Chapitre 9
Han, Anakin et Chewbacca arrivèrent devant le bureau d'enregistrement des plateformes B, arpentant de longs couloirs du même gris puissamment éclairé que toutes les autres parties de la station. Ils engagèrent directement la conversation avec l'officier d'enregistrement. C'était un rodien, petit, à la peau d'un marron terreux. Han prit la parole.
— Bonjour, je voudrais voir Immi Tekil.
— C'est à quel sujet ?
— Je suis en affaire avec elle. Je dois la voir.
— Désolé monsieur, mais je ne peux pas faire venir nos responsables sans un formulaire de demande rempli en bonne et due forme. Que puis-je faire d'autre pour vous ?
— Elle me connait, affirma Han.
Le rodien jaugea étrangement Han après cette affirmation.
— J'en doute, monsieur, répondit-il, amusé.
Anakin s'étonna que son père ne réagisse pas comme d'habitude à ce genre de propos.
— On ne tente pas le coup du wookie ? murmura Anakin.
— Chut ! lui intima-t-il avant de reprendre. Passez juste un appel. Dites-lui que c'est Han Solo, et que je cherche Bafka, ça suffira.
— Ecoutez, j-
— Je ne compte pas m'en aller, l'interrompit-il. Si je raconte n'importe quoi, vous pourrez appeler la sécurité, si vous voulez.
— Je compte appeler la sécurité tout de suite si vo-
— Vous allez passer l'appel comme mon père vous l'a dit, ordonna Anakin d'un ton neutre, accompagné d'un léger signe de la main.
— Je vais passer l'appel comme votre père me l'a dit.
Anakin avait bien vu que la situation piétinait, risquant de se détériorer. Il avait donc décidé de faciliter le processus.
— Mais t'es fou de faire ça ici ? s'exclama Han lorsqu'il comprit ce que tramait son fils.
— Relax, papa, répondit le jeune Jedi alors que le rodien était en train de s'exécuter. Il n'y a personne aux alentours, et tu n'avançais pas.
Il fallait avouer qu'utiliser la Force pour influencer les esprits faibles était un tour bien pratique. Cela ouvrait de nombreuses perspectives. Mais le but était d'agir sous couverture ! Comme la rendre crédible s'il fallait expliquer ce genre de tours de passe-passe ? Bon, il était vrai que personne ne l'avait remarqué... Mais pourquoi fallait-il que son fils prenne autant de risques ? Lui seul pouvait se permettre d'en prendre bon sang !
— Ne refait plus ça, fiston, lui intima-t-il, préoccupé.
— Immi Tekil m'a autorisé à vous faire passer la sécurité, veuillez passer le couloir et monter l'escalier à gauche jusqu'à son bureau.
Ils avancèrent ensuite tous les trois sur le chemin que le rodien à l'accueil leur avait décrit. Juste avant de rentrer dans le bureau, Han se tourna vers Anakin.
— Fiston, pas de coups fourrés, cette fois ! Surtout pas avec elle. Tu me laisses faire, parce qu'elle est un peu retord. Prend juste la pose d'un gamin un peu trop impatient et sûr de lui, et ça suffira.
— C'est toi qui vois, accepta le jeune homme.
Ils appuyèrent sur l'interphone. Une voix grave et féminine leur répondit, les invitant à entrer. Le bureau était somme toute assez classique, dans le même ton que le reste du bâtiment. Des tons gris, assez clairs, l'effet étant accentué par le puissant éclairage qui l'illuminait. La pièce était assez compacte, du moins comparé à d'autres bureaux du même type qu'Han avait déjà visité. Le moins que l'on pouvait dire, c'était qu'il s'y connaissait plutôt bien. Ou alors était-ce la norme sur cette station...
Immi Tekil était toujours assise derrière son bureau, surchargé de différents dossiers et documents qui s'entassaient, sans réelle cohérence, un peu partout. Il y avait un canapé dans le coin à droite dont l'état ne trahissait pas le peu de confort qu'il offrait, et deux chaises simple face au bureau. C'était une twi'lek à la peau bleue. Comme la plupart des membres de son espèce, elle avait une silhouette que tout le monde s'accordaient à définir comme agréable à contempler. Ses lekkus retombaient sur son épaule droite, par-dessus une combinaison ajustée entièrement grise, avec certaines parties en noires où était imprimés différents logos et grades. Elle avait l'attitude d'une femme d'âge mûr. Peut-être avait-elle le même âge que Leia. Mais impossible de l'affirmer pour Anakin, le teint bleu de la twi'lek étant toujours assez vif, et sa peau peu marquée. Han s'avança légèrement en premier.
— Han Solo, dit-elle.
— Bonjour, Immi Tekil, lança Han en énonçant lentement le nouveau nom de son ancien contact.
— Han Solo... Toujours aussi subtil, vieille carne. Tu sais que le nom que tu as mentionné à l'accueil pourrait toujours nous valoir des ennuis, à tous les deux ? expliqua-t-elle, sans pour autant attendre de réponse. Oui, je suis sûr que tu t'en doutais. Mais c'est comme ça quand on est... Toi.
Les présentations laissait rapidement filtrer qu'elle était la teneur du lien entre cette femme et son père.
— Eh bien, ça fait plaisir. Pas de « Salut Han, qu'est ce que tu deviens », ou « T'es là pour quel genre d'affaire ». On attaque directement.
— Tu t'attendais vraiment à autre chose ? lâcha-t-elle en observant ceux qui accompagnait son ancien contrebandier. Ce doit être le grand Chewbacca, dit-elle en direction du wookie. C'est qui le gosse ?
— Mon fils, en formation pour reprendre le business familial.
Les yeux d'Immi s'écarquillèrent en entendant ces mots, plus qu'elle ne l'avait voulu. Han, ce cachottier, avait produit un rejeton...
— Même quand on croit t'avoir cerné pour de bon, et qu'on pense ne plus être surpris, tu te surpasses toujours, répondit-elle alors que son regard traînait sur Anakin. C'est vrai que, maintenant que tu le dis, il a ton air de vaurien, en version plus jeune. Et en plus mignon, aussi...
— Bafka, fit Han d'un ton agacé en soupirant.
— Ne m'appelle plus par ce nom ! fit-elle en calmant les traits de colère apparus à l'instant, avant de reporter son attention sur Anakin. Alors, on a l'intention de suivre son papa ?
— De reprendre son affaire, oui, répondit le jeune Jedi d'un ton égal.
— Que t'a-t-il dit sur moi ?
— Pas grand-chose. A partir du moment où Han fait affaire avec vous, ça me convient.
Le fait d'appeler son père directement par son prénom eut l'effet désiré, celui d'un détachement naturel. Tous les éléments étaient pour le moins plausibles. Mais le retour inopiné de son ancien partenaire pouvait cacher autre chose. Il était préférable de s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'un coup fourré.
— Il t'a parlé de notre rencontre, et de notre relation ? fit-elle d'un ton trainant.
— Il n'est pas rentré dans les détails, répondit-il sobrement.
— Ah oui ? fit-elle en regardant Han avec un sourire amusé. J'aurai pensé que tu aurais aimé te vanter.
— Il n'y a pas de quoi se vanter, avoua Han, en partie gêné.
— Ton père et moi, on a fait quelques coups ensembles, à l'époque, dit-elle avec une voix évocatrice. On s'est plutôt bien amusés. Il m'a fait languir pendant longtemps. Une fois qu'il a eu ce qu'il voulait de moi... Sais-tu comment cela s'est passé la dernière fois qu'on s'est vus ?
— Oui, répondit Anakin d'un ton sec.
— Tu sais ? s'étonna la twi'lek en sourcillant et penchant sa tête légèrement en avant.
— Non. Mais je n'aime pas les questions rhétoriques. Si vous voulez prouver quelque chose, accouchez. Qu'on en finisse.
La twi'lek ferma les yeux. Anakin pensa initialement avoir commit une terrible erreur en voyant passer un soupçon de colère sur son visage. Mais il avait joué juste. Elle avait amené ce sujet délicat, avec une idée précise en tête. Sa réaction prouvait bel et bien que ce jeunot était bien celui qu'il affirmait être.
— Aucun doute, il est bien de toi, ce beau garçon. La mère ne devait pas être commode non plus.
Anakin se retint de tout commentaire, ne voulant pas gâcher sa précédente réussite en poussant trop loin. Han n'ajouta rien non plus, encore assez surpris de la prestation offerte par son fils. A cet instant, la filiation était vraiment manifeste. Même si Han conservait son calme et ne s'en étonnait pas ouvertement, il était quelque peu prit au dépourvu que son fils se montre si à son aise dans son rôle. Peut-être puisait-il dans la rancœur qu'il conservait à son égard... Han se sentit idiot de songer à cela maintenant. D'autant plus qu'il n'avait aucun moyen d'en être certain. Et puis non, ce n'était certainement pas cela. Anakin avait montré quelques changements, il ne pouvait puiser dans sa rancœur...
— Alors, reprit-elle en voyant que ni l'un ni l'autre ne réagissait. Qu'est ce que je peux faire pour vous, messieurs ?
— Un échange, expliqua Han. J'ai besoin d'effacer quelques ardoises sur Jakku. J'ai de la marchandise premios. Sauf qu'elle aura beaucoup plus de valeur ici que sur place, alors il faut que je trouve une bonne contrepartie.
— Si elle est si premios, ta marchandise, pourquoi ne pas simplement l'échanger pour des crédits et partir pour Jakku ?
— Eh bien, l'intérêt est aussi, de brouiller un peu les traces.
Immi Tekil savait pertinemment ce que cela voulait réellement dire. Elle avait trop d'expérience pour prétendre ne pas comprendre. Et de se demander pourquoi Han l'avait formulé ainsi. Ces multiples interrogations fusèrent dans son esprit à mesure qu'elle formulait sa réponse.
— Donc elle est trop premios ta marchandise, fit la twi'lek. Il te faut donc un contact qui ait les moyens pour ton échange, sans qu'il ne se rende compte que de la récupérer, c'est prendre un risque.
Han vit qu'elle n'avait pas perdu la main. Pour le meilleur comme pour le pire.
— Heureusement qu'on pose des questions avec toi, Han.
— Malgré ton nouveau boulot, tu peux m'arranger ça ? demanda-t-il, cherchant à se focaliser sur l'objet de leur présence. T'as toujours des vieux contacts ?
— Oui, répondit-elle avant de marquer une longue pause, théâtrale à dessein. J'accepte Han, mais il y a une condition. Je voudrais que le fiston reste avec moi pour la soirée, dit-elle en le dévorant du regard.
— Bafk-Immi, se reprit-il dans l'instant. C'est hors de question !
— Ce n'est pas à toi que je pose la question...
Elle n'avait pas accordé un regard vers Han en lui répondant. Et pour cause, son attention était toute tournée vers ce fringant jeune homme. De la perspective de la twi'lek, ce dernier affichait toutes les caractéristiques d'un bon coup. Han se faisait vieux, et ne l'avait pas suffisamment respecté après leur dernier échange à l'époque. S'approprier sa version plus jeune serait un bon moyen de lui rendre la monnaie de sa pièce. Sans compter qu'elle ne laissait jamais passer un petit plaisir lorsqu'il se présentait. Anakin aurait été désarmé par le regard langoureux qu'elle lui jetait, si jamais il n'était pas autant impliqué dans son rôle. Ce cloisonnement émotionnel, avec lequel il témoignait d'une certaine aisance, était efficace. Il lui trouverait peut-être une utilité à l'avenir, face à Alana. Et voilà qu'il songeait de nouveau à elle. Il lâcha sa réponse qu'il avait en tête, avant de ne plus être maître de ses pensées.
— Si l'ancien dit que non, alors c'est non, annonça fermement Anakin. Une autre fois, peut-être.
La réponse était ferme, mais honnête. Tant pis, elle n'était pas rancunière lorsqu'elle était éconduite. Même si cela arrivait rarement... Elle décida de balayer sa pointe de déception d'une autre façon.
— Alors je prends 30%.
— Quoi ?! Immi, c'est 10% pour ce que tu fais, et tu le sais.
— Tu as refusé ma première condition, alors tu te dois d'être plus conciliant sur la seconde, non ?
— Han, lança Anakin, parfaitement à l'aise dans son rôle. Elle demande plus que notre part alors qu'elle n'a rien fait pour l'avoir, la marchandise.
— Fiston, laisse-moi m'occuper de ça, ordonna Han. 20%, et c'est généreux.
— Non, fit-elle simplement.
— Immi...
Elle était parfaitement consciente de les pousser à bout. La norme était bel et bien de 10%, mais elle préférait les éprouver. En souvenir du bon vieux temps, mais également pour les tester.
— 25% c'est mon dernier mot, maintint-elle avec fermeté.
Han ne souhaitait pas négocier. Il savait qu'elle était dure en affaire. Mais surtout, il ne souhaitait pas qu'elle évoque certains sujets du passé dans le but de le déstabiliser, dans le cas où la négociation ne serait pas allée dans son sens. Même si lui accorder une telle part était hors de propos, voire même suspect, il accepta.
— Bon, j'imagine qu'on n'a pas le choix, s'inclina-t-il avant de se lever et lui tendre la main, et qu'elle fasse de même avec le sourire. Affaire conclue ?
— Affaire conclue ! dit-elle d'un ton enjoué. T'es vraiment dans le besoin, hein. J'avais pensé le contraire, étant donné que tu as meilleure mine que la dernière fois.
— Tu comprendras quand tu aura vu la marchandise.
— Eh bien, en route !
— Tu n'étais pas en train de travailler avant qu'on arrive ?
— Ca peut attendre.
*****
— C'est vrai que ça change la donne, fit Immi une fois devant les conteneurs LandoMilitech. Comment vous avez fait ?
— C'est le petit, répondit Han. Il a réussi à avoir un contact au siège, pour qu'on ait leurs itinéraires.
— Ils prennent les pots-de-vin de contrebandiers maintenant ? ironisa la twi'lek, en laissant passer un soupçon de méfiance.
— Non, expliqua le jeune homme. J'ai pu avoir la liste en me rapprochant d'une des cadres exécutifs. Elle n'a rien vu venir.
Les paroles et le ton qu'il employait firent monter une pointe de regret à l'idée qu'Anakin ait repoussé sa proposition de tout à l'heure.
— Bien joué, tombeur. Et t'es allé retrouver papa pour monter le coup, comprenant que c'était impossible seul et sans soutien.
Elle s'était fait le déroulement de l'histoire et du plan dans sa tête. Le faux plan avait parfaitement fonctionné. Immi pensait relier d'elle-même le fil conducteur du casse, alors qu'elle remontait le fil du mensonge élaboré.
— T'es peut-être bien fait pour ce boulot... lui dit-elle alors qu'il la remercia d'un signe de tête. Bon, je sais qui appeler. Jago Tresh, un humain.
— Il fera l'affaire ? demanda Han.
— C'est le dernier fils d'une famille d'aristos sur le déclin, expliqua-t-elle. Il a les moyens. Vu qu'ici, les risques sont moins élevés que sur La Lune, il a pu se faire un nom. Malgré le fait qu'il ne fait pas les meilleures affaires. J'ai déjà travaillé avec lui. Il est persuadé d'être l'un des plus gros joueurs de la station. Il sera facile à embobiner...
— C'est parfait ! se satisfit Han. Tu passes l'appel ?
— Je m'en occupe. Après on ira fêter ça.
La twi'lek s'éloigna et sortit à l'extérieur du Faucon. Les trois hommes commencèrent à se réjouir.
— C'est plutôt bon tout ça, non ? fit Anakin, enjoué.
— Doucement fiston, le calma Han. D'accord, il n'y a pas d'accrocs pour l'instant. Et c'est tant mieux. Mais on ne célèbre jamais un deal avant de recevoir la marchandise.
Son père lui avait déclaré ces mots avec un sérieux et une conviction profonde. Cela amusa beaucoup le jeune homme.
— Le coup de m'enseigner la contrebande, c'était pour le rôle, ironisa Anakin. Pas besoin de me faire des vraies leçons de vie criminelles.
Chewbacca eut un rire retenu, et Han le regarda les traits froncés, avant de se rendre compte de la blague.
— N'empêche, ça vaut pour un tas d'autres choses, alors...
— Je sais, papa, détend toi.
La twi'lek finit par réapparaitre après quelques minutes. Son visage ne trahissait aucun indice sur l'issue de son appel. Son regard passait lentement de l'un à l'autre de ses nouveaux associés.
— Il est d'accord, annonça-t-elle sobrement. On a rendez-vous dans une heure, dans l'un des hangars de ma section.
— Bien, c'est du rapide ! répondit Han. Par contre, tu n'as pas parlé de la monnaie d'échange...
— Il a proposé des esclaves, je me suis dit que tu serais d'accord, répondit-elle en laissant passer un moment de flottement. Je plaisante ! Ah, vous auriez du voir vos têtes... J'ai respecté tes critères habituels, et on s'est mis d'accord pour du glitteryll, déclara-t-elle, Han se renfrognant légèrement en entendant ce mot, ce qui n'échappa pas à la twi'lek. Je sais, le transport de narcotiques, ce n'est pas ce que tu préfères. Mais c'est du raffiné, ce sera parfait pour Jakku.
Han était contraint de faire ce compromis. Il ne s'agissait pas de diversifier son activité. Mais de parvenir à remonter la trace de dangereux terroristes. Faire des compromis sur ses principes était peu de chose face à cela.
— Oui, ça ira, fit-il peu convaincu.
— Bon qu'est ce qu'on va bien pouvoir faire en attendant, songea-t-elle d'un ton trainant.
— Pas question d'aller dans un bar, objecta Han. On va sagement rester ici, et on partira un peu avant pour arriver en avance.
— D'accord, très bien. C'est vraiment pas beau de vieillir, ça vous donne de ces habitudes, lâcha-t-elle en quittant la pièce pour aller s'installer sur une des couchettes.
Même s'il était toujours dans son rôle, Anakin ne pu s'empêcher de lâcher un petit rire. Il se dirigea vers une banquette qui enroulait une petite table, et des petites images holographiques apparurent.
— C'est quoi, ça ?
Le bruit d'allumage de l'holoéchiquier éveilla l'attention du wookie, qui s'approcha doucement, sans lui répondre, et prit place en face de lui.
— C'est peut-être pas une bonne idée, commenta Han.
Le wookie jeta un regard soutenu à son ami, lui intimant gentiment que la décision ne lui revenait pas. Il fit un geste de la main en direction du jeune homme, et Anakin comprit que le but était de jouer à un étrange jeu.
— Ah je vois. Eh bien, faisons une partie, dit-il naïvement.
Chewbacca se réjouit intérieurement. Il se pencha légèrement, dans une posture davantage propice à la concentration. La partie de dejarik débuta.
*****
Une demi-heure s'était écoulée, et la partie était déjà bien avancée. Le Jedi semblait en mauvaise posture, et Chewbacca l'avait bien remarqué. Le wookie était en train de se délecter de la tournure de la partie, sûr de son avantage. Suite à son dernier mouvement, que Chewbacca pensait qu'il lui assurerait la victoire, Anakin abandonna sa posture défaitiste, satisfait du coup du wookie. Chewbacca n'eut pas le temps de comprendre le changement d'attitude d'Anakin, et vit le jeune homme effectuer un mouvement qui allait s'avérer fatal. Il refusait de voir la réalité en face. Quelques tours plus tard, le wookie avait perdu la partie, et sa rage commençait à bouillonner.
— C'est le jeu, Chewie, déclara Anakin d'un air enjoué. On ne peut pas toujours gagner. Tu mises trop sur tes brutes et tes rampants, et t'oublies tes sauteurs. Avec de la concentration, je suis sûr qu-
C'en était trop pour le wookie. La défaite, c'était déjà beaucoup. Face à un débutant, c'était presque trop. Mais de se faire donner des leçons sur sa façon de jouer... Il se leva brusquement, en lançant un long grognement plein de rage au visage du jeune homme. Il commença à faire deux pas dans sa direction. Anakin n'avait pas réagit, trop déstabilisé par le changement d'humeur du wookie. Chewbacca le fixa pendant quelques secondes, et choisit de faire demi-tour et d'aller s'isoler pour évacuer sa frustration ailleurs. Han arriva précipitamment suite au rugissement de son ami, et il le croisa dans les couloirs du Faucon.
— Ca va, il l'a plutôt bien prit, dit Han à son fils en arrivant à sa hauteur.
— Bien prit ? C'est pas du tout excessif ça ?
— Non, si tu sav- (Un bruit sourd éclata, plus loin dans le vaisseau, suivi de plusieurs autres, accompagnés de grognements) Ah, là c'est excessif.
— Un peu mauvais joueur, le Chewie...
— Et encore, là ce n'est pas le pire. C'est parce qu'il t'apprécie qu'il n'a pas essayé de t'arracher un bras. Je t'avais prévenu.
— Je sais, mais je m'attendais pas à ça, répondit Anakin alors que les bruits venaient de s'interrompre. Ca va aller ?
— Oh ne t'en fait pas pour ça. Il n'a pas du abimer des pièces importantes. C'est qu'il n'a plus trop l'occasion d'y jouer, et quand il trouve enfin un joueur, c'est toi, et il perd. Ca lui passera très vite. Bon, on ferait mieux de se préparer.
*****
Le hangar était vide, si ce n'était la présence des personnes présente pour l'échange qui allait s'y dérouler. Sans vaisseau stationnés, il ressemblait plus à un grand entrepôt grisâtre abandonné, et trop éclairé. Ils arrivèrent tous les trois, les talons courts des bottes d'Immi résonnaient dans un écho manifeste, se propageant dans l'immense pièce, ponctuant la progression du groupe. Chewbacca fermait la marche, aux manettes d'un porte conteneur transportant la marchandise LandoMilitech. Ils s'arrêtèrent à une dizaine de mètres de l'autre groupe, qui les attendaient déjà malgré le fait qu'Han et les siens arrivaient en avance. Un détail notable pour le contrebandier sortit de sa retraite, mais qui décida de le garder pour lui.
L'autre groupe était constitué de deux Duros, simples portes-flingues dans des combinaisons blanches et grises faisant ressortir le vert pâle de leur peau. Un rodien à la peau verte, portant une tenue de pilote réglementaire, se tenait près de leur propre porte conteneur. Un twi'lek à l'apparence soignée portait un costume rouge bordeaux, une véritable faute de goût compte tenu de la teinte orangée de sa peau. Il se tenait à la même hauteur qu'un humain, vraisemblablement celui avec qui ils devaient faire affaire. Han décida de s'avancer, suivi de près par Immi Tekil. Jago Tresh accepta l'invitation tacite, et commença à s'approcher en compagnie du twi'lek. Ils s'arrêtèrent à deux bons mètres les uns des autres.[
— Bien le bonjour, monsieur Solo, déclara l'humain, provoquant une certaine surprise chez Han d'être reconnu. Je me nomme Jago Tresh, et voici mon illustre associé Talnar Bell, dit-il en désignant le twi'lek qui effectua une légère inclinaison du buste à l'évocation de son nom. Vous nous connaissez tous deux de réputation, je présume. Avez-vous la marchandise ?
Le dernier fils d'une famille d'aristos sur le déclin. Tels avaient été les mots d'Immi au moment de le présenter à Han. Il avait rarement vu une description aussi concise. Tout ce qui se dégageait de Jago Tresh allait dans ce sens. Un homme de taille moyenne, à la peau d'ébène. Des cheveux lissés et plaqués vers l'arrière, affublé d'une fine moustache. Cela pouvait manifestement être une marque d'élégance ou d'un certain raffinement. C'était certainement avec cette intention qu'il avait opté pour un tel choix. En lieu et place de prestance et prestige, cela rendait plus ridicule qu'autre chose. Comme si cela ne suffisait pas, il portait un costume dans le même style que son associé. A la différence que celui-ci était bleu, et portait pardessus un long manteau blanc qui tenait simplement sur ses épaules. Il aimait les habits coûteux autant qu'il aimait qu'on le remarque. Un faux air de Lando dans sa jeunesse, songea Han. Mais ce type n'arrivait pas à la cheville de son ami.
— Oui bien sûr, répondit simplement Han. Et vous ?
— Naturellement, fit-il sans tenir compte qu'Han ne se soit attardé sur sa réputation et celle de son associé. Je suis très heureux de pouvoir faire l'acquisition d'une telle marchandise, poursuivit-il tout en faisant un signe au rodien qui s'approcha à bord du porte conteneur. Je préférerais néanmoins m'assurer de la qualité de ladite marchandise, si vous n'y voyez pas d'inconvénients.
— Aucun problème, répondit Han qui fit signe à Chewbacca d'imita le pilote rodien. Vous êtes un connaisseur dans le métier ?
— Je vous demande pardon ?
— Je voulais savoir si vous vous intéressiez beaucoup à la sphère des contrebandiers.
Manifestement pas le genre de question d'usage auxquelles il était habitué...
— Eh bien je... Oui, je suppose que oui, bafouilla-t-il, avant de reprendre un ton plus maîtrisé. Etrange question que voilà...
— Peut-être... Ou peut-être ai-je raison de m'interroger en apprenant que vous connaissez mon nom. Ce alors que je me suis retiré du secteur depuis plus de cinq ans.
— Votre réputation vous précède, c'est tout naturel, fit-il d'un ton de flatterie peu sincère.
La tension commençait lentement à monter. C'était à peine perceptible, une légère crispation qui s'agrémentait sur chacune des personnes présentes. Anakin le sentait. Les porte-flingues de Jago Tresh se tendaient également. Le jeune Jedi se tenait prêt.
— Ca doit être ça, répondit Han en se retourna pour se rapprocher vers les conteneurs, et en faisant un signe presque imperceptible en direction de Chewbacca, qui devina immédiatement. Ou alors on a vendu la mèche !
En prononçant ces paroles, Han agrippa fermement Immi Tekil. Il passa son bras gauche en travers de sa gorge, tout en pointant son blaster sur la tempe de la twi'lek. Chewbacca s'empara de son arbalète laser, et Anakin dégaina son blaster également. Jago Tresh et ses hommes en firent de même. Tout le monde pointait son arme en direction du groupe adverse. L'action n'avait duré que quelques secondes, mais le groupe de Jago avait trainé à réagir. Ils ne savaient pas quelle décision prendre.
— Han, qu'est ce que tu fous ?! grommela difficilement la twi'lek.
— Monsieur Solo, auriez-vous perdu l'esprit ? Ce n'est pas une manière de faire des affaires, j-
— Oh arrête ton char toi ! coupa Han. Je sentais déjà le coup fourré. Mais un amateur comme toi m'a rendu la tâche encore plus facile, avec des signes aussi grotesques.
Immi prenait lentement conscience de ce qu'il venait de se produire.
— Qu'est-ce qui m'a trahie ? demanda-t-elle, se sentant vaincue.
— Tu étais bien trop conciliante, lui répondit Han. Même en voyant mon fils m'accompagner, Bafka n'aurait jamais fait affaire si rapidement avec moi. Elle avait la mémoire longue.
— C'est toujours le cas, contra-t-elle.
— Je sais. Je me doutais que ce n'était pas dû au temps qui s'était écoulé, et que tu avais la rancœur tenace.
— Je ne pensais pas avoir fait d'erreur.
— Question d'instinct, dit-il avec assurance. Je n'avais pas de preuves directes, juste un mauvais pressentiment. Et l'incompétent dont tu t'es entiché m'a vite prouvé que j'avais vu juste, ajouta-t-il d'un léger signe de tête en direction de Jago. S'il n'avait rien à voir avec ça, avec toi, il aurait fini par presser la détente à un moment ou un autre. Alors qu'on discute depuis tout à l'heure, il ne sait toujours pas s'il doit tirer ou refaire ses lacets. Il attend que quelqu'un l'y autorise. Et ce quelqu'un, c'est toi.
Han n'avait rien perdu de sa superbe... Comment avait-elle pu le sous-estimer à ce point ? Certes, il avait vieilli. Il avait l'air en forme, mais se trouver entiché d'un fils lui avait conféré une aura moins respectable dans le métier. Han n'était pas un sentimentaliste. Elle aurait du le confronter et le forcer à avouer la vérité, lorsqu'elle avait comprit qu'il lui cachait quelque chose lors de leur échange dans son bureau. Mais elle craignait que ce beau garçon ne soit un agent républicain infiltré. Pas question de tomber. Elle devait régler cette affaire avec du soutien. Le seul soutien sur lequel elle pouvait compter. Jago était suffisamment éprit d'elle pour qu'il ne comprenne qu'il s'agissait plus qu'un simple échange. Ce n'était pas nécessaire de trop lui en révéler. Maladroit qu'il était, il aurait commis une gaffe. Elle avait tout de même révélé le nom d'Han en le contactant... Mais que ce dernier fasse toutes ces déductions simplement à partir de ça ? Y comprit son lien avec Jago ?
— Bordel... Qu'est ce que tu comptes faire à présent ?
— On va faire simple, lança-t-il à l'attention de Jago et des autres. Vous allez nous apporter votre marchandise, et nous allons repartir avec. Si vous êtes gentils, on laissera sur notre hangar les conteneurs LandoMilitech. Et cette vieille charogne attachée dessus, ajouta Han en désignant Immi d'un geste. C'est bien compris ?
— Immi... lança doucement Jago en direction de la jeune femme.
— Jago, fait c'qu'il te dit ! lui intima-t-elle.
Le gangster hésitait. Il avait son associé à côté de lui, et il sentait les regards pleins de sous-entendus qu'il lui jetait. L'image qu'il se donnait, et qu'il se plaisait à véhiculer, comptait énormément pour lui. Il ne pouvait pas simplement afficher son obéissance, et faire montre d'une telle faiblesse.
— Je... je suis désolé Immi. J'ai une réputation à préserver, je...
— Fais pas n'importe quoi, Jago !
Han et Chewbacca comprirent qu'il était trop tard lorsqu'ils Jago tourna la tête en direction des siens. Le wookie descendit du porte conteneur pour pouvoir s'y abriter. Han se dégagea d'Immi pour imiter son ami. Anakin, plus éloigné, en fit de même. En puisant dans la Force, il se lança à une vitesse surhumaine. En quelques enjambées, il combla la distance qui le séparait de sa protection avant d'être prit pour cible. Au même moment, Jago et ses hommes firent feu et arrosèrent la zone. Les duros avaient des fusils blaster à répétition court. Ils manquaient de précision, mais permettaient une large projection des impacts. Le rodien n'avait qu'un blaster simple, mais ne semblait pas particulièrement à son aise arme à la main. Taan Kyja utilisait deux blasters légers, qui étaient plus sophistiqués que les modèles de série. Jago quant à lui en portait un semblable, à ceci près qu'il semblait plus imposant que ceux de son associé. Ils étaient tous restés sur place, sauf le pilote rodien qui s'était mis à couvert derrière le porte conteneur. Han, Chewbacca et Anakin étaient protégés des tirs d'où ils étaient, mais ce n'était pas le cas d'Immi Teskil. Elle fût touchée à deux reprises, sous le feu nourri de ses anciens alliés. Un premier impact lui troua la cuisse gauche, l'empêchant de se mouvoir efficacement. Elle ne put éviter le second tir qui lui cingla l'abdomen. Elle s'écroula lourdement à terre, son cri étouffé couvert par la déflagration des blasters. Han jeta un regard rapide dans sa direction, mais reporta rapidement son attention sur le combat à venir. Jago reprit la parole après avoir demandé que le feu cesse.
— Vous êtes encore en vie ?
Vous êtes encore en vie, mais il sort d'où ce clown ? songea Han. Il laissa passer un court instant. Puis se releva brusquement pour faire feu et se remettre à couvert l'instant d'après. Un des deux porte-flingues duros fut touché en plein cœur et projeté au sol.
— Ca répond à ta question ? lui lança-t-il depuis son abri.
— Solo, ça suffit ! intima Jago alors qu'il sortait une petite sphère métallique de sa poche intérieure. J'ai un petit cadeau à te lancer si cette envie te reprend. Je suppose que les détonateurs thermiques sont familiers, y comprit aux vieux fossiles de ton espèce. Alors on va simplement faire l'échange comme prévu, et repartir chacun de son côté.
Le jeune Jedi sentait que tout ceci était sérieux. Ces types ne plaisantaient pas. Il s'agissait de sa première confrontation en condition réelle. Mais il parvenait à en gérer tous les aspects. Sa perception était étendue à toutes les personnes présentes. Leurs ennemis, déterminés à en découdre. Son père et Chewbacca également, bien que davantage préoccupés à trouver une solution. Cette twi'lek, à l'agonie entre les deux camps. Sa focalisation grimpait au fur et à mesure.
— Papa, qu'est ce qu'on fait ? murmura Anakin. Le détonateur thermique ne ressemble pas à un coup de bluff.
— Il n'irait pas prendre le risque de se faire exploser aussi, pensa Han.
— Vu la densité de vos conteneurs, je pense qu'on est hors de danger d'ici, répondit Jago après avoir deviné le fil de la pensée du vieux contrebandier. Alors ?
Han prit un moment de réflexion. Il essaya d'imaginer les différents scénarios possibles, mais s'arrêta pour se focaliser sur une seule issue en particulier. D'avoir été appelé vieux fossile l'avait fait grincé des dents. Il avait néanmoins apprit à passer au dessus de ce genre de provocation. Mais les suffocations et la douleur d'Immi, agonisant toujours au sol, l'amenèrent à une autre décision.
— Merci de l'offre, mais on va tenter notre chance blaster à la main, si ça vous va !
— Papa ! s'inquiéta Anakin.
— Fiston, tiens-toi prêt, et fais moi confiance.
Anakin se doutait que son père attendait quelque chose de particulier de sa part. Quoi que ce puisse être, c'était forcément le fruit d'une tactique. Il avait établi une tactique ! Anakin savait qu'il pouvait lui faire confiance. Son père s'était montré à la hauteur de sa réputation. Il puisa lentement dans la Force, s'accumulant tout autour de lui, éveillant ses sens, près à se libérer d'une manière ou de l'autre.
— Vous l'aurez voulu... lâcha Jago d'un ton solennel. Voici votre dernière leçon : avoir cru pouvoir me tenir tête. A moi, Jago Tresh, plus grand gangster de la station, et ce en toute impunité !
— Arrête d'écouter le son de ta voix et balance, pauvre aristo sur le déclin.
Jago se crispa, sa moustache frémissant sous l'effet du manque de respect. Il réagit brusquement à la provocation en activant le détonateur thermique. Il le lança en direction du groupe massé derrière le conteneur. Il avait parfaitement mordu à l'hameçon.
— Maintenant, Anakin !
Le jeune Jedi comprit ce que son père attendait de lui. Il fit la seule chose pertinente dans pareille situation. Il se concentra un instant, et déploya un bouclier de Force immatériel, entourant le groupe, Immi, et même les conteneurs. Le détonateur arriva à hauteur du champ du bouclier, et rebondit simplement sur l'onde de Force que le jeune Jedi avait levée face au dispositif explosif. Le détonateur thermique retomba sur le sol, à quelques mètres devant les conteneurs. Jago sourcilla, incrédule, ne comprenant qu'à peine ce qui était en train de se passer. Il n'eut même pas le temps de prononcer une vulgarité posthume en guise d'étonnement. Le baradium contenu dans la grenade entra en fusion et enflamma l'air. Suivi d'une onde de choc d'une dizaine de mètre, réduisant les corps du groupe de feu Jago Tresh en cendres, complètements calcinés. Il ne restait rien de distinctif du corps de l'aristocrate, ni de ses alliés. Le bouclier de Force d'Anakin avait protégé le groupe de l'onde de choc et des flammes, si ce n'est que le jeune Jedi avait été quelque peu ébranlé au moment de la détonation. Il relâcha son attention et le bouclier. Tous se relevèrent ensuite, admirant le spectacle macabre qu'offrait la détonation d'un tel dispositif dans un espace clôt.
— Bien joué, fiston.
— Merci. Comment tu savais ce que j'allais faire ?
— J'en savais rien, répondit-il sincèrement. Je voulais juste que tu fasses un truc de Jedi pour qu'on ne soit pas touchés par l'explosion, révéla Han, alors qu'Anakin paraissait désabusé. Et mon plan a fonctionné ! fit-il en voyant la mine peu convaincu que le visage de son fils. Bon. Chewie, va inspecter leurs conteneurs. Ils sont normalement prévus pour supporter la chaleur. De toute façon, il y a très peu de chance pour que le glitteryll ne se disperse dans l'air en cas de choc, surtout s'il est raffiné.
— T'avais au moins réfléchit un minimum à ton plan, au final.
— Fiston, pour qui me prends-tu ? ironisa-t-il.
Ils s'interrompirent en entendant le souffle court d'Immi encore à terre. Han se précipita à sa suite, suivi par son fils. Il commença à palper le corps de la twi'lek, examinant et constatant l'étendue ses blessures.
— C'est moche, hein, lui lança-t-elle difficilement.
Han ne répondit pas. En vérité, il ne savait pas quoi choisir, entre la vérité ou le mensonge. Il se contenta de prendre la main presque inerte de la femme et de la mettre dans les siennes.
— Ca se voit, reprit-elle en toussant. A ta tête...
— Attendez, on peut essayer de vous soigner ! fit nerveusement Anakin en cherchant à se préoccuper de ses blessures.
Il ne maitrisait pas le pouvoir de guérison de Grogu. Le petit alien l'avait transmit à Alana parce qu'ils partageaient beaucoup de temps ensemble, et qu'il aimait beaucoup sa cousine. Lui-même n'était que peu intéressé par ce bambin facétieux, aussi puissant était-il. Face à ce genre de situation, il se maudissait de ne pouvoir faire plus. Le jeune Jedi commença tout de même à s'affairer près de la twi'lek, mais son père l'interrompit en tendant son bras devant lui. Han lui envoyant un regard dur et résigné, exprimant l'inéluctabilité du moment à venir. Anakin était perturbé par l'expression sur le visage de son père. Ce regard fit tomber un couperet dur à accepter. La perspective de voir quelqu'un mourir sous ses yeux, et les émotions qui y étaient associées.
— J'ai perdu la main, Han...
— T'aurais pas dû choisir un imbécile comme lui, commença doucement Han, avant de s'agacer. Qu'est ce qui t'a prit de t'mettre avec un vaurien pareil ?! Ca aurait fini comme ça tôt ou tard, même sans mon intervention, et tu le sais !
Elle avait de plus en plus de difficulté à respirer. On pouvait entendre le son rauque que ses poumons émettaient quand ils se vidaient et tentaient de se remplir, en vain.
— Faut croire qu... j'ai un faible... pour les vauriens...
C'est à l'instant où Han comprit que cette remarque lui était destinée qu'elle rendit son dernier souffle. Sa main tomba de celles d'Han. Il s'approcha pour lui fermer les yeux. Il se releva après un court moment, conservant le silence dans un moment de recueillement. Ce n'était pas nouveau pour Han. Mais cela l'était pour son fils. Anakin venait d'être témoin de la mort de cette femme. Il avait sentit son essence s'évader de son corps pour rejoindre la Force. Son dernier souffle étouffé par la douleur et la certitude du moment à venir. Ces éléments passèrent à travers le canal d'interprétation du jeune homme plus aisément que prévu. Certes, une telle chose était difficile.
Mais il était prêt. Préparé, depuis des années, à se trouver confronté à ce genre de choses. Être acteur de moments difficiles impliquait faire face à l'inéluctabilité de la mort. Et mieux valait que ce soit celle-ci que la sienne ou celle de ses proches. Il ne s'étonnait qu'à peine de son cheminement résolu de pensée. Qu'est-ce que son oncle aurait pensé de lui à cet instant ? Et Alana ? Il était sincèrement touché par la disparition de cette femme. Mais d'une manière presque naturelle, il ne laissait pas cela le définir ou le briser. Lorsqu'il y songerait de nouveau plus tard, il comprendrait que suivre la voie du guerrier était bel et bien fait pour lui.
— Viens, fiston. Allons retrouver Chewie, fit-il d'un ton égal.
Cela par contre, le toucha bien plus que prévu.
— Quoi ? s'indigna-t-il. On ne va pas la laisser là !
Han avait commencé à s'avancer en direction de Chewbacca, mais se retourna brusquement vers son fils. Il abordait un regard tranchant inhabituel.
— C'est exactement ce qu'on va faire ! On va laisser les conteneurs LandoMilitech, prendre notre marchandise, et nous en tenir au plan, lâcha-t-il fermement. Et Immi restera là où elle est.
L'attitude d'Han tranchait drastiquement avec la peine qu'il avait ressentie juste à l'instant. Anakin avait sentit à travers la Force la peine de son père. Ce basculement l'étonnait. Il avait du mal à comprendre comment il s'était opéré. Que lui parvienne à ne pas flancher, il en était presque satisfait dans une certaine mesure, même s'il regrettait la mort de tous ces gens. Mais son père, compte tenu du passif entre eux...
— Comment tu peux être insensible à ce point ?! cria Anakin, sa voix résonnant dans ce hangar désormais transformé en scène de crime. Tu la connaissais, t'as vécu des choses avec elle, et tu comptes la laisser dans cet état ?
— Fiston, répondit Han en tentant de contenir sa colère du mieux qu'il le pouvait. Je comprends ce que tu ressens. C'est la première fois que tu vois quelqu'un mourir. Mais si on veut pas qu'on remonte jusqu'à nous, personne ne doit savoir qu'on est passés par là. Laisser les choses telles quelles est la meilleure solution.
Han reprit sa route vers Chewbacca. Le wookie lui confirma que la cargaison était intacte. Ils allaient pouvoir poursuivre leur plan.
*****
A peine de retour au Faucon Millenium, ils décolèrent une fois la cargaison chargé et les provisions pour le trajet faites. Pendant tout ce temps, ils ne s'étaient quasiment plus adressé la parole, si ce n'était pour les préparatifs du départ. Une fois le Faucon parti, Anakin attendit un moment où son père allait se trouver seul pour pouvoir lui parler.
— T'as une minute ? lui demanda-t-il.
— Si c'est pour en remettre une couche fiston, tu peu-
— Je souhaitais m'excuser, l'interrompit-il, gagnant par la même occasion l'attention complète de son père. Pour ce que j'ai dit tout à l'heure. C'était sous le coup de l'émotion, j'ai pas réfléchis... J'ai été trop loin.
— Fiston...
Anakin avait compris par la suite. Il avait cru être capable de passer au dessus d'un tel événement. Il n'en demeurait pas moins que, même s'il était bien moins affecté que prévu, ses émotions l'avaient tout de même ébranlé.
— Je me suis trompé, avoua-t-il sans détour. En affirmant que tu manquais de compassion. Ca a dû être encore plus dur pour toi, de prendre la décision de la laisser comme ça après l'avoir vue mourir. Mais tu l'as fait pour notre bien à tous. J'ai compris à présent. J'en suis désolé pour toi.
Tout sauf ce à quoi s'attendait Han. Etant donné la manière dont il lui avait répondu tout à l'heure, il aurait été légitime que son fils continu à lui en vouloir. Peut-être était-ce même ce qu'il recherchait. La perte de Bafka l'avait affecté. Cette femme faisait partie du peu de personnes dans la galaxie à l'avoir vu tel qu'il était vraiment, à un moment compliqué de sa vie. Il se sentait responsable, et la véhémence de son fils à son encontre était presque confortable. Mais qu'Anakin présente ses excuses, et de cette manière... Cela le rendait tellement fier qu'il ne savait comment réagir. Mais dans tous les cas, il s'agissait de dissimuler cette émotion, du moins pour l'instant.
— Merci. Je... ça me touche ce que tu me dis, tu sais, avoua-t-il en marquant une pause avant de continuer. Ca demande du courage, d'admettre ses erreurs comme tu viens de le faire.
— Ce qui m'a aidé, c'est de me demander ce que ferait Alana si elle était là avec nous, et ce qu'elle me dirait...
— En tout cas, ça marche. Elle te manque, pas vrai ? demanda Han après avoir abandonné son sourire, lisant entre les lignes.
— Oui... Tu sais, j'ai passé toute ma vie avec elle à mes côtés. Il m'arrive de me reposer sur elle, parfois un peu trop...
Anakin se surprenait lui-même de formuler ces mots à voix haute. A cet instant, il ne pouvait déterminer par quel moteur cela était motivé. Mais le plus étonnant était que cela lui semblait naturel de partager cela avec son père... De laisser tomber les faux semblants et son assurance habituelle. Han s'en rendait bien compte. Et il fit ce qui s'imposait, dans la mesure de ce dont il était capable.
— Ne t'en fais pas. On s'occupe de ça, et on la retrouvera. Et je peux ajouter que tu t'en sors bien, même sans elle.
— Vraiment ?
— Oui. Tu m'as vraiment impressionné, sur cette station.
Les deux hommes se souriaient pendant quelques secondes. Ils étaient autant gênés l'un que l'autre. Mais pour rien au monde ils n'auraient souhaité être ailleurs à cet instant précis. Han mit fin à la conversation en adressant une tape sur le bras de son fils.
— Allez, retournons au cockpit, reprit-il. On a encore beaucoup à faire.
— Oui, tu as raison.
Le Faucon traçait sa route parmi les étoiles, et se dirigeait vers Jakku, où de plus grands dangers les y attendaient.
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