CHAPITRE 17 (1)

CHAPITRE 17 - Partie 1

Attachement_

Le week-end est arrivé beaucoup plus vite que je ne l'aurais espéré. Je me retrouve donc allongée sur mon lit en position étoile de mer, les yeux accrochés à mon plafond blanc cassé mais la tête ailleurs.

Le chauffage de la maison allumé au maximum m'oblige à me lever pour aller ouvrir en grand la fenêtre de ma chambre afin de pouvoir respirer un peu d'air pur et frais ; ma mère est très frileuse.

Ainsi, j'appuie mon coude sur le rebord et installe mon menton dans le creux de ma paume, mon épaisse couette couleur menthe enroulée autour de mes épaules. Dehors, le ciel s'assombrit inopinément alors que le vent semble devenir de plus en plus fort. Des tourbillons de dentelle blanche virevoltent autour des arbres nus de notre petit jardin et le souffle des rafales sifflantes semble avaler toute autre plainte sonore. A l'évidence, une grosse tempête se prépare.

Sans âme, fatiguée par...un peu tout, je ferme les paupières et laisse l'haleine glaciale à l'odeur de neige fouetter mon visage. Je prends une profonde inspiration.

Hier, quand le duo d'Andréas et d'Emily a quitté la scène en plein milieu de leur représentation, la frustration a gagné la pièce aussi vite que les huées et les exclamations désapprobatrices. Le principal de la Golden Académie qui était présent dans les coulisses, a dû traverser la scène à toute allure armé d'un micro afin de nous informer qu'Andréas et Emily étaient bien évidemment disqualifiés ainsi que d'annoncer le duo suivant. Matthew et moi avons quitté la Grande Salle et je suis rentrée chez moi, tout simplement. Depuis, je tourne en rond dans ma chambre, sans but.

Je pousse un profond soupir afin de vider entièrement l'air contenu dans mes poumons puis ferme la fenêtre, frigorifiée. Je décide de dessiner quelque chose et m'installe à mon bureau tout en attrapant une feuille cartonnée. Je saisis mon portable et enfonce mes écouteurs dans mes oreilles. Rêveuse, je choisis une playlist au hasard afin de ne pas être dérangée par un quelconque bruit extérieur. Enfin, je mets le son au maximum et me retrouve à écouter un jeu de piano sublime.

Finalement, un faible et triste sourire vient étirer mes lèvres ; maintenant, n'importe quelle mélodie du monde me fait penser à lui.

Alors, après avoir réfléchi quelques instants à ce que j'allais représenter, une idée m'inspire soudainement et j'attrape ma trousse remplie de crayons de papier en tous genres. Et pour la première fois, j'abandonne l'idée de peindre une rose et me retrouve à représenter un visage au fusain. Son visage.

Je crayonne d'abord la forme approximative de sa figure à grand coup de crayon puis m'attarde sur sa mâchoire robuste sans être trop appuyée. Je remonte ensuite pour lui faire de grandes oreilles quelque peu inégales puis je crayonne ses cheveux en bataille que je prends un plaisir fou à ébouriffer. Après, mon fusain se pose sur le haut de son menton pour lui dessiner une bouche. Essayant d'être la plus fidèle possible à la réalité, je m'attarde sur les reflets et les ombres de celles-ci. Des lèvres trop magnifiques pour être du commun des mortels, pulpeuses, des nuances de partout, un éclat incroyable, les commissures relevées...la tentation même.

Ensuite, je crayonne hâtivement son nez fin et je lui rajoute des pommettes rougissantes à l'aide d'un jeu d'ombres encore mal maitrisé.

Puis, j'esquisse la base de son regard et je dois m'y reprendre à deux fois pour réussir ses sourcils. Je lui fais de grands yeux avec de longs cils et j'estompe avec mon index le haut de ses paupières pour renforcer son regard. Enfin, je reviens à l'intérieur de ses prunelles.

Alors que je m'apprête à dessiner ce que je préfère chez lui, c'est-à-dire un regard vivant et taquin, ma musique s'arrête d'elle-même et je comprends que quelqu'un m'appelle.

A contre cœur, je pose mes crayons et essuie hâtivement mes doigts à l'aide d'un vieux mouchoir afin d'attraper mon portable.

Mais je me fige en voyant le nom s'afficher sur l'écran :

« Appel entrant du contact Ashley JUNE »

Je me demande pourquoi elle m'appelle...je croyais qu'elle ne voudrait plus jamais me parler. Il est vrai qu'avec mes changements d'humeur plutôt déroutants, j'ai creusé moi-même un profond fossé entre mes amis, la réalité, et moi. Si bien qu'aujourd'hui, je ne sais plus vraiment qui je suis, où je vais...Avant, ce genre de question philosophique ne m'auraient même pas ébranlé. Mais depuis qu'il est entré dans ma vie, j'ai commencé à changer. Et plus je change, plus il se rapproche, puis s'éloigne.

Un pas en avant, deux pas en arrière.

Je déteste cette danse.

La sonnerie discordante de mon portable me rappelle finalement à la réalité et je prends une profonde inspiration pour rassembler mes idées. Ashley est ma meilleure amie et je ne veux pas la perdre aussi facilement. Et puis je me suis promis que je ferai désormais des efforts pour devenir une personne meilleure. Alors, d'une main tremblante, je décroche le cœur palpitant et je prends une profonde inspiration.

-A...Ashley ?

Une bruyante musique résonne au loin tandis que de nombreux éclats de rires et exclamations en tous genres m'agressent les tympans. Le vent semble fouetter le microphone de son téléphone si fort que j'écarte mon appareil de mon oreille pour ne pas devenir complètement sourde.

Mais celle-ci ne répond pas et c'est quand je m'apprête à raccrocher, penaude, qu'une voix masculine en arrière-plan dont je ne connais pas le détenteur parvient à mes oreilles.

-...Ash', t'aurais pas des capotes ? C'est urgent...

Je m'étouffe avec ma salive et en tombe de ma chaise. Est-ce qu'ils sont au courant que je les entends ?!

-Euh, nan je n'en ai plus mais...euh bah...demande à Lewis, il en a toujours dans lui...je veux dire, sur lui.

-Merci meuf, t'assures grave !

Je devine qu'il s'écarte car le silence s'étend à l'autre bout du fil. Je soupire et me masse les tempes.

-Ashley ? Tu m'entends ?

Ma voix un peu agacée semble finalement la faire réagir car un gros bruit raisonne comme si quelque chose -ou plutôt quelqu'un- venait de tomber, puis la voix d'Ashley me parvient.

-Heaven ?! Tu...te...Heaven ?

Sa voix est pâteuse et traînante, et je comprends en apercevant du coin de l'œil qu'il fait déjà nuit noire dehors qu'elle est probablement à une fête. C'est vendredi soir, ce n'est pas une nouveauté. De plus en temps normal, j'aurais dû me trouver à ses côtés. En effet, malgré l'interdiction aux mineurs de moins de 21 ans de boire de l'alcool, il suffit d'avoir de bons contacts pour pouvoir se changer les idées un vendredi soir en toute sérénité.

J'adorais ce genre de soirée ; le fait qu'elles soient quelque peu illégales les rendaient encore plus...excitantes.

Quand je relève les yeux pour observer ma chambre vide et étouffante d'un œil absent, j'ai un pincement au cœur. Plus le temps passe, plus cette liberté que j'aime tant me manque.

Mais quelque part, je m'en suis privée toute seule.

Je secoue de nouveau la tête alors qu'une douleur acidulée me prend à la gorge ; ce n'est pas le moment de penser à ça.

-Ashley. Je ne connais pas la raison de ton appel, et je doute même qu'il ait été volontaire, mais je pense que ce n'est pas une bonne idée. Tu es soûle et...

Elle m'interrompt dans mon élan en poussant une exclamation encore plus aigüe que d'habitude.

-Si ! Juste...tement ! Demain j'aurais oublié cette conversation et c'est ce que je veux. J'ai vraiment besoin de parler te...te parler...maintenant.

Face à son attitude, je suis obligée de l'écouter, sinon je sais qu'elle va essayer de m'appeler toute la nuit.

Mes épaules s'affaissent et je hoche la tête en silence, résignée, même si je sais qu'elle ne peut pas le voir.

-Je t'écoute.

Son souffle dans le micro m'indique qu'elle sourit et elle se racle la gorge pour prendre un ton plus sérieux tandis que je m'assieds en tailleur sur mon lit, entre deux coussins.

-Eh bah...t'aurais pas vu mon portable ? Ça fait au moins trois heures que je l'ai perdu...

Sans que je puisse m'en empêcher, je rejette la tête en arrière et explose de rire. Mes abdos -que je n'ai pas sollicité depuis bien trop longtemps- me font mal et je pose une main à plat sur mon ventre pour essayer de me calmer. J'écrase mon visage dans mon oreiller pour étouffer mon ricanement de hyène quand Ashley commence à s'impatienter.

-Pourquoi tu rigoles comme ça ? j'ai dit quelque chose de drôle ?

De la main, j'essuie la larme qui perle au bord de mon œil gauche et masse mes joues douloureuses.

-Ashley, avec quoi penses-tu que tu es en train de m'appeler en ce moment même ?

-Je ne te suis pas...

Je roule des yeux.

-Eh bien réfléchis.

Silence.

Puis, tout à coup, Ashley pousse un cri tonitruent et son hilarité soudaine parvient à mes oreilles. De nouveau, mes épaules sont secouées de ricanement, puis, de sanglots.

-Ashley...tu me manques tellement.

Je renifle vainement, la tête baissée et les dents serrées, tandis qu'elle me répond.

-Oui, toi aussi tu me manques, euh...euh...tu t'appelles ?

Un faible éclat de rire s'échappe de mes lèvres et je lève les yeux au ciel.

-Heaven.

-Oui, c'est ça. Heaven. Tu es ma meilleure amie après tout !

Je rigole à travers mes larmes face à sa bêtise et elle reprend.

-Tu sais...je m'en veux beaucoup de ne pas avoir vu plus tôt ton malaise. Je veux dire, ton mal-être. J'ai bien vu comment tu as eu peur quand Lewis à lever le bras dans ta direction quand on était à la cafet' du lycée. Tu...tu sais que tu peux me faire confiance. Alors je vais te poser une question et je veux que tu y répondes sincèrement.

Mon souffle accélère, mon cœur me fait mal et mon estomac se retourne. Je ne veux pas qu'elle me le dise car je ne veux pas lui répondre. Cela rendrait tout cela bien trop réel. Et je refuse de l'admettre. Je ne me sens pas prête.

Je ne le serai jamais.

-Heaven...est-ce qu'un homme t'a déjà...fait du mal ? Physiquement ?

Une décharge électrique parcourt ma colonne vertébrale et je pince les lèvres, la gorge tellement serrée qu'il m'est impossible de dire quoi que ce soit. Mon cœur se comprime, les larmes salées ruissellent désormais sur mes joues écarlates et je serre les dents si fort qu'elles pourraient cédées à tout moment. Faiblement, je hoche la tête.

-Oui...une fois...

C'est comme ça que je décide de me confier à ma meilleure amie bourrée, un vendredi soir, par conversation téléphonique.

C'est la première fois que j'énonce ce qui m'est arrivé à voix haute et je n'aurais jamais pensé que ce serait de cette façon. Mais quelque part au plus profond de moi, je ressens un besoin assourdissant de me confier à une personne de confiance pour enfin pouvoir tourner pleinement la page.

Alors, je ferme les yeux et je lui raconte tout. Absolument tout.

A suivre dans la partie 2...


Hey les gens!

Je voulais juste vous remercier (encore😅) parce vous êtes vraiment de plus en plus nombreux à lire mon histoire. Je m'en rends notamment compte grâce au nombre de vote grandissant et surtout aux commentaires!!!

Merciiiiiieuuuuuuunkfhekrnvzof!!!!

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7DreamUniverse

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