CHAPITRE 18 (1)

CHAPITRE 18 (1)
Indélébile_

« Appuyée contre le portail du collège, là où nous nous rejoignons d'habitude, je relève les yeux de sur mon portable en le voyant enfin arriver.

Le jeune homme s'approche de moi à grandes enjambées et m'offre un sourire timide mais taquin une fois arrivé à ma hauteur. En guise de réponse, je hoche placidement la tête, le regard bloqué sur sa fossette creusée dans sa joue gauche.

Puis, je remarque un détail alors qu'il se penche pour m'offrir l'accolade, m'embaumant au passage avec une douce odeur de parfum masculin ; celui que je lui ai offert pour son anniversaire l'année dernière.

-Tu n'aurais pas encore grandi ? Et minci par la même occasion ? je demande en le jaugeant des pieds à la tête tandis qu'il recule d'un pas.

Choqué par ma franchise aussi crue qu'une tranche de viande encore frétillante, un feu ardent vient enflammer ses pommettes et il évite mon regard rectiligne, les lèvres pincées.

Le pauvre, il n'arrive jamais à cacher ses émotions.

Pensive, je l'observe de haut en bas tandis qu'il se balance d'un pied à l'autre, rouge jusqu'aux oreilles.

En effet, il y a quelques temps, nous faisions exactement la même taille. Quand nous étions petits, j'étais même plus grande que lui d'au moins cinq bons centimètres.

Pourtant, aujourd'hui, je remarque bien qu'il a changé.

Son visage grassouillet, souvenir d'une enfance confortable, laisse désormais place à une mâchoire carrée adroitement définie qui appuie vaillamment chaque trait de son visage à la perfection et fait ressortir ses oreilles un peu décollées.

Ses boucles d'or autrefois semblables à celles d'un naïf angelot ont foncé vers le châtain et se sont quelque peu assouplies. A la vue de la teinte sombre de ses sourcils, je pense qu'il sera brun clair avec l'âge, comme l'était son père.

Et surtout, son léger embonpoint s'est lissé en ventre plat et naturellement athlétique en dessous de son t-shirt trop large pour un corps en proie à un élancement dû à l'adolescence.

En revanche, trois choses n'ont jamais changé.

La première ; ses mains et ses pieds ont constamment été grands. Quelque part, je savais qu'il finirait un jour ou l'autre par me dépasser et à priori, il est loin d'avoir terminé sa croissance.

La deuxième ; sa bouche ou plutôt, ses lèvres. Depuis toujours parfaitement dessinées et gourmandes, elles ont gardé au fil des années leur éclat fruité ; un rouge brillant presque féminin.

Et enfin, ses yeux. Reflétant un émerveillement constant de par ses deux billes émeraudes, il suffit d'un regard pour être hypnotisé à jamais et tomber sous son charme naturel et involontaire.

Mon cœur accélère et je souris. Il a beau avoir tout juste 16 ans, il ressemble à un jeune mannequin d'au moins 18 ans. Il devient magnifique.

-Hev', arrête de me fixer comme ça, ça me gêne...

Il détourne les yeux en s'empourprant et je ne peux que lui offrir mon plus grand sourire.

-C'est pas de ma faute. Tu n'as qu'à pas être aussi...moche.

Il tique et m'offre une moue de défit. Alors, il m'attrape par les hanches et me hisse sur son épaule. Je pousse un cri de surprise et donne des coups de poings dans son dos pour qu'il me laisse descendre.

-Dis-moi que je suis l'homme le plus beau de tout l'Etat de New York et je te ferai descendre.

-Même pas en rêve Boucle d'Or.

Un ricanement machiavélique s'échappe de ses lèvres.

-C'est comme tu voudras. Dans ce cas, je vais dire à tout le monde que tu faisais encore pipi au lit à l'âge de 12 ans.

Je me fige instantanément et me sens pâlir.

-Tu n'oserais pas...

Ses lèvres s'élargissent avec son petit sourire sournois.

-C'est que tu ne me connais pas assez bien alors...

-Très bien, tu as gagné ! Tu es l'homme le plus...le plus quoi déjà ?

Son rire fait trembler ses épaules et il se racle la gorge pour ensuite hurler à pleins poumons :

-HEAVEN FAISAIT PIP...

-C'est bon j'ai compris, arrête !!! Tu es l'homme le plus beau, le plus gentil, le plus mignon et...et que j'aime le plus de toute la planète...non...de toute la galaxie ! Laisse-moi descendre maintenant !

Les collégiens qui passaient par là nous fixent bizarrement, d'autres nous prennent en photo, et certains préfèrent faire semblant que nous n'existons pas.

Andréas à cesser de rire -et moi de même- et il me laisse glisser le long de son torse avec une lenteur absurde. Quand je rencontre son regard brillant, je réalise qu'il est encore plus rouge que moi. Je me mords la lèvre et donne un coup de poing dans son torse.

-Idiot !

Mais il retient ma main et me tire vers lui, si près que son souffle caresse mon visage brulant.

-Heaven...maintenant que j'ai mon permis, ça te dit qu'on fasse un road trip pendant les vacances ? Rien que toi et moi...

Son regard a changé aussi vite que le sujet de notre conversation et j'ai beau être jeune et inexpérimentée, je sens tout mon corps s'embraser.

-Je ne pense pas que mes parents seront d'accords...

-Je les convaincrai. Ils m'adorent de toute façon, pas vrai ?

Je hoche la tête et baisse les yeux vers mes baskets, incapable de soutenir son regard plus longtemps. Mais il effleure mon menton du bout des doigts pour m'obliger à plonger dans ses prunelles olivâtres.

Sa voix n'est plus qu'un murmure quand il me dit ;

-Hey Hev'...moi aussi je...moi aussi.

Et il m'offre le plus gêné mais le plus incroyable des sourires.

L'air dans mes poumons se vide. Mes articulations se figent. Mon sang ne fait qu'un tour. Mon estomac se retourne. Et la flamme de mon cœur s'allume.

Lentement, une chétive larme s'échappe de mon œil gauche et glisse le long de ma joue.

C'est la toute première fois qu'il me fait comprendre que mes sentiments à son égard sont réciproques. Mais c'était aussi la dernière. Et ça, je ne le savais pas encore.

Alors à mon tour, je souris, et c'est main dans la main que nous nous dirigeons finalement vers le collège. Nous nous serions vu grandir, changer, et un jour vieillir. Et plus le temps passe, irréversible, plus je tombe amoureuse.

Je t'aime tellement, Drédré. »

A suivre dans la partie 2...


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