Chapitre 23
June s'installa sur la banquette en fixant des yeux Enzo qui n'avait pas bougé depuis qu'elle s'était éclipsé avec Nikki. Il se tenait droit, immobile, prêt à bondir comme un lion. Malgré la grande distance qui les séparait June pouvait déceler l'épaisse lueur noire dans ses yeux. Pourquoi il se méfiait tant de Nikki ?
Pressée de la découvrir June détacha lentement son regard pour le tourner vers celle-ci.
- Je suis désolée si mon comportement t'a paru un peu déplacé mais je ne m'attendais pas à ça, lui dit-elle en s'allumant une cigarette.
- Je ne comprends pas.
- Eh bien on va dire que Enzo m'a habitué à un autre style de femme, répondit-elle en lui souriant. Vadim m'avait dit que tu étais différente mais je n'ai pas voulu le croire.
Différente. June ne comptait plus les fois où elle avait entendu ce mot qui la caractérisait depuis des jours. À croire qu'elle était un spécimen rare que tout le monde rêvait d'étudier.
- Maintenant je commence à comprendre la raison pour laquelle Enzo semble si tendu, reprit-elle en souriant diaboliquement.
June reporta son attention sur Enzo qui avait rejoins Vadim au bar.
- Regarde-moi cette armoire à glace en train de bouillir intérieurement, c'est à croire qu'il a peur que je me faufile entre tes cuisses.
June se retint de rire puis se tourna à nouveau vers elle.
- Tu avais des question à me poser ? Demanda-t-elle en prenant la coupe de champagne qu'elle lui tendait.
- Oui, je voulais connaître celle qui fait tourner la tête de mon patron. Je dois dire que c'est une agréable surprise néanmoins je me dois de te le dire trésor. Enzo n'est pas un homme comme les autres.
- Ça je pense l'avoir compris, lui dit-elle en grimaçant.
Nikki l'étudia longuement avant de reprendre avec un air de plus en plus sérieux.
- Enzo est un homme dangereux et égoïste, et j'ai comme l'impression que tu auras besoin de plus dans un proche avenir. Le problème c'est qu'il sera incapable de te le donner.
C'était une brutale réalité que June connaissait déjà.
- Je le sais, je me suis déjà préparé à cette éventualité, murmura-t-elle en essayant de ne pas montrer sa tristesse.
Nikki lâcha bref rire en secouant de la tête.
- La façon qu'il a de te regarder me laisse croire qu'il n'arrêtera pas cette relation de sitôt, le problème c'est qu'il sait au fond de lui qu'un jour ou l'autre il faudra qu'il te laisse partir. Tu souffriras et lui cherchera à se défaire de ses émotions en se montrant impitoyable.
Le destin que lui prédisait Nikki lui donna des sueurs froides.
- Pourquoi ? S'enquit June d'une voix désespérée.
- Parce que Enzo pense qu'il doit payé pour les erreurs de son père. Je le connais depuis des années et derrière cet air impassible se cache une immense culpabilité qu'il s'inflige jour après jour.
- Ce n'est pas de sa faute, c'était encore un enfant.
- Et l'enfant a grandi en voyant sa mère se détériorer, il a grandi en sachant que sa seule famille qu'il considère comme son frère a été privé de sa mère à cause de son père qui l'a tué froidement.
Izario, songea-t-elle en affichant un visage douloureux.
- Est-ce qu'il t'a dit que chaque année et a une date précise il se rend en Italie dans l'espoir que Izario l'achève ?
June sentit son cœur rater un battement. Nikki comprit très vite qu'elle l'ignorait et poursuivit :
- Il espère qu'un jour il se venge sur lui, bien sûr Izario n'en fera rien mais Enzo lui, pense qu'il le fera un jour.
- C'est absurde, comment peut-il penser qu'il doit payer pour un crime qu'il n'a pas commis, s'agaça June en posant sa coupe de champagne.
- Chaque être humain a ses blessures trésor, répondit Nikki en haussant des épaules tout en affichant une mine attristée. Voilà pourquoi Enzo ne veut pas entendre parler d'amour, de bonheur ou tout autre sentiment susceptible de l'affaiblir. Pour lui c'est une faiblesse qu'il refuse de ressentir mais toi, ma très chère June j'ai comme l'impression que tu pourrais être le remède qu'il lui faudrait.
Nikki se trompait, songea-t-elle tristement.
- Nous avons déjà eu l'occasion de discuter d'amour ensemble et il a été catégorique. Il ne peut pas m'apporter ce que je désire, lui dit-elle en lui souriant tristement. Enzo m'a simplement dit qu'il pourrait se montrer égoïste en m'arrachant ce que je veux et...
- C'est exactement là où je veux en venir June, la coupa-t-elle en crachant sa fumée à son visage. C'est la première fois qu'il songe à garder une femme à ses côtés en lui imposant sa façon de voir l'avenir ce qui signifie qu'il sait au fond de lui qu'il doit te laisser partir mais qu'il s'y refuse.
Nikki se pencha vers elle, sourire aux lèvres.
- C'est à toi de savoir ce qu'il faut faire June, tu sais exactement ce qu'il faut faire pour savoir si cette relation est vouée à mourir aussi vite qu'elle est née.
June cligna des paupières, cherchant à lire dans les yeux de Nikki ce qu'elle tentait de lui faire comprendre.
- Je crois que vous avez suffisamment discuter de moi vous deux, gronda le mafieux d'une voix sombre en se matérialisant devant la banquette.
June sursauta, enveloppée dans une torpeur qu'elle ne maîtrisait pas. Elle secoua de la tête pour en sortir, gagnée par un sentiment douloureux.
- De toi ? S'enquit Nikki en faisant mine d'être étonnée. Navrée de te décevoir Enzo mais nous parlions pas de ça.
- Ah oui ? Et de quoi parliez-vous alors ? De ta couleur préférée ? Demanda-t-il d'une voix rude.
June leva les yeux vers lui et sentit de la colère dans sa voix. Il avait le regard fixé sur elle, absorbant les traits de son visage comme s'il voulait lui faire clairement comprendre ce qu'elle représentait pour lui. C'est à ce moment précis qu'elle réalisa qu'elle était en train de faillir à une promesse qu'elle s'était faites à elle-même.
Celle de ne pas tomber amoureuse de lui. De cet homme au passé douloureux qui le rongeait silencieusement. De cet homme ravagé par les flammes de l'enfer résigné à être damné.
June se mordit la lèvre en essayant de se ressaisir car il lui restait plus que quelques jours avant leur départ à Las Vegas. Elle voulait en profiter jusqu'à la dernière seconde. Elle voulait encore se sentir libre à ses côtés.
- Non patron, répondit Nikki avec un sourire en coin. Je demandais à June si elle était partie faire un tour derrière la porte interdite.
La porte interdite ?
June se mordit la lèvre à nouveau en guettant la réaction de son amant.
- La réponse est non, elle n'a pas été faire un tour derrière cette porte.
- Quel dommage June, fit Nikki en esquissant une moue. C'est tellement excitant d'ailleurs tu y es déjà allé non ?
Éprise d'une soudaine jalousie June attendit qu'il réponde car bien qu'elle le savait déjà, l'idée qu'une autre femme ait pu goûter au plaisir avec lui la rendait triste et en colère. Impassible comme le marbre il fusilla Nikki du regard qui de son côté semblait prendre un plaisir malsain à le rendre ivre de rage.
- Si tu savais le nombre de femmes qui rêvent de le voir franchir cette porte.
- La dernière fois que j'ai franchi cette porte c'est pour avoir eu la pire fellation qui puisse exister Nikki, alors si ton but c'est de tester mes résistances prend garde, elles faiblissent.
June les regarda tour à tour sans un mot.
- Tu es comme nous Enzo, pourquoi refuse-tu de l'admettre ? En plus d'être un mafieux doublé d'un tueur sanguinaire, tu aimes avoir le contrôle dans tous les domaines humm si tu savais comme je regrette d'aimer les femmes quand je te vois.
Nikki se leva lentement, prenant plaisir à faire languir la tension qui palpitait autour d'eux.
- Elle est tellement savoureuse Enzo, chuchota-t-elle en confrontant son froid regard. Toi-même tu sais que tu deviendras aussi fou que l'est Vladimir, vous êtes pareils.
Enzo ne bougea pas, les mâchoires tendues et demeura ainsi jusqu'à son départ.
- Tu es en colère contre moi ? Demanda la jeune femme en se levant pour s'approcher.
- J'ignore ce qu'elle t'a raconté June mais je refuse que tu écoutes ses conseils c'est compris ?
- Elle ne m'a pas donné de conseils Enzo, répondit-elle d'une voix assurée. Elle m'a éclairée sur certain points que je connaissais déjà.
Enzo dévisagea sa bouche en constatant qu'elle tremblait derrière ce rouge vermeil qui faisait ressortir la couleur de ses yeux peu maquillés.
- C'est tout ? Rien d'autre ?
- Rien que je connaisse déjà, répondit-elle d'une voix qui lui parut sincère.
- Nikki est une femme qui parfois exagère certain fait, dit-il sur un ton guindé.
- Comme le fait que tu as été dans cette salle plusieurs fois.
Enzo plissa des yeux quand un éclat de jalousie se mit à briller dans ses yeux verts.
- Je te l'ai déjà dit trésor, j'y suis allé qu'une seule fois.
- Oui, seulement j'ignore ce que tu as fait à l'intérieur.
Enzo prit sa taille dans ses mains pour qu'elle se rapproche.
- Je me suis ennuyé, répondit-il d'une voix rauque. Il y a des pièces un peu partout dans lesquelles des hommes et des femmes s'y retrouve pour assouvir leur fantasme.
- Tu en avais un toi ? S'enquit-elle de plus en plus jalouse.
Enzo luttait de toutes ses forces pour ne pas céder à ses pulsions. June était une tentation constante pour lui, le poussant à remettre sans cesse ses décisions en questions.
- Pourquoi insistes-tu June ?
- Parce que je veux le savoir c'est tout, lui dit-elle d'une voix curieuse.
Enzo se pencha vers elle pour être à la hauteur de son visage rougissant.
- Tu vas me tuer tu le sais humm ?
Elle esquissa un lent sourire dévastateur puis glissa ses deux mains à son bras, les yeux étincelants.
- Et toi tu es en train de me pervertir, murmura-t-elle en lui souriant.
Enzo lui sourit en retour puis l'embrassa devant la foule où les regards convergeaient sans cesse vers eux.
- Où sont les toilettes Enzo ?
Il lui indiqua le couloir qui menait au point départ.
- Je t'accompagne cara.
- Je n'en ai pas pour longtemps, il ne m'arrivera rien, assura June en s'éloignant vers la porte.
Lorsqu'elle quitta les toilettes, June colla son dos au mur en se passant une main sur le front. Les confidences de Nikki tournaient en boucle dans sa tête. La jalousie l'étreignait aussi fort que l'appréhension qu'elle ressentait à l'idée d'être séparée de lui.
En levant le regard sur le couple qui s'apprêtait à pénétrer à l'intérieur de l'interdit June commença à imaginer Enzo dans les bras d'une autre.
Pourquoi voulait-il à tout prix la tenir loin de cette porte si lui-même l'avait déjà franchi. June décida de s'y approcher, dans cette lumière tamisée, incapable de réfréner l'envie de jeter un coup d'œil à l'intérieur.
Elle posa le plat de sa main sur la porte battante afin de la pousser avant qu'une autre beaucoup plus grande et ferme emprisonne la sienne.
- June, dit-il en guise d'avertissement.
- Qu'est-ce que je risque Enzo ? Tu as peur de quoi ? Que je m'évanouisse de peur ?
Enzo serra les dents, incapable de décrire les ondes dangereuses qui passaient dans son corps.
- Même si c'est juste de la curiosité je ne veux pas que...
- Pourquoi tu as amené d'autres femmes et pas moi ?
- Une seule, je n'en ai amené qu'une seule et je te l'ai dit June, je me suis ennuyé à mourir ! Gronda-t-il en lui prenant le poignet.
- Tu as peur qu'avec moi ça soit pareil ? Ennuyant ?
Le bleu de ses yeux devint aussi noir que les murs du couloir. Sa gorge veineuse se contracta et ses mâchoires convulsaient sans cesse.
- Non, j'ai peur qu'il se produise l'inverse, avoua-t-il d'une voix rauque.
Le cœur de June se mit à battre à vive allure. Il avait peur qu'avec elle ça soit différent. Elle pouvait clairement voir naître dans ses yeux un insatiable désir. Il leva le revers de sa main pour caresser sa joue d'un geste protecteur.
- Je veux juste voir à quoi ça ressemble ensuite nous partirons d'ici Enzo, lui dit-elle en lui prenant la main.
Enzo abaissa son regard sur leurs mains liées.
- Tu es sûre cara ?
Elle acquiesça les lèvres pincées sans savoir qu'il ne serait peut-être pas en mesure de faire marche-arrière une fois la porte passée.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top