⁵ - la neige fait flotter les nuages noir

< Annie >

Mes oreilles sont en feu -je crame-. La voix criarde de King Buzzo se faufile par les trous des deux côtés de ma tête, et pénètre jusqu'à la moindre bribe de mon cerveau. Syd en a finalement trouvé, de la poudre. Aussi blanche que la neige. Mes sincères remerciements au petit El Chapo de San Antonio. Le goût âcre du vomi à l'intérieur de ma gorge me semble désormais bien loin. J'ai envie de dormir, bien au chaud dans mon corps assouvi de tout désir. Je nage dans des pâquerettes turquoise et rose fushia, un soleil étranger brille derrière une forêt de cumulus noirs, et j'arrive enfin à respirer. Mes os ne sont plus qu'un liquide limpide qui ondoie langoureusement en moi. Si loin ... presque autant que toi. Ça te dirait de faire une course dans les nuages un de ces quatre ? Je flotte, je vole, je vis : pas trop tôt.

Maman et Phil se sont disputés hier. Ça commence. Je venais à peine de rentrer du lycée lorsque j'ai entendu des cris ;

« Tu ne me trouves pas assez responsable ? »

C'est toujours comme ça au début.

Je me suis enfermé dans ma chambre, et j'ai ensuite compris que cette fois ne ferait pas exception. Je n'y avais franchement jamais cru. J'ai alors souhaité retourner avec toi à Maple Hill, longer la 40ᴇ jusqu'à Topeka et boire jusqu'à en gerber, comme on le faisait lorsque Brad nous saoulait trop avec ces Royals à deux balles. Lorsque l'on s'échappait le temps d'une nuit pour fuir tous ces gens qu'on haïssait tant alors qu'ils dormaient tous bien naïvement. Quand j'y repense, Maple Hill n'était pas une ville plus merdique qu'une autre. Seulement qu'on devait pas être adapté. Mais j'aimais bien m'évader avec toi. Et puis, l'exagération est notre signe distinctif par excellence.

Sauf que voilà, maintenant que tu es partie, je me retrouve comme un couillon à me droguer pour échapper à mes emmerdes ; et une fois de plus coincé, cette fois-ci dans la province de l'Hill Country. Quelque part, dans un sens, je sens que c'est ma façon à moi de rejoindre Topeka à nouveau. Blanche sait m'aider pour ça. Elle aspire toutes ces routes que je voudrais tant traverser, toutes ces bouteilles que je rêverais de m'enfiler si j'avais plus de thune, et toutes les paroles enragées que j'aimerai déverser sur mon putain d'être immuablement détestable.

Finalement, elle parvient quasiment à tout effacer, Blanche ; à laisser s'échapper de mon corps tout ce que je retiens enfermé en moi. Mes problèmes ne sont plus que de gros nuages noirs qui empêchent cette lumière angélique de scintiller à sa guise dans mes rêves.

Mais pas toi. Toi, Annie, elle n'a jamais su comment faire pour t'aspirer dans sa poche à tourments. Tu ne peux visiblement pas flotter, toi.

Ouais -eh- mais, je ne fuis plus les gens à présent. Ils n'en demeurent pas moins bêtes, mais ... oh, j'entends encore leurs cris. Ma mère qui tient le produit vaisselle dans ses mains et qui essaie de rester calme. Phil, qui, sur un élan non-contrôlé, poursuit ses reproches devant la chevelure blonde. La chevelure blonde qui traverse la pièce tête baissée pour s'isoler le plus vite possible dans sa chambre.

Bordel, c'est la quatrième fois ! L'après post-second quarantenaire qui, célibataire depuis près de quinze ans, a flashé sur ma vieille pour sa paire de meules fournies et son sourire potiche. Je n'aurais jamais dû quitter le Kansas. Je me suis cassé sans même tenter de recoller les morceaux. J'ai abandonné tout le monde là-bas ; exactement comme toi.

Finalement on a tout de même gardé un point commun : on a tout laissé en plan derrière nous sans réfléchir aux autres. À ceux qu'on allait abandonner à Maple Hell en cavalant vers un nouvel horizon.

Pourquoi suis-je parti ?

« Non, je ne suis pas médium mais je sais déjà ce qui va se passer, môman. C'est non. Non. Non., c'est pas compliqué à dire ! »

En même temps, je me serais mal vu rester, dans votre ferme, à Brad et toi, sans toi. Annie, c'est comment le Colorado ? Ils font d'aussi bonnes escalopes de poulet panées que chez Kuco's au moins ? Fais-gaffe, hein. Tu te souviens, durant l'été dernier, on avait vu une gigantesque tornade qui ravageait tout là-bas à la télé. Là où tu es censée être.

Le lycée Wartland est aussi banal que chiant. Je n'y ai décelé aucune présence de vampires (de toute façon il y a beaucoup trop de soleil), donc je ne pense pas que j'aurais à choisir entre suceurs de sang et chiens à longues dents. Dommage.

-Je te laisse, mes paupières veulent aller dormir-.

P.S : J'ai deux sachets d'avance, Watson. J'espère que l'héritage d'El Chapo est opulent.

(Shelli aime les bananes et les tartes à la mûre)

Bonne nuit.

Il est 6 heures et demie du matin. Merde.

Il faut que je dorme.

Je vais dormir.

Salut.

Tu me manques.

Annie.

Je t'aime. >>

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