CHAPITRE 19 (1/1)

NDA : Ce chapitre est trop court pour être coupé en deux alors il n'y a qu'une seule partie.

CHAPITRE 19 - Partie 1/1

Figé_

Quand j'étais petite, ma mère m'implorait souvent de me taire parce que j'étais trop bavarde et que je posais des questions toutes les quatre minutes, ce qui avait le don de l'agacer. Alors, je lui avais demandé qu'est-ce que c'était le silence exactement ; j'étais vraiment très curieuse.

Je me souviens qu'elle avait pris une pause énigmatique en regardant le plafond d'un air penseur après avoir poussé un long soupir, pour ensuite claquer ses mains l'une contre l'autre en signe d'exclamation. Comme elle le faisait si souvent, elle s'était agenouillée devant moi pour être à ma hauteur et m'avait expliqué ;

« Le silence, c'est quand le cœur a tellement de choses à dire qu'il se tait. »

A cette époque, je n'avais pas vraiment compris la signification de cette phrase pourtant fort poétique et magnifiquement agencée. Je ne réalisais pas encore à quel point cette affirmation était vraie. Et surtout, combien elle allait dicter mon destin.

Installée sur un long banc noirci par l'humidité, Andréas à mes côtés, je fixe le parc livide sans rien dire, la langue liée par les chaines rouillées de l'appréhension.

Le soleil blanc d'une aube frétillante s'étale goulument le long d'une couverture de neige fraichement tombée. Les environs encore vides de population semblent emprisonnés dans le cristal et des éclats de lumière valsent avec candeur dans la glace cristalline. Les stalactites aussi pointues que le plus affuté des couteaux équipent les arbres silencieux et pointent le sol avec fureur. Et moi, le regard vitreux, j'observe ce paysage figé dans le temps.

Ralentis. Oui, ralentis...Laissez-moi encore un peu rester près de lui.

Mes yeux se tournent légèrement pour observer Andréas de biais. Assis à quelques centimètres de moi, ses prunelles troublées par d'épais nuages absinthent et d'un halo cobalt entourant ses pupilles fixent un point invisible devant lui.

Des perles sucrées de soleil traversent les fins branchages de l'arbre incliné au-dessus de nos têtes et caressent son visage fané en rehaussant son teint caramel parsemé de touches pourpres. Ses joues, ses pommettes et ses lèvres m'offrent toutes les nuances de carmin que je pourrais espérer avoir sur ma palette de peinture et je déglutis.

Un rouge presque rose. Une rose presque rouge.

Ses cheveux couleur cannelle brillants de reflets miel aux larges boucles naturellement désordonnées retombent avec élégance sur son front. Ainsi, sa coiffure me fait vaguement penser aux dunes du Sahara ; indomptables mais majestueuses.

Mon attention dévie alors de son propre gré en direction de ses lèvres gourmandes nappées d'un coulis framboise appétissant. Un peu pincées en raison du malaise flottant autour de nous comme une île le ferait, elles semblent délicieuses.

Je le dévore des yeux, littéralement.

Je sursaute quand il croise mon regard et que ses yeux glissent jusqu'à la commissure de mes lèvres, là où se trouve la source d'une épaisse coulée de bave dégoulinante jusqu'à mon menton. Alerte au cannibalisme !

Prise en flagrant délit, j'essuie hâtivement ma bouche d'un revers de manche avant de lâcher un rire nerveux afin de détendre l'atmosphère. Le hic, c'est qu'Andréas ne réagit pas et qu'il retourne à sa contemplation de la nature en hibernation sans un mot, sans un sourire.

Mes épaules s'affaissent, mon cœur se serre. Le Andréas vivant est mort. Quelle ironie.

Un pas en avant, deux pas en arrière. Nous revoilà sur la piste de danse.

C'est quand il renifle en frissonnant que je réalise qu'il ne porte toujours que son fin T-shirt à manches courtes maintenant transparent d'humidité, alors que le froid ambiant est si rude qu'il pourrait presque cristalliser un soupir.

Un picotement désagréable remonte le long de ma colonne vertébrale quand je remarque que sa main gauche agrippe fermement son poignet droit, tremblant de douleur. Ses phalanges sont couvertes de sang séché et de nombreuses ecchymoses couvrent sa peau mutilée avec fureur.

Mon estomac se retourne et je sais que s'il n'était pas vide, j'aurais probablement craché des arcs-en-ciel une nouvelle fois.

Quelque part, j'ai conscience que toutes ces blessures ne sont que la face exhibée de l'iceberg. Et je tremble d'anxiété rien qu'en imaginant ce que je pourrais trouver si je fouillais dans les recoins enfermés à double tour de son cœur. Comme c'est douloureux de se sentir impuissant.

Malgré tout, aucun mot n'est sorti de sa gorge depuis qu'il s'est laissé aller dans mes bras pendant la tempête de la nuit d'hier à aujourd'hui, sous un arbre mort, en sanglotant des phrases qui resteront pour toujours gravées en lettre d'or sur mon cœur :

« Ne m'abandonne plus jamais »

« Ne fais plus comme si tout ça n'avait pas existé »

« Ne m'oublie plus, par pitié...Heaven »

Et cette fois-ci, ce n'était pas un rêve.

Quand j'ai rencontré Andréas pour ce qui m'a semblé être la première fois dans la bibliothèque du lycée, je ne savais aucunement que j'avais soufflé sur la poussière d'un trésor enfouie au plus profond de moi ; mes souvenirs.

Malheureusement, je ne possède pas encore la clé, mais je suis persuadée que c'est Andréas qui la détient et qu'il sait comment et pourquoi j'ai égaré la pièce manquante du puzzle.

C'est la raison pour laquelle je n'ai plus le droit de reculer, de laisser tomber. Pas cette fois.

Le souffle court, je serre mon genou droit de toutes mes forces.

J'y parviendrai, quoi que cela m'en coûte.

Décidée à faire avancer les choses comme je l'ai silencieusement promis à Ashley hier soir au téléphone, je retire mon bonnet et me tourne vers Andréas, tout de même quelque peu hésitante.

-Tu le veux ?

Je n'attends pas qu'il me réponde et l'enfile sur sa tête. Il ne réagit pas, mais m'observe faire. Je retrousse le revers et ajuste le pompon pour qu'il retombe correctement à l'arrière de son crâne. Ensuite, j'arrange les quelques mèches de ses cheveux du bout de mes doigts. Enfin, je m'enfonce de nouveau à ma place et lui souris bêtement, les joues en feu.

-Il te va bien...

Malgré ce que je viens de dire, je suis bien trop effrayée de croiser ses prunelles probablement désapprobatrices donc j'effectue un regard circulaire autour de moi et me lève d'un bond. Mon cœur bat si vite que mes jambes supportent difficilement mon poids alors je m'accroupis et plonge mes mains gantées dans la neige poudreuse.

-On fait un bonhomme de neige ? je m'exclame en envoyant valser les flocons au-dessus de ma tête.

A mon plus grand étonnement, il hoche placidement le menton et vient s'agenouiller à mes côtés, si près que je peux enfin inspirer pleinement son odeur enivrante, comme une droguée en manque.

J'aimerais tellement m'en procurer un flacon pour pouvoir m'asperger éternellement de cette senteur divine.

C'est alors que je vois enfin son visage en l'observant par-dessous mes cils. Mon bonnet bariolé lui ajoute un côté enfantin et efface presque entièrement les tourments qui maculent ses traits sans remords. Choquée par un taux de beauté trop élevé pour mon petit cœur impréparé, j'avale ma salive de travers tandis qu'un violent picotement vient ébranler mon visage écarlate.

Ça devrait être interdit d'être aussi mignon.

Andréas commence à rassembler un petit tas de neige du bout des doigts et je lui tends mon gant gauche pour ne pas qu'il se glace les mains. Il me remercie d'un bref mouvement de tête et l'enfile sans rechigner.

Alors, dans un silence plutôt agréable, nous nous mettons au travail.

Bon sang, c'est rare qu'il soit aussi collaborateur ! Et quelque part au fond de moi, je me sens incroyablement heureuse qu'il ne me rejette pas. Qu'il ne s'enfuie pas. Même si je sais qu'il me reste à faire encore beaucoup d'efforts pour pouvoir l'atteindre, c'est la première fois que je me sens aussi proche de lui.

Ralentis, oui, ralentis...S'il vous plaît, faites que le temps s'arrête.

Je roule une boule dans la neige et, avec l'aide d'Andréas, je la pose sur celle un peu plus grosse que nous avons préalablement construite. Ainsi, sans échanger un seul regard, nous partons à la recherche de quelques cailloux afin de finaliser notre petit bonhomme de neige.

Il y a quelques temps, j'aurais été incapable de garder le silence aussi longtemps. De ne pas poser des questions inutiles dès que l'envie m'en prend.

Mais je suis paralysée par la peur de dire quelque chose qu'il ne fallait pas. Et de le perdre à jamais.

C'est seulement quand le soleil pâle se trouve accroché au milieu d'un ciel terne englouti dans les nuages que nous finalisons enfin notre œuvre d'art.

Andréas ôte le bonnet que je lui avais prêté, passe sa main dans ses cheveux pour dégager son front et l'enfile sur le bonhomme de neige. Quelque peu amusée, je retire à mon tour mon écharpe et l'enroule autour du notre gentilhomme.

-Il est plutôt réussi, tu ne trouves pas ? je lui demande, fière du résultat.

Mais quand je relève la tête pour attendre sa réponse, je sursaute. En effet, Andréas se relève et recule d'un grand pas en pinçant les lèvres alors qu'un voile humide passe devant ses yeux plissés. Ses prunelles embrumées rencontrent les miennes et mon cœur se brise ; un sourire confus vient étirer ses lèvres alors que deux grosses larmes roulent sur ses joues empourprées. Il me rend mon gant.

-Quelle importance ? de toute façon, il finira par fondre, lui aussi...

Mon sourire s'efface instantanément et ma gorge se serre. Une ribambelle de mots réconfortants me brûle la langue si fort que je serre les dents pour ne pas laisser échapper un gémissement de douleur. Pourtant, je reste de marbre et l'observe, impuissante, s'en aller loin de moi. Ainsi, il disparaît dans l'épais brouillard d'un hiver naissant.

Alors que j'encaisse les coups sans broncher depuis quelque temps et que je me retiens de m'effondrer en bombant le torse et en serrant les dents, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Ça y est, je craque.

Une boule de feu remonte le long de ma tranchée tandis que des larmes de colère laissent des trainées ardentes sur mes joues engourdies par la température négative. Avec rage, je donne un violent coup de pied dans le bonhomme de neige qui s'effondre instantanément et je tombe à genoux. Avec une fureur nouvelle, je m'acharne à me barbouiller le visage avec la neige si froide qu'elle me consume.

Je ne veux plus. Je ne peux plus. Je ne peux plus faire semblant que tout cela ne m'atteint pas.

C'est en découvrant le bonnet à moitié enseveli que je m'arrête, le souffle coupé. D'une main tremblante, je le saisis et éclate en sanglots en le serrant contre moi de toutes mes forces.

Je voudrais tellement me rapprocher d'Andréas, mais ne serait-ce pas écrire ma propre fin ?

C'est le cœur lourd que je rentre finalement chez moi. Là, mes parents m'attendent de pied ferme. Finalement, le temps ne s'est pas arrêté.

Pendant presque une demi-heure, ils me font la morale parce que j'ai quitté la maison en pleine nuit sans rien dire et quelque part, je les comprends.

Il n'y a pas si longtemps, je n'aurais jamais fait quelque chose comme ça. Même si ma philosophie de vie exige que je profite de chaque instant de mon existence, aussi futile soit-il, je n'aurais en aucun cas enfreint les quelques règles d'or imposées par mes parents, par simple respect pour eux. Et parce que je ne veux plus jamais les inquiéter.

Et aussi, parce qu'avant, ce rêve que je faisais dans une salle de musique poussiéreuse en compagnie d'un bel inconnu me paraissait lointain et imaginaire. Mais depuis que rêve et réalité ont commencé à fusionner, je me fais emporter par le courant et plus je me débats, plus je me noie.

Comme elle est lourde, cette vérité.

Comme il arrive vite, ce camion.

Exténuée, j'acquiesce placidement quand ils me privent de sortie jusqu'aux vacances de Noël ; de toute façon, je ne vais plus à aucune soirée en ce moment.

Une fois libérée, je gravis les escaliers et m'enferme dans ma chambre après avoir pris une douche éclaire. Puis, à bout de forces, je me laisser tomber sur mon lit. Le cœur lourd, je ne tarde pas à m'endormir.

Finalement, je crois qu'il ne me reste plus aucun pétale à protéger. Parce que la tempête est déjà passée et que sans pitié, elle les a tous arrachés.

Comme ça fait mal de s'éprendre d'une âme brisée. D'un cœur défoncé.


  Salut les gens! 😊

Voici un chapitre plutôt court car si j'avais commencé à raconter la suite de l'intrigue, le chapitre aurait été beaucoup trop long!

J'espère qu'il vous a tout de même plu et si c'est la cas, n'hésitez pas à m'en faire part dans les commentaires!!

Que pensez-vous du champ lexicale de la nourriture au début du chapitre?

Personnellement, je me suis beaucoup amusée à l'écrire. 😍😆

Et que pensez-vous des réactions d'Andréas?

Et de la relation encore ambiguë entre Heaven et Andréas?

Dites-toi tout dans les commentaires!!😀

Ps; vendredi prochain (le 15 décembre) ce sera mon anniversaire😶. Je sais que ça parait irréel (et que je suis parfois un peu trop naïve) mais j'aimerais bien atteindre les 1K vues pour l'occasion!!😊😊😊

Alors n'hésitez pas à partager mon histoire, à en parler autour de vous et à voter et commenter!❤👍

A la semaine prochaine!!!

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7DreamUniverse

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