Chapitre 7 : Doutes
Ragnor ne lâchait plus le mala qu'il avait dans la main, ce mala que lui avait offert Magnus. Ce mala, symbole d'espoir que lui avait donné son fils, dernier ancrage dans cette réalité maudite, preuve que son enfant était en vie. Magnus était vivant. Amnésique, certes. Terrestre, oui, mais vivant malgré tout. Son Magnus, son petit garçon, était là, toujours là. En sortant de la boutique de ce dernier, l'immortel aux cornes brunes n'avait pu empêcher ses larmes de revenir en force dans ses yeux noisettes, mais plutôt que de chagrin, c'était là des larmes de soulagement, la pression accumulée de ces trois derniers mois quittant subitement ses épaules chargés de ce fardeau. Plus besoin de faire son deuil, plus besoin de pleurer la perte d'un des êtres qui avait le plus touché son cœur depuis le début de son existence. Même Jace, qui connaissait Magnus sans pour autant être son meilleur ami, semblait chamboulé par la nouvelle et Ragnor fut ému de constater que ses joues à la peau ensoleillée étaient elles aussi constellées de larmes ici et là. Magnus était leur pilier, le lien entre Monde Obscur et Chasseur d'Ombre, il était la vie, le jour, le soleil, les paillettes, la joie. Un monde sans Magnus était un monde froid, triste, dur et cruel. Et voilà que l'univers tout entier le leur rendait comme un gage d'espoir, comme pour leur signifier que tout irait bien, tout allait aller mieux bientôt. Cependant, chacun avait sa façon de réagir et, pour Alec, le choc était encore plus grand que pour ses deux comparses. En effet, le noiraud avait tenu son époux jusqu'à la dernière seconde. Magnus était mort entre ses bras, il avait sentit son coeur s'arrêter de battre sous la pulpe de ses doigts, et le voir là, vivant, respirant, le coeur battant...Alec avait toutes les raisons de devenir fou s'il l'avait voulu, et personne ne lui en aurait tenu rigueur. Mais Alexander Lightwood-Bane n'était pas fou. Alexander Lightwood-Bane était alcoolique, et là, il avait vraiment besoin d'un verre pour se remettre de ses émotions. Ou plutôt, il avait besoin d'une bouteille, constata tristement Ragnor en apercevant le tremblement déchaîné des mains de son gendre et ami, aussi violents que s'il faisait une crise d'épilepsie. Avisant une supérette terrestre non loin, le Chasseur d'Ombre aux yeux cobalt pressa le pas pour s'y engouffrer et se diriger vers le rayon alcool. Trouvant enfin son bonheur, il observa les bouteilles d'un œil morne, comme si son esprit venait de se déconnecter et de se détacher de son corps.
- Alec ? Hey, ça va, parabatai ? S'il te plaît, parle, tu es flippant, là. Alec...!
- Il est en état de choc, chuchota Ragnor comme il l'aurait fait s'il s'était agi d'un somnambule. Jace, je sais que c'est difficile à comprendre, ajouta-t-il encore plus bas, mais Alec est vraiment devenu fragile, aussi bien moralement que physiquement. Tu as bien vu sa crise de tout à l'heure. Il est anorexique, dépressif, alcoolique, suicidaire. Tu auras beau le brusquer et avoir envie de lui donner des claques pour qu'il se réveille et réagisse ça ne marche pas comme ça. On lui a arraché la moitié du cœur, lorsque Magnus est mort. N'importe qui serait devenu fou à sa place. Il compense comme il peut, et malheureusement il compense dans l'alcool. Je ne dis pas qu'il faut le laisser continuer sur cette lancée, et encore moins l'encourager à boire, mais quand il en a vraiment besoin laisse le faire.
- Et le laisser sombrer un peu plus dans l'alcool ? S'énerva Jace en marmonnant, serrant les poings.
- Non, mais tu sais comme moi que seul Magnus peut le sortir de son état. Et là, il est vivant ! Alec a une raison de se battre. Si on ramène Magnus, on ramène Alec, et inversement...
Le blond hocha pensivement la tête, accordant au sorcier le bénéfice du doute. Il était vrai qu'on ne pouvait pas aider les personnes qui, au fond d'elles-mêmes, ne souhaitaient pas se faire aider. Pourtant, Ragnor avait raison. Magnus était là, Magnus était revenu. Comment, pourquoi, peu importait, tout ce qui comptait c'était que l'Indonésien était là, tout simplement. Déconnecté de leur échange, Alec, lui de son côté, venait de prendre la première bouteille qui lui faisait face et la déboucha pour la boire cul sec là, en plein milieu du rayon alcool d'une supérette d'un quartier perdu de New York. Jace écarquilla les yeux, et Ragnor sentit son coeur se fendre un peu plus. Après avoir fini sa bouteille, le noiraud fondit en larme et en saisit une suivante pour la boire à son tour, s'intérrompant régulièrement pour ne pas s'étouffer entre l'alcool et ses sanglots douloureux. Ragnor tenta, tout autant que Jace, de le retenir à plusieur reprise, de reprendre la bouteille qu'il s'enfilait aussi rapidement que si c'était de l'eau, mais le Chasseur d'Ombre les repoussa tous deux en hurlant et criant de peine, ses yeux baignés de larmes qui coulaient comme deux torrents sur ses joues. C'est alors que l'immortel comprit. Il comprit la bataille qui se jouait actuellement dans l'esprit d'Alec. Rêve ou fiction ? Hallucination ou réalité ? Magnus était-il réellement là ? Ou devrait -il boire jusqu'à plus soif et mourir pour le rejoindre dans le repos éternel ? Alors qu'il tentait une fois de plus de lui prendre la bouteille des mains, Alec tenta de lui donner un coup de poing à la mâchoire, sans grand succès, avant de s'enfuir en courant hors du magasin. Ragnor claqua des doigts pour déposer la somme de ce qu'il avait bu dans la caisse et rejoignit Alec au pas de courses, suivi de près par Jace. Heureusement, ils ne mirent pas longtemps à la retrouver puisque le Nephilim était penché en avant, main sur les genoux et sa bouteille vide à côté de lui, en train de vomir dans une ruelle à quelques mètres de là. L'ancien Grand Sorcier de Londres se plaça à ses côtés et retint ses longs cheveux noirs en arrière pour éviter de les tâcher de bile et il traça des cercles apaisants dans son dos pour l'aider à faire passer la nausée.
- Je croyais qu'il tenait l'alcool...? Souffla Jace avec incompréhension.
- Il le tient, mais je te l'ai dit c'est le choc. Son esprit est en train de réaliser ce qu'il se passe et la seule manière qu'il a de lui faire un électrochoc c'est de régurgiter l'alcool...ça va aller, Alec, essaie de respirer, d'accord ? Ce sera bientôt passé...
- I...Iz...Izzy..., hoqueta le plus jeune entre deux haut-le-cœur. Il faut qu'on..., commença-t-il sans pouvoir finir sa phrase, le corps rejeté vers l'avant sous la force de ses vomissements.
- Tu veux aller voir ta soeur ? Répéta Ragnor sur un ton sceptique. Alec, je ne suis pas sûr...
- Doit...savoir...Magnus, gémit-il avant de rendre une nouvelle fois.
- D'accord, on va aller la voir pour lui dire; soupira le plus vieux. Mais finit d'abord, je ne pense pas qu'elle apprécie que tu lui taches ses vêtements en vidant ton estomac sur elle...
Jace étouffa un ricanement, marmonnant que ça ne lui ferait peut-être pas de mal d'avoir un électrochoc elle aussi, et Ragnor secoua la tête, retenant un sourire, tout en aidant son cadet. Alec, lui, ne pensait qu'à une chose : Magnus. Magnus, son Magnus qui était en vie, à qui il avait pu parler, son magnifique sorcier joueur et espiègle qui l'avait réconforté, qui l'avait accueilli et qui pourtant ne se souvenait pas de lui le moins du monde. Son Magnus, aujourd'hui amnésique et, pire même, humain. Son mari qui avait perdu ses yeux de chats, qui n'avait plus le moindre soupçon de magie en lui, son cher époux, son âme sœur, son amant qui était tout ce qu'il désespérait qu'il soit : vivant. Magnus était vivant, et puisque Ragnor et Jace l'avaient vu, alors ce n'était pas une hallucination, et ça c'était la meilleure nouvelle qui soit pour le noiraud. Ne restait plus, cependant, qu'à convaincre sa sœur de sa bonne foi et lui assurer qu'il n'était pas fou. Il fallut encore attendre de longues minutes avant que l'estomac du noiraud n'accepte de se calmer et que le Chasseur d'Ombre puisse se redresser et essuyer sa bouche.
- Tu te sens mieux ? S'enquit Ragnor en caressant machinalement ses cheveux.
- Un peu..., avoua Alec à bout de souffle. Il faut qu'on aille à l'Institut, je dois dire à Izzy que Magnus est vivant...Je sais qu'elle me déteste mais peut-être que si vous lui dites que c'est vrai elle acceptera d'écouter ?
Le britannique secoua la tête en se retenant de lui dire qu'il s'agissait là d'une des pires idées que le noiraud ait pu avoir au cours de sa vie mais soupira finalement. Après tout, lui-même espérait intérieurement que l'actuelle directrice de l'Institut de New York les écoute et entende raison pour pouvoir ainsi pardonner à son frère et faire la paix avec lui. Malheureusement, c'était toujours plus simple à dire qu'à faire et convaincre Isabelle que ce qu'ils allaient lui annoncer était véridique relevait encore du miracle. Frottant ses yeux larmoyant et déglutissant difficilement à cause de la sensation de brûlure présente dans sa gorge, Alec s'appuya quelques instant sur son parabatai qui lui transmettait de sa force via leur rune pour lui permettre de reprendre totalement ses esprits et de se tenir prêt à affronter sa petite soeur. Une fois les trois hommes ragaillardis, ils se remirent en marche vers l'Institut qui ne se trouvait qu'à une petite dizaine de minutes de marche de leur position actuelle. Une fois devant l'édifice, Ragnor l'observa en penchant légèrement la tête sur le côté, comme s'il avait affaire à un insecte curieux qu'il tentait de jauger pour savoir s'il lui serait dangereux de l'approcher ou non. L'immortel n'était venu que très rarement à l'Institut, tout du moins du vivant de Magnus. Après la mort de l'asiatique, qui finalement ne semblait plus l'être tant que ça, l'ancien Grand Sorcier de Londres était passé une à deux fois par semaine pour voir comment se portait les Chasseurs d'Ombres qu'il cotoyaient, mais Alec ayant quitté les lieux, il n'était pas revenu depuis au moins deux mois. Le noiraud, par ailleurs, devait sans doute avoir des pensées similaires, tout autant que Jace, puisqu'ils avaient tous deux été bannis par leur sœur pour avoir refusé que le plus vieux ne parte se faire soigner par les Frères Silencieux à la Basilia pour guérir de son alcoolisme. Aucun d'eux n'était prêt à revoir la brune, surtout après la manière dont ils s'étaient tous quittés la dernière fois, mais ils n'avaient pas le choix, Alec avait raison : Isabelle avait le droit de savoir que Magnus était en vie, elle devait connaître la vérité et savoir que son frère n'était pas fou, qu'il n'avait pas mentit. Tout était vrai.
- Bon, pénétrons dans l'antre du démon, tenta de plaisanter Jace dans une veine tentative d'humour.
Ragnor ne rit pas, pas plus qu'Alec qui se sentait de nouveau nauséeux, et cette fois ce n'était pas à cause de l'alcool, il le savait. Le stress et l'angoisse d'une nouvelle rencontre avec sa sœur lui tordait l'estomac et faisait s'emballer son cœur qui commençait même à lui faire mal, tant il se serrait d'inquiétude. Posant une main compatissante sur l'épaule de son cadet, l'immortel lui insuffla la force et le courage nécessaires pour entrer et, finalement, ce fut le Nephilim qui passa les portes le premier. Rien n'avait changé. Enfin, c'était ce qu'il s'imaginait. Depuis les trois derniers mois, chaque fois qu'Alec se trouvait à l'Institut, il était ivre ou en train de cuver, il n'était donc pas très bon juge en la matière. Jace, de son côté, et bien qu'il se sente un peu mieux que son frère de cœur et d'âme, aurait aimé ne pas se retrouver ici. Après l'attitude d'Isabelle à l'hôpital suite à la dernière tentative de suicide d'Alec, il avait réalisé à quel point il avait été absent de la vie du noiraud, lui refusant son soutient, mais surtout à quel point la Chasseuse d'Ombre avait pu être audieuse avec son frère aîné. Plus que pour lui-même, le blond redoutait avant tout la réaction de la brune face au veuf en dépression. D'un discret mouvement de la main, laissant sa magie blanche crépiter de ses doigts, Ragnor chercha à savoir où se trouvait la nouvelle directrice de l'Institut et, lorsqu'il la repéra enfin, fit un petit mouvement de la tête en direction du grand escalier pour prévenir ses deux comparses qu'elle était dans son bureau, à l'étage. Rassemblant tout leur courage pour affronter cette dernière, ne se doutant pas qu'un jour Isabelle leur apparaîtrait aussi terrifiante que le pire des démons supérieurs, les trois hommes gravirent les marches à pas lents et se dirigèrent vers le bureau de leur cadette. Toquant deux fois à la porte, un "entrer" strict retentit et ils déglutirent avant de pousser le montant de bois sombre. Assise à son bureau, qui était autrefois celui d'Alec, triant et signant des papiers, mettant ses affaires en ordres et organisant sans doute de nouvelles réunions avec les différents représentants des Créatures Obscures de New York, la jeune femme leva brièvement les yeux vers eux en les voyant arriver puis soupira lourdement en secouant la tête lorsqu'elle les reconnut. Visiblement, ça commençait mal, pensa tristement Ragnor.
- Isabelle, nous aimerions te parler, déclara-t-il cependant avec tact en s'avançant d'un pas vers elle. Tu veux bien nous recevoir une minute ?
- Pourquoi faire ? Marmonna la Nephilim en se levant pour se planter face à l'immortel, les bras croisés sur sa poitrine. Parce que je sens l'odeur de l'alcool d'ici, Alec, tu empestes le whisky, alors ne va pas me faire croire que tu es là parce que tu as accepté mon offre de t'envoyer à la Basilia.
Aux mots cinglants de sa sœur lui rappelant sa triste condition, le noiraud baissa les yeux. Il savait, bien évidemment qu'il savait. Il savait qu'il allait mal, que son état de santé était préoccupant. Alec avait conscience que son anorexie combinée à son alcoolisme était en train de le tuer, mais il n'avait plus rien à quoi se rattacher, plus rien pour continuer. Oh, Magnus était vivant, certes, mais amnésique. Il n'était plus son époux, son cher sorcier, il était mortel, Terrestre même, et il ne savait pas s'il avait encore la force de s'accrocher à la vie dans ces conditions. Voilà pourquoi il était là, voilà pourquoi il venait voir sa sœur. Pour se prouver à lui-même que, peut-être, il n'était pas totalement fou. Se contentant de garder la tête basse, presque en signe de soumission face à sa cadette, Alec laissa son beau-père et ami parler pour lui, tout comme Jace qui préférait encore garder le silence. S'il ouvrait la bouche, le blond n'était pas certain de pouvoir se retenir d'insulter la brune pour son comportement. Inspirant profondément, Ragnor s'éloigna de deux pas et dans des gestes complexes, il fit apparaître sous les yeux noirs de la Nephilim le devanture de la boutique de Magnus ainsi que les quelques instants volés gravés dans sa mémoire pour lui montrer ce qu'il avait vu lui-même à peine une heure plus tôt.
- Magnus est vivant, expliqua-t-il alors que la vision se dissipait. Alec avait raison quand il a dit l'avoir vu. Je ne l'ai pas cru au début, et Jace non plus, mais nous sommes allés là-bas, Isabelle. On a vu Magnus, j'ai vu mon fils, il est là, bien là. Il est vivant, souffla-t-il en sentant de nouvelles larmes d'émotions lui monter aux yeux, éprouvant encore quelques difficultés à réaliser la grande nouvelle.
- Et tu penses vraiment que je vais croire naïvement ce que tu me dis ? Cracha presque la directrice de l'Institut. Pardon de te décevoir mais Magnus est mort, quand est-ce que vous allez tous vous rentrer ça dans le crâne ? Il est mort ! Cingla-t-elle en serrant la mâchoire. On l'a tué, on lui a tendu un piège et l'enquête qu'on a faite n'a rien donné. Magnus s'est fait avoir comme un débutant et il est mort, fin de l'histoire.
- Silence ! S'énerva Ragnor sans pour autant hausser la voix. Magnus a été piégé, c'est vrai, mais je t'interdis de dire qu'il s'est fait avoir, je lui ai toujours appris à se défendre et son corps a été retrouvé couvert de runes démoniaques et de traces de magie noire, il n'aurait rien pu contre une force maléfique, alors ne t'avise pas d'insinuer que toi, tu aurais pu faire quoi que ce soit de mieux à sa place.
- Si, j'aurais pu, je ne serais pas partie seule, pour commencer. Mais soit, admettons, tu viens de me dire toi même que c'était son corps qu'on a retrouvé, alors cet inconnu ne peut pas être Magnus. Si vraiment il s'agit de Magnus, alors c'est qu'il a été ramené grâce à la Nécromancie, et c'est une pratique proscrite par l'Enclave. Visiblement, aucun d'entre vous n'a pensé à cette éventualité, alors je vais devoir m'en occuper moi-même et éradiquer ce damné qui se fait passer pour un homme, marmonna-t-elle en se détourner pour attraper un poignard séraphique couvert de runes de protection.
Voyant rouge aux sous-entendus de la jeune femme, refusant qu'elle ou qui que ce soit d'autre face de nouveau du mal à son enfant, Ragnor gronda de colère et lui fit une clé de bras, la retournant violemment pour plaquer le corps de la Nephilim au mur le plus proche pour l'immobiliser et lui tordre le bras à la limite du supportable. La plus jeune tenta de se débattre, en vain.
- Je n'ai besoin que d'une toute petite pression pour te casser le bras et crois moi ce ne sera pas d'une iratze que tu auras besoin pour t'en remettre, susurra-t-il d'une voix glaciale, presque démoniaque. Une simple pression et tu perds l'usage de ton bras pour les six mois à venir. Je ne sais pas si tu as déjà eu une fracture ouverte, mais là ton os est sur le point de perforer ta peau alors je te conseille de sagement m'écouter, est-ce que je me fais bien comprendre ?
Isabelle grommela alors qu'Alec relevait les yeux vers son ami le plus proche en dehors de son parabatai. Jamais, au cours des années qu'il avait passé à côtoyer Ragnor, il n'avait vu l'immortel dans un tel état. Le sorcier à la peau verte écumait littéralement d'une rage à peine continue, suffisamment libéré pour lui permettre ce genre d'action mais assez maîtrisée pour le pas tuer la jeune femme sur le cou. Un sentiment de sécurité le berça doucement et le noiraud osa enfin garder la tête haute, tremblant pourtant comme une feuille et ses larmes roulant librement sur ses joues. Jace l'enlaça presque timidement pour le calmer alors que Ragnor poursuivait ses menaces sur Isabelle.
- Tu vas venir avec nous, et voir que Magnus est toujours en vie. Il n'a rien d'un damné, et je te jure sur les sept cercles de l'Enfer que si tu t'avise de menacer à nouveau mon fils j'invoque un Démon Supérieur et je te livre en offrande, nous sommes d'accord ?
- Très bien...lâche moi maintenant ! Ragea la jeune femme en hurlant.
Le sorcier cornu libéra sa cadette et s'éloigna pour la laisser ranger son poignard séraphique à la salle d'armes et se changer pour passer inaperçu auprès des Terrestres. L'ancien Grand Sorcier de Londres retourna auprès de ses amis et usa de sa magie pour calmer Alec.
- Wow, Ragnor, où est-ce que tu as appris à faire ça ? s'extasia Jace. Même moi j'ai pas vu le coup venir, tu m'apprendras ? S'il te plait, l'implora le plus jeune en lui lançant un regard de chien battu.
- Je verrais si je peux t'obtenir une séance avec le grand maître, ricanna le sorcier en sentant le noiraud se détendre.
- Le grand maître ? S'étonna le blond sans comprendre.
- Asmodée, répondit Alec après avoir demandé silencieusement l'accord à son beau-père de révéler la vérité à son parabatai. L'Enclave n'est pas au courant mais Ragnor et Asmodée sont mariés.
- On reste discret pour éviter les soucis, expliqua le plus vieux, voilà pourquoi Magnus, Alec et moi nous faisons mine de le détester en public, mais nous sommes mariés et heureux depuis près de neuf siècles maintenant.
Sous le choc de la nouvelle, Jace ressemblait à un poisson hors de l'eau. Pourtant, il jura de garder le secret en échange des conseils du Démon Supérieur pour mieux se défendre. Ragnor accepta en riant mais se calma quand Isabelle revint dans son bureau. Elle avait détaché ses cheveux, auparavant serrés en une longue tresse, et avait troqué sa robe stricte et ses escarpins à talons fin contre un chemisier sombre, un pantalon de cuir et des bottes également en cuir noir. Hochant sèchement la tête dans sa direction, Ragnor ouvrit ensuite un Portail qu'ils traversèrent, à contrecœur pour Isabelle, les faisant arriver à quelques pas de la boutique de Magnus. Cela faisait moins de deux heures qu'ils n'y étaient pas retournés, mais Alec soupira de soulagement en constatant que la devanture était toujours là et que, à l'intérieur, son propriétaire l'était aussi. Le noiraud s'empressa de passer la porte, faisant retentir la petite sonnette. Occupé à réorganiser son présentoir à bagues en tous genres, Magnus releva la tête en souriant. Dès lors que ses yeux ambrés à la pupille ronde se posèrent sur le Chasseur d'Ombre, l'asiatique laissa de côté son travail et se concentra sur lui, souriant d'autant plus lorsqu'il constata que Ragnor et Jace étaient eux aussi revenus.
- Alexander, quelle surprise ! Si j'avais su que "jamais deux sans trois" s'appliquait à vous, j'aurais préparé du thé ! Je devrais peut-être même ouvrir un salon de thé si cette boutique ne fonctionne pas ! Oh mais vous avez amené une amie cette fois, sourit-il encore en se rapprochant d'Isabelle qui observait l'Indonésien avec des yeux plissés et suspicieux. Bonjour je m'appelle Made, mais vous pouvez m'appeler Mag...
Le dernier mot s'étrangla dans la gorge de l'Indonésien, incapable de prononcer son propre prénom alors qu'il serrait la main d'Isabelle dans la sienne. Le Terrestre perdit l'équilibre et manqua de s'écrouler au sol, rattrapé in-extrémis par Ragnor, sachant qu'Alec n'avait plus assez de force dans les bras pour empêcher sa chute. Le noiraud, pourtant, comprit que son époux amnésique faisait une crise d'angoisse.
- Tu devrais partir..., marmonna-t-il à l'intention de sa sœur. Dégage Izzy ! S'emporta-t-il comme lors de ses gueules de bois. Tu ne vois pas l'état dans lequel tu le mets ?!
- Alors ça c'est la meilleure, tu viens me menacer pour te suivre ici et maintenant tu me demande de partir ? Tu sais vraiment pas ce que tu veux en fait ! J'en ai marre que tu me prenne pour une conne, Alec !
- Dégage ! Fou le camp ! Hurla le noiraud en serrant le poing.
- Va te faire foutre ! Souffla-t-il en lui brandissant son majeur avant de quitter la boutique en claquant violemment la porte derrière elle.
A bout de souffle et épuisé, autant par sa dispute que par ses problèmes de santé, le Chasseur d'Ombre alcoolique vacilla avant de s'écrouler, sombrant dans les bras de Morphée et rattrapé de justesse par son parabatai sans même voir que Magnus venait également de perdre connaissance à cause de sa crise d'angoisse. Unis dans l'inconscience et l'obscurité, enfin..., pensa-t-il avec ironie.
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