CHAPITRE 13 (1)

CHAPITRE 13-Partie 1

Glacial_

Quand j'écarte mollement les rideaux de ma chambre, le lendemain matin, un soleil blanc me fait plisser les yeux alors que mon regard se perd dans une toile des plus somptueuses. Un voile limpide recouvre avec poésie la nature au-dehors alors que les flocons cotonneux glissent au gré du vent et se déposent avec douceur le long de la ruelle pour former une couverture naturelle. La lueur des lampadaires encore allumés se reflète avec candeur sur les étendues de neiges et des stalactites luisantes pendent tout autour des carreaux de ma fenêtre partiellement givrée par le froid. C'est magnifique.

Pourtant, je baisse la tête et renifle alors qu'un voile humide vient brouiller ma vision et que ma gorge se serre. Comme un flot déchainé, les larmes dévalent mes joues sans s'arrêter tandis que mon cœur de cristal se brise. Et j'écrase mes mains sur ma bouche tout en me pliant en deux pour ne pas faire de bruit. Parce que la vie est trop injuste.

Tu avais raison Drédré ;

Un cœur de pierre contre un cœur de glace ne nous apportera que douleur.

Cette fois, je ne reviendrai pas.

En effet, hier, j'ai passé la pire journée de toute ma vie ; on m'a posé un lapin puis j'ai appris que l'élu de mon cœur était en couple, ensuite j'ai embrassé mon meilleur ami avant qu'il ne me rejette et enfin, j'ai appris que la petite amie du garçon que j'aime me déteste et qu'elle entretient des relations intimes avec lui. Paye ta journée pourrie.

Quand j'arrive enfin à me calmer, je me dirige comme un zombie vers la salle de bain. Je m'enferme dedans et évite du mieux que je peux de jeter un œil dans le miroir. Malheureusement, en me brossant les dents, je succombe à la tentation. Je le regrette aussitôt.

D'immenses cernes bleuâtres viennent renforcer mon teint blafard et mes prunelles autrefois illuminées par ma joie de vivre ressemblent désormais à deux raisins secs au bord de la pourriture. Mes cheveux sont desséchés, ternes, et leurs jolis reflets roux semblent avoir disparu.

Mais mon apparence est tout à fait normale. Après tout, je suis malade. La maladie de l'amour.

Je ne prends pas le temps d'essayer de m'auto-encourager pour sourire malgré la souffrance qui me fore la poitrine avec animosité et me dirige d'un pas traînant jusque dans la cuisine. Là, je suis surprise de ne pas y croiser mes parents et me rappelle que je me suis réveillée beaucoup plus tôt que d'habitude. Je me sers un grand verre d'eau et le sirote sans grande conviction tout en fixant le vide.

Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais plus qui être. Après tout, qui suis-je ? Comment aurait réagi la moi d'avant face à cette situation ? La moi d'après Alexander ? Elle se serait probablement donné deux baffes et aurait souri naïvement à travers ses larmes. Il y a quelque temps, tout cela m'aurait semblé facile à surmonter puis à oublier. Oublier. Ma gorge se noue et les larmes menacent de nouveau. Je ne pourrai jamais oublier.

•••

Enfin prête, je vérifie dans mon portefeuille que j'ai bien ma carte de bus et attrape un sac à dos pour changer de ma besace habituelle puis je sors de la maison. Le froid glacial me fait frissonner et j'enfile mon bonnet de laine. Une forte odeur de neige vient picoter mes narines alors que je m'avance dans l'allée. Sous mes pieds, les flocons se tassent dans un crépitement somptueux. Les environs sont calmes et seul le doux bruit du vent dans les branchages dénudés des arbres agrémente le silence. Les couleurs ont disparu.

En passant le portillon, mon regard se pose quelques secondes à l'endroit où Andréas avait garé son vélo il y a quelque temps pour m'emmener au lycée. Une nouvelle fois, mon cœur se serre et les larmes me montent aux yeux. Il va falloir ne plus y penser. Malgré moi, il faut que je surmonte ce passage pour pouvoir avancer, afin d'éviter cette souffrance inutile qui me perfore la poitrine comme un marteau piqueur.

Son sourire me manque, mais le mien me manque encore plus.

Je sursaute quand un flocon se pose sur mon nez et frémis tout en secouant la tête. C'est d'un pas lent que j'arrive à l'arrêt de bus et que je m'assois sur le banc humide pour la première fois depuis le début de l'année. Mon moyen de transport ne tarde pas à arriver et la chaleur de l'air conditionné me picote les joues quand je pénètre à l'intérieur. Je m'installe à une place du côté vitre puis serre mon sac contre moi tout en fermant les yeux. Cette journée s'annonce particulièrement éprouvante.

Quand le bus se gare à quelques pas du lycée, mon rythme cardiaque accélère instantanément : Je ne veux pas voir Ashley puisque je me sens coupable d'avoir embrassé celui qu'elle aime par égoïsme. Je ne veux pas voir Lewis car j'ai terriblement honte de m'être servie de lui. Je ne veux pas voir Emily étant donné que la haine qu'elle éprouve à mon encontre est désormais réciproque et que je suis affreusement jalouse de la relation qu'elle entretient avec Andréas. Et surtout, je veux à tout prix éviter de croiser Andréas car je sais que ça me détruirait.

J'aurais mieux fait de rester chez moi aujourd'hui. Mais je ne peux plus fuir. Il est bien trop tard pour ça. Alors je rassemble le peu de courage dont'il me reste et passe les portes battantes du bâtiment. Avec un peu de chance, ils seront tous malades.

Malheureusement pour moi, le destin semble bien décidé à me jouer des tours. En effet, à peine ai-je posé un pied dans le hall surchauffé qu'une lycéenne aux cheveux rasés sur les côtés et ébouriffés au-dessus avec du gel me saute presque dessus. Mon cœur rate un battement ; elle est le portrait craché d'Emily. En revanche, elle porte une montagne de piercing en tous genres et ses vêtements masculins sont déchirés de partout. Elle me jauge sans gêne de haut en bas alors que j'avale ma salive de travers.

-C'est toi Heaven LONDON ?! hurle-t-elle d'une voix volontairement rauque en m'attrapant fermement par les épaules.

Bas les pattes, humaine ! c'est à une future reine que tu t'adresses avec tant de familiarité !

Pourtant, je me contente de répondre en baragouinant ;

-Heu...oui pourquoi ?

Elle ne prend pas la peine de me répondre et se retourne pour jeter un œil derrière elle sans me lâcher pour autant.

-Amène la Matthew ! rugit-elle.

Le garçon aux cheveux roux qui m'avait demandé hier de ranger les partitions dans la salle de musique s'avance vers nous en retenant fermement Emily par les épaules alors que la jeune fille se débat de toutes ses forces en criant des appels à l'aide d'une voix suraiguë.

-Laissez-moi partir ! gémit-elle. Je n'ai aucune raison de m'excuser !

Je hausse un sourcil alors qu'une boule d'incompréhension se coince dans ma trachée. Mais qu'est-ce qu'ils me veulent à la fin ?

-Vous pouvez m'expliquer ce qui se passe ? je demande finalement.

La fille aux piercings me lâche et passe sa main dans ses cheveux tandis que je masse mes épaules endolories en grommelant. Quelle poigne !

-Pour résumé, je m'appelle Laury HARPER et le mec là c'est Matthew WILDER. Il se trouve que ma petite sœur jumelle, Emily, t'a à priori insulté de je-ne-sais-quoi hier soir et qu'elle s'est très mal comportée. Il est donc de notre devoir de la remettre sur le droit chemin, explique-t-elle comme si c'était une évidence.

-J'ai le droit de détester qui je veux ! s'exclame soudain Emily en se débâtant de plus belle, les cheveux désormais ébouriffés tombant sur son visage. Je ne vois pas le problème !

-C'est drôle, moi si ! gronde Laury en s'approchant d'un pas carnassier de sa sœur. Tu sais bien ce que nos parents feront s'ils apprennent les actes qui salissent l'honneur de la famille que tu as osé exécuter.

Les joues d'Emily rougissent d'irritation et leur teinte me fait directement penser à une rose fanée. Elle se mord l'intérieur de la joue puis contre ;

-Depuis quand tu en as quelque chose à faire de la famille ?!

En écho, les poings de Laury se serrent et ses phalanges en blanchissent.

Je soupire intérieurement. Pourquoi est-ce que je me retrouve au milieu d'une dispute familiale de si bon matin ? Je n'ai pas que ça à faire moi ! Par exemple, j'ai des gens à éviter...

-Quoi qu'il en soit, tu dois des excuses à Heaven pour tes agissements, lâche-t-elle finalement sans desserrer les dents.

-Jamais !

-Tu ne tiens donc pas à l'alimentation régulière de ta carte bancaire ?

Emily pâlie alors que je me donne une claque intérieure. De tous les arguments possibles et imaginables, il fallait que ce soit celui-là qui l'affecte le plus ? Sérieusement ?!

Enfin, tu peux parler, toi- ricane ma conscience.

-Je...tu...tu n'as pas le droit de me faire chanter !

La vocifération d'Emily me fait relever les yeux vers elle et je suis surprise de ne plus du tout reconnaître la jeune fille sage et mature que j'avais cru avoir rencontré il y a quelques jours de cela. Joues rouges, yeux luisants et cheveux ébouriffés, elle a l'air de n'être plus que la caricature d'elle-même. Finalement, c'est fou ce qu'elle me ressemble...

Laury sourit d'un air victorieux, et sa mimique me fait directement penser à celle d'Emily hier soir, après qu'elle ait sous-entendu les choses pas très catholiques qu'elle fait avec Andréas.

Je déglutis.

-Et pourquoi pas ? enquiert Laury sur un ton mielleux.

Emily semble poser le pour et le contre et je sursaute presque quand son regard orageux rencontre le mien.

-Très bien, crache-t-elle amèrement. Heaven...(elle se racle la gorge), je suis déso...

Mais elle est interrompue en pleine action par une exclamation joyeuse, suivie de beaucoup d'autres. Nous faisons volte-face et mon cœur accélère. En effet, Andréas pousse les portes du lycée et pénètre à l'intérieur. Et à peine a-t-il posé un pied sur le sol de linos qu'un cercle de lycéen surexcité l'emprisonne.

Pourquoi ? Parce que hier il a montré à tous qu'il était le meilleur danseur de l'école en détrônant Lewis avec une facilité hors du commun. Forcément, il est immédiatement devenu populaire. Il fallait s'y attendre.

Le voir de nouveau me fait beaucoup plus mal que je l'avais imaginé. Il est là, nonchalant, alors qu'il m'a brisé le cœur à maintes reprises depuis que je le connais.

Il essaye de se débarrasser de cette vague enragée avec embarras, rouge jusqu'aux oreilles. Bien fait pour lui ! Qu'il ne compte pas sur moi pour le sortir de ce pétrin.

Cependant, une fois de plus et presque inconsciemment, je ne peux m'empêcher de le fixer. Même embarrassé ainsi, il est parfait.

Parce que le feu d'un sentiment d'une pareille puissance ne peut s'éteindre aussi rapidement, même si la tempête s'acharne à souffler dessus. Mais quelque part caché au plus profond de moi, je me bats de toutes mes forces pour ne pas qu'elle succombe. Je m'y accroche, à cette flamme, parce que malgré tout, c'est la dernière chose qui me relit à lui.

Cette étincelle, aussi infime soit-elle, sera plus robuste qu'un ouragan, si c'est pour celui qu'elle aime qu'elle survit.


A suivre dans la partie 2...


OHAYO!!
(C'est bonjour le matin en japonais😅😉)
Que pensez-vous du chapitre?
La fin plutôt poétique vous plaît?
Dites-moi tout dans les commentaires!!

On se retrouve le week-end prochain pour la suite!!
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7DreamUniverse

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