce le nez et grogne en écrasant avec rage mon oreiller sur mon visage. C'est vraiment ignoble de se réveiller si tôt un samedi.
Finalement, je me lève après avoir posé le pour et le contre et décide de prendre une douche froide. Je me déshabille et laisse tomber mes vêtements trempés de sueur dans le panier à linge sale pour ensuite me glisser dans l'étroite cabine. Je ferme les yeux et laisse longtemps l'eau couler sur mon corps engourdi. La gorge toujours serrée, je soupire de frustration.
Cela faisait une éternité que je n'avais pas refait de rêve aussi réaliste, même s'ils ne m'ont jamais vraiment quitté. De plus, mes crises d'angoisse sont rarement aussi puissantes.
Quelques larmes salées s'échappent de mes paupières closes et se mélangent à l'eau transparente. En réponse, mes poings se serrent. Je déteste plus que tout faire des attaques de panique, parce qu'à chaque fois, après, je me sens profondément triste, comme s'il me manquait quelque chose, ou quelqu'un, alors que je suis persuadée que j'ai tout ce dont j'ai besoin.
Mais parfois, j'ai cet arrière-goût amer coincé dans la trachée qui remet en doute mon bonheur illusoire. Suis-je vraiment heureuse avec la vie que j'ai maintenant ? Ne me mentirais-je pas à moi-même ?
Je secoue la tête et coupe l'eau, frigorifiée. Quelle idée aussi de prendre une douche si froide !
Je me sèche avec vigueur puis enfile un jogging gris et un sweat beaucoup trop grand qui traîne dans mon armoire depuis une éternité. Il doit probablement appartenir à Lewis car je ne me rappelle pas avoir acheté un vêtement aussi masculin. Je remonte mes manches afin de libérer mes mains et je descends dans la cuisine pour manger quelque chose, n'ayant pas envie de ruminer en position latérale de sécurité dans ma chambre.
Une fois installée sur la chaise haute de l'îlot central en attendant que le lait chauffe, j'envoie un message à mes deux amis pour savoir si on pourra se voir dans la journée. Puis, je me masse les tempes et ferme les yeux.
Il faut absolument que je trouve ce Dredre, sinon je vais devenir complétement dingue. Il en va de ma survie mentale.
Si j'essaye de faire le point sur les récents évènements, voilà ce que ça donne.
D'abord, j'ai croisé ce garçon bizarre à la bibliothèque puis dans le hall du lycée. Ultérieurement, j'ai eu un mot et une rose de la part d'un certain « Dredre ». Ensuite j'ai fait une sorte de rêve avec un petit garçon qui ressemblait quelque peu à l'adolescent au lycée. D'ailleurs, je dans mon rêve je l'ai appelé Dredre. Ainsi donc, trois options s'offrent à moi.
La première, la plus plausible : Je deviens complètement folle.
La deuxième : Un certain Drédré veut reprendre contact avec moi tout en voulant que je l'oublie, ce qui est illogique, et le lycéen n'a rien avoir avec tout ça.
La troisième : Dredre et le garçon sont la même personne mais cette théorie ne marche que si on imagine que je suis amnésique et que mon rêve n'était qu'une bribe de mon passé que j'aurais oublié. Peu probable.
J'en viens donc à la même conclusion ; je dois essayer de prendre contact avec ce drôle de type au sweat trop grand, quitte à me prendre un vent monumental. De toute façon, je n'ai pas grand-chose à perdre. Ce n'est pas comme-ci j'avais une quelconque réputation à entretenir.
Je soupire alors que mon cerveau surchauffe. Je sens que je vais encore devoir passer pour une idiote. En plus, les paroles de mon rêve se répètent inlassablement dans ma tête, jusqu'à me donner mal au crâne, même si j'essaye inutilement de les ignorer : Un cœur n'oublie jamais.
A suivre ...
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