CHAPITRE 16 (1)

HAPITRE 16 - Partie 1
Mélodie_

Sans vraiment m'en rendre compte, je me mets à suivre le flot d'étudiants se dirigeant vers l'amphithéâtre jumelé à notre école pour assister au récital d'automne.

Les lycéens surexcités par l'évènement s'agglutinent autour de moi tandis que nous slalomons dans les rues enneigées de New York. Pourtant, aucune agitation, pas même les bruyantes batailles de boules de neige en chemin ou encore le plus désagréable des éclats de rire ne parvient à m'extirper de mes sombres pensées. Indépendamment de ma volonté, l'épisode entre les quatre murs de la salle de musique, emprisonnée dans des secrets non avoués avec Andréas, tourne en boucle dans ma tête.

« J'aimerais tellement pouvoir remonter le temps » m'a-t-il dit. Pourtant, moi, je ne veux pas retourner dans le passé. J'y ai laissé des souvenirs bien trop douloureux.

Et surtout, j'y ai abandonné une Heaven LONDON détruite.

Perdue dans mes ruminations, je ne réalise pas tout de suite que nous sommes arrivés. Quand je relève la tête, un bâtiment plutôt antique mais en grande rénovation se dresse devant nous. Une porte gigantesque et entièrement vitrée nous fait face et l'agitation régnant à l'intérieur se ressent jusque dans les basses du sol et les échos de voix et d'instruments. Une queue monstrueuse s'érige devant l'entrée principale et je déglutis en comprenant que tous ces gens ne sont pas près de pouvoir entrer.

Heureusement, notre groupe, celui composé de quelques élèves de la Golden Académie, change de trajectoire et se dirige vers une entrée réservée aux invités particuliers. Ainsi, quelques papiers d'identité échangés plus tard, nous nous retrouvons dans un couloir surchauffé dont les lourdes colonnes en pierre renforcent l'impression majestueuse émanant du somptueux tapis rouge déroulé sous nos pieds.

C'est juste avant de passer la porte pour pénétrer dans la Grande Salle pour le récital que je fais volte-face. Mais comme-ci je n'étais pas en état de faire ce que je veux quand je veux, Matthew, sorti de nulle part, se dresse devant moi et fronce les sourcils en me détaillant de haut en bas.

-Où vas-tu comme ça ? me demande-t-il d'un air suspicieux.

Je roule des yeux alors que mes épaules s'affaissent.

-Aux toilettes. Je peux y aller toute seule tu ne crois pas ?!

Ma voix semble plus agacée que je ne l'aurais voulu et je détourne les yeux. Il rougit tout à coup et se frotte le cou en se balançant d'un pied à l'autre, mal à l'aise.

-Ah...euh...ouais. Je te garde une place !

Sur ces mots, il disparaît aussi vite qu'il n'est apparu et je soupire avant de reprendre ma route. Je me dirige donc d'un pas trainant vers les latrines qui se trouvent bien sûr au total opposé de l'espace réservé aux spectacles et à la réception en prenant le temps de contempler les alentours d'un œil artistique.

De magnifiques fresques dorées ornes les plafonds à la française alors qu'un lustre de cristal ayant probablement plus du double de mon âge vient parfois parfaire cet univers bourgeois. Quelques chauffages électriques récents sont installés à certains endroits stratégiques mais leur qualité bon marché me saute directement aux yeux. En effet, la chaleur extrême qui s'en émane ne se répartit pas bien dans l'espace, si bien que je passe de la canicule au froid glacial à presque chacun de mes pas.  

Après ce qui me semble être le parcours du combattant, j'arrive finalement devant les toilettes. Une forte odeur de désinfectant flotte dans les airs et je me glisse dans une cabine si propre que je pourrais dormir à même le sol sans aucune gêne. Une fois vidée, je prends plus de temps que d'ordinaire pour me laver les mains et m'observe dans le miroir aux bordures abimées par les années sans vraiment me voir.

D'un geste détaché, j'ajuste mes grosses lunettes rouges sur mon nez ; derrière celles-ci, je me sens protégée du monde extérieur. Je profite d'ailleurs de ce moment de rafraichissement pour placer de nouveau ma frange un peu trop longue devant mon front afin de cacher un peu plus mes grands yeux bien trop expressifs.  

Mais à quoi bon me cacher si je sais que de toute façon, il me verra ?

Je secoue la tête comme pour essayer de faire taire mes pensées trop bruyantes et sors de la petite pièce. En traversant le couloir en sens inverse, un bruit dans un coin plus reculé attire mon attention. Trop curieuse comme à mon habitude, je suis mon instinct et jette un coup d'œil vers la source de mes tourments mais me stoppe net alors que je commence à avoir du mal à respirer.

En effet, dans un couloir perpendiculaire, un peu plus sombre que celui dans lequel je me trouve, j'aperçois Andréas, seul.

Les questions rhétoriques fusent si vite dans ma boîte crânienne que j'en aie la tête qui tourne. Que fait-il ici ? Le récital va bientôt commencer ! Pourquoi est-il tout seul ? Il devrait être en coulisse depuis longtemps ! Mais surtout, est-ce qu'il va bien ?

Quand j'entreprends de me diriger dans sa direction, je m'arrête de nouveau. En effet, il se trouve assis par terre, dos au mur, les jambes remontées vers son torse et les mains jointes. Ses joues sont rouges, son front ruisselle de transpiration et ses poignets tremblent. Pour couronner le tout, sa respiration est saccadée et ses yeux sont clos.

Il fait une crise d'angoisse !Mon cœur accélère et de violents picotements viennent parcourir ma colonne vertébrale. C'est sans aucun doute l'anxiété de devoir dévoiler sa prestation musicale devant autant de personnes qui doit le mettre dans cet état.

Je devrais peut-être aller l'encourager.Cependant, une fois de plus, mes pieds restent cloués sur place et je me fige quand Emily passe juste à côté de moi dans un nuage de parfum en faisant semblant de ne pas m'avoir vu pour rejoindre Andréas à grandes enjambées.

Sa longue robe blanche au dos et épaules dénudés suinte parfaitement son corps sans défaut et accentue d'autant plus sa taille de guêpe que n'importe quelle femme rêverait d'avoir. Ses boucles blondes encadrent à la perfection son visage tellement angélique au premier abord et un nombre incalculable de bijoux en or lui apportent un côté inaccessible.

Même si cela me tue de l'admettre, elle est sublime.

Il est le prince, elle est la princesse.

Et moi, je suis la servante.   

Emily arrive finalement à la hauteur d'Andréas et s'agenouille devant lui tout en attrapant son menton pour le forcer à la regarder.Elle est si près que leurs lèvres se frôlent presque quand elle lui murmure quelques mots alors que je retiens ma respiration.

-Andréas, ce n'est pas elle que tu dois regarder, mais moi. Rien que moi.

Mon cœur se déchaine, mon sang ne fait qu'un tour, et l'oxygène ne s'est toujours pas décidé à remplir de nouveau mes poumons.

Peut-être qu'ils parlent...de moi ?

Les mains d'Emily caressent tendrement les joues d'Andréas tandis qu'elle lui susurre d'une voix presque inaudible ;

-Je t'aime tellement, Drédré...

Je retiens ma respiration et serre les poings si fort que je m'étonne de ne pas hurler de douleur.

Ne lui répond pas, Andréas, je t'en supplie.

Mais sa voix naturellement éraillée raisonne dans le couloir désert tandis qu'il lui répond.

-Je suis désolée, Em', mais je t'ai déjà dit qu'on ne sort pas ensemble.

Je couvre brusquement ma bouche de mes paumes pour étouffer mon exclamation de stupeur. Ils ne sont pas ensembles ?! Mais Emily a dit devant tout le monde qu'il était son copain et même qu'il lui appartenait. Elle mentait ? Ou alors, tout cela n'était qu'une mise en scène ?! Une nouvelle fois, je ne comprends plus rien.

Emily déglutit avec difficulté et papillonne des yeux afin de ravaler ses larmes.

-Je sais cela...je sais aussi ce que tu as vécu et je suis probablement la seule. En sachant ça, je ne veux plus jamais que quelqu'un te fasse du mal.

Andréas secoue doucement la tête.

-Je ne suis plus un enfant désormais. Je ne suis plus celui que tu as trouvé autrefois, noyant son chagrin dans l'alcool, la drogue et le sexe, et tu le sais. Je n'ai pas...je n'ai plus besoin de ton aide.

Mon estomac se contracte. Qu'est-ce qu'Andréas a subi pour devoir se plonger dans l'interdit et s'y enfoncer si profondément qu'il a eu besoin de l'aide de quelqu'un pour l'en sortir ? Que lui est-il arrivé bon sang ?! Je suis sûre que la réponse à cette question est aussi la réponse à tout. Le pourquoi de ses crises d'angoisses, de son comportement étrange, de ses changements d'humeur, de ses singularités et des souvenirs qu'il partage avec moi dont je ne prends connaissance qu'en rêves.

Le visage d'Emily se décompose et de nombreuses larmes viennent détruire son maquillage parfait. Elle baisse la tête pour laisser ses cheveux couvrir son visage et les ongles de sa main se plantent dans son bras.

-Tu n'auras bientôt plus besoin de moi, pas vrai ?

Les sanglots secouent ses épaules. Andréas enroule ses bras autour de sa taille et pose son menton sur le haut de sa tête pour la bercer tendrement, les yeux dirigés vers le plafond.

-Je suis désolé Emily...merci pour tout.

Alors qu'un espoir naïf commence à prendre place sur mon visage et dans mon cœur, Emily relève brusquement la tête, attrape Andréas par le col de la chemise et écrase ses lèvres contre les siennes.

C'est un adieu, pas vrai ? Dites-moi que ce n'est rien d'autre qu'un adieu...

Mais Andréas attrape le visage d'Emily en coupe afin d'approfondir ce baiser et celle-ci se redresse pour pouvoir se coller à lui comme un pansement sur une jambe chevelue.

Mes épaules s'affaissent, mes yeux se plissent et mon estomac se retourne.

Lentement, je recule de deux grands pas, titubante, puis fais volte-face et me mets à courir dans le long couloir de l'amphithéâtre.

C'est elle qui connait ses secrets. C'est à elle qu'il se confie. Pas à moi. Je le sais. Je le sais...et pourtant...

Désorientée, les larmes menaçantes, je me dirige d'un pas chancelant vers la plus grande pièce du bâtiment pour assister au récital de piano et de violon. Je suis venue dans cet amphithéâtre pour écouter de la musique classique après tout. Pour me vider l'esprit. C'est la seule et unique raison pour laquelle je me tiens ici.La seule...

Avec puissance, je serre les dents puis me mords la lèvre.

-Tout va bien Heaven, tout va bien...

Les mots que je me répète sans répit sont une futile diversion face à la réalité trop acerbe. Ma respiration se fait sifflante et difficile et ma vue se brouille inlassablement. Une nouvelle fois, j'étouffe.

Je m'appuie contre un mur et aplatis mon front brûlant contre les briques gelées tout en fermant les yeux. Les environs se mettent à tanguer et sans m'en rendre compte, je me retrouve à genoux, paumes contre terre.

J'en ai marre de ne rien comprendre alors qu'elle, elle sait tout. Je refuse de devoir encore souffrir inutilement et de n'être que spectatrice. Ça y est ! J'éclate ! Ça suffit ! Je ne veux plus être amoureuse d'Andréas ERASER !

Deux grosses larmes s'échappent finalement de mes paupières et je serre les dents, le cœur au bord des lèvres. Quand il est là, je me sens tellement seule...

-Merde Heaven, est-ce que ça va ?!

La tonalité de Matthew m'empêche de sombrer pour de bon et je relève les yeux vers lui alors qu'il se rue à mon chevet.

-Je me suis inquiété de ne pas te voir revenir alors je t'ai cherché partout ! Qu'est-ce qu'il t'est arrivée ? Tu veux que j'appelle les profs pour qu'on t'emmène à l'hôpital ? Il faut que tu prennes des médicaments ? Tu as mal quelque part ? Le pied ? Le foie ? Le petit orteil du pied droit ? Le sourcil... ?

-Matt'...

Il s'interrompt brusquement et en temps normal, j'aurais été étonnée de lui avoir donné un surnom. Mais les circonstances sont loin d'être les bonnes. À cet instant précis, je voudrais juste disparaître.

Le silence s'immisce entre nous. Il espère que je parle, j'attends qu'il me laisse tranquille.

C'est alors qu'il fait la chose la plus inattendue qui soit ; il me prend dans ses bras. D'abord gênée par ce contact presque déplacé, je ne réagis pas tout de suite. Mais très vite, je viens à mon tour enrouler mes bras autour de ses frêles épaules pour un garçon de son âge.

-J'aimerais te dire que ça passera avec le temps...commence-t-il d'une voix si faible que je me demande si j'ai rêvé. Mais ce serait un mensonge.

Je retiens un hoquet de stupeur et ma gorge se serre si fort que mes poumons se compriment alors que mon cœur se déchire dans le plus affreux des silences. Et c'est quand j'éclate en sanglots pour de bon sous le regard inquisiteur des passants que je comprends que c'est ce dont j'avais besoin depuis quelque temps. Quelqu'un qui me comprend.

A suivre dans la partie 2...

Bien le bonjour chers lecteurs!

Que pensez-vous du chapitre?

Comment trouvez-vous Matthew?

Des remarques sur l'évolution de Heaven? Ses sentiments, ses réactions?

Dites-moi tout dans les commentaires!

On se retrouve le week-end prochain  pour la suite.

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7DreamUniverse

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