📷10. Chevilles📷
Edrick
Je me suis délecté de chaque seconde du merveilleux repas que j'ai eu l'honneur de partager avec Epsilon, savourant ma chance de vivre un moment avec ses trois personnes qui, au-delà d'être des stars, ont surtout l'air de trois amis soudés.
Lorsque Alpha m'avait avoué être bisexuel, mon cur avait loupé un battement. Savoir qu'un homme aussi admirable que lui possède une attirance pour le genre masculin m'a fait beaucoup plus plaisir que ça ne l'aurait dû.
Et cela m'a aussi mis en confiance vis-à-vis du groupe.
Quant à ce qui est de l'attirance, je ne pense pas intéresser Alpha, et n'imagine pas avoir une quelconque chance avec lui : il faut être réaliste. Le chanteur doit avoir des centaines -que dis-je- des milliers d'hommes (et des femmes) qui lui diraient oui sur l'oreiller sans aucune hésitation.
Et moi, contrairement à lui, je ne suis personne. Un simple étudiant. Un grain de sable sans intérêt dans le désert infini et varié d'individus.
Mais, d'un autre côté, j'ai justement envie de le connaître. De voir le vrai visage de cet homme, et non pas de ce chanteur. Son caractère m'intrigue. Il semble complexe, à la fois dur et doux, familier et curieux, sociable, mais restreint...
Et il en va de même pour Bêta et Gamma. Au-delà d'être des artistes, ils ont l'air d'humains incroyablement gentils. D'un groupe de copains tel qu'Alvin, Morgane et moi, à quelques choses prêt. Et bien que le batteur parait avoir des réserves à mon égard, je le comprends, et ne lui en tiens pas rigueur, trop content d'être ici.
Revenant soudainement à la réalité, je mords dans ma Forêt Noire, prêtant une légère attention à la discussion des artistes à mes côtés.
Passant les yeux sur ma tablée, je croise alors le regard du chanteur qui, calmement, laisse ses lèvres s'étirer en coin.
Je sens alors un contact contre ma jambe. Et vois la malice briller dans l'il libre d'Alpha alors qu'il déplace innocemment sa cheville contre mon mollet. Déclenchant en moi un frisson exquis et dangereux alors qu'une douce décharge court tout le long ma peau.
Notre étrange contact dura quelques infimes secondes. Puis, comme ci de rien était, la star reporte son attention sur sa nourriture en décollant tranquillement sa jambe.
Je reste pantois, ne sachant qu'en penser et en restant un peu déstabilisé alors qu'Alpha, son repas fini, se lève, se saisit de ses déchets, affichant son intention de partir.
- Alpha, tu vas où ? l'interroge le batteur.
- Dans ma loge, lâche le chanteur simplement.
Ses deux amis qui parlaient avec animation il y a encore quelques secondes, se tournent alors interrogativement vers moi, puis, devant mon incompréhension visible, haussent les épaules.
- Il... il fait souvent ça ? j'interroge.
- Non, mais quand il le fait, c'est qu'il a besoin de réfléchir, informe Bêta.
- Je vois... Et sinon, ça fait longtemps que vous vous connaissez tous les trois ? je change de sujet, désireux de surpasser le récent malaise.
- Euh, on peut dire ça ouais, me répond la jeune femme en gloussant.
- Genre ?
- Genre depuis l'école primaire.
- Ah oui effectivement. Et elle est venue comment l'idée d'Epsilon ?
- Tu connais l'ancien membre, Delta ?
- Oui, bien sûr, il était second batteur, c'est ça ?
- Oui, voilà. Eh bah, c'est sa copine qui nous a fait commencer en postant nos conneries sur YouTube. Depuis toujours, on était un peu touche à tout donc on tripotait des instruments, et L- euh... Alpha étant ce qu'il est il s'est simplement mis à chanter ses textes.
Gamma secoue la tête en désapprobation tandis que Bêta lui lance un regard lourd de sens.
- Quel coup de chance, j'ignore et poursuis.
- Ah bah ça. C'est sûr. Surtout avec notre style peu commun. Les textes d'Alpha jouent bien leurs rôles sur ce point.
- C'est vrai que même si les paroles ne sont pas toujours raffinées, on sent beaucoup d'émotions dans ses textes, je réponds. Que ce soit du plaisir... charnel disons, aux chansons plus tournées vers l'amour ou même celles sur d'autres choses comme la joie ou la déprime. On dirait qu'il y a toujours plusieurs sens... Je suis pas très clair là, je crois, je ris penaud.
- Nan, je n'ai rien compris, admet Bêta en gloussant. Mais t'as l'air vraiment calé. Alpha est pas du genre à aimer la parlote dans sa vie privée, donc il se lâche dans ses textes et quand il chante.
Dans un raclement de gorge, Gamma semble rappeler la guitariste à l'ordre. Lui rappelant ne pas trop en dire sur eux.
- Il a toujours été comme ça ? je demande néanmoins en essayant d'en savoir plus.
La curiosité est un vilain défaut, je sais, mais je saisis ma chance d'exploiter au maximum ma présence ici, avec eux. Et au pire Gamma m'enverra promener, c'est tout.
Mais manque de chance pour moi, ce n'est pas le batteur qui coupe le fil de la conversation, mais le chanteur, en passant sa tête par la porte de la salle de dîner désormais presque vide.
- Eh bandes de couillons ! Va peut-être falloir passer la deuxième là nan ? Plutôt que de parler de moi. Je vous signale que ça résonne ici, il soupire en levant les yeux au ciel.
Je ne retiens pas la rougeur qui me monte aux joues d'avoir été surpris en pleine séance de furetage. Mais je reprends vite contenance en terminant ma boisson.
- Eh, détends-toi voir, on a le temps, il reste vingts minutes, remarque Bêta en soupirant. Et d'habitude ton égo adore qu'on parle de toi.
- J'adore qu'on parle de moi, mais il y a un temps pour tout Bêta. Et toi, tu es lente à te préparer, donc bouge. Rick vient avec moi.
Mon cur toque en sursaut contre ma cage thoracique et j'acquiesce un bref "ok" avant de le suivre. Faisant juste un bref détour pour jeter mes déchets à la poubelle.
Docile, je suis le chanteur à travers un dédale de couloirs. Profitant d'être derrière lui pour le mater discrètement quelques précieuses secondes.
Quand soudain, je tilte et me rends compte que je n'ai pas pris mon sac.
- Euh...
- Quoi ? me demande la star sans se retourner.
- Je crois que j'ai oublié mon sac près de la scène pendant la répétition, je panique légèrement en me sentant idiot.
Il se retourne alors vivement vers moi.
- T'es sérieux là ? il répond en semblant agacé.
- Non... si je me grouille... il y est peut-être encore...
Mille et un scénarios défilent dans mes pensées. Le public devait être entrain d'arriver, et personne ne s'empêcherait de se saisir d'un sac non surveillé contenant plusieurs appareils électroniques tout très couteux.
Pourtant, devant moi, la star déguisée se laisse doucement aller à un petit sourire moqueur. Reprenant sa marche fluide jusqu'à une porte en tout point similaire aux autres, au détail prêt de l'écriteau demeurant sur son cadre.
"Loge privée : Alpha α"
Perturbée du comportement de l'homme, je le suis de façon hésitante, ne comprenant pas la raison pour laquelle il semble se moquer de moi. Et reste donc timidement dans l'entrée de la pièce et observe l'ameublement professionnel de l'endroit.
- Alpha? je demande timidement. Je fais quoi pour mon sac ?
En gloussant soudainement, l'interpelée se baisse une courte secondes derrière son canapé et se redresse en me tendant un sac.
Mon sac.
- Mais...
- Je t'ai déjà dit que j'adore faire chier mon monde ? s'amuse-t-il. Ta tête était vraiment... cocasse.
La pression étant redescendue dans mes veines, je me laisse aller au rire.
- Si je le pouvais, je te traiterais bien de connard pour le coup, j'avoue en digérant le fais qu'il s'est payé ma tronche.
- Ah, mais pourquoi tu ne le pourrais pas ? Ne te gêne surtout pas Rick. Je déteste les faux airs, c'est pas parce que je suis "célèbre" (il fit les guillemets avec ses mains) que je suis respectable, tu sais. Je te l'ai dit, j'adore jouer.
J'y réfléchis quelques secondes avant d'en convenir. Ignorant sa dernière remarque.
- Oui, je comprends, c'est vrai, ça doit être chiant des fois toutes les manières que certains doivent faire par rapports à vous, je réponds en sortant mon Nikon et en l'attachant autour de mon cou avec son cordon.
- Et je ne te parle pas des fans en chien qui veulent simplement se faire doser...
Je souris à sa formulation impolie et me décide à jouer, moi aussi.
- Des gens qui s'arrêtent juste sur ton physique bien foutu sans s'intéresser à la véritable signification de tes chansons et de votre musique tu veux dire ? je reformule poliment en allumant mon appareil photo.
- Oui entre autre. Je suis donc "bien foutu" d'après toi ? il sourit de façon carnassière.
- Bah... il ne faut pas se mentir... oui.
- Toi aussi, tu es en chien ? s'amuse le chanteur.
- Moi, je lis tous tes textes.
Il pouffe puis passe près de moi, semblant faire exprès de m'effleurer avant de sortir de la pièce, m'invitant à le suivre de nouveau dans le dédale des couloirs des Arènes de Metz.
Au fur et à mesure de notre progression, le son lancinant d'un bruit de foule sauvage se fait de plus en plus entendre. Comme si nous étions dans un sous-marin prêt à émerger à la surface d'un monde nouveau.
Mais de nouveau, mon regard se pose et remonte le long de l'homme qui marche juste devant moi. Sur son corps robuste et apparemment musclé sous sa veste taillée qui fait ressortir ses omoplates à chacun de ses pas. Et mes yeux descendent plus bas, sur ses fesses moulées dans son jeans noir. Puis sur ses jambes, elles aussi, musclées, complétant le parfait tableau de ce corps de rêve.
- Je te laisse aller te placer dans le public, passe par là (il me montra une petite porte en bois) ça arrive directement devant la scène qui est juste au-dessus de nous.
- D'accord, je réponds en inspirant grandement.
- Bonne chance Rick, me dit chanteur en posant une main douce sur mon épaule.
Je savoure l'énième contact avec le chanteur croisant une nouvelle fois son regard.
- Merci, et bonne chance à vous surtout.
- T'inquiète, je suis le meilleur.
- Les cheville comme des poteaux électriques, je glousse en cherchant en moi le calme avant la tempête de stress.
- J'ai une bonne prise au vent au moins, souris le chanteur.
Je lève les yeux au ciel. Puis il me fait une brève accolade, son épaule touchant ma poitrine et son odeur musquée parvenant à mes narines alors que la visière de sa casquette effleure mon oreille.
- À plus tard.
Et c'est sur ces mots anodins et en passant sa main sur ma joue dans une nouvelle provocation qu'il me laisse planter là. Seul et émerveillé.
- Un rêve... je vis un putain de rêve.
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