Chapitre 28




June fixait la fenêtre depuis des heures. Autour d'elle tout semblait froid, humide et silencieux. Elle avait fini par cesser de compter les jours depuis son départ de la Russie. Depuis son retour à New-York elle avait l'impression d'être vide et triste sans perceptive d'avenir. Elle n'avait plus aucune nouvelle d'Enzo confirmant ainsi le scénario qu'elle redoutait avant de le quitter. Son cœur était lourd et brisé. Elle avait l'impression d'avoir tout perdu à commencer par la maison de sa grand-mère qu'elle avait dû vendre en urgence après l'avoir retrouvé sans dessus dessous.

À présent, elle vivait dans un appartement au cœur d'un quartier déprimant et contre toute attente ça lui allait très bien.

- Ça suffit ! Je ne peux plus te voir comme ça ! Gronda Johanne en débarquant dans sa chambre.

- Je ne bougerais pas de ce lit Johanne, répondit June d'une voix faible.

- Si ! Il va bien le falloir parce que ça va faire trois semaines maintenant. Tu ne vas pas indéfiniment rester ici dans ton lit à déprimer.

Pourtant, c'était exactement ce qu'elle voulait. Déprimer.

Johanne ouvrit l'un de ses tiroirs pour en sortir une tenue autre que son affreux pyjama. June se redressa, les cheveux en pagaille et dû se retenir pour ne pas fondre en larmes.

- Je pensais...du moins j'étais persuadée qu'il tenait suffisamment à moi pour au moins me donner de ses nouvelles.

- Tu voulais savoir si tu avais un avenir avec lui June, tu voulais savoir s'il était prêt à faire des sacrifices pour te donner la vie que tu rêves d'avoir et je pense malheureusement qu'il ne le veut pas, répondit Johanne en s'installant sur le rebord du lit. C'est un mafieux June, tu es beaucoup plus jeune que lui, ce genre d'histoire finit mal de nos jours.

- Tu as peut-être raison, murmura-t-elle en inspirant profondément.

- C'est moi qui l'ai quitté et j'ai eu les réponses à mes questions. Enzo Lazzari n'a pas la moindre envie de faire fi de son passé pour moi, poursuivit June.

Johanne lui caressa les cheveux.

- Cependant je ne peux pas nier qu'il a été d'une grande aide concernant ton frère.

- Il l'a épargné pour moi, répondit June en fixant le mur, perdue dans ses pensées.

L'amour était un sentiment très douloureux, June avait l'impression d'être paralysée par la douleur mais Johanne avait raison sur un point. Elle ne pouvait pas demeurer ainsi toute sa vie. Enzo était probablement en train de poursuivre sa vie de milliardaire et de mafieux, faisant d'elle juste un nom sur une longue liste. Malgré tous les points négatifs qu'elle essayait de lui trouver depuis trois semaines June était toujours aussi follement amoureuse de lui.

- Tu ne peux pas rester comme ça June, il faut que tu songes à ta vie. Ce soir nous allons sortir.

Johanne se leva d'un bond en se frottant les mains.

- Tu crois sincèrement que...

- Tu as besoin de te changer les idées, la coupa-t-elle en lui souriant. Crois-moi on va s'amuser.

S'amuser ? June n'avait pas la moindre envie de faire la fête.

- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée Johanne.

- Et moi je crois que c'est exactement ce qu'il te faut ! Je passe te chercher à vingt heures !

June la suivit des yeux et attendit que la porte se referme pour sortir du lit. Elle se dirigea vers la fenêtre et tira le rideau pour jeter un regard dehors, observant la rue animée par les enfants du quartier.

Johanne avait raison. Il était peut-être temps pour elle de revivre même si pour elle, la douleur semblait s'accroître jour après jour.

~

- Barre-toi Vadim, grogna-t-il lorsque ce dernier s'approcha.

Malgré son avertissement, Vadim vint s'asseoir sur la banquette apposant ses pieds sur la table basse.

Ça faisait des heures qu'il observait la foule qui se pressait au bar avec des envies folles de meurtre.

Mâchoires crispées il pencha légèrement sa tête en arrière pour fixer derrière deux fentes impénétrables Nikki.

- Je sais que tu as envie de la tuer Enzo mais...

- C'est de sa faute si elle est partie, siffla-t-il entre ses dents. C'est de votre faute à tous. Vous lui avez mis dans la tête des absurdités.

- Elle est partie d'elle-même Enzo, personne ne l'a poussé à partir. Tu es le seul responsable.

- Épargne-moi ton analyse Vadim ! Gronda-t-il d'une voix rêche.

Enzo s'alluma une cigarette alors que la colère en lui devenait sourde et incontrôlable. Cela faisait bientôt un mois qu'elle était partie, le laissant seul dans son lit avec un mot, un simple mot déposé sur l'oreiller. Ce matin-là, Enzo avait perdu l'esprit. Il avait menacé, tué froidement pour apaiser l'immense peine qui s'était installé en lui. Hélas cette peine était toujours présente lui rendant amer et encore plus impitoyable qu'il ne l'était déjà.

Il avait la sensation de devenir fou à mesure du temps qui s'écoulait sans elle. Son visage, son odeur, son corps, sa voix...tout en elle lui manquait.

- Pourquoi tu ne parts pas la récupérer ?

- Parce qu'elle sera beaucoup mieux sans moi, répondit-il sur le même ton amer et rude. De toute façon je l'aurais probablement brisé un jour ou l'autre.

- Foutaise ! Tu essayes de te persuader qu'elle a bien fait de partir mais au fond de toi ce qui te fais peur c'est qu'elle était en train de te donner ce que tu veux au fond de toi.

Enzo vida son verre et fit signe au serveur qui passait de le servir.

- Et au lieu d'aller la récupérer tu préfères boire et tuer sauvagement non que ça me déplaise.

- Je suis un monstre Vadim et les monstres ne changent pas.

- Qui t'a demandé de changer ? Répliqua Vadim en allumant une cigarette à son tour. June ne t'a jamais demandé de changer c'est toi qui essayais de la changer.

- Ne prononce pas son nom ! Siffla-t-il en lui jetant un regard noir.

- Tu ne veux pas que l'on prononce son nom et pourtant tu as mis deux chiens de garde devant son immeuble, poursuivit Vadim d'une voix légèrement amusée.

Enzo serra le poing pour se retenir de le frapper.

- Simple mesure de précaution, se justifia-t-il en sachant qu'il se mentait à lui-même.

- Tu mens, lui dit-il en crachant sa fumée au visage. Tu as payé ses hommes pour connaître les moindres détails de sa vie.

- Continue Vadim et je vais t'envoyer droit en enfer.

Enzo but une gorgée de whisky sans quitter des yeux Nikki qui avait la tête baissée, craignant sa fureur.

- June a tout fait pour toi, elle t'a offert son âme sur un plateau et toi ? As-tu au moins tenter d'apprendre à la connaître ? Savais-tu que c'est elle qui cuisinait pour toi le soir et non Haïssa et qu'elle rêve d'ouvrir son propre restaurant ?

Pour le restaurant, Enzo l'ignorait mais pas pour la cuisine qu'il avait eu la chance de savourer chaque soir.

- C'était trop familiale pour qu'il s'agisse d'Haïssa, répondit Enzo d'une voix détachée afin d'étouffer les émotions qui le submergeaient. Je n'ai jamais laissé entendre que je le savais parce que je refusais de lui laisser croire que j'appréciais ce contexte de couple amoureux.

- Tu l'aimes pourquoi refuses-tu de l'admettre ?

- Je ne l'aime pas, répondit Enzo rictus aux lèvres. Pour aimer quelqu'un il faut d'abord savoir aimer.

Les yeux noirs, Enzo eut l'impression d'avoir reçu un coup de poignard en plein cœur en prononçant ces mots.

- Très bien mon ami, dans ce cas, laisse-la faire sa vie et rencontrer un bel étudiant qui saura lui faire chavirer le cœur. Tu as peut-être raison au final. Après tout elle était trop jeune pour toi, et puis elle ne fait pas partie de notre monde impitoyable. Laisse-la s'amuser avec son amie Johanne comme elle le fait si bien depuis quelques jours.

Enzo vrilla son regard sur Vadim qui sirotait tranquillement son verre en feignant l'indifférence de ses propres dires.

- Je te demande pardon ? S'enquit-il la bouche déformée. Qu'est-ce que tu viens de dire ?

- Tu as très bien entendu Enzo, tes chiens de garde semblent mal faire leur travail car d'après mes informations à moi, Johanne Tyler son intrépide amie l'embarque autant de fois que possible dans des soirées en boîte de nuit. Pauvre petite June. Je l'imagine seule, entourée de mâles en concurrences pour la glisser dans leur lit. Il paraît qu'elle danse pas mal du tout.

Enzo agrippa le col de sa chemise pour le soulever hors de la banquette et le plaqua violemment contre le mur.

- Enzo arrête ! S'écria Nikki.

Vadim se mit à rire doucement visiblement fier de lui.

- Ah enfin une réaction du monstre qui sommeille en toi, lui dit-il malgré l'air qui lui manquait.

- Est-ce que tu dis ça pour me mettre hors de moi ou c'est vrai ! Hurla-t-il tandis que ses hommes tentaient de lui faire lâcher prise.

- La pure vérité mon ami, je ne l'aurais pas laissé partir sans la surveiller parce que c'est ce que font les amis Enzo. La petite June est en train de te glisser entre les doigts et tu veux savoir le pire ?

- Enzo stop ça suffit ! Tu es en train de l'étrangler ! Cria Nikki affolée.

Enzo n'entendait plus rien, il n'écoutait que la rage qui lui déformait les traits.

- Le pire, commença Vadim d'une voix désarticulée et essoufflée, c'est que Anderson n'en a pas fini avec elle. Il est venu à son appartement il y a deux jours.

Enzo le relâcha sous les cris de soulagements de part et d'autre dans la salle et s'en alla le regard obscur et déterminé.

Vadim le regarda s'éloigner en reprenant son souffle un léger sourire aux lèvres.

- Le diable est de retour, en espérant qu'il ne gâche pas tout cette fois-ci.

- Tu es malade ! Il a faillit te tuer ! S'écria Nikki en l'aidant à se lever. C'est vrai ce que tu lui as dit ?

Vadim se massa la gorge en perdant son légendaire sourire enjoué et regarda Nikki droit dans les yeux.

- Oui, tout est vrai et c'est bien ça le pire...

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